Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Réunion du mardi 4 juin 2024 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à seize heures trente.

La commission procède à l'audition d'associations du secteur de la mode : M. Pascal Morand, président exécutif de la fédération de la haute couture et de la mode (FHCM) et M. Frédéric Galinier directeur délégué, représentation professionnelle et institutionnelle ; M. Cyril Brulé, président du syndicat national des agences de mannequins (SYNAM), Mme Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale et Mme Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration ; Mme Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM).

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Mesdames, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Comme vous le savez, notre commission d'enquête vise à faire la lumière sur les violences commises contre les mineurs et les majeurs dans les secteurs du cinéma, du spectacle vivant, de l'audiovisuel, de la mode et de la publicité. Nous cherchons à identifier les responsabilités de chacun et, surtout, à proposer des solutions pour que tous puissent évoluer dans ces secteurs sans craindre pour leur intégrité physique et mentale. Avec la rapporteure, nous nous réjouissons de votre présence. Nous avons commencé les auditions, il y a une semaine, et n'avons pas encore abordé la question de la mode, secteur que vous représentez. Je vous propose, dans un premier temps, de nous présenter vos syndicats et fédérations respectifs. Ensuite, Mme la rapporteure vous posera des questions plus précises. Je rappelle que l'audition est ouverte à la presse et diffusée sur le site de l'Assemblée nationale. Conformément à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les personnes entendues par une commission d'enquête doivent prêter serment de dire la vérité, rien que la vérité.

(MM. Pascal Morand, Frédéric Galinier, Cyril Brulé et Mmes Isabelle Saint-Félix, Virginie Dambrine, Nathalie Cros-Coitton prêtent serment.)

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Pascal Morand, président exécutif de la fédération de la haute couture et de la mode (FHCM)

Permettez-moi de commencer par vous présenter brièvement l'écosystème et le rôle de notre fédération. Le secteur de la mode, comme vous le savez, est un pilier majeur de l'économie française. Il s'agit d'un secteur composite, englobant divers modèles économiques et catégories de marché, allant de la consommation de masse aux marques de créateurs de luxe, qui rayonnent sur la scène mondiale. Cela implique la présence de nombreuses représentations professionnelles et fédérations, dont la nôtre fait partie. Toutes ces fédérations et organisations collaborent au sein d'un comité stratégique de filière, le comité stratégique de filière Mode et Luxe.

Notre fédération est sélective et compte une centaine de membres. Parmi eux, deux tiers sont implantés en France et sont des membres actifs, tandis qu'un tiers, non implantés en France, sont des membres associés. La caractéristique commune de ces membres est une activité centrée sur la création. Ces maisons sont généralement dirigées par un binôme composé d'un manager et d'un créateur, souvent appelé directeur artistique. Les plus jeunes de nos membres viennent directement de la création et s'entourent d'un manager à mesure de leur développement. Nous avons deux types d'activités.

Premièrement, nous sommes une organisation professionnelle classique, offrant divers services à nos membres et les représentant. Cela inclut une commission juridique, une commission sociale, une commission collective, une commission paritaire, ainsi qu'une commission innovation et développement durable. Nous apportons une expertise dédiée et travaillons en étroite relation avec nos membres. Par exemple, nous sommes très impliqués dans les dossiers relatifs au développement durable.

Notre seconde activité, qui a été le point de départ de la fédération lors de sa création en 1974, consiste à organiser des événements. À cette époque, les couturiers et créateurs de mode ont décidé de conjuguer leurs efforts pour présenter ensemble leurs collections. C'est pourquoi la fédération s'est longtemps appelée Fédération française de la couture, des couturiers et des créateurs de mode. Nous organisons la Paris Fashion Week ainsi que la Semaine de la haute couture. Notre rôle consiste principalement à coordonner le calendrier officiel et celui des événements. Nous ne nous impliquons pas directement dans l'organisation des shows, des défilés ou des présentations.

Ces événements se déroulent plusieurs fois par an deux Fashion Week pour la mode féminine en février/mars et fin septembre/début octobre, deux Fashion Week pour la mode masculine en janvier et en juin, ainsi que deux Semaine de la haute couture qui suivent les Fashion Week masculines. Pour illustrer, la mode féminine compte environ soixante-cinq défilés par saison et quarante présentations. Les défilés se déroulent sur un podium, tandis que les présentations offrent une marge scénographique plus large. Pour la mode masculine, nous avons environ cinquante défilés et trente présentations par Fashion Week. Quant à la Semaine de la haute couture, elle comprend une trentaine de défilés. Les marques qui défilent dans le calendrier officiel sont soit membres de la Fédération, soit invitées par un comité de sélection.

Ce comité inclut deux ou trois journalistes internationaux et deux ou trois acheteurs internationaux, renouvelés chaque saison pour éviter toute bureaucratie et garantir une objectivité dans le processus de sélection des invités.

