J'ai souhaité porter cette proposition de résolution européenne sur un texte présenté en mai 2022 par la Commission européenne, visant à prévenir et à combattre les abus sexuels sur les enfants. La nécessité de lutter contre violences sexuelles, dans la lignée du mouvement MeToo, a fait l'objet d'une prise de conscience croissante au sein de la société. Toutefois, les abus sexuels commis sur les enfants demeurent encore trop sous-estimés. Selon le Conseil de l'Europe, un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles en Europe.
Il signifie également que nous connaissons tous, dans nos entourages, des adultes qui ont été victimes de telles violences dans leur enfance. Dans la majorité des cas, ces actes sont commis par une personne proche de l'enfant, souvent dans son cercle de confiance voire sa famille. Ils provoquent des dommages à vie sur la santé physique et mentale de l'enfant. Malheureusement, dans 90 % des cas, ils ne sont pas signalés à la police.
Les abus sexuels sur les enfants ne sont bien entendu pas apparus avec l'émergence d'Internet. Toutefois, le développement des outils numériques a décuplé les risques pour les mineurs et créé de nouvelles formes de menaces et d'abus sexuels. Alors que 63 % des enfants de moins de 13 ans sont inscrits sur un réseau social, celui-ci est désormais l'outil privilégié des agresseurs pour entrer en contact avec leurs jeunes victimes et les piéger.
De plus, la viralité qui caractérise la diffusion de contenus dans l'espace numérique redouble la violence des abus sexuels. Les victimes, en plus de subir des abus sexuels dans la vie réelle, sont souvent victimes une seconde fois, en subissant la diffusion, le partage et le repartage entre pédocriminels de leur agression sur Internet. En 2021, le démantèlement d'un réseau pédocriminel sur le dark web appelé « boystown » a relevé l'existence d'un site rassemblant plus de 400 000 membres à travers le monde, où s'échangeaient des millions d'images d'abus sexuels sur des enfants.
Le numérique donne également lieu au développement de nouvelles pratiques particulièrement abjectes, comme celles des viols en ligne où des internautes achètent des vidéos diffusées en directs de viols de jeunes enfants souvent originaires de pays pauvres d'Asie du sud-est. Nous ne pourrions tolérer que de tels agissements se développent « hors ligne ». Comment, dès lors, expliquer que nous tolérions que chaque année la quantité de contenus à caractère pédopornographique identifiés sur internet augmente ? En 2022, 32 millions de signalements de contenus pédopornographiques ont été effectués par les fournisseurs de services en ligne auprès du Centre national américain pour les enfants disparus et exploités. 60 % de ces contenus étaient hébergés dans l'Union européenne.
Face à ce constat accablant, qui heurte les valeurs essentielles de l'Union et porte atteinte aux droits fondamentaux des enfants, la législation européenne est insuffisante. Elle n'impose, à ce jour, aux fournisseurs de services, aucune obligation de détection de ces contenus, celle-ci étant réalisée sur une base volontaire.
La proposition de règlement présentée par la Commission européenne entend remédier à cette situation en établissant des règles contraignantes et uniformes à l'égard des fournisseurs de services en ligne opérant dans l'Union. Une fois ce texte adopté, les entreprises du numérique auront obligation de signaler les contenus à caractère pédopornographique identifiés sur leur service. Elles devraient également mettre en place des politiques d'évaluation des risques. Dans l'hypothèse où des risques particuliers seraient identifiés, elles seraient tenues de mettre en place des politiques de détection des contenus incriminés. La proposition de règlement prévoit également des procédures contraignantes et rapides de retrait et de blocage des contenus. Enfin, elle propose la création d'un Centre de l'Union européenne chargé de prévenir et de combattre les abus sexuels sur les enfants. Cette nouvelle agence de l'Union travaillerait en étroite collaboration avec l'agence Europol pour s'assurer du traitement des signalements reçus et de leur transmission aux autorités répressives compétentes. Elle participera également à la tenue de la base de données pour faciliter le travail de prévention des États membres.
Ce règlement viendra ainsi combler un vide juridique important. Cela est d'autant plus nécessaire et urgent que l'application du règlement provisoire permettant aux fournisseurs de services en ligne de réaliser aujourd'hui des détections sur une base volontaire prendra fin le 3 août 2024. Sans engagement du législateur européen, l'Union européenne risquerait de devenir aveugle face aux réseaux agissant sur Internet. C'est pourquoi la proposition de résolution européenne soutient l'adoption de ce règlement en faveur de la protection des enfants. Les discussions sur le texte se poursuivent au sein du Conseil de l'Union et du Parlement européen. Plusieurs points doivent encore être précisés sur le champ d'application du règlement ou le type de contenus concernés ainsi que sur les équilibres à sauvegarder au regard du droit à la vie privée.
L'intérêt supérieur de l'enfant doit rester pour nous la boussole dans les négociations à venir et la voix de la France doit compter dans les négociations européennes.