COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 20 mars 2024
Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,
La séance est ouverte à 15 heures 05.
Notre réunion de ce jour porte sur l'examen du rapport d'information de notre collègue Constance Le Grip visant à prévenir les ingérences étrangères en France, portant observations sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France.
Nous voici réunis pour débattre du sujet de la lutte contre les ingérences étrangères à la faveur de la discussion prochaine dans notre hémicycle d'une proposition de loi initiée par le Président de la commission des lois Sacha Houlié, le Président de la commission de la défense Thomas Gassilloud et moi-même.
Cette proposition de loi est le fruit direct des travaux de la délégation parlementaire au renseignement dans laquelle siègent Sacha Houlié et Thomas Gassilloud. Cette délégation avait consacré son rapport annuel de l'année 2022-2023 au sujet de la prévention de la lutte contre les ingérences étrangères, en formulant plusieurs préconisations, dont certaines de nature législative.
La dangerosité des ingérences étrangères est un sujet que nous ne saurions ignorer dans sa dimension européenne tant la nature du phénomène l'ampleur touche l'ensemble des démocraties des États membres de l'Union européenne. Ce sujet concerne évidemment notre pays au premier chef, mais tous les pays de l'Union européenne sont concernés. La dimension européenne de ce phénomène rend son examen par la commission des Affaires européennes nécessaire.
À votre initiative Monsieur le Président, la commission des Affaires européennes s'était déjà penchée sur le sujet avec des chercheurs, des journalistes, des enseignants, dans le cadre d'une table ronde. Ce rapport d'information portant observations, se veut la mise en perspective européenne de la proposition de loi Houlié-Gassilloud et autres cosignataires.
Notre Parlement s'est déjà penché à plusieurs reprises sur le sujet des ingérences étrangères, notamment dans le cadre de la commission d'enquête sur les ingérences étrangères dans laquelle j'ai été rapporteure et dans le cadre du rapport de la délégation parlementaire au renseignement publié en novembre 2023. Ce rapport soulignait l'ampleur de ce phénomène, qui touche tous les intérêts fondamentaux de notre nation et ceux des démocraties européennes.
Les ingérences étrangères se définissent comme des immixtions d'un État étranger dans les affaires intérieures d'une autre nation, avec des pratiques, attitudes, vecteurs, qui se caractérisent par leurs aspects malveillants, insidieux, parfois dissimulés et qui portent atteinte au fonctionnement normal de la société visée, à sa vie démocratique et informationnelle et qui de ce fait cherche à fragiliser, déstabiliser, vulnérabiliser de l'intérieur une nation.
Les ingérences étrangères ont de nombreux vecteurs comme, pour rappeler quelques opérations récentes, des campagnes de cyberattaques, l'espionnage industriel, ou encore la manipulation de l'information venant influer sur le débat public. S'agissant de ces types d'ingérences, des campagnes récentes massives se sont déroulées dans notre pays, notamment la campagne de désinformation Doppelgänger officiellement attribué par l'État français à la Russie. Cette opération a utilisé des mécanismes de fabrication de sites miroirs et a ciblé de nombreux médias français comme Le Monde, 20 Minutes, mais aussi des médias allemands comme Frankfurter Allgemeine Zeitung. Plus récemment également, l'opération russe Matriochka qui a consisté à saturer l'activité de fact-checking des médias traditionnels ou encore l'opération Portal kombat en février 2024, documentée par l'agence Viginum.
Ces campagnes sont bien évidemment appréhendées entre les gouvernements européens. En effet, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a récemment réuni à Paris son homologue allemande et son homologue polonais pour mettre en œuvre une riposte commune contre les campagnes de désinformation.
Cette proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères comprend 4 articles. Le premier article instaure un dispositif législatif rendant obligatoire l'enregistrement des acteurs influent sur la vie publique française pour le compte d'une puissance étrangère. Le deuxième article prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport faisant l'état précis de la menace en matière d'ingérence étrangère. Ce rapport peut être suivi d'un débat dans les deux chambres du Parlement.
Le troisième article permet d'élargir à la lutte contre les ingérences étrangères, le recours à la technique de l'algorithme, jusqu'à maintenant réservée par les lois Renseignement de 2015 et de 2021 à la lutte contre le terrorisme et à la prévention des actes de terrorisme.
Le quatrième et dernier article de cette proposition de loi modifie le code monétaire et financier pour élargir aux influences étrangères le périmètre de la procédure de gels des avoirs, aujourd'hui encore limitée à l'objet de la lutte contre le terrorisme.
L'article le plus innovant de cette proposition de loi est l'article premier. Il institue un dispositif de type FARA, ou Foreign Agence Registration Act, similaire à la législation américaine instituée en 1938. Cette législation instaure une obligation de transparence et de déclaration pour les représentants d'intérêts qui ont des mandants étrangers.
Cette législation a d'ailleurs récemment inspiré d'autres pays, notamment l'Australie en 2018 et encore le Royaume-Uni à travers le National Security Act.