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Cyril Brulé, président du syndicat national des agences de mannequins (Synam)

Pour ma part, j'ai exercé la profession de mannequin pendant trois ans avant de devenir agent de mannequins. Depuis trente-six ans, je dirige l'agence Viva Model Management. En 2009, j'ai pris la présidence du syndicat national des agences de mannequins (Synam).

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Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale du Synam

Le Synam a été créé en 2009, résultant de la fusion de deux syndicats préexistants le Syndicat des agences de mannequins (SAM), fondé en 1972, et l'Union nationale des agences de mannequins (Unam), établi en 1992. Au sein de notre syndicat, nous comptons vingt-huit adhérents. Notre conseil d'administration se compose de neuf membres élus en assemblée générale pour des mandats de deux ans renouvelables. Un bureau, formé par trois membres du conseil d'administration, à savoir le président, le trésorier et le secrétaire général, supervise nos activités. Nous organisons entre trois et quatre conseils d'administration par an, ainsi qu'une assemblée générale ordinaire annuelle.

Nos ressources proviennent des cotisations annuelles des adhérents et de la quote-part du paritarisme de branche. En termes de moyens humains, nous disposons du secrétaire général et bénéficions de la contribution de certains membres du conseil d'administration selon la spécificité des dossiers traités. Nous faisons également appel à un pool d'avocats en fonction des besoins de conseil juridique.

Concernant l'ensemble de la profession, on dénombre actuellement quatre-vingt-douze agences de mannequins en France, dont dix-sept en région et trois à l'île de la Réunion. Toutes ces agences possèdent une licence. Si cela vous intéresse, je pourrais vous fournir des données supplémentaires, telles que le nombre de mannequins salariés en 2023, avec une répartition détaillée selon les tranches d'âge (moins de seize ans, plus de seize ans) et le genre (hommes, femmes).

Les chiffres, obtenus auprès de la caisse Audiens, où toutes les agences de mannequins déposent leurs déclarations sociales nominatives (DSN), révèlent que, en 2023, 11 617 mannequins salariés ont été déclarés par les agences. Parmi eux, 8 049 sont âgés de plus de seize ans et 3 568 ont moins de seize ans. Chez les premiers, on dénombre 4 910 femmes et 3 139 hommes. Toujours dans cette tranche d'âge, 5 293 mannequins sont français ou résident en France, 932 sont nés à l'étranger mais résident en France, 1 572 sont nés à l'étranger et vivent à l'étranger, et 202 sont nés en France mais vivent à l'étranger. Ces chiffres concernent des mannequins salariés. Par ailleurs, des mannequins européens peuvent venir exercer en France en tant que travailleurs indépendants, mais ils ne sont pas inclus dans ces statistiques.

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

Je fais partie du conseil d'administration du Synam et j'interviens en tant que conseil pour les mannequins enfants qui interviennent dans la publicité de moins de seize ans. Je suis dans la profession depuis environ trente-cinq-trente-six ans et je dirige mon agence depuis trente-trois ans.

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Je suis présidente de la Fédération française des agences de mannequins (FFAM) depuis 2018. Cette fédération, fondée en 2004, regroupe actuellement seize agences, génère un chiffre d'affaires de 120 millions d'euros et emploie environ 1 200 salariés permanents. Le nombre de mannequins que nous représentons peut varier, et je vous expliquerai plus tard les raisons de cette fluctuation. Notre mission est similaire à celle du Synam, nous défendons les droits et les intérêts collectifs de notre profession et diffusons des informations sur les bonnes pratiques. À cette fin, nous avons instauré des chartes de bonne conduite. En parallèle de mes fonctions à la FFAM, je dirige également l'agence de mannequins Women Management, la plus grande à Paris. Cette agence emploie 45 salariés permanents et compte 650 mannequins.

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Je souhaite aborder la question de l'articulation des métiers et des relations qui existent entre les agences, les marques et les photographes, notamment en ce qui concerne les contrats et les responsabilités juridiques. Pourriez-vous nous éclairer sur ce sujet ? Par exemple, une question qui me vient à l'esprit en vous écoutant concerne la Fashion Week. Sous quelles responsabilités se trouvent les mannequins du point de vue du code du travail durant cette période ?

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Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale du Synam

La loi de 1990 a clairement défini l'articulation entre les mannequins, les agences et les utilisateurs des prestations, qu'il s'agisse de défilés, de séances de prise de vue ou de films publicitaires. Cette relation est tripartite. L'agence de mannequins est l'employeur et les met à disposition d'un tiers pour une période déterminée, pouvant aller d'une heure à plusieurs jours. Un contrat de mise à disposition est donc établi avant la prestation par l'agence de mannequins, qui le communique au tiers utilisateur. Dans les quarante-huit heures suivant la prestation, un contrat de travail doit être signé par le mannequin. Le mannequin prend connaissance du contrat de mise à disposition et en reçoit un double avant de commencer à travailler, puis signe son contrat de travail après la prestation. La signature après coup s'explique par la nature imprévisible de la durée du contrat du mannequin. En effet, le tiers utilisateur peut prévoir une prise de vue de quatre heures qui, pour diverses raisons, peut s'étendre à six ou sept heures. Le contrat de travail respecte scrupuleusement les dispositions du code du travail, où tout est précisément détaillé.

