Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du jeudi 21 janvier 2021 à 11h00

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La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a procédé à l'audition de M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, sur les enjeux environnementaux au niveau européen.

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Monsieur le secrétaire d'État, nous avons souhaité faire le point sur les enjeux environnementaux à l'échelle européenne, dans une actualité chargée, comme l'a montré l'audition de M. Pascal Canfin, président de la commission chargée de l'environnement du Parlement européen, qui s'est tenue la semaine dernière.

Les enjeux environnementaux sont et seront au centre des discussions européennes ; avec la loi européenne sur le climat, les objectifs climatiques, la réforme de la politique agricole commune (PAC), la révision des lignes directrices sur les pesticides, la taxonomie verte, la préservation de la biodiversité, les mécanismes d'ajustement carbone aux frontières et la prise en compte des questions environnementales dans la politique commerciale de l'Union européenne.

Sur tous ces sujets, la France a démontré son leadership et fait partie des États moteurs, en soutenant les initiatives favorables à la transition écologique. Il existe cependant des résistances ; or les défis environnementaux se posent à une échelle planétaire. Les initiatives isolées ne suffisent pas. Elles peuvent même être contre-productives lorsqu'elles ont pour conséquence de pénaliser certains acteurs confrontés à une concurrence moins-disante sur le plan environnemental. Leur acceptabilité est alors discutée, ce qui rend leur mise en œuvre encore plus délicate.

Les mesures en faveur de la transition écologique doivent donc être collectives et coordonnées. Les enjeux sont d'autant plus pressants que nous faisons face à l'urgence climatique. L'Union européenne est un premier espace de négociation pour s'engager concrètement. Il est d'ailleurs heureux que la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, en semble convaincue.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles orientations souhaite défendre la France dans les mois à venir pour permettre une pleine intégration des questions environnementales dans les politiques de l'Union européenne ? Quelles perspectives pouvez-vous dresser en la matière pour la future présidence française au premier semestre 2022 ?

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Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

Sur le sujet du développement durable, et en particulier celui du climat, il ne peut y avoir de politique efficace sans un échelon européen fort. Cela ne signifie pas que tout se décide à Bruxelles, à Strasbourg ou à l'échelle de l'Union européenne, mais nous avons besoin d'une ambition européenne forte.

À la fin de l'année dernière, le sommet européen a décidé d'une réévaluation des ambitions climatiques pour 2030 : l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à cet horizon a été porté à au moins 55 %, au lieu de 40 %. Ce nouvel objectif, ambitieux, est difficile. Il constitue un jalon dans la trajectoire de neutralité carbone à l'horizon 2050, elle‑même ambitieuse. L'Union européenne a été la première zone économique et politique à se donner cette ambition. Les États-Unis reviennent dans l'accord de Paris et réaffirment une ambition climatique. La Chine s'est fixé des objectifs à l'horizon 2060, c'est une évolution significative. L'Union européenne est le cadre pour définir nos objectifs, les défendre au niveau international et discuter de leurs déclinaisons sectorielles et au niveau national.

Le Conseil européen de décembre dernier est une étape. L'objectif de réduction des émissions de 55 %, rehaussé de 15 points, est global et collectif. Il doit maintenant être décliné par pays. La discussion sera difficile et nous nous sommes donné rendez-vous, avec obligation de résultat, d'ici la fin du printemps. Un sommet européen sera sans doute consacré à ce sujet au mois d'avril. Nous devons être prêts pour la COP 26 qui se tiendra à Glasgow, au Royaume-Uni. Ce sera le rendez-vous marquant de l'année 2021 au niveau international et il faut que l'Union européenne soit au rendez-vous. J'espère que les États-Unis seront à nos côtés pour défendre un renforcement des engagements de l'accord de Paris, comme nous nous étions engagés à le faire tous les cinq ans, en 2015.

Au niveau européen, le cadre pour atteindre notre objectif global est le Green Deal, le Pacte vert européen. Il a été présenté en décembre 2019 – c'était la première action de la nouvelle Commission européenne dirigée par Mme von der Leyen – mais sa déclinaison en législations sectorielles et thématiques a pris du retard en raison de la crise de la covid-19 qui a accaparé la Commission et les chefs d'État et de gouvernement.

Ce cadre va néanmoins se mettre en place, notamment avec la loi climat. En 2021, des propositions très importantes seront formulées par secteur. Nous allons renforcer un certain nombre d'outils, notamment le système ETS (Emissions trading system). Mais il faut aussi renforcer nos outils d'équité – de protection internationale, osons le mot – pour que l'Europe ne soit pas seule à réaliser un effort environnemental et climatique sans demander l'équivalent à nos grands partenaires et nos concurrents internationaux.

Sur le plan budgétaire, le cadre financier pluriannuel va guider l'action de l'Union européenne pour la période 2021-2027. Il est complété par un plan de relance européen de 750 milliards d'euros qui comprend 390 milliards de subventions budgétaires directes dont une partie – que j'espère large – sera disponible dès le printemps 2021 pour soutenir les plans des États membres.

Ce plan de relance a été accepté lors du sommet de décembre 2020, suite à la levée des vétos de la Pologne et de la Hongrie. C'est un outil majeur de l'ambition climatique européenne. Sur proposition de la France, un objectif transversal de dépenses consacrées au climat y a été inscrit. Ces dépenses devront représenter 30 % du plan de relance de l'Union et 37 % des plans de relance nationaux. Au cours des sept prochaines années, entre 30 et 40 % des 1 800 milliards d'euros inscrits au budget européen ordinaire et au plan de relance complémentaire seront consacrés aux dépenses environnementales, soit environ 700 milliards qui seront disponibles pour le climat.

On a tendance à l'oublier, mais la Banque européenne d'investissement, réformée l'an dernier, est un acteur important dans cette ambition climatique. Elle effectue des prêts aux collectivités, notamment pour le financement d'infrastructures. Dans sa feuille de route stratégique, elle s'est donné pour ambition d'avoir 50 % de son portefeuille de prêts et d'actions consacrés directement au climat d'ici à 2025. C'est une mutation importante qui complète cet effort budgétaire massif. Il s'agit d'un puissant outil de soutien à l'ambition climatique 2030-2050.

Cependant, il ne suffit pas d'aligner les chiffres et ce cadre budgétaire est également important par son contenu. Le Fonds pour une transition juste va permettre à plusieurs pays, dont la France, mais plus encore la Pologne, de réaliser leur transition écologique. Il faut clarifier une ambiguïté : nous devons assumer d'aider les pays européens dont le mix énergétique est plus carboné, parfois pour des facteurs historiques dont ils héritent, comme le recours au charbon. C'est le cas de la Pologne. Il faut soutenir cette solidarité et c'est le but du Fonds pour une transition juste : il apportera plusieurs milliards d'euros dédiés, en Pologne ou dans d'autres pays, à cette transition. Toutefois, le bénéfice de cette solidarité européenne doit être conditionné – sinon son action ne servirait à rien sur le plan climatique et serait injuste sur le plan budgétaire et politique – et doit permettre d'accélérer la transition, mais aussi conduire, en premier lieu, à accepter les objectifs européens. La Pologne, même si le débat sur les cibles nationales demeure, a pris cet engagement en acceptant l'objectif global et collectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Elle doit désormais confirmer son engagement sur l'objectif de neutralité carbone pour 2050.