Cette déclinaison française du Foreign Agence Registration Act serait administrée par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Cet article s'inscrit dans un besoin de transparence pour mettre la lumière sur les intérêts étrangers en France.
Le mécanisme proposé par la proposition de loi est similaire à certaines initiatives législatives récentes proposées par l'Union européenne, à la suite de nombreux scandales au sein des institutions européennes, notamment le Qatargate, le Russiagate, ou encore des scandales de députés travaillant pour les services secrets russes.
Ces scandales ont progressivement amené la Commission européenne à prendre des initiatives en la matière. La plus récente est une proposition de directive déposée en décembre 2023 visant à établir des exigences harmonisées au sein du marché intérieur en matière de transparence de la représentation d'intérêts exercés pour le compte de pays tiers. L'objet de cette directive est similaire à la proposition de loi examinée.
Cette initiative législative de la Commission européenne découle d'un paquet européen global faisant suite à des engagements pris par la Présidente de la Commission Ursula von der Leyen en 2019. Cette initiative s'insère dans un travail commencé il y a plusieurs années au niveau européen afin de renforcer notre lutte contre ce fléau commun qui frappe les États européens avec une intensité variable. Je pense aux cyberattaques ayant pris pour cible les pays baltes ou la Pologne. Pour lutter contre cela, il existe une agence européenne chargée de la coordination de la cyber sécurité au sein de l'Union européenne, l'ENISA, qui coordonne par ailleurs les activités de l'ANSSI.
Il y a eu également des initiatives non-législatives, notamment de la part du Service européen pour l'action extérieure. Celui-ci a très tôt pris la mesure de la dangerosité des ingérences étrangères en instaurant un système d'alerte rapide qui constitue un maillon d'échange et d'information dans la lutte contre la désinformation entre les différents États membres et les institutions européennes. Son objectif est de repérer et d'analyser les menaces en matière de désinformation afin d'apporter une riposte commune.
Le SEAE a aussi mis en place une Task force nommée StratCom, qui fait de la stratégie en matière de communication et lutte contre la désinformation. StratCom apporte une riposte à la désinformation et est surtout orienté sur l'Europe centrale et orientale. C'est un embryon européen de contre-ingérence.
Enfin, pour conclure cette description du panorama européen d'instruments en matière de lutte contre les ingérences, je souhaite évoquer les deux règlements européens que sont le Digital Services Act et le Digital Markets Act, tous deux pleinement en vigueur depuis février 2024. Le DSA présente un intérêt pour notre sujet, celui-ci ayant pour objectif de lutter contre les contenus illégaux divers en ligne et notamment les contenus propageant de la désinformation. Pour cela, il impose des obligations aux différents intermédiaires en ligne, comme les réseaux sociaux. En matière de détection et de retrait de contenus en ligne manifestement faux et mensongers, le DSA commence à produire des effets contre les vecteurs de désinformation sur les réseaux sociaux.
La proposition de directive sur la transparence de la représentation d'intérêts effectuée pour le compte de pays tiers de la Commission européenne fait écho à la proposition de loi visant à lutter contre les ingérences étrangères, examinée par la Commission des lois le 13 mars 2024 et débattue en séance publique le 26 mars 2024. Les discussions sur cette proposition de directive publiée le 12 décembre 2023 ont débuté en COREPER. La proposition, bienvenue, est un outil intéressant. Cependant, en l'état, nous considérons qu'il présente des inconvénients majeurs au regard de l'intérêt que nous portons à la proposition de loi de Sacha Houlié.
La clause d'harmonisation maximale introduite par la proposition de directive manque d'ambition. Si adoptée, un État membre ne pourrait pas aller au-delà en introduisant des préconisations et une protection supérieures sur les thèmes concernés par l'application de la directive. Par exemple, les sanctions prévues par la directive en cas de non-accomplissement de l'obligation de transparence déclarative sont de nature administrative, alors que la proposition de loi portée par Sacha Houlié, Thomas Gassilloud et moi-même introduit des sanctions de nature pénale en cas de manquement de déclaration auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) par des représentants d'intérêt qui auraient des mandants étrangers.
La proposition de directive et la proposition de loi prévoient également des exemptions, pour les diplomates par exemple. Cependant, nous considérons trop large le périmètre des exemptions prévu par la proposition de directive, notamment sur les activités de conseil juridique ou de conseil professionnel.
Le rapport d'information portant observation s'inscrit dans un contexte doublement intéressant. Géopolitique d'une part, puisque le ciblage des démocraties et de leur fonctionnement s'intensifie et les élections européennes offrent une fenêtre de vulnérabilité évidente. Temporelle d'autre part, en raison de l'amorce du débat européen et du processus parlementaire sur la directive européenne, qui porte la même intentionnalité que la proposition de loi que nous examinons.
