Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Réunion du jeudi 8 février 2024 à 14h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission d'enquête SUR la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Jeudi 8 février 2024

La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq

Présidence de Mme Sophie Panonacle, vice-présidente

La commission procède à l'audition ouverte à la presse du Centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) : M. Sébastien Dupray, directeur risques eaux et mer, et Mme Séverine Bes de Berc, directrice territoriale outre-mer

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Nous poursuivons nos travaux par une audition consacrée aux politiques d'adaptation au changement climatique et à la gestion des risques naturels majeurs dans les outre-mer. À cette occasion, nous recevons des représentants du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Nous avions également convié l'Agence de la transition écologique (ADEME), dont les membres, qui n'ont pu se rendre disponibles, fourniront une réponse écrite à nos questions.

Après une première série d'auditions consacrées aux organismes de recherche scientifique, nous abordons des sujets plus opérationnels avec le Cerema, dont la mission est d'« apporter des connaissances, des savoirs scientifiques et techniques et des solutions innovantes au cœur des projets territoriaux pour améliorer le cadre de vie des citoyens ».

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Séverine Bès de Berc et M. Sébastien Dupray prêtent successivement serment.)

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

Avec mon collègue, Sébastien Dupray, nous représentons le directeur général du Cerema, Pascal Berteaud. Le Cerema est l'établissement public qui accompagne l'État et les collectivités territoriales dans l'adaptation au changement climatique en leur apportant des solutions sur mesure, à travers six grands domaines d'activité. Il s'agit d'un établissement public à gouvernance partagée entre l'État et les collectivités. Cela constitue une nouveauté puisque, auparavant, notre établissement était purement administratif. Depuis 2023, le Cerema peut intervenir auprès des collectivités en quasi-régie conjointe.

Ses principales missions sont la recherche et l'innovation, l'appui aux politiques publiques et la diffusion des connaissances. Notre établissement est implanté dans l'ensemble du territoire, y compris les outre-mer depuis 2021. Sous l'influence de la direction générale des outre-mer, notre directeur général a souhaité y créer une nouvelle direction territoriale, qui s'est implantée dans quatre des départements et régions d'outre-mer (Drom) : à La Réunion, à Mayotte, en Guyane et, plus récemment, aux Antilles.

Les territoires ultramarins sont connus pour être soumis à la plupart des aléas naturels, certains étant même concernés par l'ensemble d'entre eux à l'exception des avalanches. Leur insularité et leur éloignement de la métropole les rendent plus vulnérables. Des phénomènes naturels dangereux s'y produisent plus régulièrement et avec plus d'intensité qu'ailleurs.

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Sébastien Dupray, directeur technique chargé des risques, de l'eau et de la mer au Cerema

L'adaptation au changement climatique est la raison d'être de notre établissement, où travaillent à peu près 2 500 personnes. Pour chaque territoire, nous développons une approche systémique, intégrée, des risques naturels spécifiques auxquels l'expose le changement climatique, qui rend certains phénomènes plus graves et plus fréquents. Nous consacrons 10 % de nos moyens à l'étude de ces risques.

Le travail du Cerema consiste à acquérir une connaissance des phénomènes qui touchent les territoires afin de proposer des solutions opérationnelles adaptées.

Notre premier axe de travail consiste à développer une expertise sur les risques hydrauliques, qu'ils touchent l'intérieur des terres ou les littoraux. Cette expertise nous permet d'aider les services de l'État à prévoir les crues et à assurer la sécurité des ouvrages hydrauliques. Elle nous permet également d'accompagner les collectivités dans l'exercice de leur compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévision des inondations (Gemapi) qui leur a été dévolue par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam).

Notre deuxième axe de travail concerne les risques géologiques et géotechniques, pour lesquels nous sommes un établissement de référence. Il vise à développer des solutions de protection. Nous apportons notre concours aux collectivités et aux territoires confrontés aux risques de gonflement et de retrait des argiles – qui s'accroissent dans le contexte du changement climatique – ou de chute de blocs et de glissement de terrain, qui augmentent également et sont particulièrement élevés en montagne et dans les outre-mer.

Pour conclure, j'aimerais insister sur la nécessité de mobiliser une bonne connaissance des phénomènes pour élaborer des solutions pertinentes. En effet, comme le rappelait Mme Panonacle, il convient de ne pas opposer, mais d'articuler recherche et innovation, ce que nous faisons puisque 10 % de nos équipes pratiquent une forme de recherche finalisée. Notre rôle consiste à diffuser les acquis de la recherche, mais aussi à faire remonter les solutions des territoires eux-mêmes, en favorisant leur mise en commun. Nous avons la fierté de collaborer avec plusieurs associations nationales d'élus locaux, comme celle des élus des bassins, l'ANEB, pour la mise en œuvre de la compétence Gemapi et celle des élus des littoraux (ANEL) concernant l'adaptation au changement climatique et la gestion intégrée des littoraux.

Présidence de M. Mansour Kamardine.

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Je vous prie de m'excuser pour mon retard, dû notamment à un entretien que j'ai eu avec le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) au sujet de la crise à Mayotte.

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L'objectif de notre commission d'enquête est de faire un état des lieux des risques naturels et de l'effet du changement climatique sur la survenue des aléas et leur intensité. Plusieurs éminents scientifiques ont commencé de nous éclairer à ce sujet.

Notre second objectif consiste à envisager les outils opérationnels permettant de limiter ces risques et leur éventuelle évolution. Il existe toujours des marges de progression, et les scientifiques n'ont pas manqué de faire remarquer qu'il leur faudrait davantage de moyens pour mener à bien leur tâche. Peut-être aurez-vous des réflexions comparables.

Ma première question concerne votre présence dans les départements et régions d'outre-mer (Drom) correspond-il à une volonté politique de gérer en propre ces risques bien qu'elles ne disposent sans doute pas d'un outil aussi puissant que le Cerema ? Ou bien s'agit-il seulement pour vous de procéder « pas à pas » ?

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Séverine Bès de Berc

Concernant les outre-mer, je l'ai indiqué, le Cerema n'y était tout simplement pas implanté avant 2021. Qui plus est, l'établissement a perdu 25 % de ses effectifs en quelques années. Nous avons dû réduire les effectifs de certaines équipes pour nous déployer dans les outre-mer. Nos marges de manœuvre étant assez minces, nous avons décidé d'aller d'abord dans les Drom. La Guyane et Mayotte semblaient avoir un besoin prioritaire de l'ingénierie de notre établissement. Quant à La Réunion, nous y avions déjà beaucoup d'activités en cours nécessitant une présence sur place. Notre agence des Antilles n'est pour sa part ouverte officiellement que depuis le 1er février.

Les collectivités du Pacifique ne peuvent malheureusement pas encore adhérer à l'établissement, ce qui ne nous empêche pas de travailler avec elles. Une convention nous lie avec la commune de Punaauia. Nous travaillons également à Saint-Pierre-et-Miquelon. Donner aux COM la possibilité d'adhérer au Cerema faciliterait cependant la tâche de notre établissement et nous souhaitons faire modifier la loi en ce sens.

Nous réfléchissons à un déploiement en Polynésie, où nous avons envoyé un collaborateur pour une mission d'écoute. Nous envisageons d'avoir une personne sur place en permanence, bien que notre activité ne prenne pas la même forme que dans les Drom.

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Effectivement, cela peut nous concerner si une évolution législative est nécessaire.

Vous avez mentionné le risque hydraulique, le risque terrestre. Cela veut-il dire que le risque cyclonique recouperait l'un des deux autres risques ?

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Séverine Bès de Berc

L'étude du risque cyclonique en tant que tel relève plutôt des compétences de Météo-France. Notre travail portera plutôt sur les conséquences d'un cyclone, qui génère une pluviométrie intense et des inondations.

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Comment se concrétise votre expertise ? Est-ce au travers de la rédaction des plans d'organisation de la réponse de sécurité civile (Orsec) ? Intervenez-vous directement auprès des décideurs publics ?

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Séverine Bès de Berc

J'ai préparé quelques exemples assez précis des types d'intervention que nous pouvons mener dans les outre-mer. À la suite de la tempête Fiona qui avait touché la Guadeloupe il y a deux ans, nous étions intervenus immédiatement après la crise pour évaluer les dégâts sur les infrastructures et identifier d'éventuelles routes à fermer. Une fois la crise passée, nous avons cherché à en tirer les enseignements. Chaque phénomène qui survient nous conduit en effet à requalifier ce qui nous servait d'événement de référence auparavant, en confrontant nos connaissances à ce qui s'est réellement passé. Nous « capitalisons », en quelque sorte, notre connaissance de ces événements. C'est l'un des aspects de l'adaptation au changement climatique : mesurer l'évolution des aléas.

À La Réunion, le Cerema accompagne l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), appelé Territoire de la côte Ouest (TCO), dans l'élaboration de son plan intercommunal de sauvegarde (Pics). Ces territoires ne disposaient pas jusqu'alors d'un document de ce type, qui sert à coordonner l'action des membres de l'intercommunalité en cas de crise. C'est pourquoi nous avons formulé des recommandations touchant l'organisation et la stratégie et aidé à réaliser des exercices.

À la suite du cyclone Irma, le Cerema a dépêché en urgence des équipes sur place. Malgré les conditions de déploiement difficiles, nos agents ont pu établir un premier diagnostic des dégâts et identifier les dangers imminents. Dans un second temps, nous avons développé un programme de recherche portant sur l'organisation et les capacités d'adaptation des services chargés de gérer la crise. Une fois la reconstruction commencée, nous avons travaillé dans le cadre du plan Eau Dom (PEDOM) sur la résilience des réseaux d'eau et d'assainissement.

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Pouvons-nous nous attarder quelques secondes sur le cas d'Irma ? Avez-vous suivi l'intégration de vos recommandations dans les documents de prévention des risques et dans les plans Orsec des territoires concernés ?

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

Les diagnostics que nous avons réalisés en post-crise ont vraisemblablement été utilisés pour élaborer ces documents, mais je ne peux vous détailler notre participation. Maintenant que nous disposons d'une agence pour les Antilles, nous allons accompagner la collectivité de Saint-Martin, où la reconstruction est moins avancée que prévu. Le rôle d'un établissement comme le Cerema consiste à faire le lien avec l'État pour aider la collectivité à reconstruire en hiérarchisant les besoins et en exploitant l'expérience des événements passés, pour augmenter la résilience.

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Sébastien Dupray, directeur technique chargé des risques, de l'eau et de la mer au Cerema

Le Cerema travaille avec l'État, les collectivités et les entreprises. Dans la phase de prévention, nous mettons à disposition des collectivités des outils pour évaluer leur vulnérabilité. Pour les inondations par exemple, nous avons développé un outil de cartographie appelé AgiRisk – Amélioration de la gestion individualisée de la résilience aux inondations des systèmes territoriaux –, afin que même si elles ne disposent pas d'un plan de prévention des risques (PPR), elles puissent estimer leur exposition à partir de leurs documents d'urbanisme et de nos connaissances. L'État participe évidemment au travail de prévention ; nous l'aidons à élaborer les outils capables d'anticiper les crues, qui seront notamment utilisés par le réseau Vigicrues, le service public de prévision des inondations et de vigilance des crues. Nous participons également à la bonne connaissance du patrimoine hydraulique, constitué des ouvrages qui protègent des submersions marines et des inondations. Nous disposons d'équipes spécialisées dans ces domaines complexes et techniques.

Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer. Le retrait-gonflement des argiles, par exemple, constitue un risque grave pour de nombreux territoires : nos laboratoires aident des entreprises à développer des solutions, par exemple en mettant à leur disposition du matériel scientifique et technique peu accessible ou en participant à des travaux de normalisation, afin de définir les bons référentiels, de sorte qu'ensuite les collectivités territoriales puissent acheter des équipements robustes et fiables. Des travaux ont commencé sur des barrières anti-inondations ; le Cerema y participera activement, notamment en faisant évoluer un de ses laboratoires pour que les entreprises puissent effectuer des tests.

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Nous connaissons tous l'expertise du Cerema. Intervenez-vous systématiquement et obligatoirement en prévention des risques, lors de l'élaboration ou de la révision des plans Orsec, des plans de prévention des risques d'inondation (PPRI), des zonages, des dispositifs d'alerte et de protection des personnes et des biens ? Ou faut-il vous solliciter ? Vous avez dit que les collectivités avaient « vraisemblablement » appliqué vos recommandations : ce n'est pas très rassurant !

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

L'élaboration d'un PPR nécessite une cartographie des aléas. Dans les outre-mer, c'est généralement le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui l'effectue. Les collectivités ne sont pas obligées de faire appel à nous pour concevoir leur plan Orsec et je ne pense pas que notre stratégie prévoie de nous impliquer dans ce cadre. Nous intervenons dans la création du Pics que j'ai mentionné parce que l'occasion s'en est présentée : comme nous l'accompagnions déjà dans le cadre de programmes plus généraux, la collectivité concernée a sollicité notre aide. Ainsi, il n'est pas obligatoire de faire appel à nous pour élaborer les programmes de prévention ; d'autres établissements publics sont déjà fortement mobilisés et leurs apports satisfont les besoins.

Nous pouvons intervenir dans le cadre d'une gestion de crise provoquée par des événements extrêmes. Après le passage de Fiona et d'Irma, des ministres nous ont sollicités et nous sommes arrivés sur place dans les jours qui ont suivi : nous nous sommes mobilisés en urgence et avons envoyé des experts dès qu'il était possible de les faire atterrir.