Tout au long de l'année 2021, des propositions législatives européennes sectorielles importantes – sur le système ETS et sur les normes d'émissions dans le secteur automobile – viendront nourrir le débat législatif. Nombre d'entre elles aboutiront sous la présidence française de l'Union européenne en 2022 ; il est donc important de les suivre attentivement.

Cette ambition climatique doit aussi passer par le verdissement de politiques européennes essentielles. Consacrer plus de 30 % du budget européen et du plan de relance au climat impose de transformer des politiques européennes importantes et traditionnelles ; c'est évidemment le cas de la PAC. Il ne faut pas opposer les politiques les unes aux autres : la principale contribution sectorielle à la transition écologique dans le budget européen, c'est la politique agricole commune, qui représente près d'un tiers des fonds européens. On ne peut faire de transition verte en Europe, ni affirmer une ambition climatique crédible, sans y intégrer cette politique.

La PAC doit évoluer et la réforme en cours doit faire l'objet d'un accord entre le Parlement européen et les États membres afin de renforcer les conditionnalités environnementales. Cela concerne notamment les éco-régimes environnementaux qui seront renforcés, au moins à hauteur de 20 % des crédits, et surtout qui deviendront obligatoires, car ils constituent un point clé de la transition écologique et agricole. Il n'est pas possible qu'au sein de l'Europe, des exigences supplémentaires s'appliquent à certains pays – la France est en avance sur la réglementation environnementale qui s'impose aux agriculteurs – sans s'appliquer dans la totalité du marché intérieur. Ces différences sont mal perçues sur le terrain et créent une concurrence intra-européenne. Avec les éco-régimes obligatoires pour tous les pays dans la nouvelle politique agricole commune, nous ferons œuvre utile dans les deux sens : imposer ces nouvelles conditions à tous les agriculteurs d'Europe sera bénéfique pour le climat et plus juste, donc plus efficace. Ainsi, 20 % des paiements directs agricoles seraient soumis à ces engagements environnementaux.

En 2021, une nouvelle proposition législative concernera le renforcement et l'harmonisation de nos réglementations européennes en matière de pesticides et de produits chimiques, qui concernent largement l'agriculture. Le débat sur le glyphosate sera élargi à d'autres substances. Nous ne pouvons pas être ambitieux seuls, et il est important de montrer les efforts déjà faits. En France, le recours au glyphosate est déjà réduit de 50 % pour les usages agricoles, les collectivités et des entreprises publiques – l'usage du glyphosate est déjà proscrit à la SNCF. La France a déjà adopté une démarche ambitieuse de réduction du recours à ce produit, mais nous n'arriverons pas à franchir les étapes suivantes sans un cadre européen plus ambitieux. Dès l'été 2021, une évaluation des possibilités de réduction supplémentaire des usages sera réalisée au niveau européen et nous proposerons des évolutions législatives dans le cadre de la présidence française, au premier semestre 2022. L'harmonisation du cadre européen est une condition de justice et d'efficacité pour permettre le verdissement de la PAC.

J'en viens à la dimension internationale de cette politique européenne de développement durable. Ce qui vaut pour la concurrence intra-européenne vaut davantage pour la concurrence internationale : nous ne pouvons pas mener une politique environnementale exemplaire et ambitieuse sans inciter – parfois forcer – nos partenaires internationaux à respecter un même niveau d'exigence. L'exemplarité européenne ne doit pas se transformer en une espèce de naïveté ou d'isolement sur le sujet climatique. Cela touche à plusieurs outils, notamment à la politique commerciale et nos accords commerciaux internationaux.

À notre demande, la Commission a inscrit dans le Pacte vert l'idée d'intégrer dans les accords commerciaux à venir une clause essentielle portant sur le respect de l'accord de Paris. Le non-respect d'une telle clause pourrait faire tomber un accord. La France est encore minoritaire parmi les États membres pour soutenir cette proposition, mais elle a été reprise par la Commission. Il n'y a pas d'amour du climat, il n'y a que des preuves d'amour pour le climat, qu'il faut maintenant matérialiser dans les accords commerciaux. Plusieurs projets sont en cours de négociation. Nous avons conclu un accord commercial de principe avec le Royaume-Uni, au sein de l'accord plus large sur le Brexit, qui inclut le respect de l'accord de Paris comme clause essentielle. Cet accord commercial est le plus important de notre histoire, par son volume et son montant. Y avoir inséré cette clause essentielle démontre que c'est possible et que les choses bougent.

Nous devons aller plus loin. Cette ambition a motivé le refus français d'ouvrir une négociation commerciale avec les États-Unis au printemps 2019. Les sujets des normes alimentaires, de la déforestation et de la biodiversité ont également conduit le Président de la République et le Gouvernement français à refuser le projet d'accord avec le Mercosur. Actuellement, il ne satisfait pas aux exigences alimentaires, sanitaires, climatiques et de développement durable. Tant que ce sera le cas, nous ne pouvons pas l'accepter, car nous ne serions ni crédibles ni cohérents avec notre ambition climatique.

Au-delà des accords commerciaux, nous devons promouvoir des outils climatiques internationaux plus ambitieux et plus innovants. Il en est un qui me tient à cœur et que nous défendons avec Mme Barbara Pompili et M. Bruno Le Maire : le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Il est parfois appelé « taxe carbone » aux frontières de l'Union européenne, mais il ne s'agit pas vraiment d'une taxe et le mot taxe carbone est souvent mal compris ; soyons prudents sur ce point. Son principe est d'imposer aux entreprises qui souhaitent exporter en Europe le respect des mêmes exigences que les nôtres, notamment en termes de prix du carbone.

À défaut, l'effort européen serait à la fois injuste et inefficace. Inefficace, car l'Europe ne représente que 9,5 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Si nous étions seuls à faire l'effort, nous ne résoudrions qu'une petite partie du problème. Injuste, car ce non-respect serait insoutenable et inacceptable. Nos entreprises, nos consommateurs et nos concitoyens ne comprendraient pas que nous nous imposions de payer des quotas carbone pour verdir nos processus de production tandis que d'autres entreprises peuvent venir sur nos marchés en proposant des prix plus bas, annihilant tous nos efforts et détruisant nos emplois.

Ce mécanisme d'ajustement carbone est donc très important. Ce combat a été engagé il y a plusieurs années, avant le début de ce quinquennat, et nous l'avons relancé. Il a longtemps été bloqué avant d'être désormais repris à son compte par la Commission européenne dans son projet de Pacte vert. Il est inscrit comme un engagement de travail dans les conclusions du Conseil européen sur le plan de relance et sur le budget, et dans la feuille de route budgétaire adoptée par tous les États membres et le Parlement européen. Il y aura également une proposition législative de la Commission européenne sur ce point au premier semestre 2021.

