Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 21 juin 2023 à 13h35

Résumé de la réunion

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  • abus
  • contenu
  • internet
  • pédopornographique
  • sexuels
  • éducation

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 21 juin 2023

Présidence de M. Frédéric Petit, Vice-président de la Commission,

La séance est ouverte à 13 heures 35.

I. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur les enfants : examen de la proposition de résolution européenne (n° 1395) (Mme Perrine GOULET, rapporteure)

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Nous nous retrouvons aujourd'hui pour l'examen d'une proposition de résolution européenne relative à la proposition de règlement établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur les enfants. Je suis heureux d'accueillir dans notre commission pour cette occasion Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants et rapporteur de cette proposition de résolution européenne.

Il est tout particulièrement pertinent que notre commission puisse se prononcer sur ce texte européen important. Le mois dernier, en effet, le Gouvernement a présenté son projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique lequel anticipe et reprend certaines dispositions de cette proposition de règlement européen. L'Union européenne se doit de protéger les enfants sur internet.

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J'ai souhaité porter cette proposition de résolution européenne sur un texte présenté en mai 2022 par la Commission européenne, visant à prévenir et à combattre les abus sexuels sur les enfants. La nécessité de lutter contre violences sexuelles, dans la lignée du mouvement MeToo, a fait l'objet d'une prise de conscience croissante au sein de la société. Toutefois, les abus sexuels commis sur les enfants demeurent encore trop sous-estimés. Selon le Conseil de l'Europe, un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles en Europe.

Il signifie également que nous connaissons tous, dans nos entourages, des adultes qui ont été victimes de telles violences dans leur enfance. Dans la majorité des cas, ces actes sont commis par une personne proche de l'enfant, souvent dans son cercle de confiance voire sa famille. Ils provoquent des dommages à vie sur la santé physique et mentale de l'enfant. Malheureusement, dans 90 % des cas, ils ne sont pas signalés à la police.

Les abus sexuels sur les enfants ne sont bien entendu pas apparus avec l'émergence d'Internet. Toutefois, le développement des outils numériques a décuplé les risques pour les mineurs et créé de nouvelles formes de menaces et d'abus sexuels. Alors que 63 % des enfants de moins de 13 ans sont inscrits sur un réseau social, celui-ci est désormais l'outil privilégié des agresseurs pour entrer en contact avec leurs jeunes victimes et les piéger.

De plus, la viralité qui caractérise la diffusion de contenus dans l'espace numérique redouble la violence des abus sexuels. Les victimes, en plus de subir des abus sexuels dans la vie réelle, sont souvent victimes une seconde fois, en subissant la diffusion, le partage et le repartage entre pédocriminels de leur agression sur Internet. En 2021, le démantèlement d'un réseau pédocriminel sur le dark web appelé « boystown » a relevé l'existence d'un site rassemblant plus de 400 000 membres à travers le monde, où s'échangeaient des millions d'images d'abus sexuels sur des enfants.

Le numérique donne également lieu au développement de nouvelles pratiques particulièrement abjectes, comme celles des viols en ligne où des internautes achètent des vidéos diffusées en directs de viols de jeunes enfants souvent originaires de pays pauvres d'Asie du sud-est. Nous ne pourrions tolérer que de tels agissements se développent « hors ligne ». Comment, dès lors, expliquer que nous tolérions que chaque année la quantité de contenus à caractère pédopornographique identifiés sur internet augmente ? En 2022, 32 millions de signalements de contenus pédopornographiques ont été effectués par les fournisseurs de services en ligne auprès du Centre national américain pour les enfants disparus et exploités. 60 % de ces contenus étaient hébergés dans l'Union européenne.

Face à ce constat accablant, qui heurte les valeurs essentielles de l'Union et porte atteinte aux droits fondamentaux des enfants, la législation européenne est insuffisante. Elle n'impose, à ce jour, aux fournisseurs de services, aucune obligation de détection de ces contenus, celle-ci étant réalisée sur une base volontaire.

La proposition de règlement présentée par la Commission européenne entend remédier à cette situation en établissant des règles contraignantes et uniformes à l'égard des fournisseurs de services en ligne opérant dans l'Union. Une fois ce texte adopté, les entreprises du numérique auront obligation de signaler les contenus à caractère pédopornographique identifiés sur leur service. Elles devraient également mettre en place des politiques d'évaluation des risques. Dans l'hypothèse où des risques particuliers seraient identifiés, elles seraient tenues de mettre en place des politiques de détection des contenus incriminés. La proposition de règlement prévoit également des procédures contraignantes et rapides de retrait et de blocage des contenus. Enfin, elle propose la création d'un Centre de l'Union européenne chargé de prévenir et de combattre les abus sexuels sur les enfants. Cette nouvelle agence de l'Union travaillerait en étroite collaboration avec l'agence Europol pour s'assurer du traitement des signalements reçus et de leur transmission aux autorités répressives compétentes. Elle participera également à la tenue de la base de données pour faciliter le travail de prévention des États membres.