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La question sous-jacente de Mme la rapporteure était importante. Quand un mannequin va défiler pour une marque dans la Fashion Week, son employeur est toujours l'agence ?

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Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale du Synam

Oui, mais il y a un article du code du travail qui dit que pendant la durée de la prestation, l'utilisateur de la prestation du mannequin est responsable des conditions d'exécution de la prestation.

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Il devient donc le responsable d'un des articles du code, c'est lui qui, par délégation, reçoit l'article du code du travail qui dit que l'employeur doit sécurité et santé à son salarié. C'est écrit dans le code.

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Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale du Synam

Oui, c'est dans le code, mais pendant la durée de la prestation, l'utilisateur du mannequin, le bénéficiaire, est responsable des conditions de son exécution.

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Il existe une légère différence avec les comédiens par rapport à nos premières auditions. Mme Cros-Coitton, vous avez mentionné l'existence de chartes. Je vous pose donc la question, ainsi qu'aux autres intervenants, en pensant particulièrement aux organisateurs de la Fashion Week et à votre relation avec les marques, car celles-ci n'ont pas toujours les mêmes pratiques. Disposez-vous de chartes précises concernant la sensibilisation aux violences sexuelles et sexistes (VSS) et autres sujets connexes ?

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Au sein de la fédération, nous avons instauré une charte qui aborde spécifiquement le harcèlement moral et le harcèlement sexuel, avec des référents désignés à cet effet. Sur le site de notre agence, un texte explicatif est disponible, accompagné d'une adresse e-mail pour signaler tout incident. Nous diffusons régulièrement ces chartes aux agents et aux managers de nos mannequins. Lors de l'enregistrement des mannequins à l'agence, nous leur remettons cette charte, et je pourrais vous la transmettre si nécessaire. Grâce au travail exceptionnel de Cyril Brûlé, une charte a été élaborée en collaboration avec Kering et LVMH. Cette charte porte sur le poids des mannequins et le respect général à leur égard. Ces principes sont intégrés dans nos chartes depuis environ une décennie et ont été renforcés par le mouvement # MeToo, commencé dans le secteur du cinéma avec l'affaire Harvey Weinstein.

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J'ai deux questions concernant les chartes. Premièrement, travaillez-vous uniquement avec des marques possédant des chartes ou des codes similaires aux vôtres ? Lorsqu'un mannequin intègre votre agence, il prend connaissance de votre charte. Ensuite, pendant la durée de son contrat avec une marque, veillez-vous à ce que cette marque dispose d'une charte équivalente ?

Deuxièmement, je souhaite aborder la charte de 2017 de LVMH et Kering, dont vous êtes à l'initiative, M. Brûlé. J'ai lu que vous regrettiez que cette charte ne soit qu'un outil de communication. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

De plus, vous déplorez que, depuis quelques années, la grande maigreur des mannequins soit revenue. Pouvez-vous préciser qui impose cette tendance ?

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Cyril Brulé, président du syndicat national des agences de mannequins (Synam)

Vous faites référence à une interview que j'avais accordée au Figaro, l'année dernière. À cette époque, je sollicitais Kering et LVMH pour obtenir un compte rendu car, les années précédentes, nous nous réunissions pour réévaluer la charte, déterminer ce qui devait être modifié, ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. Malheureusement, ces réunions étaient devenues lettre morte. J'avais alors provoqué en affirmant que cette charte n'était qu'un outil de communication. Je tiens cependant à saluer le travail accompli par notre syndicat et le groupe Kering et LVMH. Comme vous le savez, ces deux entités n'avaient jamais réussi à s'accorder sur quoi que ce soit auparavant. C'est la première fois qu'elles parviennent à un consensus.

Pour contextualiser, j'étais mannequin au début des années 1980. La profession a énormément changé depuis. À cette époque, les mannequins étaient traités comme des animaux. Bien que des améliorations aient eu lieu, une dérive s'est manifestée vers 2015, avec des mannequins de quatorze ou quinze ans défilant sur les podiums. À mon sens, ces jeunes n'ont pas leur place dans ce milieu, surtout avec des maisons de couture exigeant une maigreur extrême. Cela a conduit à des problèmes d'anorexie et à des mannequins gravement malades.

C'est alors que j'ai décidé de contacter François-Henri Pinault et Antoine Arnault pour trouver ensemble une solution respectueuse des mannequins. Nous avons instauré des espaces privatifs pour qu'elles puissent se changer à l'abri des regards, car auparavant, elles se déshabillaient devant tout le monde, y compris des photographes et des personnes n'ayant rien à faire en coulisses. Il y avait également de l'alcool, et pas de nourriture, dans les coulisses dès six heures du matin. La liste des problèmes était interminable.