Il faudra mener un combat collectif pour faire aboutir ce mécanisme nouveau au niveau européen dans les prochains mois. Pour réussir, il faut être pragmatique et agir de façon expérimentale. Il est difficile de définir techniquement et juridiquement un prix du carbone international pour tous les biens et produits. En revanche, on peut le faire rapidement dans quelques secteurs où la concurrence internationale est forte et où l'on sait mesurer le prix du carbone dans les processus de production. C'est le cas de l'acier, de l'aluminium et des fertilisants ; nous pouvons commencer par ces secteurs. Il ne s'agit pas de protectionnisme mal placé, c'est une protection légitime et la condition d'une ambition européenne efficace et juste sur le plan climatique.

Une proposition de stratégie européenne de lutte contre la déforestation sera discutée en 2021. Elle viendra compléter notre stratégie nationale engagée depuis 2018. D'autres projets sectoriels nourriront les ambitions de réduction des émissions en 2030 et de neutralité carbone en 2050, ainsi que des mécanismes de financement de l'innovation destinés à verdir beaucoup de secteurs, comme l'automobile et les batteries électriques qui bénéficieront de financements européens supplémentaires dans le cadre du plan de relance national et européen.

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Monsieur le secrétaire d'État, je salue vos efforts continus pour affirmer la position française auprès de nos partenaires européens. Comparée à celle d'autres pays, notre ambition est exemplaire. Nos efforts portent leurs fruits : le Green Deal a rehaussé son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la PAC actuelle est plus ambitieuse que la précédente.

Sur les sujets environnementaux et climatiques, notre commission se heurte souvent à la question de l'échelle d'action européenne. Engagée en particulier sur les questions de durabilité agricole et alimentaire, je ne le sais que trop bien. Dans le cadre des travaux que je mène avec mes collègues sur la souveraineté alimentaire, le droit à la concurrence est souvent érigé en obstacle. L'impossibilité de favoriser explicitement la production locale dans les appels d'offres publics et la nécessité d'éviter toute distorsion de concurrence au sein du marché intérieur sont des impératifs louables, mais parfois déconnectés de l'impératif environnemental et climatique. Il est absurde que nous soyons amenés à publier des guides à destination des acheteurs publics expliquant comment « contourner » le droit de la concurrence et favoriser implicitement les producteurs locaux. Dans quelle mesure la France travaille-t-elle avec ses partenaires européens à l'introduction d'exceptions à ce droit de la concurrence, notamment quand sa suprématie entrave notre action ? Pensez-vous qu'un particularisme agricole et alimentaire soit à l'ordre du jour ?

Par ailleurs, les négociations sur la PAC sont en cours. Quand certains se félicitent de son ambition environnementale – vous avez rappelé le caractère obligatoire des éco-régimes ‑, d'autres déplorent son inadéquation avec certaines stratégies, notamment le Green Deal européen. La présidente du Haut Conseil pour le climat nous le rappelait hier : il n'existe pas d'investissement neutre. Si la PAC n'est pas en adéquation avec le Green Deal, elle risque d'y faire opposition, et nous serions alors coincés avec un obstacle européen pour les sept prochaines années. La France serait-elle en mesure de proposer une position forte à l'échelle européenne, en montrant l'exemple et en préconisant l'alignement du plan stratégique national avec la stratégie nationale bas carbone ?

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Traiter des enjeux environnementaux au niveau européen est essentiel pour agir rapidement contre le réchauffement climatique. La France a déjà passé un cap en décarbonant très majoritairement son électricité, grâce au nucléaire et à l'énergie hydraulique. Ce n'est pas le cas de nos voisins européens qui dépendent encore beaucoup trop du charbon, par exemple.

Avec un nouveau président américain qui vante l'énergie nucléaire, pilotable et faible émettrice de gaz à effet de serre, le Gouvernement français compte-t-il faire entendre sa voix auprès de la Commission européenne pour opérer le virage énergétique ? Sans cela, je pense sincèrement que l'objectif très ambitieux de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre au niveau européen ne sera pas tenable.

La filière de la méthanisation en Europe est aussi un sujet environnemental. On compterait en Europe plus de 18 000 installations de méthanisation pour une puissance électrique d'environ 11 000 mégawatts. La France affiche un gros retard par rapport à ses voisins allemands ou italiens : 11 000 unités en Allemagne, 1 600 en Italie contre moins de 900 en France. Pourtant, la technique est fort intéressante pour la gestion des déchets organiques puisqu'elle permet un double bénéfice de valorisation organique et énergétique. Elle permet également aux agriculteurs de diversifier leur activité. Quels enseignements tirez-vous des expériences européennes sur ce sujet pour développer plus rapidement les projets en France ?

Ce matin, nous interrogions le ministre des transports sur les enjeux des transports dans le contexte du Brexit. La France entend-elle également profiter du déclin du secteur aérien pour lancer des initiatives en faveur des transports publics et réduire ainsi nos émissions de gaz à effet de serre dans les transports ?

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L'année 2020 a été marquée par une crise sans précédent. L'Union européenne commence 2021 avec deux certitudes : celle, hélas, d'être confrontée à une situation critique, tant sur le plan sanitaire qu'économique ; et celle, plus encourageante, d'avoir su faire face à ces difficultés grâce à l'achat de vaccins en commun par les vingt‑sept pays européens. Ces derniers mois, l'Europe a montré sa volonté de construire une histoire commune. Elle a également su finaliser le dossier du Brexit et parvenir à un accord de commerce et de coopération posant les bases d'une nouvelle relation avec le Royaume-Uni.

Après avoir mis le Pacte vert au cœur de son mandat, la Présidente de la Commission européenne veut profiter de l'année 2021 pour faire de l'Europe le continent moteur de la transition écologique. L'année 2021 va être riche pour l'Union européenne en matière d'environnement. Le One Planet Summit s'est tenu récemment à Paris et le congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) se tiendra prochainement en France. Et la COP 26 se tiendra à Glasgow, en novembre prochain. De plus, à partir du 1er janvier 2022, la France présidera le Conseil de l'Union européenne, ce qui nous permettra d'impulser les différentes politiques environnementales. La Commission européenne devrait proposer d'ici juin plusieurs mesures sur le climat destinées à parvenir à l'objectif intermédiaire de réduction de 55 % des émissions de carbone en 2030 par rapport aux niveaux observés en 1990. Pouvez-vous préciser la position de la France en matière d'enjeux environnementaux à venir pour cette année et les prochaines au niveau européen ?

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Nous saluons le rehaussement des objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de 40 % à 55 % en 2030. M. Pascal Canfin nous a rappelé la semaine dernière que les propositions de la Convention citoyenne pour le climat étaient fondées sur les anciens objectifs, et il faut donc nous engager davantage.

En matière d'énergies renouvelables, la France, comme l'Union européenne, a décidé de s'engager fortement dans le développement de l'hydrogène. Plusieurs milliards ont été annoncés dans le plan de relance. Or la part de cette énergie qui peut effectivement être qualifiée de verte est restreinte, rapportée à la part d'hydrogène décarboné produit à partir d'énergie nucléaire. Compte tenu de ce choix, comment assurer un investissement européen conséquent dans les énergies vertes et dans les besoins en recherche et développement des technologies réellement décarbonées ?