Ce règlement viendra ainsi combler un vide juridique important. Cela est d'autant plus nécessaire et urgent que l'application du règlement provisoire permettant aux fournisseurs de services en ligne de réaliser aujourd'hui des détections sur une base volontaire prendra fin le 3 août 2024. Sans engagement du législateur européen, l'Union européenne risquerait de devenir aveugle face aux réseaux agissant sur Internet. C'est pourquoi la proposition de résolution européenne soutient l'adoption de ce règlement en faveur de la protection des enfants. Les discussions sur le texte se poursuivent au sein du Conseil de l'Union et du Parlement européen. Plusieurs points doivent encore être précisés sur le champ d'application du règlement ou le type de contenus concernés ainsi que sur les équilibres à sauvegarder au regard du droit à la vie privée.

L'intérêt supérieur de l'enfant doit rester pour nous la boussole dans les négociations à venir et la voix de la France doit compter dans les négociations européennes.

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Le groupe Renaissance salue votre initiative. En effet, les enfants sont encore trop exposés à des dangers et leurs droits doivent évoluer afin de les protéger davantage. Ils doivent d'autant plus l'être dans l'espace numérique. C'est pourquoi dès le début de ce quinquennat, la majorité présidentielle s'est engagée en faveur des droits des enfants, avec notamment la proposition de loi visant à garantir le respect de leur droit à l'image. Du fait du développement constant d'Internet la diffusion du contenu de pédopornographie n'a cessé d'augmenter et cette tendance a été accentuée durant le confinement lié à la crise de la Covid-19. Vous l'avez rappelé dans votre exposé des motifs : en 2022, ce sont 32 million de signalements de contenus pédopornographiques qui ont été effectués sur internet. Nous devons collectivement poursuivre nos travaux dans l'objectif de renforcer l'arsenal de protection autour d'un sujet qu'il faut rendre plus visible. Il incombe aux États-membres de l'Union européenne de prendre leurs responsabilités et d'avancer.

Ainsi, la proposition de règlement de la Commission européenne en date du 11 mai 2022, prévoit que les plateformes en ligne devront supprimer rapidement les contenus illégaux et signaler tous les contenus pédopornographiques détectés. Bien que pleinement d'accord sur l'objectif de suppression de ces contenus, plusieurs instances, comme le Contrôleur européen et le Comité européen de la protection des données, ont exprimé de vives inquiétudes. Elles portent sur les moyens pour y parvenir, à l'instar de la disposition du règlement qui prévoit d'imposer une analyse de tous les messages, y compris chiffrés, pour déceler les contenus pédopornographiques. Cela serait un risque pour la vie privée.

Vous prônez un équilibre entre la lutte contre les abus sexuels et la protection du droit à la vie privée, à travers un contrôle renforcé des techniques utilisées pour détecter des contenus. Ce point du règlement est actuellement encore en discussion au niveau de l'Union européenne. Aussi, pouvez-vous nous apporter les précisions quant aux discussions en cours à ce sujet ?

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Des discussions sont actuellement en cours. C'est pourquoi il est d'autant plus important de faire connaître la position du Parlement français sur ce sujet aux députés européens. Je plaide, effectivement, pour une détection la plus large possible de ces contenus pédopornographiques. Il existe un droit à la vie privée mais les enfants ont également le droit d'être protégés.

Ce sujet qui est en discussion à l'heure actuelle au niveau de l'Union européenne, est l'un des points d'achoppement sur cette proposition de règlement. Je vous propose de porter une position française, comme cela a été fait au Sénat il y a quelques mois. Il est important d'affirmer que le droit à la vie privée est important mais qu'il n'est pas supérieur au droit de protéger nos enfants.

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L'entrée dans l'univers virtuel s'accompagne d'une suspension des règles, comme vous l'avez rappelé. On peut y voler, y renaitre, être doté de superpouvoirs, y interagir avec des avatars créés par des programmes d'intelligence artificielle, y changer d'apparence et de personnalité et rencontrer une multitude de gens différents, du bout du monde, ou du bout de la rue. C'est une formidable et magnifique stimulation de la créativité. Toutefois, comme le monde réel, cet univers regorge de prédateurs et de mauvaises informations qui cache un réel danger pour nos enfants. Cela peut avoir un impact, en particulier, sur la santé mentale ou la sécurité physique des utilisateurs.

Cet univers parallèle a besoin de règles, tout particulièrement en ce qui concerne les plus vulnérables d'entre nous. Dans la continuité des législations précédentes que nous allons, d'ailleurs, transposer dans le droit national, ce projet de règlement permet de commencer à mettre en place une protection des mineurs. Votre proposition de résolution le reconnaît et soutient l'initiative européenne. Je m'y associe volontiers.