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Sébastien Dupray, directeur technique chargé des risques, de l'eau et de la mer au Cerema

Le Cerema intervient dans le temps long de la prévention, mais il n'est pas un acteur de gestion de crise, même s'il peut installer des ponts de secours, immédiatement après l'événement. Il agit également dans le temps long du retour d'expérience : on améliore la résilience en apprenant des faits et en essayant, autant que possible, de reconstruire différemment.

Vous nous avez interrogés sur les documents réglementaires. L'État a instauré des référents départementaux pour l'appui technique à la préparation et à la gestion de crises d'inondation ; le Cerema a créé des référentiels et des formations à leur intention. Ces documents sont publics et les collectivités peuvent en disposer. Dans le Sud de la France, par exemple, nous avons formé des techniciens, des élus et des représentants des collectivités afin de mieux se préparer aux inondations ou à d'autres événements du même type.

Après les crises, le Cerema intervient parfois pour donner des avis dans le cadre des procédures de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, notamment après des mouvements de terrain et des tempêtes, puisqu'il gère le réseau national des observatoires du trait de côte. Celui-ci est important, même s'il est méconnu : les bulletins de vigilance « vagues-submersion » de Météo-France, par exemple, dépendent notamment des données du Cerema. Celles-ci permettent également d'évaluer la fréquence des tempêtes en cas de submersion marine.

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N'avez-vous pas l'impression que les dirigeants des collectivités locales méconnaissent souvent l'urgence climatique ? La réalisation de certains projets peut s'éloigner des intentions affichées. Vous avez dit que le Cerema intervient immédiatement après les crises, mais n'est-ce pas trop tard ? Vos recommandations sont toujours utiles, mais il n'est pas obligatoire de s'y conformer ; lorsque des projets ne les ont pas respectées et qu'on vous demande d'intervenir après leur réalisation, il est un peu tard. Dans le cas du projet d'éco-PLU – plan local d'urbanisme – de la commune de Saint-Pierre de La Réunion, des personnalités publiques ont émis un avis réservé. Leur analyse est alarmante. En avez-vous eu connaissance ?

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

Les besoins des collectivités sont considérables. Parfois récentes, comme les intercommunalités de Mayotte, elles appréhendent leurs différentes responsabilités à mesure qu'elles se structurent. Pour suivre toutes les directives, elles ont besoin d'être accompagnées par un établissement public et technique comme le nôtre, dont c'est le rôle. Elles nous appellent par exemple pour élaborer leur contrat de relance et de transition écologique (CRTE) : dans ce cadre, nous aidons notamment la communauté de communes du Sud de Mayotte. Ce n'est pas qu'elles n'ont pas conscience des enjeux, mais elles ne savent pas toujours par quel bout commencer. Notre mission, et celle d'autres établissements publics, consiste à offrir une aide technique, à prioriser et à orienter. Quelquefois, elles ont un projet mais nous devons leur dire qu'il est moins urgent que d'autres ou qu'il faut le concevoir autrement.

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Sébastien Dupray, directeur technique chargé des risques, de l'eau et de la mer au Cerema

Même si nous leur avons présenté les risques hydrauliques, géotechniques et climatiques, les collectivités et les élus doivent affronter un problème territorial. Le changement climatique empêche de concevoir les risques isolément : ils se superposent, s'étendent et s'aggravent. Le défi, et il est de taille, est désormais de préparer une transformation durable du territoire. En tant qu'établissement technique, notre rôle consiste à apporter les éléments nécessaires pour prendre la meilleure décision – ou la moins mauvaise. Or celle-ci doit respecter un équilibre entre des éléments techniques, que nous apportons, et d'autres considérations, de nature réglementaire, financière et sociale : il faut que la population et les acteurs économiques puissent l'accepter.

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

Nous avons beaucoup parlé des aléas, moins de la vulnérabilité, or cet aspect rend l'approche complexe, en particulier dans les outre-mer. Toutes les infrastructures, comme les réseaux d'eau et d'assainissement ou les bâtiments publics, sont fragilisées par des aléas beaucoup plus fréquents et intenses que dans l'Hexagone. Le risque est donc plus élevé. Nous devons donc mieux appréhender les phénomènes auxquels ils seront soumis, tout en prenant en compte leur vulnérabilité.

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Sans parler des moyens que cela impliquerait de déployer, pensez-vous qu'il serait utile de solliciter systématiquement votre avis avant de modifier un document réglementaire, comme le plan d'urbanisme, un zonage, un plan Orsec, etc. ?

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Sébastien Dupray, directeur technique chargé des risques, de l'eau et de la mer au Cerema

L'important, c'est de s'assurer que la réflexion préalable à l'élaboration de ces documents balaie toutes les questions pertinentes et que les risques sont bien pris en compte. Souvent, cela exige beaucoup de temps et de discussions : une intervention a posteriori du Cerema serait tardive. Il faut d'abord que les collectivités soient conscientes des enjeux, des aléas qu'il faut envisager, pour bien construire leur démarche et parvenir à un résultat techniquement bon et acceptable. Notre ambition, pour le moment, est de prendre les choses par le bon bout – si je peux me permettre l'expression. Par exemple, nous travaillons en ce moment avec dix-sept collectivités des territoires littoraux, dont deux sont situées dans les outre-mer, sur la gestion intégrée du littoral et l'adaptation au changement climatique. On voit qu'en partageant les diagnostics et en faisant dialoguer les techniciens et les élus, on se dirige vers un meilleur résultat. L'important, c'est d'anticiper et de se poser les bonnes questions en amont, plutôt que de vouloir aboutir rapidement. C'est un processus long, car complexe.

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

Souvent, le Cerema développe des méthodes que des bureaux d'études, par exemple, peuvent appliquer en fonction des situations. La question n'est peut-être pas de savoir s'il faut nous impliquer systématiquement. Sans doute faut-il plutôt dresser un état des lieux pour comprendre comment sont élaborés les plans Orsec et s'il existe des défaillances. Cela permettrait d'identifier quand et comment faire intervenir les opérateurs publics chargés de la prévention des risques et de la gestion de crise, de définir une stratégie et de l'appliquer.

Nous fonctionnons plutôt sur ce modèle : nous apportons une expertise permettant de déterminer une méthode à même d'être déclinée selon les besoins.

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J'ai l'impression de ne pas avoir eu de réponse à mes questions, certes très précises. Les territoires ultramarins ont besoin d'acteurs qui les soutiennent, afin de mener à terme des projets en accord avec les lois que nous votons. J'ai parfois le sentiment d'un affichage sans rapport avec la réalité. Nous devrions être plus nombreux à défendre nos territoires face à l'urgence climatique, qui seront de plus en plus fragiles si nos dirigeants ne font rien. Mais peut-être ne sont-ils pas encore conscients de la réalité de cette urgence ? Ce n'est pas dans dix ans qu'il faut agir, c'est maintenant.

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

Le Cerema est habilité à former des élus ; à ce titre, il va structurer cette année une offre de formation à leur destination. Les enjeux et la réalité sont en effet mal perçus.

Nous avons de toutes petites équipes outre-mer, mais il existe d'autres opérateurs publics dans ces domaines. Le BRGM y est présent depuis plusieurs dizaines d'années et travaille sur les risques. Nous nous inscrivons en complémentarité, pour apporter une expertise différente. Les opérateurs n'ont pas d'immenses équipes dans ces territoires, ce qui nécessite une bonne concertation. Évidemment, nous aimerions bien avoir davantage d'effectifs outre-mer.

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La coordination entre les différents acteurs est-elle efficace ?

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Sébastien Dupray, directeur technique chargé des risques, de l'eau et de la mer au Cerema

Elle l'est pour ce qui concerne les risques. La direction générale de la prévention des risques a confié au Cerema et au BRGM la réalisation d'un état des lieux des interventions des différents opérateurs dans le domaine des risques. C'est une cartographie très intéressante, qui montre que les travaux des opérateurs ne sont pas redondants mais complémentaires et que, en particulier dans le contexte du changement climatique, le risque est plutôt celui du défaut de coordination voire du trou dans la raquette, si je peux dire. Nos amis du BRGM coordonnent les risques géologiques et terrestres ; le Cerema, les risques hydrauliques et côtiers.

L'un des enjeux, pour les collectivités, est d'être accompagnées par une ingénierie. Le Cerema a signé une convention avec deux des grands syndicats d'ingénierie privée, Syntec et Cinov. Notre vocation est de contribuer à l'ingénierie publique, mais elle a drastiquement diminué au cours des dernières décennies. Le Cerema est là pour apporter une ingénierie indépendante, de haut niveau, à hauteur de ses moyens actuels. Malheureusement, nous n'avons pas les moyens d'intervenir auprès de toutes les collectivités, ni d'ailleurs de concurrencer l'offre privée, pour les questions d'ingénierie les plus courantes et les plus simples.

Nous soutenons concrètement les collectivités en leur apportant une formation, des outils, des méthodes. Les outils sont peut-être plus compliqués à utiliser pour les plus petites. Mais nous faisons en sorte que même les collectivités avec lesquelles nous n'avons pas travaillé directement puissent bénéficier de guides et de logiciels, pour relever le défi avec des outils du Cerema.

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Vous venez de vous implanter aux Antilles. Les collectivités vous semblent-elles avoir une appréhension des risques satisfaisante ou pensez-vous qu'il faille encore mener un travail pédagogique ?

Par ailleurs, ces territoires ont montré leur résilience. Ils ont appliqué des pratiques d'habitat, d'urbanisme qui leur ont permis de survivre aux aléas. Prenez-vous en compte cette histoire-là ? Comment appréhendez-vous les ressources locales ?

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

Comme je vous le disais, le Cerema a désormais une gouvernance partagée entre État et collectivités, ce qui permet aux collectivités d'adhérer à l'établissement. Nous avons quarante-six adhérents outre-mer : vingt-trois dans l'océan Indien et vingt-trois dans l'océan Atlantique. Ce sont plutôt de grandes collectivités – les collectivités uniques, les départements et les intercommunalités. Il y a également quelques communes. Le degré de connaissance et de compréhension est assez variable. Dans les très grandes collectivités, les services techniques sont solides et composés de gens formés, ce qui n'est pas forcément le cas dans les plus petites. Notre rôle sera différent en fonction de la collectivité. Nous travaillerons sur une réalisation purement technique avec une petite collectivité, alors que nous ferons de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage avec une grande, par exemple.

Pour répondre à votre deuxième question, ces territoires sont beaucoup plus exposés que les territoires de l'Hexagone. Ils vivent parfois annuellement certains phénomènes climatiques, même si leur intensité n'est pas très forte à chaque fois. Il y a une résilience outre-mer qu'il n'y a pas forcément ailleurs, une appréhension des phénomènes, une connaissance. Mais il y a aussi, malheureusement, une perte de mémoire collective. Face à des phénomènes ponctuels de grande ampleur, on entend souvent les gens dire que cela n'arrivait pas du temps de leurs grands-parents. Or, en creusant, on se rend compte que cela s'était déjà produit. Il existe néanmoins une vraie culture du risque, qui facilite la sensibilisation.

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Vous disiez que, depuis le 1er février, vous pouviez intervenir aux Antilles, ce dont je me réjouis. Dans le cadre du Comité national du trait de côte (CNTC), vous accompagnez les communes littorales et avez fait un excellent travail d'évaluation des biens menacés dans l'Hexagone. Une évaluation outre-mer est-elle prévue ?

Pourriez-vous également nous dire deux mots sur votre accompagnement de la mise en œuvre de la compétence Gemapi dans la communauté de communes de Petite-Terre, à Mayotte ? Un montant de 112 000 euros est annoncé. Envisage-t-on que le produit de la taxe Gemapi serve à financer des projets de protection face à l'érosion et à la submersion, par exemple ?

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Sébastien Dupray, directeur technique chargé des risques, de l'eau et de la mer au Cerema

Le rapport du Cerema, réalisé en collaboration avec l'IGA – Inspection générale de l'administration – et l'IGEDD – Inspection générale de l'environnement et du développement durable –, devrait être publié bientôt. Sauf erreur de ma part, les outre-mer n'y ont pas été intégrés. Ce pourrait être l'une des recommandations de ce rapport.

Il est essentiel de connaître par le menu les ouvrages et les infrastructures qui protègent le littoral. On parle des 20 % de territoires littoraux soumis à l'érosion, mais on oublie souvent de dire qu'il y en a à peu près autant qui sont fixes grâce aux ouvrages existants. Au-delà de la base de données les recensant, il faut connaître leur pérennité, leur solidité, les montants financiers nécessaires pour les maintenir ou les faire évoluer. Nous attendons avec impatience les recommandations des inspecteurs.

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

Je ne connais pas très bien le projet de Petite-Terre qui avait démarré avant la création de ma direction. Nous avons accompagné la collectivité pour l'aider à appréhender les enjeux de son territoire et les risques auxquels elle est soumise. Il me semble que nous avons également fait des recommandations. Je pourrai vous répondre plus précisément dans le cadre du questionnaire que nous allons vous renvoyer.

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Je vous remercie. Il peut être intéressant de voir comment gérer ces risques outre-mer par le biais de la compétence voire de la taxe Gemapi.

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

Il y avait, dans le questionnaire, une question au sujet de la coopération régionale outre-mer. Les phénomènes étant identiques, il y a un réel intérêt à se rapprocher des îles et pays limitrophes. Mais là encore, c'est une question de moyens et de disponibilité.