Lors de ces assises entre Kering et LVMH, nous avons fait témoigner des mannequins, hommes et femmes, sur leurs conditions de travail déplorables. Les marques ont alors pris conscience de l'ampleur du problème, qu'elles ignoraient jusque-là. Depuis, la charte a essaimé non seulement à Paris, mais aussi dans le reste de l'Europe et aux États-Unis. D'autres marques, bien qu'elles n'aient pas rejoint Kering et LVMH, se sont inspirées d'elle, reconnaissant la nécessité d'agir.

Cette avancée, que je qualifie d'extrêmement importante, a véritablement modifié les mentalités. Toutefois, il reste encore beaucoup à accomplir. Récemment, j'ai eu des discussions avec deux personnes qui m'ont souligné l'importance de faire un bilan sur l'application actuelle de la charte et d'identifier ce qu'il reste à faire.

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Mme la rapporteure a posé une question précise cette charte est-elle aujourd'hui bien appliquée et respectée par toutes les marques ?

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Cyril Brulé, président du syndicat national des agences de mannequins (Synam)

En ce qui concerne les marques de Kering et LVMH, nous effectuons systématiquement un compte rendu après chaque Fashion Week pour vérifier que tout se passe bien pour les mannequins. Des psychologues sont présents en coulisses pour accompagner les mannequins, et je m'entretiens avec eux. J'ai moi-même été confronté à une situation délicate l'année dernière avec une mannequin anorexique. J'ai sollicité l'aide d'une psychothérapeute pour savoir comment aborder et gérer cette situation complexe. Oui, la charte est appliquée, et chaque maison dispose de référents qui veillent à son respect.

Cependant, certaines marques avec lesquelles nous collaborons n'ont pas de charte et n'appliquent pas celle de Kering et LVMH. En tant qu'agence, il nous incombe de surveiller et de nous assurer que ces marques respectent les mêmes règles. Si elles ne le font pas, nous refusons de travailler avec elles et leur demandons de se conformer à la charte lorsque nous en sommes informés.

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Aujourd'hui, on me parle d'une charte. Existe-t-il des projets de conventions collectives ? Vous représentez les agences de mannequins, ce qui signifie que vos intérêts ne sont pas exactement les mêmes que ceux des mannequins eux-mêmes. Existe-t-il aujourd'hui des syndicats de mannequins ? Sont-ils structurés ? Y a-t-il des projets de conventions collectives pour réguler ces questions ? Nous reconnaissons les efforts accomplis et constatons des améliorations, mais les chiffres que vous nous avez fournis montrent une proportion significative de très jeunes mannequins. À seize ans, on est encore très jeune, et en dessous de seize ans, c'est encore plus délicat. Cela nécessite des encadrements et des suivis appropriés.

L'un des sujets de notre commission d'enquête est de comprendre comment encadrer, accompagner et prévenir les risques pour ces jeunes hommes et femmes dans un environnement de travail souvent complexe et fatigant. Une Fashion Week, pour un mannequin, n'est pas une sinécure. Il faut donc réfléchir à la manière de les protéger contre les risques sexistes et sexuels, ainsi que contre les risques sociaux et traditionnels liés au droit du travail.

Une convention collective serait-elle une solution envisageable ? Je comprends que cette convention collective existe.

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Cyril Brulé, président du syndicat national des agences de mannequins (Synam)

Depuis l'adoption de la charte, le groupe Kering n'emploie plus de mannequins de moins de dix-huit ans. Je suis constamment en négociation avec LVMH pour qu'ils adoptent également cette limite d'âge. Cependant, de nombreuses autres marques refusent encore de travailler avec des mannequins de dix-huit ans. Au sein de nos agences, le nombre de mannequins âgés de seize à dix-huit ans diminue, car, comme vous l'avez mentionné, ces situations sont complexes. Elles nécessitent la présence d'un chaperon pour les accompagner, ce qui complique les choses. Je maintiens que les moins de dix-huit ans n'ont pas leur place sur un podium de défilé de mode.

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Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale du Synam

La convention collective, en vigueur depuis 2004 et étendue en avril 2005, a toujours été extrêmement dynamique. Entre 2006 et 2020, dix annexes et plusieurs avenants ont été négociés et signés. Chaque année, nous procédons à une négociation annuelle obligatoire (NAO) concernant la rémunération des moins et des plus de seize ans. Actuellement, nous renégocions cette convention collective en raison d'une fusion avec un autre groupe. En 2016, tous les syndicats ne comptant pas au moins 5 000 salariés devaient se rapprocher d'une autre organisation patronale pour ne former qu'une seule entité. Le problème résidait dans le fait que le calcul du nombre de salariés se faisait en décembre, période durant laquelle les mannequins ne travaillaient pas, ce qui nous plaçait en deçà des 5 000 salariés requis.