Je voudrais vous remercier pour votre travail et vous féliciter pour sa qualité. Les très récentes cyber attaques contre les services de l'État démontrent à quelles menaces la France et l'Union européenne se trouvent confrontées, ébranlant leur stabilité et leur intégrité démocratique dans une guerre d'influence menée par des acteurs étatiques ou non. Les ingérences étrangères, comme vous l'avez indiqué, constituent une menace croissante pour notre démocratie. se manifestant à travers divers moyens, comme la manipulation de l'information, la cyber attaque et l'entrisme politique. À cet égard, la Russie et la Chine sont identifiées comme les utilisateurs principaux de ces méthodes, avec des campagnes de désinformation ciblées et des tentatives de captation de certaines élites politiques.
L'une des réponses apportées par les autorités françaises a été la création d'un nouveau service à compétence nationale, rattaché au SGDSN, le Service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, ou VIGINUM. Cette initiative revêt une importance capitale à la veille des élections européennes de juin 2024, et ces élections sont d'une importance cruciale dans le contexte géopolitique actuel.
Ce texte est donc essentiel pour contrer les menaces grandissantes posées par ces ingérences étrangères et faire barrière à certains groupes politiques qui ont tendance à profiter de la situation pour discréditer nos efforts. Au niveau européen, il est indispensable de maintenir un juste équilibre entre ouverture diplomatique et souveraineté européenne. Cependant, pour veiller à la protection de leurs intérêts stratégiques et de sécurité, les États membres de l'union européenne doivent faire face à des multiples défis, tels que les différentes actions étrangères, positives ou négatives. Qui dit action étrangère fait forcément référence aux investissements directs étrangers et aux ingérences étrangères.
Le règlement UE-2019-452 du 11 octobre 2020, bien que juridiquement non contraignant, se donne pour objectif de filtrer les investissements directs étrangers au sein de l'union européenne dans les secteurs considérés comme stratégiques.
Le retour de la guerre sur notre continent a permis de prendre conscience des autres menaces qui planent sur nous dont, entre autres, les ingérences étrangères au sein de nos États. En matière d'ingérence, certains États peuvent se montrer plus vulnérables que d'autres, notamment, paradoxalement, les États les plus libéraux. Pour y remédier, il s'agit de renforcer le cadre législatif en la matière. Quelles sont, selon vous, les principales priorités à considérer dans l'élaboration d'une législation européenne visant à contrer les ingérences étrangères tout en préservant les valeurs démocratiques et la souveraineté nationale ?
Votre rapport couvre un spectre très large des données actuelles sur les ingérences étrangères dans l'Union européenne en général et en France en particulier. La réponse à y donner, détaillée par ailleurs dans la PPL de monsieur Sacha Houlié, est indispensable et urgente, même si des démarches nationales et européennes ont été initiées il y a déjà plusieurs années.
Mais comme vous l'écrivez, il est clair que le niveau de perception, de compréhension et surtout de riposte est toujours très insuffisant, et de très multiples affaires ont révélé les failles de notre système. En particulier, comme chacun le sait, l'agence ENISA est totalement sous-dimensionnée pour cette tâche.
Vous rappelez les dispositifs nationaux et européens contre les ingérences étrangères. Il faut noter que, comme souvent, ils ont été construits au fil de l'eau, en réaction directe à de nouvelles ingérences non identifiées auparavant, d'où une certaine incohérence et une faiblesse globale. Votre texte aurait aujourd'hui une vision plus holistique via la PPL Houlié en particulier.
Mais votre rapport présente une faille notable : le focus très actuel sur la situation en Ukraine. La Russie est citée, à raison, onze fois, la Chine trois fois, le Qatar trois fois le Maroc jamais. C'est oublier un peu vite l'impact des États-Unis en la matière. Ils sont certes cités trois fois, mais comme source d'inspiration du dispositif législatif de riposte. Il faut dire qu'ils sont orfèvres en la matière. Ce sont quand même eux qui, des années durant, ont espionné le monde entier et interféré dans la politique française et européenne. C'est bien sûr ce qui a été révélé par Julian Assange, Wikileaks et Edward Snowden avec une cohorte de révélations, dont le programme PRISM qui a permis aux Américains d'obtenir des informations très utiles lors des discussions menées par François Hollande sur le TAFTA.
Votre rapport sur cette proposition de loi manque sa cible et, par sa partialité, dessert le but recherché. La dénonciation justifiée des uns ne dispense pas de dénoncer les agissements des autres, surtout lorsqu'ils se présentent comme nos alliés. Si vous parlez d'une nouvelle guerre, le danger réside également selon nous dans un aveuglement partiel. Nous restons donc très circonspects sur votre rapport.
Je regrette que le rapport nous soit parvenu hier à 22 heures mais il a malgré tout le mérite d'expliciter certains soubassements de la proposition de loi que vous présentez avec Monsieur Houlié.
Évidemment, lutter contre l'ingérence de tel ou tel État est une condition de l'indépendance et de la souveraineté, mais en matière d'ingérence, il faut encore déterminer pourquoi, contre qui, et comment on se protège.
Bien sûr, les actes hostiles commandités par la Russie sont à l'heure où nous parlons les plus nombreux, les plus visibles et les plus préjudiciables. Les actes analogues venant de Chine sont également connus et tout doit être fait pour s'en protéger efficacement. À cet égard, malgré les progrès effectués notamment sous l'égide de l'ANSI, on est très loin du compte.