Le cadre proposé prend en compte l'indispensable respect des libertés publiques dont nous ne devrions jamais minimiser le respect. Nous n'avons pas seulement besoin de règles, mais surtout d'éducation et de prévention. Pour les nouvelles générations qui naissent et qui grandissent dans un monde où elles passent du réel au virtuel sans parfois en mesurer la distinction et les impacts mutuels, une partie de l'éducation reste à faire. En tant que parents et en tant responsables politiques, l'apprentissage et la régulation du monde numérique sont notre grande tâche d'éducateurs.

Cette législation européenne n'est qu'un petit pas supplémentaire. Le chemin est encore long et je souhaite que nous poursuivions ensemble, au-delà des considérations partisanes, cette tâche urgente et essentielle pour nos enfants et pour la France de façon générale.

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Vous avez tout à fait raison d'insister sur le travail de prévention. La délégation aux droits des enfants a lancé une mission d'information sur l'éducation des enfants au numérique. Plusieurs mesures ont déjà été prises sur le contrôle parental, mais il faut aller plus loin. Dans la vie réelle, si quelqu'un violait un enfant, on aurait l'obligation de le dénoncer. Or, sur Internet, on pense qu'il vaut mieux protéger les données. Il faut mettre fin à cette situation et mettre Internet en conformité avec nos lois.

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Dans un contexte de relativisation déplorable de la condition de l'enfant, il faut être d'une absolue rigueur vis-à-vis de la prolifération des contenus à caractère pédopornographique sur Internet. Cette proposition de résolution va dans le bon sens. Toutefois, il faut nous attaquer à l'une des causes de ce phénomène : la sexualisation de l'enfant dans l'espace public, notamment dans le domaine artistique. Il y a aussi un scandaleux faux-débat sur le trouble dans l'identité de genre. Il est regrettable de constater autant d'ambiguïtés sur ce sujet. La puissance publique doit être implacable sur Internet, mais nous devons aller au bout de ce processus. Le Rassemblement national sera toujours présent dans ce combat.

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Nous aller continuer à essayer de bouger les lignes sur ce sujet, y compris dans la délégation aux droits des enfants. La sexualisation des enfants est également un long combat initié dans les années 1970, que nous devons poursuivre. Le but de cette proposition de résolution est de soutenir nos collègues au Parlement européen, pour obtenir un compromis ambitieux et dans l'intérêt de l'enfant.

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Nous soutenons votre résolution, mais je souhaite attirer votre attention sur un point particulier. Cette législation demande en effet de surveiller le contenu chiffré : il ne faut pas créer de porte dérobée pour les hackers. Comme toujours, il s'agit de trouver un équilibre.

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Ce point est effectivement en cours de discussion au niveau européen. La proposition de résolution que nous vous soumettons aujourd'hui ne contient rien sur ce point. À l'heure actuelle, des technologies sont en cours de développement pour pouvoir détecter une trace numérique, sans avoir directement accès aux données. Les choses peuvent encore évoluer techniquement.

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Nous souscrivons à cette proposition de résolution, d'autant plus que vous avez ce point de vigilance concernant l'équilibre entre protection des données personnelles et sauvegarde de l'intérêt de l'enfant. Le point 9 de votre proposition de résolution souligne la nécessité de renforcer les politiques de prévention. A cet égard, je ne peux que regretter que dans le débat d'aujourd'hui, certains commissaires aient assimilé la pédopornographie et l'éducation aux questions de genre. L'éducation à la sexualité et à la vie affective, ne peut être rangée du côté d'une incitation à la pédopornographie. Je tiens à rappeler que l'éducation nationale consacre trois heures par an à l'éducation sexuelle : cette obligation est rarement remplie. Il faut renforcer cet aspect d'éducation à la sexualité, pour ne pas faire de confusion douloureuse sur ces sujets.

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Au-delà de l'éducation à la sexualité, je pense qu'il faut une éducation au corps dès la maternelle. Il faut dire aux enfants quels actes sont proscrits, tels que les viols. Il faut leur inculquer la conscience de leur corps. Il faut donc élargir cet enseignement, pour apprendre aux enfants ce que les adultes peuvent leur faire subir ou non.

L'article unique de la proposition de résolution européenne est adopté à l'unanimité.

La proposition de résolution européenne est par conséquent adoptée .

La séance est levée à 14 heures .

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Rodrigo Arenas, M. Pierrick Berteloot, Mme Perrine Goulet, Mme Constance Le Grip, Mme Yaël Menache, M. Frédéric Petit, Mme Anna Pic, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Sabine Thillaye

Excusés. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Pascale Boyer, Mme Marietta Karamanli, Mme Brigitte Klinkert, Mme Estelle Youssouffa