La semaine dernière, nos collègues Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Deflesselles ont présenté un rapport sur la capacité de l'Union européenne à atteindre la neutralité carbone en 2050. Ils estiment que la traduction des engagements internationaux dépend de la bonne volonté des États. Les trajectoires actuelles ne permettent aucunement d'atteindre la limitation du réchauffement à deux degrés d'ici 2100. Pour pallier ce déficit, le rapporteur a affirmé la nécessité de dépasser le seul engagement collectif au niveau de l'Union pour que chaque pays prenne sa part sous la forme d'un objectif national contraignant, éventuellement assorti de sanctions en cas de non-respect. Cela pose évidemment la question de l'acceptation démocratique, bien en amont du traitement des inégalités sociales. Quelle est la position de la France sur cette idée et comment nos partenaires européens se positionneraient-ils ?

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D'ici juin 2021, dans le cadre du Green Deal, la Commission européenne devra présenter un paquet législatif permettant à l'Union européenne de respecter son nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % en 2030. Plusieurs décisions seront prises, dont les contours du futur mécanisme d'ajustement du carbone aux frontières. Quel serait le rendement d'une telle taxe ? Où en sont les négociations sur le périmètre du mécanisme ?

Par ailleurs, la Corse ainsi que les autres îles méditerranéennes et les territoires périphériques ou ultrapériphériques sont vulnérables au dérèglement climatique, et ultra‑dépendants des transports aérien et maritime. Cela nous alerte sur la nécessité de mettre en œuvre une politique territorialisée, adaptée aux spécificités des territoires périphériques, y compris au niveau européen. Les nouvelles stratégies de développement durable européennes, notamment le Green Deal, tiendront-elles compte de cette diversité ?

Depuis des années, les ONG et les citoyens accusent l'Union européenne de ne pas considérer suffisamment les problématiques sanitaires, environnementales et le réchauffement climatique dans les accords commerciaux. Le modèle des accords commerciaux, tel qu'il est incarné dans les accords du CETA ou avec le Mercosur, est contesté et dépassé. Il faut donc y mettre fin.

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La surtransposition est une spécialité franco-française. Je peux en attester : j'y ai consacré un rapport lorsque j'étais parlementaire européenne. Le Président de la République a indiqué à de nombreuses reprises, notamment lors d'un Congrès à Versailles, qu'il ne souhaitait plus de ces surtranspositions et qu'au contraire, il envisageait la « dé-surtransposition ». Ce serait très heureux, car nous nous tirons des balles dans le pied à être plus toujours plus vertueux que le reste des États membres de l'Union européenne en termes de concurrence et de compétitivité. Comment mettre en œuvre la volonté du Président de la République ? Le plan « abeilles » nous a récemment démontré que nous pratiquions toujours la surtransposition.

Par ailleurs, en décembre dernier, les dirigeants européens se sont accordés sur les ambitions climatiques de l'Union. Avec 30 % des émissions de gaz à effet de serre, le secteur des transports est le premier émetteur. C'est également le seul secteur économique à ne pas avoir réduit ses émissions depuis 1990 : elles ont augmenté de 18 %. Le report modal vers la mobilité partagée constitue le seul levier crédible pour inverser cette tendance. Depuis 2017, le Gouvernement français s'est démarqué par l'attention portée à la mobilité quotidienne des Français comme enjeu de développement durable et inclusif, avec la réforme ferroviaire et la loi d'orientation des mobilités (LOM). Quelles ambitions la France va-t-elle défendre au niveau européen pour faire du transport public et du report modal les clés du processus de décarbonation du continent européen ?

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Celui qui veut se rendre à Paris au départ de Narva, à la frontière de l'Estonie et la Russie, peut embarquer dans un avion ou prendre sa voiture pour parcourir les 2 700 km et traverser sans problème cinq pays sans qu'aucun test ne lui soit demandé, prenant ainsi le risque de faire circuler plusieurs variantes de la covid-19.

En revanche, si je souhaite me rendre de Saint-Georges de l'Oyapock à Régina, deux communes limitrophes de Guyane, je dois justifier de motifs impérieux. Si, pour des raisons de santé, familiales ou professionnelles, ou pour mes études, je dois faire le trajet entre Cayenne et Paris, en plus du motif impérieux et des justificatifs, je serai soumis à un test PCR avant le départ, à une septaine à l'arrivée, à un nouveau test PCR puis à un autre avant de rentrer chez moi. Il sera ensuite suivi d'une nouvelle septaine, puis d'un quatrième test PCR, pour la route !

Comme la majorité des Guyanais, je suis perplexe face à l'incapacité à mieux contrôler les flux intracommunautaires – et avec eux les risques de propagation de l'épidémie – quand le Gouvernement n'éprouve aucune difficulté à sévèrement restreindre la liberté de circulation des Guyanais, allant jusqu'à les assigner à résidence. Certains pays – comme l'Espagne – n'hésitent pas à exiger un test PCR de la part des personnes en provenance de la France.

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Clément Beaune, secrétaire d'État

S'agissant des appels d'offres pour les marchés publics, nous sommes parfois obligés de contourner les règles pour privilégier un approvisionnement local sur le plan agricole ou industriel. Nous soulevons souvent le sujet lors des réformes de la politique de concurrence européenne. La France a peu d'alliés sur ce point, mais nous y reviendrons dans le cadre de la réforme de la politique européenne de concurrence qui va s'ouvrir cette année. Nous avons mobilisé la vice-présidente de la Commission, Mme Margrethe Vestager, pour permettre plus de souplesse sur ce point, mais aussi sur les seuils, les contenus locaux, la capacité d'assouplir ou de renforcer les exigences en matière de contribution et de participation des PME – ce que l'on appelle parfois « le Small Business Act à l'européenne ». Ces éléments du droit européen de la concurrence doivent être améliorés dans les mois qui viennent et j'espère que la future réforme permettra d'apporter davantage de bon sens. Nous y arrivons parfois, mais au prix de contorsions inutiles et compliquées.

Nous ne pourrons atteindre les objectifs européens de neutralité carbone sans aider les pays les plus éloignés de ces objectifs. Le Fonds pour une transition juste est un investissement logique, une solidarité légitime qui permettra d'aider nos pays voisins à suivre une trajectoire de réduction des émissions plus difficile que la nôtre, compte tenu de leur mix énergétique.

Il faut aussi accepter une neutralité technologique ou une neutralité de nos mix énergétiques nationaux ; c'est un point inscrit dans les conclusions du sommet européen du mois de décembre. La France ne pourra pas atteindre les objectifs de réduction des émissions en 2030 et 2040 sans une énergie stable et décarbonée. C'est essentiel pour nous, mais aussi pour d'autres pays qui abandonnent le charbon. Nous nous battons sur la taxonomie des investissements pour que l'énergie nucléaire civile ne soit pas exclue des programmes de recherche européens. Certains voudraient exclure toute production d'hydrogène à partir d'électricité nucléaire. Nous devons tenir la neutralité technologique, qui se traduit pour la France par la préservation du recours à l'énergie nucléaire. C'est indispensable pour atteindre nos objectifs : nous ne pouvons pas avoir des objectifs ambitieux et écarter une énergie non carbonée stable, essentielle et souveraine comme le nucléaire. Au niveau européen, ce débat prend de l'ampleur.