Le problème est qu'à se focaliser comme le fait votre rapport sur les « méchants » du moment, on oublie que la menace est tous azimuts et ne vient pas seulement des régimes autoritaires. La doctrine pour y répondre doit donc être également tous azimuts. Je suis frappé que votre rapport ne mentionne pas certaines pratiques des États-Unis. Ils ont espionné plusieurs présidents de la république et Premiers ministres. Avec la complicité d'un membre de l'Union européenne, le Danemark, ils ont utilisé plusieurs procédés agressifs pour mettre la main sur nos industries stratégiques, notamment Alstom, et on se souvient du rôle joué par le Secrétaire général adjoint de l'Élysée de l'époque, Emmanuel Macron, mais on pourrait également pointer la faiblesse, voire l'absence d'ingérences avérées de partenaires comme le Qatar ou l'Inde.
Cette grille de lecture biaise la réponse à des questions essentielles. Qu'est-ce qu'un agent d'influence étranger ? Qui devra être inscrit sur le registre que votre proposition de loi propose de mettre en place ? Qu'en est-il des cadres travaillant dans certaines entreprises étrangères dont on sait qu'ils travaillent main dans la main avec des États ? Qu'en est-il des GAFAM ? Faute de précision, on peut craindre l'arbitraire, et on peut être d'autant plus inquiet que proposition de loi, qui n'est justement pas un projet de loi qui aurait dû être soumis préalablement à l'examen du Conseil d'État, entend étendre le recours à des techniques de surveillance algorithmique.
Or, la collecte massive de données de connexion recèle, comme le notait le Conseil d'État en 2021, des menaces pour la vie privée. Ce sont des techniques typiques des régimes autoritaires que vous dénoncez par ailleurs. Par ailleurs, ces procédés sont inefficaces. Comme le rappellent beaucoup d'acteurs du renseignement, la confiance aveugle dans les outils technologiques est un leurre et le renseignement humain reste indispensable.
Bref, cet inventaire sélectif de menaces nous inquiète, et nous ne souhaitons pas que, faute de précision et de garanties, la lutte légitime contre les ingérences étrangères puisse servir de prétexte au fichage des mal pensants, voire des oppositions politiques.
Le rapport nous est parvenu un peu tard, mais ce n'est pas la première ni la dernière fois que cela se produit : on sait que les délais sont parfois contraints.
Ayant été membre de la commission d'enquête qui avait été mise en place via le droit de tirage du groupe Rassemblement national, et ayant été vice-président de cette commission d'enquête dont vous étiez la rapporteure, je dois dire que cette proposition de loi est excessivement importante. Elle traite d'un sujet majeur, comme nous l'avons vu lors d'élections passées, que ce soit aux États-Unis ou en Europe avec le Brexit, en ce qui concerne la question des ingérences étrangère. Avec le fait que l'entrisme politique touche encore aujourd'hui différents partis – nous avons cité des pays comme les États-Unis, puisque certains ont une dent contre ce pays, mais aussi la Russie ou la Chine. Je pourrais me permettre de rajouter l'Azerbaïdjan puisque certains ministres aujourd'hui au Gouvernement ont peut-être quelques liens avec ce pays qui les empêchent de prendre des décisions extrêmement fortes. Je pense notamment à la question de l'Arménie et du Haut-Karabagh, qui malheureusement n'existe plus aujourd'hui sous la forme que nous connaissions auparavant.
Notre pays est également la cible de cyberattaques et d'une multiplication des actions d'influence à l'encontre des intérêts français, aussi bien en France qu'à l'étranger. Il est donc nécessaire de lutter contre tout cela et contre ceux qui pourraient être tentés de faire partie de cette stratégie d'influence, ici en France.
Permettez-moi de souligner que si l'enjeu des ingérences étrangères intéressait réellement le Président de la République, pourquoi, depuis dix ans, n'a-t-il eu de cesse de décourager ou de défaire l'appareil industriel français au profit d'acteurs étrangers ? Je pense à Alstom, dont la branche énergie a été vendue en 2014, rachetée par General Electrics avec l'autorisation du ministre de l'Économie d'alors, Monsieur Macron, lequel, converti au moment du Covid au retour de la souveraineté, a annoncé le rachat par EDF des turbines Arabelle, essentielles à la relance de la construction des centrales nucléaires en France. Venant de Calais, on a bien sûr le sujet important de la vente d'Alcatel à Nokia, en 2015, toujours autorisée par le ministre de l'Économie de l'époque, Emmanuel Macron. Il y a aussi la question d'Atos, cédée à un milliardaire étranger, qui est un vrai sujet.
Je pense donc que si l'on veut prévenir les ingérences étrangères, on doit d'abord, et avant tout, protéger les actifs stratégiques de notre pays, chose qui n'est pas faite.
On comprend bien qu'il y a aussi un enjeu politique avant les élections européennes, pour un parti qui se dit absolument pro européen, c'est un nouvel outil, cette fois-ci à destination du Rassemblement national, dont on connaît le lien avec certains pays, en particulier la Russie.
