Publié le 24 mai 2024 par : M. Saulignac, Mme Karamanli, M. Delautrette, Mme Pires Beaune, M. Aviragnet, M. Baptiste, Mme Battistel, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Califer, M. David, M. Delaporte, M. Echaniz, M. Olivier Faure, M. Garot, M. Guedj, M. Hajjar, Mme Jourdan, Mme Keloua Hachi, M. Leseul, M. Naillet, M. Bertrand Petit, Mme Pic, M. Potier, Mme Rabault, Mme Rouaux, Mme Santiago, Mme Thomin, M. Vallaud, M. Vicot, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
Rédiger ainsi cet article :
« Après l’article 72‑4 de la Constitution, il est inséré un article 72‑5 ainsi rédigé :
« Art. 72‑5. – Au sein de chaque assemblée parlementaire, est instituée une commission chargée des Outre-mer.
« Selon des modalités fixées par le Règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur toute matière ou tout projet d’acte réglementaire intéressant les collectivités mentionnées à l’article 72‑3.
« Sans préjudice des dispositions de l’article 43, elle peut se saisir pour avis des projets ou propositions de loi pouvant faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ou portant directement sur celles-ci.
« Elle est composée des députés ou sénateurs élus dans les collectivités mentionnées à l’article 72‑3 et d’un nombre identique de membres désignés au sein de chaque assemblée de manière à assurer la représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes. ». »
Le présent amendement d’appel des députés Socialistes et apparentés vise à proposer la transformation de la seule délégation aux outre-mer, en commission non permanente, sur le modèle de la commission aux affaires européennes prévue à l’article 88‑4 de la Constitution.
La Proposition de loi Constitutionnelle du Président Davy Rimane et du groupe GDR vise à transformer les délégations de l’Assemblée nationale et du Sénat aux outre-mer d’une part et aux collectivités territoriales et à la décentralisation d’autre part, en une même commission permanente au sein de chaque assemblée. A cet effet, elle relève de huit à neuf le nombre maximal de commissions permanentes permis par la Constitution. Seule l’Assemblée nationale est aujourd’hui contrainte par cette limite, le Sénat ne disposant que d’une seule commission permanente chargée à la fois des Affaires étrangères et de la Défense nationale et des forces armées.
Les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle considèrent, en particulier, que la procédure législative tient insuffisamment compte des caractéristiques et contraintes particulières des Outre-mer. Notre groupe ne peut que partager ce constat. A titre d’illustration, il est bien trop courant que les projets de loi oublient dans leur version initiale de prendre pleinement en compte ces territoires. Des mesures d’extension de l’application de la loi sont le plus souvent votées en catastrophe en cours de navette et leur détail, trop régulièrement renvoyé à des ordonnances. Ce traitement différencié n’est plus acceptable, il n’est plus entendable et il est un symptôme d’une méconnaissance des réalités de ces territoires qui trouve une forme d’apogée tragique dans le vote récent d’un projet de loi constitutionnelle à contre-temps qui met en grave danger l’héritage des accords de Nouméa et de Matignon en Nouvelle-Calédonie.
La proposition de nos collègues, si elle est d’abord motivée par les problématiques propres aux Outre-mer, intègre dans son périmètre les délégations aux collectivités territoriales par opportunité organisationnelle.
Si nous partageons l’intention de la proposition de loi constitutionnelle, il ne nous semble pas que la solution proposée soit la bonne, elle pourrait même être contre-productive.
En premier lieu, la création d’une commission permanente supplémentaire implique mécaniquement une plus grande dilution des groupes d’opposition en leur sein. Ainsi les groupes Écologistes, GDR et LIOT ne compteraient plus que deux membres au lieu de trois dans la grande majorité des commissions et les groupes Socialistes et apparentés et Horizons, plus que trois au lieu de quatre dans la majorité des neuf commissions permanentes. Cet affaiblissement des oppositions au regard de la charge de travail des commissions permanentes ne saurait être acceptable.