La France est aussi en retard sur la méthanisation. Le programme d'investissements d'avenir (PIA) prévoit un effort supplémentaire et le plan de relance permettra de l'accélérer dans les années à venir.

S'agissant des transports publics dans le contexte du Brexit, la France pousse plusieurs initiatives. Les 37 % du plan de relance européen consacrés au climat financeront des initiatives nationales, telles que le report modal, le développement des transports propres ou les mobilités douces. En pratique, ces initiatives sont une condition de validation du financement des plans de relance par le budget de l'Union européenne. Certains appels d'offres pour les transports publics non polluants, tels que les tramways en site propre, sont financés par l'Europe, indépendamment du plan de relance. Leur montant sera renforcé dans le cadre budgétaire 2021-2027 et ils permettront une accélération du report modal.

Avec la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire qui a été défendue par Mme Brune Poirson, nous avons été exemplaires en matière de réduction des usages des plastiques et d'interdiction progressive de produits. La Commission européenne a repris certains objectifs de cette loi et le Green Deal prévoit, en 2025 puis en 2030, une réduction de l'usage des plastiques. Des propositions législatives européennes seront présentées dès ce premier semestre, fixant des objectifs européens pour 2025, puis renforcées sous la présidence française au premier semestre 2022.

Concernant l'hydrogène, nous consolidons notre effort d'investissement au niveau national grâce au plan de relance présenté début septembre par le Premier ministre et à la stratégie présentée deux semaines plus tard par Mme Barbara Pompili et M. Bruno Le Maire. Le plan de relance national prévoit de consacrer 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires au plan hydrogène. À la demande du Président de la République, nous avons aussi commencé au mois d'août une coordination des plans allemands et français sur l'hydrogène. Les Allemands ont un plan de relance post-covid financièrement plus ambitieux que le nôtre. Nous devons mettre en commun une partie de ces crédits dans des appels d'offres conjoints, afin d'éviter de définir des standards différents et de placer des acteurs en concurrence. Nous pourrons ainsi proposer une offre européenne et franco-allemande à l'international sur l'hydrogène. Au premier trimestre, un plan franco-allemand sur ce sujet sera présenté par M. Bruno Le Maire et son homologue allemand, M. Peter Altmaier.

J'en viens aux sanctions et aux incitations pour le respect des objectifs en matière de réduction d'émissions et de neutralité carbone. Le bénéfice du Fonds de transition juste est soumis au respect de l'objectif de neutralité carbone en 2050. À chaque versement supplémentaire, la Commission européenne vérifiera que chaque pays, par exemple la Pologne, a souscrit à l'objectif 2050 de neutralité carbone et a réalisé les actions jugées suffisantes. La moitié de l'enveloppe du Fonds de transition juste est conditionnée à l'acceptation de cet objectif. C'est une garantie que les fonds européens seront utilisés pour une réduction des émissions.

Nous devons réfléchir à des objectifs et des sanctions plus précis, mais cela ne peut s'envisager que de manière sectorielle. Il serait difficile de mettre en place un outil de vérification globale dès 2030, même si tous les pays disposent déjà d'instances nationales équivalentes à notre Haut Conseil pour le climat, dont le rôle est de publier, vérifier et analyser la trajectoire de réduction des émissions. La possibilité de sanctionner dépendra aussi de la confiance entre la Commission et les États membres ; le respect de la trajectoire de chaque État fera l'objet de discussions infinies.

Des outils spécifiques existent cependant déjà. Sur la qualité de l'air, la France est régulièrement mise en cause, et nous pourrions être sanctionnés juridiquement et financièrement si, au regard des règles européennes, nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire. Je crois cependant davantage aux incitations sur le plan financier et aux sanctions sectorielles sur un sujet précis facile à mesurer qu'à un outil global de sanction des trajectoires nationales. Ce point sera renforcé dans la loi européenne sur le climat. Des instances d'évaluation européennes pratiqueront le « name and shame » et dénonceront les pays manifestement hors de la trajectoire vers la neutralité carbone ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous constatons que les rapports du Haut Conseil pour le climat sont de plus en plus visibles dans le débat public ; un organe équivalent européen aura un poids considérable, au-delà de la sanction.

Le produit généré par le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières dépendra de la façon l'outil sera calibré. Il concernera d'abord certains secteurs. Il n'y aura pas de mécanisme d'ajustement carbone le premier jour pour tous les produits. Aujourd'hui, selon l'estimation de la Commission européenne, ce produit devrait représenter entre 6 et 14 milliards d'euros par an. Cette somme n'est pas négligeable : le remboursement annuel du plan de relance européen à vingt-sept représentera près de 17 milliards d'euros par an à la fin de la décennie. Alors que l'on évoque de nouvelles ressources propres, ce mécanisme d'ajustement carbone associé à une ou deux taxes sur le numérique permettra de financer des politiques publiques européennes, à commencer par le remboursement de notre plan de relance.

J'ai bien noté la préoccupation quant à la prise en considération des particularités de certains territoires. Certains outils financiers européens tiennent compte de ces contraintes spécifiques en matière environnementale et de financement de la politique régionale, mais je suis prêt à regarder précisément comment intégrer ces dimensions dans d'autres outils européens, comme le Fonds de transition juste.

Concernant la prise en compte de la question climatique dans les accords commerciaux conclus par l'Union européenne, je crois que nous sommes arrivés au bout d'un modèle. Le CETA est appliqué à titre provisoire et l'accord avec le Mercosur a été « mis au congélateur », car il n'est pas acceptable en l'état. Fondamentalement, c'est la façon dont on négocie les accords commerciaux qui est en question. La Commission européenne en est restée au modèle qui existait il y a vingt ans, lorsque les négociations avec le Mercosur ont été engagées, consistant à baisser les droits de douane et quelques autres barrières non tarifaires. À l'époque, la Commission européenne se préoccupait assez peu des enjeux climatiques et environnementaux, alors moins prégnants, ou de la vérification des standards et des règles.

Aujourd'hui, les Français et les Européens sont extrêmement préoccupés, parfois de manière excessive – on l'a vu avec le CETA – par le respect des normes sanitaires et alimentaires. Il est désormais clair que nous ne pourrons plus soumettre au Parlement européen et aux parlements nationaux des accords commerciaux qui ne respecteraient pas davantage les standards européens et dont l'effectivité ne serait pas vérifiée. Nous le ferons dans le cadre du Brexit : aucun produit britannique n'entrera s'il ne respecte pas nos règles sanitaires ou phytosanitaires, et nous nous sommes donné les moyens de le contrôler. Des règles plus fortes et des contrôles plus stricts sont la condition sine qua non de tout accord commercial dans le futur. L'accord que nous avons conclu avec le Royaume-Uni définit, de fait, un nouveau standard et nous ne pourrons plus dire que nous ne savons pas établir des procédures de respect des règles.