Nous serons favorables à ce texte qui est un petit texte et que nous proposerons d'amender en séance.
Le sujet des ingérences étrangères me tient particulièrement à cœur. Après avoir été, comme mon collègue, vice-président de la commission d'enquête sur ce sujet mené par notre collègue Constance le Grip, au sein de laquelle nous avons notamment vu les liens entre Poutine et l'extrême droite française, je vais donc lancer la semaine prochaine une mission flash sur les ingérences dans les médias, car sur cette question, le danger est systémique.
Pour répondre au risque vital que constituent les ingérences pour notre économie, notre modèle de société, notre démocratie, les leviers ne sont pas que législatifs, mais aussi citoyens et volontaires. Une réponse efficace passe en effet par la population. C'est la base du modèle taïwanais de décentralisation totale de la réponse aux ingérences, qui viennent principalement, pour ce pays, de la République populaire de Chine. Je tiens à souligner que les dispositions des articles, premier et deux contribuent à cet éveil, en renforçant la transparence dans ce domaine. L'article premier assure une plus grande transparence sur les contrats des représentants d'intérêts passés avec des mandants étrangers. Je note que certains interviennent dans nos médias sans que leurs conflits d'intérêts ne soient abordés, ni même connus. L'article deux, avec la remise d'un rapport par le gouvernement au parlement, est également très important et permettra de souligner à intervalles réguliers, l'impact des ingérences. J'espère que les débats qui suivront les remises de ce rapport bénéficieront de davantage de médiatisation que nos travaux de contrôle. En séance, le groupe démocrate souhaitera élargir le champ de cette vigilance aux établissements d'enseignement supérieur.
Nous sommes tous d'accord sur le fait que, depuis plusieurs années, des cyberattaques et des manipulations via les réseaux sociaux visent à formater et même à faire l'opinion. Il s'agit de propagande. J'utilise ce terme à dessein parce qu'il vient du latin propagarer qui signifie tout simplement « ce qui doit être propagé° ». J'ajoute que les modalités de la diversion sont aussi infinies que l'imagination. Il faut s'attacher à répondre à sa menace en utilisant différents outils et les calibrer aux menaces existantes. Les réponses sont nombreuses. J'insisterai seulement sur deux d'entre elles.
La cybersécurité d'abord : les régimes politiques démocratiques sont désormais confrontés au phénomène de guerre hybride, une menace fondée sur la combinaison de plusieurs moyens militaires et non militaires, notamment les cyberattaques, et ce phénomène qui se développe aujourd'hui autour d'une frontière perméable entre l'ingérence civile et l'attaque militaire. Notre collègue a insisté sur les initiatives prises au niveau européen, regrettant la faiblesse des moyens de l'agence et la difficile harmonisation de la législation européenne à venir.
La faiblesse des États membres tient également à la fragmentation des stratégies et des moyens en la matière. Comme on a vu lors de la crise de la COVID-19, ou lors de l'invasion russe, ou encore à propos des bouleversements liés au climat. Le débat sur la décision à prendre s'appuie au moins en principe sur les paroles des experts. Or, les chaînes d'information, en ligne ou non, sont gourmandes de commentaires présentés comme venant de spécialistes et d'experts, et l'expertise publique mérite notre attention, car trop souvent, l'expert ne dit pas ce qu'il sait, mais ce qu'il préfère. Si les avis et conseils de scientifiques et experts sont indispensables, il faut faire en sorte que l'expertise soit indépendante, collégiale et transparente, et assumer qu'elle soit contradictoire. Ces rappels me semblent importants, entre autres pour le débat que nous aurons en séance. L'avertissement imposé aux plateformes pourrait donc constituer un élément utile à ce titre.
Le rapport, à l'instar de la proposition de loi, présente la dangerosité des ingérences extérieures contre les États européens, par la mise en place de dispositifs exceptionnels pour éviter que ne soient menacés les intérêts fondamentaux d'une nation.
Après 22h33, j'ai tout de même jeté un coup d'œil au rapport, j'ai été assez surpris de voir qu'étaient pris comme exemple les États-Unis avec le dispositif FARA qui date de 1938, et qui oblige à divulguer affiliations, activités, y compris aspects financiers. L'administration américaine, effectivement, contrôle chaque entreprise qui participe à un marché financier aux États-Unis, allant jusqu'à enquêter sur celles qui ont établi une simple communication téléphonique, ou envoyé un courriel utilisant des tuyaux traversant le sol américain. Il faut savoir, et vous ne le dites pas, que les États-Unis se sont dotés pour cela d'un chapelet d'outils juridiques, qui depuis le Trade Act de 1974, leur donne la capacité d'exercer une pression sur les entreprises ou les pays étrangers, de sanctionner des gouvernements, et de perturber leur économie. De plus, ces contrôles sont facilités depuis 2001 par le Patriot Act, qui permet aux États-Unis d'accéder aux différentes données informatiques, par exemple celles des banques et entreprises. Cela a été suivi par le Cloud Act en 2018, qui permet la saisie des emails, ou tout autre document et communication électronique localisés dans les centres de données d'entreprises américaines situées à l'étranger. Ainsi, le résultat de cette politique est l'extraterritorialité du droit américain, qui permet aux États-Unis d'avoir accès aux secrets de fabrication des entreprises françaises et européennes. Il leur est possible de mener de l'espionnage industriel, sans même devoir se cacher. Et on prend comme exemple ce que font les États-Unis.