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Sébastien Dupray, directeur technique chargé des risques, de l'eau et de la mer au Cerema

Dans le contexte du changement climatique, il ne faut pas se limiter à une approche par le risque mais par le territoire, en particulier dans les outre-mer. Les territoires sont particuliers et offrent parfois peu de possibilités d'évolution – je pense à la disponibilité du foncier. Les approches multirisques permettent de prendre ce problème correctement.

Nous avons peu parlé des entreprises, qui sont également vulnérables face aux risques naturels. Réduire leur vulnérabilité afin de les rendre résilientes est indispensable. Quand un territoire est touché, le retour à la normale de certaines entreprises est essentiel, pour assurer l'alimentation en eau potable, en électricité, en téléphonie. Il nous semble important d'associer les entreprises aux politiques de prévention et de résilience.

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Séverine Bès de Berc, directrice territoriale outre-mer du Cerema

Il faut aussi intégrer systématiquement la question de l'adaptation au changement climatique dans les projets des collectivités, ce qui nécessite d'élaborer des programmes d'une plus grande ampleur.

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Je vous remercie pour la qualité de nos échanges. Les réponses écrites au questionnaire nous seront également très utiles.

La réunion se termine à quinze heures trente-cinq.

La commission procède à l'audition ouverte à la presse du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) : MM. Christophe Poinssot, directeur général délégué et directeur scientifique, Karim Ben Slimane, directeur risques et préventions et Jean-Marc Mompelat, directeur des Actions Territoriales

L'audition commence à quinze heures quarante-cinq.

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Nous accueillons trois représentants du Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), dont le siège est à Orléans : M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et directeur scientifique, M. Karim Ben Slimane, directeur risques et prévention et M. Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales. Parmi les nombreuses missions du BRGM, je note particulièrement celle consistant à développer des approches intégrées de gestion des risques naturels impactant le sol, le sous-sol et le littoral. Au sujet des outre-mer, on peut citer l'Observatoire du littoral des îles de Guadeloupe (OLIG), géré en partenariat avec la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) et la région Guadeloupe, la cartographie du sous-sol de Mayotte ou l'exemple de Miquelon, village en cours de déplacement. Nous sommes donc là au cœur des préoccupations de la commission d'enquête.

Cette audition est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et l'enregistrement vidéo sera ensuite disponible à la demande.

Je vous laisserai la parole pour une intervention liminaire d'une dizaine de minutes environ avant des échanges sous la forme de questions et de réponses. Je sais par avance que vous aiguiserez, par vos interventions, la curiosité de notre rapporteur Guillaume Vuilletet.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Christophe Poinssot, M. Karim Ben Slimane et M. Jean-Marc Mompelat prêtent successivement serment.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué, directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

C'est un grand honneur pour nous d'être devant votre commission aujourd'hui et de pouvoir témoigner de l'investissement du BRGM en tant que service géologique national sur cette question centrale des risques naturels, en particulier dans les territoires d'outre-mer. Nous avons prévu pour cette présentation liminaire quelques documents : ils ont été distribués aux présents et transmis en version électronique à ceux qui assistent à cette audition à distance.

Le BRGM, en tant que service géologique national, se trouve à l'interface entre la science, la connaissance et la société. Nos activités principales sont la recherche scientifique, qui représente 35 % de nos activités, l'appui aux politiques publiques, 35 % également, la gestion des anciens sites miniers, 19 %, et la coopération internationale, 10 %. Le BRGM a été créé il y a plus de soixante ans. Sa mission est de capitaliser, de compléter et d'enrichir notre connaissance du sous-sol afin de pouvoir répondre aux enjeux suivants, que j'énumère par ordre d'importance décroissante : risques – qui représentent un tiers de nos activités –, eaux souterraines – un quart de nos activités –, ressources minérales – 10 % – et services et infrastructures numériques, indispensables à la connaissance de ce monde inconnu qu'est le sous-sol – 10 % également.

Le BRGM, qui compte environ 1 000 salariés, a le statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC). Il est sous la tutelle principale du ministère de la recherche, mais également sous celle du ministère de la transition écologique et du ministère en charge des mines. Notre campus orléanais concentre l'essentiel de nos équipes, mais nous disposons également de directions régionales réparties sur l'ensemble du territoire national, y compris les territoires d'outre-mer, ce qui nous permet de nous articuler très étroitement avec l'ensemble des acteurs.

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Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales du BRGM

Les outre-mer, qui présentent une grande variété de situations, sont fortement exposés aux aléas naturels. Et ce, pour plusieurs raisons : un climat tropical, humide ou équatorial – à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon –, avec de fortes précipitations et des cyclones tropicaux, des reliefs escarpés et une géologie jeune propice aux instabilités du sol, une forte altération des terrains avec de nombreux torrents et un littoral en érosion, car fortement exposé aux effets de la mer, des espaces étendus au niveau de la mer, enfin des zones de sismicité active – en particulier aux Antilles, mais également à Mayotte. Leur vulnérabilité s'explique également par le fait que ces espaces sont pour la plupart insulaires – on peut même considérer la bande littorale de la Guyane, entre la forêt et la mer, comme une île. Ils concentrent donc une forte densité de population. Le milieu construit de ces territoires présente lui aussi une forte vulnérabilité pour des raisons historiques. Alors que les enjeux de préservation et de valorisation de l'environnement sont forts, il existe peu de marges de manœuvre en raison de l'exiguïté des territoires. Enfin, ils sont régis par des cadres économiques et institutionnels différents – départements et régions d'outre-mer (DROM) et autres statuts territoriaux. En synthèse, ces territoires connaissent une superposition de phénomènes dangereux sur des espaces exigus. Leur situation est donc différente de la moyenne des régions de l'Hexagone. En outre, l'outre-mer n'est pas un bloc monolithique : chaque territoire possède ses spécificités.

Le BRGM est un acteur majeur de la gestion des risques en outre-mer grâce à nos représentations, qui constituent une des quatre entités de la direction des actions territoriales que je dirige. Nous disposons de six implantations regroupant une cinquantaine de salariés, dont trente-sept ingénieurs et chercheurs et vingt équivalents temps plein travaillé (ETPT) dédiés aux risques. Pour les territoires dans lesquels nous ne sommes pas implantés, nous intervenons à distance depuis l'Hexagone ou depuis des collectivités voisines. Nos activités de gestion des risques en outre-mer représentent 1,5 à 2 millions d'euros par an, soit 30 % à 40 % du budget total pour les outre-mer. Nous nous appuyons beaucoup sur l'excellence des spécialistes de notre centre scientifique et technique d'Orléans ainsi que sur celle des spécialistes en poste en région. Nos activités de recherche et d'expertise sont adaptées aux spécificités des différents territoires comme aux besoins qui nous sont transmis. Le rôle du BRGM auprès des services de l'État et des collectivités en outre-mer est différent de celui qu'il joue dans l'Hexagone car il y existe un relatif déficit d'opérateurs publics et privés dans nos domaines d'intervention, ce qui nous amène à aller parfois au-delà de nos domaines de compétence et d'intervention habituels.

L'outre-mer présente en grand intérêt pour les scientifiques que nous sommes en raison des différences de ces territoires entre eux et avec l'Hexagone et de l'accumulation des risques qu'ils présentent. Les connaissances ainsi acquises peuvent être transposées au bénéfice de pays voisins et vers l'Hexagone.

Nous sommes, depuis les années 1980, très fortement mobilisés sur les risques. Nous étudions tous les phénomènes liés à la géologie et au sous-sol : séismes, mouvements de terrain – glissements, éboulements –, érosion côtière, submersion marine, tsunamis et éruptions volcaniques. Nous étudions également le phénomène composite de changement climatique. Notre domaine d'intervention, entre connaissance, gestion du risque et adaptation, est donc large. Nos activités comprennent la cartographie, la connaissance de phénomènes basiques ou encore la simulation de situations de crise.

Afin d'illustrer de façon concrète nos activités, nous avons choisi quelques exemples thématiques. Nous vous présentons ainsi dans le document que nous vous avons communiqué une carte des aléas en Martinique. Elle a été initialement réalisée dans les années 1990 avant d'être récemment améliorée. Le gain de précision notable de la carte sera bénéfique pour tout ce qui concerne l'aménagement, le prix du foncier ou la sécurité des personnes.

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Karim Ben Slimane, directeur risques et prévention du BRGM

Le deuxième exemple est celui de la crise sismique et volcanique à Mayotte de mai 2018, qui s'est manifesté par une intensité sismique supérieure à celle habituellement constatée. Le BRGM, présent sur le terrain, a pu répondre en urgence et accompagner les collectivités et l'État. Nous avons convaincu l'ensemble des acteurs concernés d'engager une campagne de prospection et de reconnaissance marine, qui a permis de confirmer nos soupçons concernant la naissance d'un petit volcan au large de Mayotte. Cet exemple montre que notre présence sur le territoire permet d'accompagner les populations et l'administration dès les premiers événements, mais aussi d'acquérir des connaissances et des compétences, notamment grâce à l'observatoire Revosima (réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte), qui continue à étudier ces phénomènes. Nous pouvons ainsi disséminer nos connaissances scientifiques auprès des populations afin de les informer des risques et des aléas afin de mieux s'y préparer. Le BRGM travaille également, depuis plus de quarante ans, sur les risques sismiques aux Antilles. Nous contribuons au plan « séisme », dont la troisième phase est en préparation et pour laquelle le BRGM intervient en amont.

Le changement climatique accentue les agressions externes sur ces territoires insulaires – submersion marine, inondations – et peut provoquer une concomitance de plusieurs aléas à la suite d'événements cycloclimatiques ou hydroclimatiques, comme des glissements de terrain accélérés. Nos connaissances sur le changement climatique à l'échelle de la planète ou des grands ensembles océaniques doivent être déclinées à l'échelle de ces territoires, afin de prendre en compte leur spécificité.

Nous disposons de plusieurs observatoires et dispositifs de suivi du littoral. Nous sommes ainsi opérateurs d'observatoires en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à Mayotte, à La Réunion et en Nouvelle-Calédonie. Nous participons de façon ponctuelle à des suivis et des études à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. Nous pouvons ainsi mener des études réglementaires d'appui aux stratégies locales de gestion et aider les administrations à mettre en place des systèmes d'alerte précoce et à préparer la réponse face aux situations de crise.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué, directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Pour produire des connaissances, le BRGM travaille avec un écosystème d'acteurs de la recherche – vous en avez rencontré certains – afin d'acquérir de nouvelles données et étudier les effets combinés et les effets cascade des différents risques ainsi que leur amplification du fait du changement climatique.

Ces connaissances sont mises au service de la société afin de prévenir les risques et de gérer les crises grâce à des outils comme les observatoires littoraux ou le Revosima, que nous copilotons avec l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP), ainsi qu'à des outils d'alerte, de bilan, de simulation et d'anticipation.

Ces connaissances favorisent également l'adaptation au changement climatique qui accélère et amplifie les transformations de nos territoires. La dimension sociétale de ces dernières suppose que nous travaillions en étroite interaction avec les acteurs locaux et avec les populations.

C'est sur ce triptyque – connaissance, prévention et gestion, adaptation – que repose notre contribution dans les territoires d'outre-mer.

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J'ai noté que vous n'aviez pas d'activités en Polynésie, qui est pourtant fortement exposée aux risques hydrauliques. Cela s'explique-t-il par des questions de gestion des ressources humaines ?

Quel est le suivi de vos recommandations ? Je pense ici également à l'exemple du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). Sont-elles intégrées aux plans Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile) ou dans les textes réglementaires ? Disposez-vous d'outils de suivi ? Êtes-vous sollicités systématiquement dès lors que les conditions sont requises dans l'évolution réglementaire ?

Votre collaboration implique un travail de transmission auprès des populations locales et des acteurs économiques et sociaux, mais également de collecte d'informations pour mieux comprendre les phénomènes et leurs conséquences. Comment cela se fonctionne-t-il ?

Nous vivons dans un monde ouvert dans lequel un événement survenu chez un voisin peut avoir des conséquences sur nos territoires. J'aimerais que vous reveniez sur la coopération internationale.

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Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales du BRGM

J'ai été en poste en Polynésie pendant cinq ans pour conduire un important programme de prévention des risques naturels, le programme ARAI (Aléas, risques naturels, information et aménagement), qui s'est déroulé de 2002 à 2007, avec des prolongations jusqu'en 2012. La Polynésie détient une compétence de service géologique propre du fait de son statut autonome. Nous n'avons donc pas d'obligation institutionnelle et nous n'y intervenons, tout comme en Nouvelle-Calédonie, qu'à travers des partenariats et des contrats, qui peuvent justifier la mise en place d'une équipe sur place de façon temporaire. Nous avons ainsi été présents en Polynésie jusqu'en 2000 et, dès lors que nous avons la capacité de nous réarmer, nous le faisons bien volontiers. La situation de la Polynésie est donc différente de celle des DROM, où nous sommes représentés de façon permanente en tant que service géologique national.

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Il est important de préciser cette différence institutionnelle, qui explique que le BRGM ne soit pas présent dans tous les territoires d'outre-mer.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué, directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Les documents, recommandations et expertises que nous produisons à l'attention des pouvoirs publics sont au cœur de notre mission, que ce soit pour les territoires d'outre-mer ou pour l'Hexagone. Nous sommes très fréquemment mandatés pour apporter une contribution scientifique s'agissant notamment de l'élaboration de plans régionaux et territoriaux sur la gestion des risques. Nous sommes habitués à synthétiser nos connaissances et à les rendre opérationnelles pour les pouvoirs publics.