Le Président de la République a soulevé la question de la dé-surtransposition dans sa campagne présidentielle et dès le début de son mandat. Nous avons réalisé quelques actions ciblées de dé-surtransposition, mais nous ne sommes pas allés au bout de la logique ; il faut envisager un changement culturel. Vous connaissez cela au Parlement, qui est soumis à des demandes sectorielles. Parfois c'est son administration même qui suggère un amendement pour ajuster une règle, ou les ministères. Dans les projets de loi européens, dont l'objet est large, on essaie d'insérer quelques règles qui vont au-delà de la directive européenne. Il n'y a pas de remède miracle. On peut faire une action ciblée de dé-surtransposition, mais on reprendra le chemin connu quelques années après si le fonctionnement du Gouvernement et du Parlement n'a pas été modifié. Sans alourdir la bureaucratie, je suis prêt à relancer le chantier pour mettre en place un dispositif d'alerte étudiant les mesures de transposition pour vérifier si elles s'en tiennent à la directive européenne ou si elles ajoutent des éléments sans aucun rapport.

Nous avons décidé, dans le Traité d'Aix-la-Chapelle, que la France et l'Allemagne adoptent les mêmes textes de transposition des directives, pour ne pas avoir de règles différentes de celles de notre premier partenaire économique et commercial. C'est souvent la France qui se fixe plus de règles que les autres. Ce processus est très long ; il n'entre pas dans les habitudes des administrations, à commencer par le Gouvernement, qui est à l'origine de la grande majorité des normes. Il est compliqué d'envisager un nouveau vecteur législatif de dé‑surtransposition, il faut surtout parvenir à cette mutation culturelle pour éviter de toujours rajouter des couches de règles.

Concernant la question des transports, les efforts supplémentaires doivent passer par des investissements et des réflexions sur l'extension du système de quotas d'émissions (ETS). Le risque est d'imposer à des secteurs très émetteurs des règles que nos concurrents et voisins immédiats ne s'imposeraient pas. Nous devons donc trouver un équilibre entre une ambition environnementale supplémentaire et des normes qui ne seraient qu'européennes.

Enfin, je ne peux m'aventurer sur le terrain de la politique des tests covid, mais s'il est possible d'apporter des ajustements et une simplification tout en gardant une protection sanitaire, nous le ferons ensemble.

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La position de la France à propos du traité sur la charte de l'énergie (TCE), incompatible avec l'accord de Paris, a été courageuse et largement saluée par plusieurs ONG, des scientifiques et chercheurs, ainsi que par un collectif d'eurodéputés qui réclament avec nous une sortie coordonnée du traité par les vingt-sept pays de l'Union européenne. Le Luxembourg, l'Espagne et même l'Autriche sont visiblement déjà convaincus. Toutefois, il ne sera pas facile d'obtenir l'unanimité car de nombreux pays signataires vivent encore de la rente des hydrocarbures, et la position de la France sur le TCE est très attendue par nos partenaires. Comptez-vous renforcer encore votre implication dans les négociations ?

Par ailleurs, certaines ONG regrettent que la lettre que vous avez envoyée conjointement avec plusieurs ministres à la Commission européenne n'ait pas été rendue publique. Pensez-vous que cette lettre pourrait être publiée ?

Enfin, le mandat de l'actuel secrétaire général du TCE se terminant, avez-vous prévu de nommer un diplomate français pour le remplacer, afin de s'assurer que le secrétariat du TCE n'entrave pas la position française ?

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En novembre dernier, la stratégie nationale pour le développement du biocontrôle a été publiée. Elle s'inscrit pleinement dans les objectifs de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques fixés par le Gouvernement et, désormais, par la Commission européenne. L'objectif est de réduire de 50 % l'utilisation des produits phytosanitaires.

La Commission européenne souhaite faciliter le recours à des produits à base de substances actives d'origine biologique, présentant un impact limité sur l'environnement et la santé.

Je me félicite de ces engagements, mais des améliorations peuvent encore être faites. Il faut davantage accompagner les entreprises et la recherche dans le développement de ces solutions et leur industrialisation. Il faut aussi faciliter leur autorisation, notamment en apportant un soutien technique et financier aux porteurs de projets. Surtout, les délais pour l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché sont encore beaucoup trop longs : huit ans en moyenne. Aujourd'hui, seules les grosses entreprises comme Bayer-Monsanto sont capables de tenir, mais elles n'ont malheureusement pas l'ambition de développer des produits non chimiques.

Quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour favoriser le développement de ces solutions et promouvoir le biocontrôle au niveau européen ?

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La crise sans précédent que nous traversons conduit à s'interroger sur les zoonoses. Les scientifiques nous alertent du fort risque de les voir se multiplier au cours des prochaines années. Comment l'Europe se saisit-elle de cette question ? Va-t-elle y consacrer des fonds spécifiques ?

Le 11 janvier dernier, le débat public sur le plan stratégique national de la politique agricole commune a rendu ses conclusions. Parmi les points faisant consensus, on retrouve la mise en place de standards environnementaux et sanitaires à l'échelle européenne. Comment avancer sur cette question cruciale ?

Enfin, en matière de transport, l'Europe doit jouer un rôle central pour soutenir les États membres. On ne peut que se féliciter de la décision de la Commission européenne de faire de 2021 l'année du rail. Qu'attendez-vous précisément de l'Europe sur les transports au quotidien ?

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La France et l'Union européenne sont très engagées sur les questions de souveraineté et de régulation des GAFA. Il me paraîtrait intéressant d'engager une véritable action sur la pollution environnementale numérique. Aujourd'hui, la consommation mondiale de streaming vidéo émet chaque année 300 millions de tonnes de CO2, ce qui équivaut à la pollution produite par un pays comme l'Espagne. C'est vertigineux.

Il est donc nécessaire de responsabiliser les géants du numérique et du streaming, dont de nombreux acteurs restent à la traîne en matière d'énergies renouvelables. Je voudrais m'assurer que ce sujet fait bien partie du programme de travail de la présidence française et je serais heureuse d'entendre vos appréciations.

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La crise de la covid a montré, une fois de plus, la nécessité d'une Europe forte et puissante pour apporter une réponse efficace et coordonnée entre les États membres, tout particulièrement en ce qui concerne la vaccination.

Le 17 décembre dernier, le Parlement européen a voté une nouvelle résolution sur l'adaptation au changement climatique qui alimentera la future stratégie de l'Union européenne, attendue en 2021 dans le cadre du Pacte vert. Quand on sait que vingt‑deux membres de l'Union européenne ont une façade maritime et que le risque d'épisodes climatiques aux conséquences fortes s'accroît, une adaptation de notre littoral est indispensable afin de le rendre plus sûr. Pourriez-vous indiquer dans quelle mesure la question de la résilience du littoral face aux changements et aux aléas climatiques est prise en compte dans les discussions à l'échelle européenne ?

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La France a la chance d'accueillir le siège de l'Agence spatiale européenne à Paris. Il s'agit de la troisième agence spatiale la plus influente, après la NASA et l'administration spatiale chinoise. Ma question porte sur un sujet souvent méconnu du grand public : la politique spatiale européenne et les actions environnementales pour faire face aux débris spatiaux.