Pis encore, la loi Dodd-Frank de 2010 confère au gendarme américain de la bourse le pouvoir de réprimer les infractions, même lorsque la transaction financière a été conclue en dehors des États-Unis, et n'implique que des acteurs étrangers, et cela se fait avec des prétextes divers, qui peuvent être notamment le terrorisme. Il est ainsi décidé de façon totalement artificielle quels sont les pays terroristes ou non. C'est le cas notamment de Cuba, qui serait un pays terroriste. Les banques sont dès lors soumises à des pénalités absolument incroyables. En définitive, soyons très attentifs à une chose : une dérive qui ferait qu'un État comme les États-Unis, dont on ne parle jamais, imposerait son droit à l'ensemble de la planète par l'extraterritorialité.
D'ailleurs, il y a eu des réflexions. En 2016, à l'Assemblée nationale sur la loi de blocage qui n'est jamais appliquée au niveau de l'Union européenne, bien évidemment. Une fois encore, c'est « le deux poids deux mesures », nous estimons que certains portent une lourde responsabilité, mais on oublie que d'autres mettent sous leur coupe la planète toute entière.
Il y a deux catégories d'opposants aux moyens de prévention des ingérences étrangères que nous tentons de mettre en place. D'un côté il y a les idéalistes qui pensent que nous vivons dans un monde où chacun est toujours bien intentionné. De l'autre, il y a ceux qui connaissent bien les ficelles de l'état de droit, et qui les utilisent pour nous critiquer. Critiques certes libres, mais quand se cache derrière une influence étrangère qui a pour objectif de nous déstabiliser, ils deviennent des adversaires qu'il nous faut combattre. Cette proposition de loi vise à nous donner les moyens de lutter contre ces derniers et à nous protéger de leurs attaques détournées, sans pour autant renier les grands principes démocratiques comme la liberté de circulation et d'expression.
Ce texte est une première étape importante, mais il faut cesser d'être naïf : non il n'y a pas que des amis autour de nous, et nos ennemis ne se présentent plus directement comme tels. Le groupe Horizons et apparentés s'interroge notamment sur la meilleure manière de gérer les médias, du type Russia Today, qui a essayé de nous vendre le vaccin Spuntik, ou la vitrine progressiste d' AJ + financée par le Qatar, et sous l'influence des Frères musulmans. Nous savons qu'il y a des objectifs de déstabilisation derrière. Il s'agit toujours, pour nous, de trouver un équilibre, entre la préservation de la liberté de la presse, qui nous différencie des pays autocratiques, et la lutte contre les puissances déployant un arsenal anti-occidental primaire. C'est dans cette optique que le groupe Horizons soutient cette proposition de loi, et tentera de la rendre encore plus efficace.
Pour revenir à votre rapport, vous évoquez brièvement les risques d'ingérence, en vue des élections européennes du 9 juin prochain. Au vu du bilan que vous dressez des différentes tentatives d'influence par le passé, comment évaluez-vous ces risques, et pensez-vous que l'Union européenne et les États membres disposent des outils nécessaires pour garantir la sincérité du scrutin à venir ?
Votre rapport sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France met en évidence le défi permanent que représente l'adaptation du droit aux avancées technologiques. Oui, les ingérences étrangères sont un véritable fléau, et une menace plus que sérieuse pour notre démocratie, et nous ne pourrons y répondre seuls. Vous indiquez dans la conclusion de votre rapport, en parlant de nos services de renseignement, qu'ils doivent mieux se coordonner. Pourriez-vous nous en dire un petit peu plus ?
Je pense à quelque chose que je vis sur mon territoire, avec ce que l'on appelle des « infiltrations » sur les centres de gestion, centres bancaires et même centres de comptabilité. Concernant les cyber-menaces, j'ai l'impression que le Centre de coordination des crises cyber, le C4, qui permet aux différents services de l'État ayant une mission de cyber-défense, d'échanger et de se coordonner sur les principales menaces cyber affectant le territoire national est plutôt performant. Avez-vous des éléments qui nous laisseraient penser que des acteurs de la cyber défense doivent mieux se coordonner ?
Il y a eu des mises en cause de certains partis politiques. Il me semblait, sans avoir été membre de la commission, que le patron de la DGSE lui-même avait fait apparaître sous serment qu'aucun mouvement politique de notre pays n'était en relation spécifique avec un pays étranger, en particulier pas avec la Russie.
Vos prises de parole attestent de la prise de conscience, et de la sensibilisation renforcée, au sein de notre institution parlementaire, de la réalité du phénomène que nous vivons.