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Karim Ben Slimane, directeur risques et prévention du BRGM

L'exemple de la crise sismique et volcanique à Mayotte est instructif. Nous devions répondre en urgence aux préoccupations du préfet et à celles de l'ensemble de la communauté face à des séismes dont nous ne connaissions pas l'origine. Ces séismes ont eu lieu en mai 2018 et nous avons découvert au printemps 2019, grâce à une campagne océanographique, qu'un volcan en était l'origine. Au cours de l'été, nous avons effectué une quarantaine de simulations, notamment grâce aux travaux d'un thésard, pour anticiper les effets d'un éventuel tsunami afin que le préfet puisse prendre des dispositions en avance de phase.

Nous élaborons également des plans de prévention des risques, qui sont des documents réglementaires.

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Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales du BRGM

Nous le faisons à titre de pilote, avant que cela ne passe, éventuellement, dans le domaine privé.

Surtout, nous sommes à la disposition des collectivités et du préfet et de ses services, qui peuvent nous solliciter pour notre expertise de proximité. Nous sommes ainsi presque systématiquement consultés lors de l'évolution d'un plan Orsec. Nous contribuons ainsi, avec d'autres, à la réflexion sur les évolutions réglementaires et à leur mise en application dans tous les domaines concernant les risques naturels, aussi bien au niveau central – nous avons un dialogue étroit avec les ministères – qu'au niveau régional.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué, directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Nous sommes particulièrement sensibles à votre question concernant la coopération avec les autres acteurs. Nous avons en effet un rôle d'intermédiaire qui suppose une capacité à travailler avec une efficacité maximale avec tout le monde. L'exemple de la crise sismo-volcanique à Mayotte est là aussi très instructif. Le Revosima, qui associe l'ensemble des chercheurs – ils ont eu l'occasion, pour la première fois depuis trois ou quatre siècles, de voir un volcan quasiment naître sous leurs yeux –, a fourni des informations permettant de mieux appréhender les risques pour le territoire voisin de Mayotte. Nous sommes parvenus à distinguer ce qui relevait du temps long du travail scientifique de la démarche d'appui aux politiques publiques de prévention des risques. Nous avons établi une coordination entre les divers établissements, qui dépend bien sûr de l'ampleur de chacune des crises, dans l'ensemble des territoires. Dans ce cadre, nous nous sommes positionnés en aval pour être en mesure de traduire l'ensemble de cette connaissance en termes d'aléas, de risques sur les infrastructures et d'anticipation de situations de crise.

À l'international, notre mission d'appui du Gouvernement est très générale. Nous intervenons notamment pour les zones périphériques des territoires d'outre-mer et autour des risques. Nous sommes impliqués dans des questions très concrètes.

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Karim Ben Slimane, directeur risques et prévention du BRGM

Nous travaillons souvent avec l'Agence française du développement (AFD) et nous profitons de l'expérience acquise en outre-mer pour transposer nos connaissances à des États étrangers présentant des similitudes avec nos territoires. Nous avons ainsi mis à profit nos connaissances des risques de submersion marine et de retrait du trait de côte, accéléré notamment par les mouvements cycloniques, pour accompagner la République de Maurice dans ses prévisions d'évolution à cet égard jusqu'en 2100 pour l'île principale et pour l'île Rodrigues afin de mesurer la vulnérabilité sociale qui peut en découler. Ce travail est le fruit d'une coopération avec Météo-France et son antenne dans l'océan Indien et avec l'université de Limoges, associée à l'université des Mascareignes.

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Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales du BRGM

Nous sommes, la plupart du temps, sollicités par les préfectures pour intervenir dans des situations de crise et réaliser des diagnostics à chaud. Nous sommes ainsi intervenus à La Dominique après l'ouragan de 2017 et en Haïti après le séisme de 2010 où la coopération ne s'est d'ailleurs pas limitée à une intervention post-sismique puisqu'elle a débouché sur d'importants programmes de coopération, qui sont toujours en cours, dans ce pays et en République dominicaine.

Dans notre domaine cependant, celui de l'ingénierie et du génie civil, l'expérience montre – je l'ai vécu moi-même aux Antilles – que la coopération n'est pas évidente. Pour des raisons d'organisation politique, le cadre et les réglementations sont très différents, de telle sorte que le partage d'informations n'est pas toujours facile. Notre territoire étant très développé dans un environnement qui l'est moins, il peut arriver que nous passions pour des donneurs de leçons.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué, directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Les programmes Interreg nous permettent de partager notre expérience et d'aider les territoires voisins, non pas en gestion de crise mais en anticipation.

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Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales du BRGM

Le plus bel exemple qui me vient en tête est le programme Carib-Coast, qui associe plusieurs territoires des Caraïbes pour lutter contre l'érosion côtière au travers de diagnostics et de partages d'expériences. Ce type de financement permet la coopération au sein des différents bassins.

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Karim Ben Slimane, directeur risques et prévention du BRGM

Nous avons attendu d'avoir les résultats de Carib-Coast pour nous en servir comme données d'entrée pour le plan de prévention des risques littoraux en Guadeloupe. Nous avons ainsi bénéficié d'états de mer à jour et de modèles très évolués tenant compte des particularités des territoires ultramarins.

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Je vous remercie, messieurs, pour vos interventions. La diapositive n° 11 du document que vous nous avez transmis mentionne l'organisation d'observatoires littoraux, la vigilance vagues-submersion, les outils d'alerte et les simulations de situations de crise. On ne peut que se réjouir du développement de la culture du risque. Dans quels territoires ultramarins ces outils sont-ils disponibles, et comment pallier les lacunes, le cas échéant ?

Sur la même page est évoqué le dispositif « Cat Nat », avec un point d'interrogation. Nous aussi, au sein du Comité national du trait de côte, nous posons la question du recours à ce dispositif pour indemniser les particuliers – sachant que les collectivités locales sont aidées par le fonds Barnier. Il faudrait néanmoins, pour que nous puissions y recourir, que l'érosion soit considérée comme un risque naturel majeur au même titre que la submersion, ce qui n'est pas le cas à ce jour. Quel est votre avis sur ce sujet ?

Enfin, je vois que Météo-France est à vos côtés pour le déploiement de la stratégie de gestion des risques en outre-mer. Il y a un peu plus de deux ans, j'avais déposé avec plusieurs collègues un amendement au projet de loi de finances visant à donner à Météo-France les moyens d'acquérir des structures flottantes pour la surveillance des risques de submersion marine. Savez-vous si ce dispositif, qui est essentiel pour prévenir les populations, est suffisamment développé ?

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Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales du BRGM

Le BRGM est présent dans les différents départements et régions d'outre-mer (DROM), soit en tant qu'opérateur soit au travers de structures fonctionnant en mode projet. Peut-être y a-t-il là, d'ailleurs, une piste d'amélioration : les projets sont tributaires de financements qui s'inscrivent parfois dans la durée, certes, mais qui ne sont pas garantis. Quoi qu'il en soit, l'outre-mer est relativement bien dotée grâce à ces structures désormais bien ancrées dans les différents territoires, qui vont parfois au-delà de leur vocation initiale : aux Antilles, par exemple, elles aident à suivre les échouages de sargasses.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué, directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

La situation en outre-mer est le miroir de celle de l'Hexagone, où des observatoires gérés par différents opérateurs couvrent l'ensemble du territoire et inscrivent la culture du risque dans la gestion quotidienne des collectivités.

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Karim Ben Slimane, directeur risques et prévention du BRGM

Sans données d'observation recueillies sur les façades maritimes, il nous serait très difficile de caler nos modèles ou de faire des extrapolations statistiques. Les observatoires sont essentiels pour comprendre les phénomènes, pour les prévoir et pour réaliser les aménagements adéquats.

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Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales du BRGM

Ils sont d'une importance capitale : au-delà de leur rôle dans l'observation des phénomènes, ce sont aussi des lieux de partage, d'échange et de dialogue entre les différents acteurs de la société civile, les collectivités, l'État et les opérateurs techniques. Ils permettent de lancer des projets en lien avec la vigilance, comme les réseaux tempêtes.

S'agissant du régime Cat Nat, certains des critères utilisés pour définir les situations d'exception trouvent leurs limites dans les outre-mer. Ceux relatifs à la saturation des nappes d'eau, par exemple, peuvent difficilement être transposés dans les réalités ultramarines. Par ailleurs, le faible taux de pénétration de l'assurance dans les outre-mer, aux Antilles en particulier, met en cause l'efficacité globale du régime. Enfin, les assureurs eux-mêmes soulignent que les territoires d'outre-mer étant globalement très exposés au risque, le système assurantiel ne peut trouver son équilibre qu'au niveau national : du strict point de vue des outre-mer, la situation est plus complexe.

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Karim Ben Slimane, directeur risques et prévention du BRGM

Nous ne disposons pas d'informations sur l'installation de structures flottantes – les marégraphes – par Météo-France. Les données fournies par ces instruments sont importantes pour connaître la trajectoire des cyclones et réaliser les simulations en temps réel qui permettent ensuite aux autorités d'établir les plans d'évacuation et de prévention sur la base des bonnes informations.

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Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales du BRGM

Cette question est effectivement du ressort de Météo-France, dont nous savons que les représentants déplorent le manque de moyens : nous les laisserons s'exprimer à ce sujet, s'ils ne l'ont déjà fait !

Le BRGM ne gère pas les situations de crise en temps réel. Notre approche consiste à réaliser des modélisations en amont, à partir des projections climatiques ou des données historiques disponibles sur la houle, par exemple. Cela nous permet d'établir une sorte de catalogue de conséquences sur les rivages, sur la base duquel nous procédons ensuite par analogie lorsque survient un cyclone.

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Les modélisations informatiques utilisées pour établir les PPR se traduisent par la classification en zone rouge de surfaces parfois importantes, qui grèvent les terrains de particuliers. Ceux-ci se trouvent contraints de demander des contre-expertises à des bureaux d'études dans le but de faire réviser en justice les surfaces contestées. Ne serait-il pas possible de simplifier les choses en couplant les modélisations informatiques avec des visites de terrain, par exemple ?

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Je m'associe à la question très pertinente de ma collègue. Dans un territoire comme celui de Mayotte, dont la surface est limitée, on ne peut pas s'appuyer uniquement sur les plans du BRGM : il faut systématiquement demander aux opérateurs de procéder à d'autres études, beaucoup plus onéreuses. Cela renchérit le coût des opérations, tant pour les particuliers que pour les collectivités publiques.

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En repassant régulièrement avec des moyens de plus en plus performants, le BRGM parvient justement à préciser les données et à éviter que des zones rouges trop larges n'entravent l'aménagement du territoire – qui plus est dans un contexte de foncier très contraint.

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Karim Ben Slimane, directeur risques et prévention du BRGM

Nous présentons effectivement en page 5 de notre document le passage d'une échelle au 1/25 000 à une échelle au 1/10 000 – rendu possible, le plus souvent, par le passage d'experts sur le terrain. Ces interventions, toutefois, sont très chronophages et très coûteuses. Vous avez tout à fait raison, madame Bassire : certaines zones étant spécifiques, un déplacement sur le terrain est nécessaire pour affiner les modèles – mais il peut aussi parfois être remplacé par l'utilisation d'outils modernes, comme les images satellitaires.

C'est, quoi qu'il en soit, l'inconvénient de toute modélisation. S'agissant des aléas sismiques, on affine progressivement les données de la phase 1 à la phase 2 puis au microzonage, c'est-à-dire au niveau de la parcelle. C'est évidemment l'idéal, mais cela soulève la question du coût ainsi que celle de la disponibilité des experts.

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Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales du BRGM

Vous avez mis le doigt sur un sujet essentiel. Comme je le disais, l'aléa « mouvements de terrain » est certes de basse fréquence mais c'est aussi celui qui a les conséquences les plus préoccupantes en termes d'emprise foncière. Il est à cet égard essentiel d'exploiter de la façon la plus efficiente possible les outils modernes dont nous disposons. Il faut jouer sur les deux tableaux : utiliser l'approche globale, qui permet de traiter un territoire entier en faisant des économies d'échelle – c'est ce que nous venons de faire à la Martinique – et intervenir sur le terrain lorsque cela est nécessaire, puisque nous ne pouvons pas le faire systématiquement. Tant que les PPR ne sont pas approuvés, il faut toujours se réserver la possibilité de faire intervenir une expertise au cas par cas, pour limiter autant que possible les démarches individuelles auprès d'un bureau d'études ou au tribunal.

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Avez-vous des éléments à ajouter pour conclure, messieurs ?

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Christophe Poinssot, directeur général délégué, directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

L'essentiel a été dit. Nous vous transmettrons ultérieurement, par écrit, des éléments d'information complémentaires. Nous souhaitons surtout insister sur la nécessité d'une approche systémique des enjeux liés à la gestion des risques : un enjeu de compréhension et de connaissance, un enjeu de politique publique et de réglementation, et un enjeu sociétal majeur, enfin. C'est l'association de l'ensemble des acteurs qui nous permettra de progresser collectivement. Soyez assurés que, fort de l'ensemble de ses compétences, le BRGM se mobilise pour remplir son rôle dans ces territoires.