À ce jour, plus de 29 000 débris seraient en orbite autour de notre planète, comme en atteste le rapport annuel publié par le bureau des débris spatiaux de l'Agence spatiale européenne. L'agence organisera également en avril prochain la huitième conférence mondiale sur ce sujet.

En décembre dernier, l'Europe passait la commande de sa première mission d'enlèvement avec la start-up suisse ClearSpace, ouvrant la voie à une dépollution de l'orbite terrestre. Pouvez-vous nous préciser les ambitions européennes, et particulièrement françaises, sur ces enjeux de dépollution et nous donner davantage d'informations sur le contrat avec ClearSpace ?

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À la suite des accords et du compromis trouvé sur le Brexit, des inquiétudes et des incertitudes demeurent concernant la pêche, en particulier dans ma circonscription qui compte quatre ports de pêche : Les Sables d'Olonne, l'île d'Yeu, Noirmoutier et Saint Gilles Croix de Vie. Pourriez-vous nous faire un point complet sur les ambitions, les quotas de pêche, l'éventuel effet domino pour les pêcheurs ligériens et les conséquences dans le Golfe de Gascogne ?

Je souhaiterais également avoir des éléments relatifs au verdissement de la flotte de pêche dans le cadre des accords européens.

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Je souhaite revenir sur la clause essentielle de respect de l'accord de Paris. Nous souhaitons éviter la surtransposition, mais nous aimons aussi être fer de lance. La France l'a été avec la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire : de nombreuses directives sont à l'étude sur ces sujets et les travaux du Parlement européen s'en inspireront. Lors de la préparation de cette loi, le principe de libre circulation des marchandises a souvent été un frein à l'ambition.

La clause essentielle de respect de l'accord de Paris pourrait-elle dépasser le strict cadre des accords commerciaux et s'intégrer plus directement auprès des industriels pour faire évoluer l'écoconception ?

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La crise que nous vivons actuellement a développé l'utilisation d'équipements de protection individuelle à usage unique tels que les masques et les gants. Bien que nécessaires, ces produits entraînent une pollution non négligeable. La consommation quotidienne de deux masques jetables par personne représente environ 400 tonnes de déchets plastiques tous les jours. La question du recyclage des masques, au niveau français et européen, est donc complexe mais aussi primordiale.

Un plan de recyclage des masques au niveau européen a-t-il été envisagé ? Comment serait-il mis en place ? Pouvons-nous mesurer, à ce jour, les impacts au niveau environnemental d'une telle initiative ?

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La relance de la « grande muraille verte » en Afrique va bénéficier de 12 milliards d'euros pour restaurer des millions d'hectares de terre. Les Allemands vont investir aussi au Maghreb dans des centrales photovoltaïques, donc sur l'hydrogène. Pourquoi la France laisse-t-elle le terrain libre ? Ne pourrait-on pas également investir dans ces territoires ?

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Clément Beaune, secrétaire d'État

S'agissant du Traité sur la charte de l'énergie, avec Mme Barbara Pompili et plusieurs collègues, nous avons souhaité presser la Commission européenne et nos partenaires européens car la stratégie d'adaptation ne semble pas fonctionner. Les négociations se poursuivent, mais elles sont lentes, et nous avons clairement fait savoir dans un courrier que nous devions envisager et préparer une sortie collective du traité.

Ce combat n'est pas encore gagné au niveau européen. Ce courrier a été largement diffusé et cette initiative n'a rien de secret. Nous devons maintenant trouver des alliés. Quelques pays, dont l'Espagne et le Portugal, semblent favorables à cette option et nous cherchons à rallier nos voisins du Benelux. La Commission ne nous a pas encore répondu, mais nous en parlerons avec les Commissaires concernés prochainement. Le Luxembourg postule pour la présidence de la charte. Cela montre encore une fois la difficulté à coaliser et j'en parlerai à M. Jean Asselborn, mon homologue, dans quelques jours.

La réduction de 50 % de l'utilisation des produits phytosanitaires fait partie des propositions que nous avions poussées avant la présentation du Green Deal. Ce projet figure dans les objectifs fixés par la Commission fin 2019, lorsqu'elle a présenté ce pacte. Il faut maintenant adopter la législation et les textes européens nécessaires pour atteindre l'objectif. Cela fera partie de la déclinaison sectorielle du Green Deal en 2021.

La réduction des longs délais d'autorisation sur le marché et la promotion du biocontrôle sont des priorités de notre stratégie nationale. Cela doit passer systématiquement par la promotion de ces méthodes et par l'insertion d'un volet relatif au biocontrôle dans les programmes de recherche et d'innovation européens. Nous pouvons creuser le point plus spécifique de la réduction des délais. La promotion du biocontrôle dans les programmes européens fait partie des éléments que nous avons soumis à la présidence portugaise de l'Union européenne pour le semestre en cours.

Il n'y a actuellement pas de fonds spécifique consacré aux zoonoses. C'est toutefois une piste, et une stratégie de la Commission européenne est promise et attendue pour le deuxième semestre 2021.

Concernant l'hydrogène, j'ai évoqué les 2 milliards d'euros supplémentaires du plan de relance, qui portent le total du plan français au-delà de 7 milliards d'euros. En comparaison, le plan allemand représente près de 9 milliards d'euros. Nous ne sommes donc pas exactement sur le même ordre de grandeur, mais nous nous coordonnons pour essayer de nous rapprocher et avoir des initiatives industrielles communes.

Nous en avions parlé lorsque j'ai pris mes fonctions, il y a des investissements allemands, souvent soutenus par leur Gouvernement, dans des pays situés à proximité de l'Europe, et au Maghreb en particulier. Je n'ai pas de projet « ficelé » à évoquer, mais cela fait partie des initiatives que nous pouvons essayer d'avoir avec eux, ou comme eux. Il s'agit d'un secteur d'excellence industrielle française et il n'y a pas de raison de nous priver de cette stratégie offensive avec nos grands acteurs industriels, ni de laisser le champ libre à nos amis, et néanmoins concurrents, allemands.

Concernant les transports ferroviaires du quotidien, des appels à projets de financements européens sont en cours. La RATP a déjà bénéficié de plus de 50 millions d'euros et d'autres appels d'offres sont en cours. Cela montre bien que les fonds européens sont utiles pour les transports propres.

Le train de nuit devient un grand projet européen, avec des financements à l'initiative industrielle et des opérateurs. Sous la présidence française, nous tenterons d'accélérer les projets de liaisons entre capitales européennes, avec notamment une liaison Paris-Berlin pour 2023. Ce projet symbolique est attendu et il est utilisé par les jeunes : la success story autrichienne prouve qu'il y a un marché. C'est ma première attente pour cette année européenne du rail.