Nous négocions actuellement avec le Syndicat national des professionnels de l'audiovisuel, du spectacle et de l'évènement (Synpase) une convention collective pour les salariés permanents, qui étaient jusque-là couverts par le code du travail. Nous avons modernisé et amélioré la convention collective, laquelle a connu plusieurs avenants au fil des années. Des versions consolidées ont été élaborées, et cette convention révisée sera déposée à la direction générale du travail (DGT) en juillet, avec l'espoir qu'elle soit étendue avant le 1er juillet 2025, qui est la date limite des anciennes conventions collectives et l'entrée en vigueur des nouvelles.

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Pascal Morand, président exécutif de la fédération de la haute couture et de la mode (FHCM)

Je tiens à rappeler deux éléments essentiels. Le directeur délégué prolongera ensuite mon propos. Premièrement, M. le président, vous avez évoqué la réglementation. Nous diffusons des circulaires en amont de chaque fonctionnalité relative à la réglementation applicable à l'emploi de mannequins. Nous reviendrons sur ce point.

Concernant les chartes et les membres, nous avons effectivement plus de membres que de chartes. Nous parlons ici des comptes d'entreprise et des groupes. La charte qui a relevé la prestation proactive est un vecteur de progrès. Les groupes ont manifesté une volonté ferme d'avancer depuis 2017. Je ne reviendrai pas sur ce point, mais je souhaite souligner que les autres grandes maisons, telles qu'Hermès et Chanel, disposent de leurs propres dispositifs. De ce point de vue, il existe une convergence.

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Frédéric Galinier, directeur délégué, représentation professionnelle et institutionnelle de la FHCM

Effectivement, ce processus a été lancé par cette charte, qui a attiré une attention particulière et a réussi à réunir deux groupes majeurs autour d'un objectif commun. Cet objectif était essentiel pour aborder les questions de bien-être des mannequins et, en même temps, traiter le sujet qui nous réunit aujourd'hui. La charte met en place des garde-fous en termes de nudité et de chaperon, avec un ensemble de standards appliqués. Cette charte a également été signée par une agence de publicité et par les médias.

Il est important de souligner que, dans le paysage médiatique, Condé Nast a mis en place en 2018 une charte dont certaines dispositions sont similaires à celles encadrant les mannequins, notamment lors des prises de vues. Comme le disait Pascal Morand, d'autres maisons ont leurs propres dispositifs. De manière générale, lorsqu'on défile à Paris, il y a une spécificité notable. Paris, sous le contrôle des représentants d'agences de mannequins, offre une réglementation particulière, notamment avec un contrat de travail pour les mannequins, ce qui est inédit par rapport à d'autres pays. Ce qui est intéressant, c'est que ces chartes ont une portée internationale. Aujourd'hui, lorsqu'une maison relevant d'une charte défile à Shanghai, Séoul ou ailleurs, les mêmes standards sont appliqués. Cela est important pour notre fédération internationale, qui accueille des marques internationales. Il est crucial d'avoir des standards uniformes.

Je peux également développer les actions de la fédération. Pascal Morand mentionnait les circulaires que nous adressons aux marques qui défilent, aux membres et aux maisons. Ces circulaires, mises à jour régulièrement, rappellent toutes les règles essentielles du droit du travail des mannequins. Nous rappelons précisément à chaque maison que, pendant le temps de mise à disposition, elle est responsable des conditions d'emploi, notamment de la santé et de la sécurité des mannequins. C'est extrêmement important.

Enfin, nous avons des contacts réguliers avec l'inspection du travail. Nous organisons des réunions de bilan avec des membres, non pas tous les deux ans, mais de manière régulière. Nous avons mis en place un protocole d'accueil pour les inspections du travail lors des défilés. En effet, il peut être compliqué pour un inspecteur de se présenter une heure ou trente minutes avant le début d'un événement, compte tenu de la tension qui peut régner à ce moment-là. Pour éviter tout dysfonctionnement, nous avons validé un protocole avec l'inspection du travail. Ce protocole explique aux maisons comment accueillir un inspecteur, comment ne pas entraver son travail, et comment lui permettre de rencontrer toute personne qu'il souhaite voir dans le temps imparti. Nous veillons également à respecter la confidentialité des mannequins lorsqu'ils sont en situation d'habillage. Nous adressons systématiquement la liste de tous les défilés du calendrier officiel, avec leurs dates et lieux, à l'inspection du travail une semaine avant chaque Fashion Week. Cela garantit une transparence totale vis-à-vis de cette institution.

Par ailleurs, nous avons lancé un travail similaire avec Thalie Santé, qui se penche sur les conditions d'exercice du métier de mannequin lors des défilés de mode. Nous avons accueilli les médecins de Thalie Santé au sein de deux défilés. Ils peuvent venir quand ils le souhaitent, ce qui doit aboutir à un rapport contenant des bonnes pratiques à diffuser, notamment au sein des maisons.