En second lieu, la transformation de ces deux délégations en commission permanente impliquerait qu’elle soit composée en respectant le poids relatif des groupes politiques. Or la délégation aux outre-mer est composée pour moitié des députés ultramarins, qui sont tous membres de droit de la délégation et pour moitié de députés désignés en fonction de la taille des groupes politiques. Cette évolution aurait deux conséquences immédiates :
1° Les députés ultramarins ne seraient plus membres de droit et, puisqu’ils appartiennent quasi exclusivement à des petits groupes d’opposition, se retrouveraient majoritairement exclus de cette commission permanente. Ainsi le groupe GDR qui est notamment composé de dix députés ultramarins verrait a minima 80 % d’entre eux être exclus de cette dernière. Ce phénomène serait amplifié par la nécessité pour les groupes politiques d’y désigner également des spécialistes des collectivités territoriales métropolitaines. Au surplus et quand bien même il serait dérogé à cette règle, il n’est pas nécessairement souhaitable que l’ensemble des parlementaires ultramarins soient membres de la même commission, là où aujourd’hui ils sont présents dans toutes les commissions permanentes et contribuent à leurs travaux.
2° Composée à la proportionnelle des groupes politiques, la commission verrait sa philosophie actuelle modifiée par le fait majoritaire au risque qu’elle se retrouve entravée dans ses travaux lorsque ces derniers portent sur un sujet qui mettrait le Gouvernement en difficulté. Aujourd’hui la délégation bénéficie à l’inverse d’un état d’esprit constructif et transpartisan du fait des équilibres particuliers de sa composition et de son statut.
Ces deux conséquences justifieraient à elles-seules d’écarter une telle proposition.
En troisième lieu, il ne nous apparaît pas flagrant que la transformation en commission permanente répondrait au mieux aux objectifs affichés par les auteurs. Tout d’abord l’article 6 decies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires accorde d’ores et déjà une large capacité d’action aux délégations aux outre-mer, notamment dans ses missions de contrôle. Toutefois, les moyens humains dont elle dispose pourraient être encore renforcés. Cependant, il est indéniable que la délégation se trouve limitée dans sa capacité à influer directement sur la fabrique de la loi ou certaines des décisions prises par le Gouvernement et intéressant ces territoires. Pour autant, il existe une solution plus adaptée que la commission permanente à notre sens.
L’article 88‑4 de la Constitution, prévoit l’existence au sein de chaque assemblée d’une commission non-permanente chargée des affaires européennes. Celle-ci a notamment pour fonction l’examen de résolutions européennes sur les projets ou propositions d’actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne, ainsi que sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne. Plus largement la pratique a amené celle-ci a réaliser un travail de contrôle et d’information similaire à celui des délégations parlementaires. Outil hybride entre la délégation et la commission permanente, son format pourrait être une solution à l’objectif poursuivis, comme cela a également pu être évoqué en Commission des Lois par Philippe Gosselin et David Valence notamment.
Nous proposons d’emblée d’écarter toute évolution de la délégation aux collectivités territoriales. En effet, si l’Outre-mer revêt par nature un caractère transversal puisque les problématiques particulières à ces territoires doivent être intégrées dans l’ensemble des politiques publiques, ce n’est pas le cas de la délégation aux collectivités territoriales dont la portée est d’abord restreinte (et c’est déjà substantiel) à leur organisation, leurs compétences, leur financement et aux conditions d’exercice des mandats locaux. Si elle aussi pourrait bénéficier de moyens humains accrus, la densité de sa production et sa capacité à peser sur les débats législatifs en la matière témoignent de sa maturité.
Nous proposons ainsi de transformer les seules délégations aux outre-mer en commission non-permanente sur le format des commissions aux affaires européennes, en dupliquant pour partie les dispositions de l’article 88‑4 à celle-ci dans un nouvel article 72‑5. Le caractère de commission non permanente rend plus justifiable le maintien des modalités de composition dérogatoire actuelles et le statut de membre de droit de l’ensemble des parlementaires d’outre-mer.
Dans notre proposition la commission aux outre-mer disposera, outre des prérogatives actuelles de la délégation existante, de la possibilité d’examiner des résolutions sur le modèle de la commission aux affaires européennes et pourra se saisir pour avis des projets ou propositions de loi qui le justifient. Ce renforcement de son rôle législatif permet de satisfaire la principale demande de nos collègues du groupe GDR et donne plus de visibilité à ses travaux.
Naturellement, cet amendement est d’abord un amendement d’appel dès lors qu’il apparaît improbable que ce texte soit définitivement adopté par le Parlement et soumis à référendum conformément à l’article 89 de la Constitution. Il trace cependant un chemin pour une future évolution du règlement de l’Assemblée nationale qui permettrait un premier renforcement des moyens de la délégation, voire pour un futur projet de loi constitutionnelle auquel il pourrait se rattacher.
Enfin, il va sans dire que son adoption nécessiterait par coordination la suppression de l’article 6 decies de l’ordonnance de 1958 précitée ou a minima sa réécriture, ainsi qu’une évolution du règlement des deux assemblées.
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