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Nous avons noté qu'à la différence de Météo-France, le BRGM n'avait pas de gros soucis financiers ! C'est une excellente nouvelle. Nous vous remercions encore pour votre disponibilité, ainsi que pour les documents que vous nous enverrez pour prolonger notre réflexion.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué, directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Permettez-moi simplement de souligner que notre modèle économique est aussi compliqué que celui de nombreux autres établissements. Nous n'avons pas abordé ce sujet car il n'était pas à l'ordre du jour, mais ne retenez pas que la vie serait un long fleuve tranquille pour le BRGM !

(Sourires.)

(Sourires.)

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Christophe Poinssot, directeur général délégué, directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Nous nous permettrons d'intégrer un éclairage sur cette question dans notre réponse écrite.

L'audition s'achève à seize heures trente-cinq.

La commission procède à l'audition ouverte à la presse de Météo France : Mme Sophie Martinoni-Lapierre, directrice de la climatologie et des services climatiques

L'audition commence à seize heures quarante-cinq.

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Nous accueillons la directrice de la climatologie et des services climatiques au sein de Météo France, Madame Sophie Martinoni-Lapierre.

Dans le contexte de changement climatique que nous connaissons, Météo France est un acteur incontournable. Les événements majeurs (canicule, incendies, tempêtes, inondations, tornades) liés au dérèglement climatique sont malheureusement de plus en plus fréquents en métropole et dans les territoires d'outre-mer.

Vos compétences notamment en matière de veille cyclonique via le centre Météo France de Saint-Denis de la Réunion et plus généralement votre mission de conseil auprès des autorités de la Sécurité civile pour la mise en œuvre des plans cyclone à la Réunion, Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, la Martinique et la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, nous sont précieuses pour mieux appréhender les sujets de notre commission.

Cette audition est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale.

Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Mme Sophie Martinoni-Lapierre prête serment.

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Sophie Martinoni-Lapierre, directrice de la climatologie et des services climatiques à Météo France

Merci d'accueillir Météo France.

Je rappellerai tout d'abord que Météo France est un établissement public sous tutelle du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Nous avons des missions et des principes d'organisation qui sont fixés par le décret du 18 juin 1996 modifié en 2016.

Nous sommes 2 558 agents au sein de Météo France fin 2023, dont 290 dans les directions ultramarines. Notre budget général est de l'ordre de 210 millions d'euros, dont 37,3 millions d'euros sont directement gérés pour les directions ultramarines. Ce dernier montant n'inclut pas le support des directions centrales indirect vers ces directions.

Nous travaillons dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de performance qui couvre la période 2022 à 2026.

Je rappelle également que France Stratégie avait produit un rapport en 2018 estimant les bénéfices sociaux et économiques annuels induits par la prévention météorologique entre 1,1 et 2,6 milliards d'euros annuels.

La présence ultramarine de Météo France est particulièrement importante. Quatre grandes directions couvrent Antilles Guyane, Océan indien, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie Wallis-et-Futuna. Un service est présent à Saint-Pierre-et-Miquelon et nous participons aux missions dans les Terres australes et antarctiques françaises, à Kerguelen et en Terre Adélie. Cela représente 290 agents, soit un agent pour 10 000 habitants en outre-mer contre environ un agent pour 30 000 habitants dans l'Hexagone.

Par ailleurs, nous avons des accords spécifiques avec les territoires de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie françaises qui ont été récemment renouvelés.

Nos missions régaliennes consistent avant tout à assurer la sécurité météorologique des personnes et des biens. À la sécurité liée aux aléas météorologiques, il convient d'ajouter un pan important en outre-mer qui est tout ce qui a trait à la météorologie marine et au fait que nous opérons également des modèles de dérive : dérive en cas de pollution mais aussi dérive de bateau ou d'homme à la mer.

Nous devons satisfaire les besoins météorologiques de la défense nationale et nous contribuons à la sécurité et la régularité du trafic aérien par notre assistance à la navigation aérienne.

Nous contribuons au développement des entreprises météo sensibles grâce à des services météo et climatiques. Nous devons aussi conserver la mémoire du climat dans les territoires ultramarins et à modéliser les évolutions passées et futures du climat, dans le but de proposer des services climatiques d'aide à la décision et de soutenir les politiques publiques d'adaptation.

Dans nos objectifs et en particulier dans le domaine de la recherche, nous devons toujours mieux connaître et modéliser l'environnement atmosphérique.

Enfin, nous formons des experts météorologues pour les besoins propres à Météo France et pour nos partenaires.

En outre-mer, nous pouvons assurer des missions complémentaires. Ainsi au sein du service de la Réunion, nous assurons la fonction de centre météorologique national spécialisé pour les cyclones tropicaux dans le bassin du sud-ouest de l'océan Indien. Nous avons pour le compte de l'Organisation météorologique mondiale une responsabilité pour produire les trajectoires de référence et les bulletins cycloniques pour 15 pays du bassin. Nous contribuons également au renforcement de leurs compétences.

Météo France assure diverses assistances spécialisées, qui peuvent être des assistances feux de forêt ou de manière plus spécifique la prévision d'échouage de bancs de sargasses aux Antilles. Nous assurons aussi l'appui aux cellules de veille hydrologique.

Dans les directions d'outre-mer, notre réseau de surveillance du temps est directement piloté par les directions territoriales locales. Elles surveillent en particulier les phénomènes tels que les pluies, les vents violents, les orages, les vagues-submersion, les cyclones, et la neige et le verglas pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

La carte de vigilance représente le principal moyen de diffusion de l'information sur les aléas météorologiques. C'est un outil phare de Météo France déployé en outre-mer qui fait l'objet d'évolutions concernées avec la Sécurité civile et les ministères compétents. C'est un dispositif qui s'homogénéise le plus possible pour pouvoir être immédiatement reconnu et compris par les citoyens.

La carte de vigilance est un système particulièrement simple. Il représente les aléas et le niveau de vigilance à avoir sous forme de carte et de code quatre couleurs. Il y a eu beaucoup d'évolutions dans les outre-mer récemment, dont la principale est l'homogénéisation vers un code quatre couleurs et l'introduction d'une vigilance à la côte. Cette dernière, dite vigilance vagues-submersion, est plus précise que les vigilances antérieures.

La communication de la carte de vigilance à la population s'effectue via nos sites internet, les réseaux sociaux, mais également via les médias qui relaient ces cartes et nous permettent de toucher largement le grand public.

Les évolutions récentes de la carte de vigilance portent sur l'homogénéisation des aléas et de leur représentation. Il faut savoir que jusqu'en 2022, le système était différent pour la Réunion.

Elles concernent aussi le déploiement des vigilances vagues-submersion, qui s'accompagnent de travaux importants et d'améliorations importantes sur la prévision des vagues et des surcotes à la côte. Elles ont été mises en place aux Antilles, en Guyane, à la Réunion et à Mayotte ; elles sont en cours de mise en place en Polynésie française pour Tahiti et Moorea ; elles sont prévues pour la Nouvelle-Calédonie et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Je précise que nous travaillons avec la direction générale de la santé et Santé publique France à l'émergence d'une vigilance canicule qui n'existe pas encore outre-mer, avec une priorité sur la zone Antilles Guyane et l'océan Indien.

En matière de gestion du risque, nous travaillons en coordination très étroite avec la Sécurité civile et les autorités préfectorales ou les centres opérationnels de zones de défense. Dans les grands événements et les crises météorologiques, le niveau national de Météo France s'implique également via une mission d'appui spécifique auprès du Cogic en cas de crise. Elle permet de relayer l'information et d'expliquer précisément les situations à chaque échelon.

Vous nous avez interrogés sur les retours d'expérience des aléas récents. Même si nous pourrions mieux faire, nous avons quand même un travail qui est globalement satisfaisant avec les autorités préfectorales et la Sécurité civile.

Si nous avons des améliorations en cours sur nos dispositifs, nous avons aussi des occasions de faire des retours d'expérience sur les épisodes ou de faire des exercices au cours desquels des améliorations peuvent être proposées.

Une amélioration est d'ailleurs en cours au sein de Météo France. Il s'agit de mettre en place des secours opérationnels des directions locales ultramarines entre elles. Ainsi, en cas de rupture de service complète d'une direction, la production régalienne continuera d'être assurée dans les meilleurs moyens.

Nous prenons évidemment en compte tous les retours d'expérience des exercices qui nous permettent des améliorations très locales et très concrètes.

Au-delà de Météo France, si nous devons travailler sur des pistes d'amélioration, nous voyons quand même que la gestion des événements successifs peut être difficile pour les équipes. Il est en effet possible de sortir d'un cyclone et de devoir gérer un nouvel aléa. C'est ce que nous avons connu très récemment après le cyclone Belal à la Réunion, qui a été suivi de phénomènes précipitants très intenses.

Nous devons aussi poursuivre collectivement la culture du risque. Le virage a été pris et peut être accentué avec des exercices de plus grande ampleur et l'implication des populations locales.

Il nous faut également chercher la meilleure articulation entre la vigilance et l'alerte cyclonique puisqu'en fonction des territoires, nous avons des dispositifs qui diffèrent. Par exemple, alors que dans certains territoires l'alerte cyclonique remplace la vigilance quand il y a un cyclone, la vigilance ne peut pas être éteinte en cas d'alerte cyclonique dans les plus grands territoires. Un aléa météorologique autre qu'un cyclone peut en effet concerner une zone éloignée de la zone cyclonique.

Concernant la prévision numérique, je voudrais insister sur les moyens assez exceptionnels dont dispose la France en matière de prévision numérique sur les zones tropicales. Il existe des modèles globaux mas aussi des modèles locaux qui sont quasiment au niveau de ce qui se pratique dans l'Hexagone. Il y a pour chaque zone un modèle haute résolution à l'échelle kilométrique à échéance 48 heures ainsi qu'une version ensembliste en service depuis l'année dernière et qui permet aux prévisionnistes de qualifier l'incertitude des phénomènes.

Ces deux systèmes permettent une meilleure représentation des phénomènes locaux (la haute résolution est particulièrement appréciable pour les îles avec un très fort relie) et des cyclones, associée à une meilleure qualification de l'incertitude des prévisions.

En matière de moyens d'observation, ceux-ci diffèrent selon les zones. Nous avons des systèmes radar d'observation des précipitations importantes aux Antilles Guyane (trois radars), à la Réunion (deux radars), en Nouvelle-Calédonie (trois radars). Un radar est prévu à Mayotte et un autre à Tahiti.

Les outre-mer sont aussi des zones d'observation particulièrement importantes pour l'observation en altitude par ballon-sonde, indispensable à l'initialisation des modèles de prévision numérique. Ce sont des sites de mesure essentiels puisqu'ils se trouvent dans des zones où nous n'avons que trop peu de mesures. Chaque mesure est donc particulièrement importante

L'observation en altitude en outre-mer fait donc l'objet d'un suivi particulier, avec des renouvellements réguliers.

Concernant l'observation de surface nous avons un grand chantier en cours sur la modernisation des stations des observateurs bénévoles. Nous déployons des stations automatiques qui viennent s'ajouter à notre réseau de surveillance et permettent le suivi climatique et la surveillance météorologique en temps réel. C'est important pour les prévisionnistes et le suivi des précipitations intenses.

En matière de changement climatique, nous constatons des réchauffements importants sur cinquante à soixante ans dans les outre-mer (y compris Saint-Pierre-et-Miquelon), de l'ordre de 0,2 à 0,3 °C par décennie.

Il faut rappeler que les continents se réchauffent plus vite que les océans, et que les pôles se réchauffent plus vite que les autres zones du globe. Cela explique que des zones comme Saint-Pierre-et-Miquelon soient les plus impactées par le réchauffement climatique, mais tous nos territoires d'outre-mer se réchauffent.

En matière de précipitations, nous ne constatons pas pour les territoires d'outre-mer tropicaux de tendance significative pour l'évolution des pluies extrêmes. Des territoires sont directement concernés par des phénomènes de pluies intenses, qui ne montrent pas de changement de caractéristiques sur la profondeur des données à notre disposition.

De même pour beaucoup de territoires, aucun signal n'est observé concernant le cumul annuel. Cependant, une tendance à la baisse de l'ordre de -30 % du cumul en saison sèche est observée à Mayotte. Une tendance baissière de -30 % du cumul annuel est également observée dans la région sud-ouest de la Réunion. Hors zone tropicale, Saint-Pierre-et-Miquelon affiche une tendance à la hausse.

Alors, quel avenir climatique pour les territoires d'outre-mer ?

En matière de température, il faut s'attendre à une poursuite du réchauffement de l'air et de l'océan. Il faut également s'attendre à une augmentation en sévérité, en fréquence, et en intensité des vagues de chaleur. Le nombre de jours de forte chaleur devrait augmenter drastiquement.

Pour les précipitations, les projections climatiques nous orientent vers une baisse des cumuls annuels en fin de siècle pour les outre-mer tropicaux. L'incertitude est néanmoins importante car nous ne disposons pas encore de données suffisantes au niveau local pour confirmer cette tendance. Les modèles prévoient également une augmentation des contrastes saisonniers en Nouvelle-Calédonie, à la Réunion et à Mayotte.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, les cumuls annuels sont attendus en hausse en fin de siècle.

L'élévation du niveau de la mer conduira à des submersions marines plus fréquentes. Il faut aussi s'attendre à un aléa renforcé en matière de feux de forêt.