Je vais d'abord répondre à Madame Lysiane Métayer. C'est écrit noir sur blanc dans le rapport d'information, et également dans les travaux précédents écrits collectivement. Tous nos services de renseignement le disent clairement : ce sont la Russie et la Chine qui sont identifiées comme étant les principales menaces à l'heure actuelle en ce qui concerne les ingérences étrangères. Vous avez également souligné le rôle de VIGINUM, agence nouvellement créée, chargée de lutter contre les ingérences numériques étrangères, rattachée au Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), qui joue un rôle important, et particulièrement quand on approche d'une période de campagne électorale. Il faut féliciter les agents de VIGINUM, même si la question du renforcement de leurs moyens se pose.
Vous avez également abordé le sujet de nos dispositifs de nature économique, et notamment le dispositif européen en matière de filtrage des investissements directs étrangers. Vous avez parfaitement raison d'insister sur la dimension économique que la prévention et la lutte contre les ingérences étrangères doivent également prendre en compte. En la matière, l'Union européenne a été assez attentiste, voire négligente, et la prise de conscience des ingérences dans notre tissu économique européen est assez récente. Les instruments de défense commerciale (IDC) ont longtemps été un vaste combat, mais ils existent désormais au plan européen. Ils doivent être renforcés, encouragés, et il faut surtout déployer ces fameux IDC puisqu'il y a eu trop longtemps un peu de déni ou de la naïveté en matière de relations économiques entre l'Union européenne et les pays tiers, y compris vis-à-vis de nos partenaires économiques. Le sujet du filtrage des investissements directs étrangers a abouti mais après des années de combat. Nous avons encore beaucoup à faire pour renforcer cela. C'est également une réflexion qui est menée à l'échelle internationale, puisqu'à travers les groupes de travail de l'OCDE, une réflexion très intéressante est menée. De plus l'OCDE a récemment écrit un rapport sur les sujets de désinformation et de manipulation des informations. Enfin, l'OCDE travaille sur ce sujet de gouvernance en matière de lutte contre les ingérences, y compris dans le domaine économique, vous avez donc bien fait de les évoquer.
Je vais répondre à Madame Mélin, qui formule des appréciations moins enthousiastes, mais j'observe que vous estimez que certaines agences et certains dispositifs européens mériteraient d'être renforcés, ce qui est un acte de foi tout à fait bienvenu en la pertinence de l'échelon européen. Beaucoup de travaux ont été menés au niveau législatif afin de renforcer la coordination, la coopération et la réponse européenne commune face aux cyberattaques. Je suis d'avis qu'il faut continuer, mais en même temps être attentif à ce que la capacité souveraine de nos agences nationales ne soit pas trop bridée. À ce sujet, l'ANSSI a des choses très intéressantes à dire.
Il semblerait que dans le rapport je parle trop de la Russie, mais il me semble que j'ai également évoqué d'autres pays : la République Populaire de Chine, l'Iran, l'Azerbaïdjan, la Turquie, entre autres. Ces puissances, selon des intensités variables et selon des momentums différents, démontrent la volonté de nous déstabiliser, de nous agresser ou de nous inonder de fausses nouvelles. Vous avez également évoqué Julian Assange et Edward Snowden, permettez-moi d'être extrêmement réservée quant à ces deux personnes. Je ne veux pas aller plus loin, mais je ne pense pas qu'il faille accorder trop de crédits à tous ces « leaks -là ».
Vous avez également indiqué que je ne mentionnais pas assez les États-Unis, notamment l'application du principe d'extraterritorialité du droit américain. Il faut reconnaître que ce sujet est abordé dans d'autres rapports. De plus, je me suis focalisée sur les quatre articles de la proposition de loi de Sacha Houilé et de Thomas Gassilloud qui ne concernent pas ce sujet. Nous sommes dans le cadre de cette proposition de loi sur l'élargissement de l'algorithme et le registre d'intérêt par lequel tous les mandants étrangers devront se signaler, des États-Unis à la Norvège. Ainsi, le sujet de l'extraterritorialité du droit américain et plus généralement de la pratique de « Law Fair » pratiquée par une multitude d'acteurs étatiques est déjà traité par d'autres rapports d'information. C'est un sujet passionnant sur lequel les juristes débattent beaucoup.
Sur la question des enjeux industriels, j'essaye de ne pas refaire ce qui a déjà été fait précédemment au vu de la durée impartie. Ainsi, la Commission d'enquête présidée par le Président Marleix, sur les décisions en matière de politiques industrielles en 2018 a déjà largement traité et analysé les tenants et aboutissants de la stratégie industrielle. Ce n'est donc pas à la faveur de la Commission des Affaires européennes que j'allais refaire ce travail.
Monsieur Le Gall évoque la question de l'algorithme. Ce débat a déjà eu lieu en Commission des Lois et votre groupe s'est exprimé à ce sujet. Des réponses précises ont été apportées par le président rapporteur. Je peux tout de même apporter quelques précisions. La loi dite RENS de 2015 puis de 2021 explique que tout ce qui concerne l'utilisation de cette technique et par extension la capacité à automatiser le traitement de ces données sont soumises à l'avis de la Commission Nationale des Techniques de Renseignements dont deux députés et deux sénateurs sont membres de droit avec des magistrats du Conseil d'État et de la Cour de Cassation. Cette instance exerce un réel contrôle parlementaire et démocratique sur la manière dont nos services de renseignements travaillent et émet des avis extrêmement appuyés et vigilants. La CNCTR publie un rapport annuel et elle est assez transparente si l'on prend en compte le respect de confidentialité lié aux informations « secret-défense ».