En nous mettant tous devant des écrans, la crise de la covid n'a pas arrangé la pollution environnementale numérique. Ce sujet monte en puissance. Il est de plus en plus documenté et il y a une prise de conscience, notamment des jeunes. Pour l'instant, au niveau européen, il n'y a pas encore d'actions très concrètes. Il y a eu des conclusions sous présidence allemande. Des actions de chiffrage et d'évaluation ont été lancées à l'initiative du Président de la République avec la Tech for Good, avec les grandes plateformes numériques. Nous essaierons, dans le cadre des prochaines présidences portugaise et slovène d'en faire, avec M. Cédric O et ses collègues, un des points de l'action européenne.

Avec Mme Annick Girardin, nous avons poussé la question de la résilience du littoral. Il faut toutefois encore en préciser les contours et les outils d'action. C'est une des priorités de l'actuelle présidence portugaise de l'Union européenne qui souhaite développer une stratégie maritime et littorale dans beaucoup d'aspects : écologique ; soutien aux activités économiques fragilisées – dont la pêche  ; compétitivité de nos ports et emplois. Quelques actions que j'ai proposées seront poussées par la présidence portugaise.

En matière spatiale, l'action européenne passe par l'Agence spatiale européenne (ESA), mais désormais aussi par des financements de la Commission européenne. Nous avons considérablement renforcé le budget européen en matière spatiale pour la période 2021-2027, qui dépassera les 13 milliards d'euros.

Notre action ne porte pas uniquement sur les déchets spatiaux, mais c'est un de ses axes. Nous agissons en amont, lors de la conception des lanceurs et des satellites, afin qu'ils soient les moins émetteurs possibles de débris ou de déchets en fin de vie. Nous finançons aussi la recherche et l'innovation : nous avons conclu un accord au niveau européen avec ClearSpace pour assurer l'enlèvement des déchets en orbite. Ce sera la première mission au monde de ce type et elle sera pilotée par l'Europe. L'ESA a aussi développé un programme de prévention contre les débris dits « infaillibles » – ceux que nous ne pouvons retirer – pour cesser d'en produire davantage.

La présidence portugaise a pour ambition de définir une stratégie européenne de New Space qui aura pour objet d'accélérer le rattrapage du retard industriel européen avec le nouveau directeur général autrichien de l'ESA, M. Josef Aschbacher. Nous devons combler nos lacunes industrielles en matière de New Space : petits lanceurs, lanceurs réutilisables, débris spatiaux. Il n'y aura pas de nouvelle ambition spatiale sans dimension écologique, sujet sur lequel l'Europe peut être leader. Si notre expertise s'avère efficace, nous pourrons la vendre et envisager des contrats commerciaux avec des partenaires qui auraient besoin de cette compétence sur les débris spatiaux.

Concernant la pêche, je crois que nous avons, avec le Brexit, un bon accord. Il n'est pas parfait et il aura un impact puisque si le Royaume-Uni perd beaucoup, il récupère l'accès à ses eaux. Cela fait partie des arguments politiques et de la rhétorique nationaliste utilisée lors de la campagne référendaire. Malgré tout, nous avons tenu bon et nous avons accepté cet accord qui garantit pour cinq ans et demi un accès à la zone économique exclusive britannique. La perte d'une partie des quotas est limitée, toutes espèces confondues, à 25 %, voire un peu moins pour la France.

Nous avons deux problèmes à résoudre. De façon urgente, il nous faut obtenir toutes les autorisations administratives pour accéder dès à présent à l'ensemble des eaux. Nous les avons pour la zone exclusive et les eaux territoriales de Guernesey, mais pas pour toutes les eaux territoriales de Jersey. C'est évidemment un sujet crucial pour la pêche dans les régions de la façade nord-ouest, pour lequel nous sommes en train de nous battre.

À plus long terme, nous ignorons ce qui va se passer après 2026. Nous ne lâchons pas le morceau. Il est possible que les Britanniques nous déclarent annuellement si nous aurons accès à leurs eaux, mais nous avons prévu une forme de « dissuasion halieutique » : s'ils voulaient nous priver d'accès sur une base annuelle, nous disposons de moyens de rétorsion en imposant des droits de douane sur les produits de la pêche ou d'autres secteurs économiques. Cela pénaliserait l'économie britannique et permettrait de faire tomber d'autres accords dont les Britanniques ont grand besoin, notamment sur la coopération énergétique et l'accès à notre marché électrique, dont ils ont un besoin vital. J'espère que nos relations seront apaisées d'ici à 2026 et que les Britanniques réfléchiront avant de proposer un tel système. Quoi qu'il en soit, nous n'allons pas attendre l'année 2026 ; dès 2021, au niveau communautaire et bilatéral, nous allons travailler à préparer le système le plus stable possible pour l'après 2026. Nous avons déjà sécurisé la question des quotas d'espèces et veillé à ce qu'ils soient stabilisés à 75 % de la situation actuelle après 2026.

Madame Riotton, imposer le respect de l'accord de Paris dans les accords commerciaux est déjà un combat à mener. Si j'ai bien compris votre question, vous demandez s'il est possible de vérifier si ces exigences climatiques sont aussi respectées dans l'activité de certaines entreprises. Ce sujet doit être traité en exportant à l'échelon européen la législation qui a été récemment adoptée en France sur le devoir de vigilance des sociétés mères. Elle impose de vérifier que nos grands groupes ne violent pas nos engagements internationaux et nos exigences environnementales ou sociales par leurs actions ou celles de leurs sous‑traitants. C'est la meilleure piste pour assurer que la logique de clause essentielle soit respectée dans l'activité économique de nos entreprises et pas seulement dans les relations de gouvernement à gouvernement ou de pays à pays.

Nos préoccupations sanitaires, et donc écologiques, ont été renforcées avec cette crise. Nous n'en avons pas encore tiré toutes les leçons et il reste beaucoup d'initiatives européennes à prendre. À ma connaissance, il n'existe pas de plan européen de financement ou de mise en œuvre du recyclage des masques, ni de filière prévue à cet effet. Toutefois, nous consommons des centaines de millions de masques et je suis prêt à appuyer cette initiative concrète.

Quelques éléments nous permettent d'aller dans cette direction. Pour la première fois, au niveau européen, un budget de 5 milliards d'euros est dédié à la santé. Il pourrait financer des actions de cette nature. En novembre, la Commission a fait une série de propositions destinées à créer les outils d'une Europe de la santé : une Agence de la santé se consacrerait à la recherche médicale et créerait une réserve sanitaire européenne dotée d'équipements de protection, de masques, de respirateurs ou d'autres équipements dont nous aurions besoin dans une prochaine pandémie. Cela permettrait de mutualiser des réserves communes, car nous n'avons pas tous besoin de garder des milliers de respirateurs à tout moment, mais quand l'épidémie surgit ou qu'un pays est plus touché qu'un autre, des réserves sanitaires européennes seraient utiles. En allant plus loin, nous pourrions imaginer une filière industrielle européenne en matière de recyclage qui viendrait compléter ce plan. L'Europe de la santé est encore en construction, mais sera aussi un des axes de la présidence française. Je suis prêt à relayer ces idées auprès de mes collègues du Gouvernement.

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Monsieur le ministre, je vous remercie. Nous aurons certainement le plaisir de vous recevoir à nouveau pour le suivi de plusieurs enjeux européens.