J'en viens maintenant aux cyclones. Contrairement à certains a priori, aucune évolution significative du nombre de cyclones dans nos territoires d'outre-mer n'est observée. Les scientifiques considèrent néanmoins qu'il est probable que l'intensité des cyclones majeurs ainsi que la fréquence des intensifications rapides ait augmenté globalement au cours des quarante dernières années.

En matière de projections, les modèles qui permettent de représenter directement les cyclones s'accordent sur une augmentation de la proportion des cyclones intenses ainsi que sur l'augmentation d'intensité des cyclones les plus intenses. Là aussi, l'incertitude est forte. Ces conclusions doivent être confirmées par de prochaines simulations.

Enfin, il y a une haute confiance dans le fait que l'élévation du niveau de la mer conduira à une augmentation de la probabilité d'avoir des événements extrêmes de hauteur d'eaux côtières. Nous avons aussi des informations qui nous amènent à prévoir une augmentation des précipitations associées aux cyclones.

Nous avons des systèmes de prévision numérique qui sont au niveau de ceux de l'Hexagone mais par contre, concernant les projections climatiques, il manque des simulations climatiques à échelle fine particulièrement importantes pour les petites îles volcaniques. Il y a un retard dans ce domaine mais il faut savoir que Météo France a obtenu dans le cadre de son schéma d'emplois 2024 et avec le soutien de son ministère de tutelle, 12 postes supplémentaires pour permettre la production et l'exploitation de ces simulations.

Le premier objectif sera de fournir des simulations climatiques régionalisées haute résolution d'ici fin 2025 sur les outre-mer tropicaux. Tout cela doit permettre la fourniture de services climatiques similaire à ceux développés dans l'Hexagone et d'apporter de l'aide à la décision à nos élus et à nos citoyens.

Concernant le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), nous avons plusieurs actions de collaboration qui peuvent différer en fonction des territoires.

Dans l'océan Indien, nous avons des travaux communs sur l'hydrologie et la modification du trait de côte à Mayotte. Nous travaillons aussi sur les glissements de terrain à la Réunion.

Dans le Pacifique, Météo France collabore avec le BRGM en Nouvelle-Calédonie dans le cadre de l'Observatoire du littoral sur l'évolution du risque côtier.

Nous n'avons pas de collaboration en cours en Polynésie française.

Dans l'océan Atlantique, Météo France et le BRGM ont des relations étroites en matière de modélisation des phénomènes de submersion marine.

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Merci pour cet exposé très complet qui couvre très largement nos interrogations.

Vous parlez de coordination de services entre les territoires, et c'est très rassurant de savoir que le relais peut être pris à tout moment. Vous mentionnez aussi vos collaborations avec le BRGM mais quelles sont les coordinations avec d'autres organismes tels que le Cerema ?

Comment intégrez-vous votre travail dans la conception globale de la prévention des risques sur un territoire, avec des modifications à venir et des plans Orsec et des documents réglementaires ?

Vous avez une vision prospective du climat et du changement climatique, comment travaillez-vous avec vos collègues des autres organismes pour intégrer ces données et accompagner la modification des documents ?

Par ailleurs, quel est votre travail auprès des populations lorsque les aléas se produisent pour faire en sorte de trouver cette culture du risque qui paraît absolument nécessaire sur des territoires aussi sensibles ?

Je voudrais revenir aussi sur les problématiques de coopération. Quand un aléa frappe durement un territoire, il peut y avoir des conséquences d'un territoire sur l'autre. J'aurais voulu que vous reveniez sur cette notion de coopération avec l'environnement proche.

Enfin vous parliez des 12 postes qui vous ont été affectés pour le recueil de données fines. C'est très bien mais est-ce suffisant ?

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Sophie Martinoni-Lapierre, directrice de la climatologie et des services climatiques à Météo France

Sur la coordination des services entre territoires, il faut savoir que nos premiers interlocuteurs locaux sont les autorités préfectorales. Tout ce qui est lié à la gestion de crise est travaillé en rapport étroit avec le préfet. Nous contribuons sur sa demande à l'évolution, à la rédaction, à la précision des documents Orsec et des exercices qui vont avec.

Nous pouvons aussi avoir des points de collaboration avec d'autres entités, qu'il s'agisse du BRGM, du Cerema, ou de l'Ademe, en fonction des thématiques des territoires et de la présence ou non de certains des représentants de ces services. Cela peut être en matière de prévention et d'études comme de changement climatique.

Météo France a une politique très ouverte dans la diffusion de ses données. Nos observations et nos projections climatiques sont mises à disposition de manière ouverte et gratuite via des sites spécialisés, y compris pour l'outre-mer.

Concernant les aléas et le développement de la culture du risque, Météo France participe à cette culture par son activité de communication. Nous avons dans les outre-mer une activité très forte auprès des médias. Nous accompagnons les aléas lorsqu'ils arrivent mais nous accompagnons aussi toutes les actualités climatiques qui peuvent être non catastrophiques et qui permettent d'expliquer les évolutions du climat au grand public.

Nous avons aussi des actions en lien avec l'éducation et la jeunesse, telles que des actions de sensibilisation. Nous intervenons très fréquemment dans les opérations de type Fête de la science ou autres qui permettent de faire connaître nos métiers et de sensibiliser au risque.

Sur les moyens affectés à l'observation, il y a toujours une question d'efficacité. Nous cherchons avant tout la meilleure efficacité à des coûts raisonnables pour notre établissement et pour l'État en général.

Les moyens déployés dans les territoires d'outre-mer sont importants. Nous pourrions en vouloir davantage mais il faut savoir raisonner en coûts-bénéfices. Nous veillons donc à déployer des moyens que nous sommes en mesure d'entretenir.

Il est important pour Météo France d'avoir des stations de mesure qui nous permettent un suivi en temps réel mais il est encore plus important d'être capable de les maintenir correctement. C'est un objectif très fort qui permet de s'inscrire dans la durée.

Il faut par ailleurs savoir qu'une grande partie de la surveillance dans les outre-mer repose sur des images satellites. Nous avons ainsi développé des coopérations internationales avec d'autres opérateurs satellites qui nous permettent d'accéder à des images américaines sur le Pacifique et de bénéficier des meilleurs outils de surveillance de nos territoires.

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Comment se passe votre coopération avec vos homologues ou les autorités des pays voisins sur les zones géographiques ultramarines ?

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Sophie Martinoni-Lapierre, directrice de la climatologie et des services climatiques à Météo France

L'Organisation mondiale de la météorologie nous permet de nous réunir dans des groupes thématiques pour travailler conjointement à des standards partagés et à des évolutions de compétences pour les pays en voie de développement.

C'est un organisme qui a permis en particulier aux services météorologiques de partager leurs données les plus essentielles. Il faut savoir qu'aucun de ces services ne peut faire une prévision météorologique sans avoir accès à l'information des autres. Les services météorologiques sont donc habitués à partager de l'information depuis fort longtemps et nous avons donc beaucoup d'opérations de coordination.

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Comment faites-vous quand un État se trouve dans une situation de déséquilibre institutionnel ou de déstabilisation ? Je pense en particulier à la situation haïtienne.

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Sophie Martinoni-Lapierre, directrice de la climatologie et des services climatiques à Météo France

Il y a généralement suffisamment d'informations pour que nous puissions travailler sans l'ensemble des stations d'une zone. Cela ne nous empêche pas de produire notre information météorologique localement dans les territoires voisins.

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Je voudrais vous féliciter et saluer tous vos progrès au niveau du service météorologique concernant la précision de la trajectoire des cyclones, qui devient de plus en plus précise et permet de mieux anticiper les mesures à prendre et les gestes à privilégier.

Je crains cependant qu'à un moment les Réunionnais – je suis députée de la Réunion – ne croient plus à ces alertes parce que certaines ne se sont pas matérialisées. Comment leur expliquer les modalités de déclenchement des seuils de vigilance pour qu'ils n'aient plus l'impression de déclenchements trop rapides ?

Dernièrement, le cyclone Belal a été reconnu catastrophe naturelle. Pourquoi les vents ont-ils été dissociés des pluies alors qu'un cyclone combine à la fois les vents et les pluies ?

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Sophie Martinoni-Lapierre, directrice de la climatologie et des services climatiques à Météo France

La vigilance est un système qui est toujours réinterrogé et que nous évaluons régulièrement.

La vigilance attire l'attention sur des phénomènes localisés. Ainsi, sur une île comme la Réunion ou Tahiti, il est possible qu'une vallée soit concernée par un épisode de pluie intense et que toute une zone également en vigilance jaune ne connaisse pas ces pluies. Cela peut laisser penser aux citoyens qui habitent cette zone préservée que la vigilance jaune n'était pas adaptée. Nous travaillons donc sur des vigilances infraterritoriales pour améliorer notre précision géographique.

Les fortes précipitations restent néanmoins le phénomène le plus difficile à prévoir. Il est très difficile de ne pas avoir de fausses alarmes ou de non-détection, ce qui est encore pire en termes de crédibilité.

C'est un enjeu qui est compris par Météo France. Nous travaillons encore et toujours à améliorer la cohérence de notre vigilance avec ce que vivent les populations, même si c'est particulièrement compliqué pour les précipitations intenses.

Concernant le cyclone Belal, les procédures de reconnaissance de catastrophe naturelle établies par une commission spécialisée conduisent à solliciter Météo France pour son expertise sur divers aléas. Nous sommes sollicités par aléa et nous répondons par aléa. Il appartient ensuite à la commission de décider à quel titre elle reconnaît tel ou tel phénomène.

Je ne peux donc répondre au titre de la commission mais uniquement sur la façon dont Météo France est sollicitée.

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Sophie Martinoni-Lapierre, directrice de la climatologie et des services climatiques à Météo France

Il nous est demandé d'étudier chaque paramètre séparément.

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Quel est votre apport dans l'élaboration des plans Orsec ? À quel moment intervenez-vous ? J'ai cru comprendre que vous y étiez associés.

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Sophie Martinoni-Lapierre, directrice de la climatologie et des services climatiques à Météo France

Oui, effectivement, nous y sommes associés au titre d'expert. Par exemple dans le plan Orsec cyclone, nous pouvons avoir à décrire les différentes catégories de cyclones et les conséquences d'un cyclone. Nous contribuons aussi à la réflexion générale sur la mise en œuvre du dispositif.

Nous sommes pleinement associés et au service de l'autorité préfectorale sur ce type de document.

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Merci madame la directrice, Avant de nous séparer, souhaitez-vous ajouter un mot de conclusion ?

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Sophie Martinoni-Lapierre, directrice de la climatologie et des services climatiques à Météo France

Je vous remercie d'avoir sollicité notre intervention dans votre commission. Je reste à votre disposition si vous avez des questions complémentaires.

Il y a encore beaucoup de questions ouvertes en particulier sur le changement climatique. J'espère que nous saurons apporter des réponses peut-être un peu moins nuancées d'ici un ou deux ans sur cette question.

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Je vous suggère de nous envoyer les éléments dont vous jugerez qu'ils peuvent intéresser les travaux de la commission. Nous en sommes très demandeurs et je vous remercie d'ores et déjà de cette communication supplémentaire.

Je vous remercie pour votre intervention qui nous a éclairés sur bien des points.

L'audition s'achève à dix-sept heures trente-cinq.

La commission procède à l'audition de la table ronde d'associations de protection civile réunissant : la Croix-Rouge française : Mme Gaëlle Nebard, directrice nationale outre-mer, MM. Florent Vallée, directeur délégué de l'urgence et des opérations et Alain Rissetto, administrateur et président de la commission « mobilisation face aux crises » et la Fédération nationale de protection civile (FNPC) : MM. Hervé Bidault De L'Isle, secrétaire général et François-Xavier Volot, directeur aux affaires générales.

L'audition commence à dix-sept heures quarante-cinq.

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Nous accueillons cinq responsables de la Croix-Rouge française et de la Fédération nationale de protection civile. Madame, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Cette audition conjointe doit nous permettre d'aborder des aspects concrets de la protection civile et du secours aux populations dans les territoires d'outre-mer en cas de survenance d'un risque naturel majeur.

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale.

Je me permets de vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

M. Florent Vallée prête serment.

Mme Gaëlle Nebard prête serment.

M. Hervé Bidault De L'Isle prête serment.

M. François-Xavier Volot prête serment.

M. Alain Rissetto prête serment.

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Hervé Bidault De L'Isle, secrétaire général de la Fédération nationale de protection civile

Merci d'avoir organisé cette réunion, j'espère que nous pourrons avancer vers de bonnes résolutions.

L'outre-mer à la protection civile, ce sont essentiellement la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie. Nous sommes un peu moins présents dans les outre-mer que la Croix-Rouge.

Nous avons plutôt des problèmes financiers. Comment soutenir nos outre-mer en sachant que pour entretenir le lien avec la capitale, il faut les faire venir et que cela coûte une fortune. Malgré les impressions, la fédération nationale de la protection civile n'est pas très riche.

Ensuite, comment améliorer la situation sur place en luttant contre l'abominable droit de mer qui double tous les tarifs et qui fait que quand nous voulons habiller les Polynésiens, nous préférons leur demander de se débrouiller pour trouver localement parce que cela coûtera moins cher.

Bien évidemment, malgré ces problématiques, nous nous employons à essayer de mettre en place à la fois sur l'arc Atlantique et sur l'arc Pacifique des lots internationaux qui nous permettent d'intervenir en cas de problème.