Monsieur Dumont, je vous remercie de souligner la nécessité, pour nos démocraties, de prévenir le risque des ingérences étrangères. Je partage votre constat. La Chine reste à ce stade moins impliquée que la Russie dans des opérations massives de manipulation de l'information, de désinformation et d'entrisme dans nos médias. Elle peut développer d'autres formes d'ingérences comme l'espionnage dans nos centres universitaires. Ces pratiques sont explicitées dans le rapport d'information du sénateur André Gattolin qui est sans complaisance avec ces pratiques. La Russie reste donc, en raison du contexte géopolitique et des élections prochaines, notre principal sujet. Je cite tout de même dans mon rapport d'autres sources de désinformation dont l'Iran, l'Azerbaïdjan. Je partage également votre position bienveillante et préoccupée à l'égard de la République d'Arménie. Notre commission des Affaires européennes a voté, récemment, une résolution européenne portée par Anne Laurence Petel afin de soutenir la souveraineté territoriale de l'Arménie et de dénoncer les agissements à l'égard des populations arméniennes de la part de l'Azerbaïdjan.
Monsieur Esquenet-Goxes, vous étiez le vice-président de la Commission d'enquête sur les ingérences étrangères dans laquelle vous étiez très actif. Vous pointez, à juste titre, la nécessaire exigence de transparence et la nécessité de l'implication de l'ensemble des acteurs de la société civile. À ce titre, je suis heureuse de savoir que vous allez conduire une mission d'information sur la situation de nos médias et de leurs éventuelles vulnérabilités. Il est vrai que nombre de chercheurs mettent en avant le sujet de la guerre de l'information. Les politiques actuelles à Taïwan, dans les pays baltes, en Suède et en Finlande sont des enseignements précieux. Je faisais allusion à un rapport de l'OCDE qui recense les moyens à notre disposition et qui peut être une ressource nécessaire.
Madame Karamanli, vous avez insisté sur la cybersécurité et la nécessité d'une information précise sur les experts qui interviennent dans nos débats mais aussi au sein de think tanks. Vous avez raison car il s'agit d'une vraie préoccupation dûment identifiée par le sénateur André Gattolin et qui devrait nécessiter des mesures législatives. Je me félicite des États généraux de l'information lancés à l'automne - qui vont remettre leurs travaux à l'été - et qui comprennent un groupe de travail « Souveraineté et Ingérences étrangères : la mondialisation de l'information ou comment protéger la souveraineté et la démocratie ? ».
Monsieur Chassaigne, j'entends vos réflexions sur l'extraterritorialité du droit américain mais je ne partage pas votre obsession teintée d'antiaméricanisme. De nombreux éléments de réponse se trouvent dans les travaux auxquels je faisais allusion plus tôt. Je souhaite aussi souligner que, malgré les critiques faites au principe d'extraterritorialité du droit américain, l'extraterritorialité du droit européen existe. Le RGPD, le DSA, le DMA sont des réglementations qui s'imposent aux acteurs extra-européens. Nous en sommes fiers et nous pouvons montrer que des règles et des principes que nous portons à travers nos instruments de régulation européens sont appliqués. Soyons alors lucides et réalistes sur ce que nous faisons en particulier lorsque nos normes européennes s'imposent à tous.
Monsieur Plassard, je vous remercie de votre intervention. Dans notre pays, l'ANSI, Viginum et d'autres services d'État comme le ministère des Armées, le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l'Intérieur déploient des capacités de protection et d'identification du danger. Je ne suis pas certaine que tous les autres pays européens soient suffisamment outillés pour faire face aux tentatives d'ingérence. C'est pourquoi dans le rapport j'appelle à des réponses européennes plus concertées et éventuellement à des instruments européens nouveaux comme un Viginum européen. Nous pourrions également envisager une HATVP européenne avec des obligations communes. Je suis optimiste concernant le déroulement du scrutin européen en France. Nous avons la capacité de détecter les ingérences. Viginum, créé par décret en 2021 a listé dès l'élection présidentielle de 2022 toutes les actions détectées et signalées en amont des élections, assurant la bonne tenue de la campagne.
La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.
La séance est levée à 16 heures 20.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Pascale Boyer, M. Stéphane Buchou, M. André Chassaigne, Mme Annick Cousin, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Marietta Karamanli, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, Mme Joëlle Mélin, Mme Lysiane Métayer, Mme Nathalie Oziol, M. Christophe Plassard, M. Jean-Pierre Pont, M. Vincent Seitlinger
Excusé. - M. Charles Sitzenstuhl
Assistaient également à la réunion. - M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Arnaud Le Gall