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Nous portons une attention particulière à la situation des mineurs dans toutes les industries relevant de notre commission d'enquête. Selon les chiffres que vous avez mentionnés, Mme Saint-Félix, il semblerait qu'au moins un tiers des mannequins salariés soient des mineurs. Nous avons constaté que la dérogation de travail pour les mineurs diffère dans le secteur de la mode par rapport à celui du cinéma. Dans le domaine de la mode, il existe deux types de dérogations une autorisation individuelle et nominative pour une prestation déterminée, ou un agrément annuel renouvelable, non nominatif, accordé aux agences titulaires d'une licence d'agence de mannequins. Est-ce exact jusqu'ici ? Mme Dambrine possède en effet une agence avec des mannequins bébés, enfants et adolescents.

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

Une agence de mannequins, pour pouvoir exercer, doit impérativement être titulaire d'une licence. De plus, lorsqu'elle souhaite employer des mannequins de moins de seize ans, elle doit obtenir un agrément spécifique, délivré pour une durée d'un an.

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Elle peut choisir entre l'un des deux moyens de fonctionner ?

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

Non, elle ne peut pas choisir, car la législation est ainsi établie. L'activité même de l'agence de mannequins consiste à mettre à disposition des mannequins. C'est notre activité principale. C'est pourquoi nous disposons d'une autorisation nous permettant d'exercer notre métier de manière normale pendant un an.

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Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale du Synam

L'autorisation individuelle n'est pas destinée aux agences de mannequins, mais à un utilisateur souhaitant employer un mineur de moins de seize ans pour une prestation spécifique. Dans ce cas, il doit solliciter une autorisation individuelle ponctuelle, en précisant les conditions et les raisons de cette demande. Une agence de mannequins, disposant d'un agrément annuel, peut mettre à disposition des mannequins de moins de seize ans. L'autorisation individuelle est extrêmement rare, car engager directement un mannequin est complexe et exige la rédaction d'un contrat de travail. Les marques, souvent non habilitées à rédiger de tels contrats, doivent connaître les temps de travail autorisés pour les mineurs. Selon les services de l'inspection du travail, les demandes d'autorisation individuelle sont rarissimes. Dans le secteur du mannequinat, on privilégie le recours à une agence disposant d'un agrément.

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On a vu qu'avec la commission des enfants du spectacle, à chaque fois qu'il y avait une demande de dérogation, il y avait une visite médicale pour les enfants. Cela veut dire qu'il n'y a pas de visite médicale récurrente, en tout cas pour les enfants.

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Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale du Synam

Dans le code du travail, les articles R. 7123 et suivants détaillent notamment le rythme des visites médicales. Il y a trente ans, une liste de pédiatres était établie par la préfecture. Cette liste s'est révélée inefficace, car en cas d'épidémie de pharyngite ou de gastro-entérite, les pédiatres déclaraient ne pas avoir le temps de recevoir des enfants. De plus, certains pédiatres prenaient leur retraite sans que leurs successeurs soient inscrits sur cette liste, ou fermaient leur cabinet, ce qui compliquait la situation. Il y a environ vingt-cinq ans, nous avons réussi à faire en sorte que les enfants soient suivis soit par leur médecin de famille, soit par un pédiatre, mais aux frais de l'agence. Par ailleurs, nous avons veillé à respecter scrupuleusement les rythmes de visite indiqués dans le code du travail.

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

Une agence de mannequins ne peut en aucun cas mettre un mannequin à disposition sans qu'il soit en possession d'un certificat médical d'aptitude. Ce certificat doit clairement indiquer que l'activité de mannequin ne compromet ni la santé ni le développement de l'enfant. Cette exigence est prévue par les textes et fait l'objet de contrôles par l'inspection du travail ainsi que lors des renouvellements d'agréments. Il est donc impossible d'y déroger. Le certificat médical doit être renouvelé en fonction de l'âge de l'enfant. Il existe trois catégories, tous les trois mois pour les enfants de moins de trois ans, tous les six mois pour ceux âgés de trois à six ans, et chaque année pour les enfants de plus de six ans.

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

Il incombe à l'agence de mannequins de s'assurer que le mannequin mis à disposition d'un client dispose d'un certificat médical d'aptitude conforme aux délais légaux. Lors des renouvellements d'agréments, les membres de la direction du travail, chargés d'instruire ces renouvellements, exigent l'accès à un document obligatoire, le registre spécial. Ce registre, tel que défini par le code du travail, doit consigner toutes les prestations effectuées par les enfants mannequins. Ce document, signé trimestriellement par les parents, garantit une transparence totale. Lors des renouvellements d'agréments, l'inspection du travail demande la communication de ce registre et choisit le nombre de dossiers à contrôler.

Que ce soit dix ou cent dossiers, chaque dossier doit inclure plusieurs documents, la déclaration d'embauche auprès de l'Urssaf, le contrat de mise à disposition entre l'agence et le client, le contrat de travail, la facture correspondante, le certificat médical d'aptitude du mannequin, le bulletin de salaire, le numéro de compte requis par la Caisse des dépôts et consignations pour déposer la rémunération du mannequin, ainsi que les bordereaux prouvant le dépôt de l'argent à la Caisse des dépôts et consignations. Ainsi, lors des renouvellements d'agréments, nous devons fournir une quantité considérable de documents en fonction des demandes de l'inspection du travail.