Mais là encore, de nombreuses problématiques se posent et notamment comment se rendre sur les sites quand il y a un problème. Nous sommes souvent confrontés à des refus d'autorisation, à des avions indisponibles, à du matériel non transportable… Il y a probablement des améliorations à apporter dans le rapport entre les associations de sécurité civile notamment dans leur partie métropolitaine et le rapport avec les outre-mer.

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François-Xavier Volot, directeur aux affaires générales de la Fédération nationale de protection civile

La protection civile est bien implantée en outre-mer. Nous avons la chance comme en métropole d'avoir beaucoup de bénévoles qui ont envie de donner leur temps sur les catastrophes comme sur les postes de secours ou la formation, tout ce qui peut se produire tous les jours de la vie normale.

Au niveau de nos différents types d'actions, nous intervenons comme en métropole dès l'instant où il y a des catastrophes naturelles. C'est ce que nous avons fait dernièrement avec l'ouragan Irma à Saint-Martin.

À la suite de cet ouragan, nous avons décidé d'augmenter l'armement de nos protections civiles partout dans le monde et nous avons constitué des lots internationaux qui nous permettent d'intervenir très rapidement.

Au-delà de tout cela, comment nous aider ? Les frais d'octroi de mer sont financièrement très impactants pour nos protections civiles et parallèlement nous continuons à les accompagner et à les former pour qu'elles puissent réagir aux besoins. Ce tissu se développe néanmoins et c'est d'ailleurs grâce à lui que nous pourrons assurer le site olympique le plus éloigné de Paris à Teahupo'o en Polynésie. Nous avons besoin de vous sur ce point-là.

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Alain Rissetto, administrateur et président de la commission « mobilisation face aux crises » de la Croix-Rouge française

Merci de nous donner cette opportunité de pouvoir nous prononcer sur cette question de la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer.

Notre association possède une triple particularité que je me permets de vous rappeler : Tout d'abord, nous avons un statut d'auxiliaire des pouvoirs publics au plan humanitaire. Nous avons aussi cette notion d'appartenance à un mouvement international qui réunit plus de 191 sociétés nationales et des coordinations qui sont faites à la fois par la fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et le comité international de la Croix-Rouge. Comme nos amis de la protection civile, nous avons ce statut d'association agréée de sécurité civile pour lequel nous disposons d'un agrément pour les quatre types de mission, y compris en Nouvelle-Calédonie où le gouvernement calédonien nous a agréés.

Nous avons des conventions qui sont signées à la fois avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, avec le ministère des affaires étrangères ou le ministère de la santé. Nous avons un certain nombre de spécificités en tant qu'association de sécurité civile puisque nous avons un regard sur 360 degrés autour de trois grandes thématiques qui sont le secours, la santé et la solidarité.

Nous ne sommes pas une fédération et nous fonctionnons avec un réseau sous une responsabilité unique.

Nous avons des atouts et notamment une présence sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. La Croix-Rouge française, ce sont plus de 100 000 personnes dont 18 000 salariés et 15 000 étudiants qui sont réunis autour de 650 établissements.

Notre présence dans les territoires ultramarins est particulièrement importante puisque ce sont près de 4 000 intervenants qui sont répartis sur nos 12 délégations territoriales organisées avec des antennes qui permettent des réponses de proximité.

Nous avons plus d'une centaine d'établissements qui interviennent dans des domaines très spécifiques : enfance et famille, la lutte contre l'exclusion, les personnes âgées, le sanitaire, le handicap, la formation ou la gestion des risques et catastrophes.

Nous avons aussi cette spécificité depuis l'année 2000 d'avoir des plateformes d'intervention régionales, notamment dans l'océan Indien et la zone Pacifique. Ces plateformes ont pour objectif d'être capables de pouvoir apporter des réponses à des catastrophes, notamment naturelles, à la fois sur le sol français mais aussi dans les pays voisins.

Comme vous le savez, notre ADN est de pouvoir être capable de mobiliser toutes ces forces des mouvements de la Croix-Rouge pour faire face à ces cirses. Le secours est dans notre ADN et c'est la raison même de notre emblème qui est un emblème protecteur.

Nous avons une organisation qui repose sur des piliers qui sont prévenir, rééduquer, protéger, relever en rétablissant les liens sociaux. Nous avons des directions spécifiques et nous avons une commission spécifique du conseil d'administration.

Nous avons une vision générale sur cette thématique de sécurité civile. C'est celle du citoyen au cœur de la réponse pour être préparé aux crises et comme nos amis de la protection civile, nous revendiquons aussi le positionnement des associations de sécurité civile comme troisième acteur dans la chaîne des secours.

Nous avons une stratégie opérationnelle depuis un certain nombre d'années pour permettre une meilleure réponse de proximité. Nous sommes habitués à intervenir en situation de crise, que ce soit en métropole ou dans les territoires d'outre-mer. Nous avons un centre opérationnel national et nous avons prépositionné des moyens sur l'ensemble du territoire.

Nous avons des plans d'urgence territoriaux dans lesquels nous avons des schémas opérationnels, et qui sont co-construits avec les acteurs publics.

Nous avons en interne une organisation qui nous permet de venir aussi en soutien de nos délégations territoriales et nous avons maintenant depuis 1989 et le cyclone Hugo en Guadeloupe une certaine expertise sur la réponse aux crises. Nous assurons aussi des missions traditionnelles qui portent sur le soutien aux populations, que ce soient des centres d'accueil pour impliqués ou des centres d'hébergement, qu'il s'agisse d'actions de santé ou dans le domaine du soutien psychologique.

Nous avons cette capacité de pouvoir intervenir dans la prévention et la sensibilisation en utilisant la formation comme levier de résilience. Ce sont soit des formations spécifiques aux gestes qui sauvent, soit spécifiques à la sensibilisation sur les risques et la préparation des populations.

Ces dernières années montrent qu'il y a de plus en plus de catastrophes naturelles majeures et nous voyons que ces crises ont dévoilé des vulnérabilités partagées qui font émerger des inégalités de santé. C'est encore une fois la raison pour laquelle nous mettons cette réponse à la crise au cœur de notre dispositif. Nous avons priorisé cette capacité de pouvoir apporter une réponse opérationnelle et efficace sur les territoires d'outre-mer.

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Gaëlle Nebard, directrice nationale outre-mer de la Croix-Rouge française

J'ai l'honneur et la chance de coordonner l'ensemble de l'activité de la Croix-Rouge en outre-mer.

Nous le disons souvent, nous sommes une des rares associations à être présentes sur tous les territoires et je tiens à saluer la mobilisation de l'ensemble des acteurs de la Croix-Rouge salariés et bénévoles sur le territoire et en particulier à Mayotte qui connaît actuellement une situation particulière.

Il est important de dire que le cadre d'action est identique en outre-mer et en métropole. Notre maillage territorial est notre force. Nous le devons à des bénévoles engagés mais également à des salariés, notamment en cas de crise et de catastrophe naturelle.

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François-Xavier Volot, directeur aux affaires générales de la Fédération nationale de protection civile

Je reviens très rapidement sur « l'avant-crise » et « l'après-crise ».

Concernant le degré de préparation, il est important de noter que les Français en outre-mer sont globalement bien mieux préparés à la crise que dans l'Hexagone. Tous les réflexes que nous pouvons donner aux populations, elles les ont déjà en partie. C'est rassurant.

Par ailleurs au-delà des formations de secours, nous faisons beaucoup de formations à la préparation de la résilience, par exemple sur les différents packages à préparer avant une crise, un cyclone ou un ouragan. C'est un axe que nous essayons de développer en outre-mer.

Nous remarquons globalement que la coordination entre nos protections civiles et les préfectures ou les mairies est plutôt bonne. Les liens sont faits et c'est tant mieux. En revanche, il peut y avoir une rupture d'information dès l'instant que le niveau national est atteint. Nous l'avons notamment vécu lors de l'opération Irma où nous avions besoin d'envoyer du matériel et du personnel formé pour venir en aide aux populations sur place. Il nous a été très compliqué d'arriver à obtenir des informations et de l'aide de la part du Cogic et de la direction générale de la sécurité civile pour pouvoir affréter des avions et envoyer des moyens humains et matériels directement à Saint-Martin. La réponse qui nous a été faite état qu'il n'y avait pas de besoin en local.

Nous avons donc dû affréter nous-mêmes des avions pour envoyer du matériel et passer par des compagnies privées pour envoyer des personnels. Cela a malheureusement freiné notre intervention.

Concernant les fonds et notre capacité de fonctionnement au quotidien comme en situation de crise, notre « modèle économique » est assez simple : nous facturons des prestations poste de secours et des formations qui sont censés générer suffisamment de recettes pour nous aider à anticiper les crises.

Nous bénéficions au niveau local de quelques fonds publics et au niveau national de 16 000 euros accordés par la direction générale de la sécurité civile. 16 000 euros pour 32 0000 bénévoles, soit 50 centimes par bénévole. Nous avons besoin que les services de l'État changent ce système et augmentent ces fonds afin que nous puissions mieux intervenir lors des crises mais aussi que nous puissions mieux les préparer en augmentant les formations à la résilience.

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La Croix-Rouge comme la Protection civile se caractérisent par un maillage territorial avec des bénévoles issus des territoires, même si des personnes plus qualifiées avec du matériel plus pointu interviennent en cas de crise.

J'aurais voulu que vous reveniez sur le maillage et que vous nous expliquiez comment vous pouvez garantir ce maillage. Comment développez-vous ce maillage sur des territoires particulièrement étendus comme la Polynésie française ou la Guyane ? Quels sont vos méthodes, vos capacités et vos besoins ?

Je voudrais aussi vous poser une question sur votre coordination avec les acteurs publics, à laquelle vous avez partiellement répondu. À part quelques dysfonctionnements au niveau local, les synergies sont très fortes au niveau local et c'est tout à fait important.

Par ailleurs, comment intervenez-vous auprès des acteurs économiques, des entreprises, des commerçants, qui sont un public avec un maillage très particulier sur ces territoires ?

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Florent Vallée, directeur délégué de l'urgence et des opérations de la Croix-Rouge française

Le recrutement de nos bénévoles découle de notre présence sur le terrain. C'est parce que nous sommes présents sur le territoire et que nous menons des actions au quotidien que nous pouvons recruter. C'est l'ensemble de nos actions mises en valeur qui nous permettent d'accéder à la population et de recruter des volontaires.

Nous menons des campagnes de communication, notamment pour les Jeux olympiques mais aussi pour mieux aborder 2030. Nous avons des campagnes de communication en cours qui nous ramènent un nombre important de personnes mais c'est l'action au quotidien de la Croix-Rouge qui draine la majorité des bénévoles.

Comme toutes les associations, nous connaissons des difficultés.

Nous avons des difficultés de recrutement. Si nous parvenons à recruter de nouveaux bénévoles, nous peinons à les conserver durablement et à leur faire accepter de prendre des responsabilités.

C'est très compliqué car ces responsabilités sont de plus en plus lourdes. C'est lourd d'être responsable associatif et c'est lourd d'assurer les tâches administratives associées. C'est la raison pour laquelle nous avons réclamé une simplification des tâches administratives pour nos volontaires lors de notre audition par une commission sur la sécurité civile.

Pour les territoires ultramarins, il est aussi important de les inclure pleinement dans l'écosystème d'ensemble de la Croix-Rouge française. Il faut donc favoriser leur venue à l'assemblée générale et dans les différentes formations (d'État ou internes) en payant les voyages et l'hébergement ou en y envoyant des formateurs pour leur permettre de garder le même niveau que dans l'Hexagone. Ce sont des territoires comme les autres, qui doivent avoir le même niveau de formation. Toutes les formations dispensées dans l'Hexagone le sont donc également systématiquement dans les territoires ultramarins.

C'est pourquoi nous avons une direction nationale de l'outre-mer qui pilote l'ensemble de l'activité, bénévoles comme salariés. Ainsi, nous n'oublions jamais les outre-mer dans nos décisions, nos prévisions, nos façons de faire.

Nous sommes un acteur important de la préparation des volontaires et de la société civile. Ainsi en 2023, nous avons formé 43 000 personnes à la réduction des risques de catastrophes. Même si la population est de mieux en mieux formée et sensibilisée, il faut poursuivre les efforts avec des formations qui correspondent aux problématiques locales. Ce n'est pas la problématique lyonnaise ou la problématique martiniquaise que nous devons amener à la Réunion ou inversement. Ils n'ont pas les mêmes problèmes ni les mêmes pratiques ou les mêmes visions.

C'est un travail extrêmement important que nous menons depuis des années et que nous avons pu mener grâce à des financements, notamment européens. Ils nous ont permis de monter des formations, de diffuser des formations dans la population. Aujourd'hui bien souvent, ces financements s'arrêtent. Nous avons une perte de financement et pour certains territoires, nous avons dû arrêter nos formations.

Le lien avec le tissu local peut être très fort. Ainsi, nous sommes pleinement inclus dans le centre opérationnel préfectoral de certaines préfectures, comme à la Réunion lors du cyclone Belal. Par contre, ce n'était pas le cas dans le Pas-de-Calais lors des dernières inondations.

Avec les acteurs économiques, les liens sont forts et plus ou moins diffus. Ils sont forts parce que nous nous approvisionnons localement auprès d'eux. Nous voulons faire vivre les personnes qui sont sur place et nous essayons donc de fonctionner avec les fournisseurs locaux, d'autant plus que cela évite les coûts de transport.

Lors d'une catastrophe comme Irma à Saint-Martin, il y a plusieurs phases.

500 bénévoles se sont relayés pour assurer une présence accrue pendant deux mois, en s'appuyant sur les personnes sur place. Nous avons en effet la chance d'avoir une délégation territoriale à Saint-Martin.

Après deux mois de phase d'urgence où nous avons pu aider pour fournir des bâches, de l'eau, des produits d'hygiène, nous sommes entrés dans une phase de post-urgence qui a duré plus de deux ans. Nous avons accompagné les populations, notamment avec des bons alimentaires pour qu'ils achètent les produits de première nécessité dont ils pouvaient avoir besoin. Nous avons travaillé avec les commerçants locaux et la préfecture pour créer un dispositif ad hoc spécifique.

Cela fait partie de nos principes, nous essayons toujours de nous fournir localement pour faire redémarrer l'économie locale. C'est le principe de résilience. Il est indispensable de travailler avec le tissu économique local pour reconstruire le plus vite possible un territoire après une catastrophe.

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Gaëlle Nebard, directrice nationale outre-mer de la Croix-Rouge française

J'ajouterai pour compléter le propos sur la prévention et la sensibilisation au risque de catastrophe naturelle qu'au travers de ses plateformes, la Croix-Rouge développe énormément auprès du grand public mais surtout auprès des plus jeunes et en milieu scolaire. Nous allons même jusqu'à adapter le nom du dispositif au territoire : « Fok Nou Paré » à la Martinique, « Alerte » en Nouvelle-Calédonie, « Get ready with me » à Saint-Martin, ou encore Paré pa paré à la Réunion.

Il y avait aussi un dispositif « Maore dzi pangue » à Mayotte qui s'est arrêté il y a deux ans faute de financement. Il devrait d'ailleurs en être de même prochainement pour le dispositif « Alerte » en Nouvelle-Calédonie. La question du financement est réelle.

Les fonds européens régionaux et Interreg ne peuvent pas financer aussi des activités sur le terrain national et des dispositifs de financement par la DEAL qui existent à la Réunion ne sont pas disponibles ailleurs. Par conséquent, des dispositifs qui fonctionnent très bien devront s'arrêter et nous le regrettons vraiment.

Concernant la prévention auprès des plus vulnérables, nous avons sur une majorité des territoires des SAMU sociaux qui font des maraudes avec des volontaires et des salariés, des bénévoles. En phase de pré-alerte, nos SAMU sociaux et nos équipes mobiles d'intervention sociale préparent des kits d'urgence avec des fiches comportant des adresses des abris communiqués par la préfecture et des numéros de téléphone de secours. Des affiches informent également sur les risques cycloniques et les gestes à adopter. Une partie des budgets de nos SAMU sociaux est complètement dévolue à la préparation de ces kits.

Dès le déclenchement de l'alerte jaune, nous renforçons nos maraudes en distribuant ce kit et en menant ce travail de repérage auprès des publics plus vulnérables. L'ensemble des personnes que nous accompagnons a une solution de mise à l'abri durant le passage de l'événement climatique.

Je tiens à dire que dans l'ensemble de nos établissements portés par des salariés, les services de soin à domicile, les services de tutelle, et dans l'ensemble de nos établissements, nous sommes en contact avant l'alerte pour vérifier qu'ils ont tout ce qu'il faut pendant le passage du cyclone. Nous gardons ce contact pendant toute la durée du cyclone.

S'il fallait émettre une recommandation, ce serait de mener ce travail de prévention et de sensibilisation toute l'année et non uniquement en préparation de l'ouverture de la saison cyclonique.

Concernant les rapports avec le milieu économique, nous sommes sollicités par les entreprises pour sensibiliser leurs salariés. Des programmes dédiés existent en Guadeloupe et à la Réunion, mais ils doivent être développés. La demande existe et l'offre de services doit être davantage construite. C'est un sujet, surtout depuis la publication du décret de mai 2023 qui impose désormais à tout salarié des outre-mer d'être sensibilisé sur ces questions climatiques.

Nous avons aussi pu être interpellés par certains types d'entreprises tels que les hôteliers considérant que les touristes ne sont pas forcément informés. Nous avons donc mené des actions auprès des saisonniers qui viennent sur les saisons touristiques fortes, notamment sur des territoires comme Saint-Barthélemy.

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Hervé Bidault De L'Isle, secrétaire général de la Fédération nationale de protection civile

Concernant le recrutement, la Fédération nationale peut se flatter de recruter +6 % de bénévoles par an y compris dans les outre-mer. Même si nous avons un turnover élevé, c'est un chiffre très important. Dans de nombreux milieux associatifs, le recrutement s'effondre.

Pour nous, les outre-mer sont des associations affiliées. Elles ont donc beaucoup d'autonomie, tout en étant dans un principe d'unité.

Là où nous sommes présents, nous implantons des antennes locales. En Polynésie par exemple, je pense que nous avons une vingtaine d'antennes locales. En tout, nous avons entre 40 et 50 antennes locales dans les territoires d'outre-mer. Cela représente environ 10 % de nos 500 antennes locales.

Notre problème en outre-mer, ce sont les finances. Nous n'avons pas d'argent et les outre-mer peinent à en gagner parce que nous ne savons pas y faire la quête ni obtenir de dons. Les budgets sont donc très faibles et il y a une paupérisation de nos secouristes comparativement aux métropolitains. Il faudrait que nous puissions bénéficier de subventions pour aider les outre-mer.

Malgré ce manque de moyens, la Protection civile est très dynamique. C'est le principe même de la Protection civile, nous sommes capables de faire beaucoup avec rien.

La Protection civile, ce sont des bénévoles qui viennent aident en cas de problème. Ils sont très utiles parce qu'ils font ce que personne ne veut faire. Ce que veut la Protection civile, c'est rendre service. Cependant, la Protection civile est souvent mal aimée car elle démontre aussi malgré elle les insuffisances du Sdis local.

Il y a un problème de reconnaissance. Nous avons un peu l'impression d'être les « kleenex » de la République. Nous sommes utilisés en cas de besoin puis jetés ensuite.

C'est un sentiment national qui ne se limite pas aux outre-mer. Très souvent, le secouriste bénévole est plus qu'utile en cas de crise car les services de l'État sont débordés. Mais lorsque le pire est passé, nous sommes oubliés.

Le bénévolat est précieux et important. Pourtant, c'est une activité digne à laquelle aucune reconnaissance n'est accordée.

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Alain Rissetto, administrateur et président de la commission « mobilisation face aux crises » de la Croix-Rouge française

Concernant le maillage territorial, il faut prendre en compte ce constat que nous partageons tous qui est l'évolution des formes de l'engagement.

Les gens ne s'engagent plus de la même manière et par conséquent, nous devons être capables d'intégrer les « bénévoles ponctuels ». Nous devons nous adapter à cette évolution du bénévolat. Ce sont ainsi plus de 30 000 personnes qui ont frappé à la porte de la Croix-Rouge française lors du covid.

Par ailleurs, l'ensemble des actions menées face à la crise sont plutôt des actions de solidarité de type actions sociales menées par bien d'autres acteurs que des secouristes.

Au sujet de la coordination, nous travaillons effectivement avec les pouvoirs publics et les services de l'État et nous signons dans le cadre de la loi Matras des conventions avec les Sdis. Nous travaillons aussi sur la réponse de proximité avec les collectivités territoriales et notamment sur le plan communal de sauvegarde. Nous avons à la fois une préparation en amont avec les services de l'État et les réponses que nous pouvons apporter avec les collectivités territoriales.

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François-Xavier Volot, directeur aux affaires générales de la Fédération nationale de protection civile

Je rejoins Monsieur Rissetto sur l'évolution des formes de bénévolat. Pour la Protection civile, l'objectif est assez clair et a été fixé il y a plusieurs années par notre président. Il s'agit d'ouvrir une quinzaine d'antennes par an. Je précise que cet objectif est tenu.

Je voudrais revenir sur nos liens avec les acteurs économiques.

Lors des crises, notre préoccupation va d'abord aux victimes. Ensuite, nous demandons très rapidement à nos équipes sur place de faire repartir le tissu économique. Cela consiste notamment à dégager le plus rapidement possible les axes routiers et les zones d'activité pour que l'économie puisse repartir. Nous le demandons aussi bien sur les territoires ultramarins qu'en France métropolitaine.

Il faut également savoir que notamment en Polynésie, nous avons de plus en plus de mécénat de la part des entreprises privées.

Nous faisons également de la formation à destination des entreprises, avec un bémol toutefois puisque le BS1 n'est plus financé ni finançable par le CPF. Cela peut parfois limiter des entreprises qui ont moins de moyens et pouvaient demander à leurs salariés de passer un BS1 via leur CPF.

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Florent Vallée, directeur délégué de l'urgence et des opérations de la Croix-Rouge française

Aujourd'hui, l'éducation est la clé de tout. Or notre plus grande difficulté est d'avoir des produits qui soient adaptés systématiquement à chaque territoire et d'avoir des outils de financement qui nous permettent de les déployer et de les développer. Nous avons vraiment besoin d'outils de financement pérennes qui soient pluriannuels et qui nous permettent d'avancer sur ces points.

La protection pour nous, c'est notre capacité d'intervention. C'est également notre capacité d'intervention sur toutes les crises naturelles. Pour cela, nous avons nos plateformes d'intervention régionales qui sont positionnées sur les trois océans. Ce sont des stocks de matériel qui sont positionnés et qui nous permettent d'intervenir aussi bien au niveau international que national. C'est extrêmement coûteux mais ce sont bien souvent les seuls moyens d'intervention à proximité des territoires.

Ce sont des moyens qui ont été payés par la Croix-Rouge française, pour lesquels nous ne bénéficions d'aucun soutien financier. Les trois ouragans qui sont passés sur l'arc antillais nous ont prouvé qu'ils étaient indispensables. Pour rendre résilients les territoires ultramarins, il faut leur donner des capacités d'intervention et de protection en prépositionnant du matériel en conséquence.

Ce sera encore plus nécessaire à l'avenir si un séisme devait se produire. Sans matériel sur place, ce sera extrêmement compliqué de répondre à l'urgence de la population.

À Saint-Martin lors du cyclone Irma, il y a trois jours de tranquillité avant un deuxième cyclone annoncé. Pendant cette période, si rien n'a été mis en place, des pillages sont observés comme à Saint-Martin.

Nous aurions donc vraiment besoin d'un coordinateur au niveau de l'État, un coordinateur de politique en matière de gestion des risques catastrophe, en matière de prévention. C'est extrêmement important. Après Irma, nous avons pu obtenir un coordinateur interministériel sur les risques naturels. Nous avons besoin de ce coordinateur pour pouvoir mener cette politique dans les territoires d'outre-mer pour leur permettre d'être plus résilients.

Nous savons aussi à quel point il est important d'intervenir en pluridisciplinaire dans les outre-mer. Tout est lié, tout est imbriqué. Lors d'une catastrophe, même si le préfet y assure une coordination plutôt correcte, nous aurions besoin d'une telle coordination à l'échelon national, une coordination globale qui gère et qui prépare à la crise au quotidien.

Des plans de secours existent et fonctionnent très bien mais il n'y a rien sur le soutien aux populations, que ce soit dans les territoires ultramarins ou dans l'Hexagone. Les maires se retrouvent seuls avec leur plan communal de sauvegarde (lorsqu'il existe) et dans un certain nombre de petites communes, ils ne disposent pas du personnel pour le mettre en place.

Il y a un besoin de moyens et de coordination pour employer tous ces moyens qui peuvent être mis en œuvre par les différents acteurs. C'est très important à nos yeux.

Il faut aussi travailler sur les personnes les plus précaires qui n'ont pas accès à l'information. Les personnes hyper précaires n'ont pas de téléphone et pourtant il faut pouvoir les alerter et les informer. Ce sont aussi des missions qu'il ne faut pas oublier et qu'il faut prendre en compte.

Ce sont des points importants. Nous avons besoin de financements pour pouvoir fonctionner et de facilités pour favoriser le bénévolat et les liens avec tous les acteurs sur place.

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Gaëlle Nebard, directrice nationale outre-mer de la Croix-Rouge française

La présentation des différentes actions que nous menons sur l'ensemble des territoires vous montre à quel point la Croix-Rouge est engagée partout en outre-mer à travers ses bénévoles et ses salariés.

Nous voulons mieux faire et faire encore plus sur la sensibilisation des populations aux risques de catastrophe naturelle parce que nous sommes les premiers concernés.

Nous souhaitons mieux faire, nous souhaitons faire encore plus, que les pouvoirs publics dans leur ensemble s'appuient sur des opérateurs comme la Croix-Rouge qui sont implantés pour que nous puissions développer des actions d'anticipation et de préparation. Elles sont essentielles dans le cadre de la sensibilisation, à la fois pour le matériel de prépositionnement et pour que nous puissions poursuivre nos actions de sensibilisation sur le terrain.

Nous avons du personnel formé mais faute de financement, nous devrons arrêter des dispositifs. Il est essentiel que les pouvoirs publics en aient conscience.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au nom de la commission, je vous remercie pour votre disponibilité et pour les éléments d'information que vous nous avez donnés et vos suggestions.

L'audition s'achève à dix-huit heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Réunion du jeudi 8 février 2024 à 14 heures

Présents. – Mme Nathalie Bassire, Mme Florence Goulet, M. Mansour Kamardine, Mme Sophie Panonacle, M. Guillaume Vuilletet.

Excusés. – Mme Maud Petit, Mme Sandrine Rousseau, Mme Laetitia Saint-Paul.