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

Oui.

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Ils effectuent tous ces contrôles, examinent ce registre, et que demandent-ils de plus ? Exigent-ils un agrément avec une visite éventuelle de vos locaux, ou s'agit-il simplement d'un dossier administratif à fournir ? Comment devient-on une agence de mannequins aujourd'hui, et comment cette procédure se renouvelle-t-elle chaque année ?

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

Les deux éléments que vous avez mentionnés correspondent au mode de fonctionnement. En effet, nous devons fournir un dossier administratif, incluant notre casier judiciaire. Nous fournissons le bulletin n° 3 (B3) en tant que dirigeants et associés, mais l'administration a le pouvoir de se faire communiquer le bulletin n° 2 (B2). J'ai également appris par des contrôleurs, qui m'ont expliqué de manière transparente qu'ils peuvent diligenter une enquête de moralité concernant le dirigeant de l'agence et les associés.

On nous demande également nos comptes financiers pour vérifier notre solvabilité. Cela est essentiel, car les mannequins enfants sont salariés, et tous les salaires sont versés le sept du mois suivant la prestation, ainsi que les charges patronales. Nous devons avancer ces sommes, car nos clients nous règlent à soixante jours, voire quatre-vingt-dix jours. La section de contrôle s'assure donc que l'agence est en bonne santé financière.

De plus, nous devons produire tous les documents légaux avec lesquels nous travaillons, notamment le mandat civil de représentation par lequel les parents nous autorisent à représenter leurs enfants, nos matrices de contrats de mise à disposition, nos matrices de contrats de travail, et nos matrices de bordereaux de cession de droits à l'image.

Il y a également un document obligatoire prévu par le code du travail, appelé notices explicatives. Nous devons obligatoirement remettre aux parents, contre récépissé, un document les informant de toute la réglementation relative au travail des mannequins enfants. Ce document répertorie les durées maximales d'emploi d'un enfant en fonction de son âge, en précisant que plus l'enfant est jeune, plus le temps de travail est réduit. Il indique les durées maximales d'emploi journalières, continues et hebdomadaires. Ces durées sont définies graduellement en fonction de l'âge de l'enfant, y compris pendant les congés scolaires, sachant qu'un enfant ne peut travailler, même en vacances, plus de la moitié de ses vacances. Je précise également que nous avons l'obligation de ne jamais employer un enfant le dimanche, les jours fériés et la nuit.

La loi en vigueur est très protectrice pour le mannequinat. Je tiens à souligner le rôle de l'agence de mannequins, qui constitue le lien entre les utilisateurs et les parents. Notre mission consiste à encadrer les prestations demandées par les clients utilisateurs. Nous imposons à ces derniers de respecter la réglementation relative à l'exécution des prestations. En somme, notre rôle est de protéger les mannequins et d'informer tant les parents que les clients de toutes les obligations à respecter, ainsi que des interdictions à observer.

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Nous savons que dans les contrats entre un producteur et les parents d'un enfant participant à un tournage, il existe des obligations de scolarisation lorsque la durée dépasse plusieurs jours. Disposez-vous de cette obligation, sachant que, si j'ai bien compris, pour les mannequins, la durée de travail ne peut excéder deux jours consécutifs ? Est-ce correct selon le texte de la loi ? Je vois juste que l'article L. 71-24-7 du code du travail dispose que : « L'emploi et la sélection d'un enfant non scolarisé exerçant l'activité de mannequin ne peuvent être autorisés que deux jours par semaine à l'exclusion du dimanche. »

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

Un enfant non scolarisé, c'est-à-dire n'étant pas en âge de scolarité obligatoire et ayant moins de trois ans, ne peut travailler plus de deux jours par semaine. De plus, dès lors qu'un enfant mannequin atteint l'âge de la scolarité obligatoire, il lui est strictement interdit de travailler pendant les heures d'école.

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Ici, il existe quelque chose de différent des comédiens, plus protecteur.

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

En tant que détenteurs d'un agrément, nous avons la responsabilité de garantir la stricte application des textes législatifs. Dans notre quotidien, nous consacrons une grande partie de notre temps à éduquer nos clients. Nous leur envoyons les textes et des tableaux explicatifs car, sans notre intervention, les utilisateurs dans les secteurs de la publicité et de la mode seraient désorientés. Nous passons donc nos journées à leur fournir des explications détaillées.

L'obtention d'un agrément signifie qu'aucune dérogation n'est possible pour faire travailler un enfant pendant les heures scolaires. Par exemple, une agence de mannequins ne peut pas solliciter une dérogation pour permettre à une petite fille de huit ans de travailler un mardi matin, même si un client comme Jacadi le souhaite. Cette demande est inacceptable. Nous devons systématiquement refuser de telles requêtes, car elles ne sont pas négociables.

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Si je comprends bien, vous bénéficiez d'un agrément renouvelé annuellement, ce qui implique que vous êtes soumis à des contrôles plus fréquents qu'une société de production cinématographique. En effet, chaque année, vous devez fournir à nouveau toutes les pièces justificatives que vous avez mentionnées.

En revanche, dans le secteur du cinéma, chaque fois qu'un enfant signe un contrat pour un nouveau tournage, son dossier est réexaminé par la commission des enfants du spectacle. Cette commission inclut une visite médicale au cours de laquelle le médecin connaît le scénario. Il est demandé à l'enfant s'il comprend ce qu'il va faire et s'il consent à participer au tournage.

En ce qui vous concerne, pour les enfants de plus de six ans – qui constituent probablement la majorité des mineurs travaillant dans l'industrie de la mode –, ces derniers ne sont vus qu'une fois par an. Un certificat médical d'aptitude est délivré annuellement pour les enfants de plus de six ans.

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

Oui, actuellement, c'est ce qui est prévu par le code du travail. Cependant, il est essentiel de distinguer les enfants acteurs de cinéma ou de fictions des enfants mannequins engagés pour des prestations publicitaires. Contrairement aux enfants acteurs, les enfants mannequins ne manquent pas l'école. De plus, leurs engagements ne s'étendent pas sur plusieurs semaines ou mois. Dans le mannequinat, les missions sont ponctuelles et de courte durée, en moyenne de deux à trois heures sur une journée. Ce contexte est fondamentalement différent. Lors d'une séance photo pour une marque de vêtements, de jouets ou alimentaire, il n'existe pas de scénario potentiellement perturbant sur le plan physique ou psychologique pour l'enfant, contrairement à ce qui peut se produire dans le cinéma. Ces activités sont davantage ludiques.

Il est également important de noter que, étant donné la durée limitée des missions, il est aisé pour un parent de se libérer pour accompagner son enfant. Le parent, qu'il s'agisse du père ou de la mère, est toujours présent. En cas d'impossibilité, un autre membre de la famille, comme une tante, un oncle, une grand-mère ou un grand-père, peut être mandaté. L'enfant mannequin n'est jamais laissé seul. La situation est donc totalement différente.

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Ma question ne portait pas exactement sur cela, mais plutôt sur la manière dont le consentement de l'enfant peut être recueilli. En effet, si l'enfant voit un médecin une fois par an, choisi par sa famille, il est possible que ce soit simplement pour obtenir un certificat d'aptitude via une visite en visioconférence. Dans ce cas, l'enfant n'est pas forcément vu physiquement par le médecin. Vous n'avez donc pas de contrôle sur le médecin qui délivre ce certificat et qui pose la question à l'enfant de savoir s'il souhaite réellement participer à un shooting photos ou à une publicité. À quel moment son consentement est-il véritablement pris en compte ? Même s'il est accompagné par un parent, il me semble que, dans la vie d'un enfant, une année est une période extrêmement longue et que sa volonté peut évoluer.

De plus, bien que les durées de prise de vues soient relativement courtes, il y a tout de même des moments de casting. Les enfants participent à plusieurs castings avant de peut-être aboutir à un shooting quelque part. Cela représente un investissement de temps non négligeable en dehors de l'école, ce qui peut être significatif.

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Virginie Dambrine, membre du conseil d'administration du Synam

Actuellement, la loi dispose que le mineur doit fournir son consentement écrit à partir de l'âge de treize ans. C'est la rédaction de la législation en vigueur. Toutefois, dans la pratique, il arrive rarement, mais cela peut se produire, qu'un enfant soit sélectionné pour une prestation et, après trois quarts d'heure de présence, le client nous contacte pour nous informer que cela ne sera pas possible, car l'enfant ne souhaite pas continuer. Dans ces situations, nous répondons : « D'accord, vous pouvez le libérer. » Ensuite, nous en discutons avec les parents, en leur expliquant que le client nous a immédiatement informés de la situation. Nous cherchons alors un remplaçant et nous parlons avec les parents de l'enfant concerné, en leur précisant que, bien évidemment, si l'enfant ne souhaite pas poursuivre, nous arrêtons immédiatement l'activité. Il n'y a aucun sens à contraindre l'enfant.

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Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale du Synam

Je pense qu'il n'y a pas de certificat médical de complaisance de la part d'un médecin. Un enfant de six ans consulte un médecin plusieurs fois par an en raison des épidémies, etc. À ce moment-là, la question peut être posée. Par ailleurs, je considère que la loi sur les mannequins est bien plus protectrice que celle concernant les enfants influenceurs. En effet, il est notoire que les enfants influenceurs ont des parents susceptibles de les pousser à réaliser des vidéos rapidement, par exemple avant le petit-déjeuner ou entre le petit-déjeuner et le départ à l'école. Je pense que la loi sur les mannequins a prévu toutes les mesures nécessaires pour garantir que les agences s'occupant d'enfants mineurs respectent scrupuleusement la réglementation. De plus, ces agences n'ont aucun intérêt à contraindre ni les parents ni les enfants. Il existe une triple interaction entre l'utilisateur, l'agence et les parents, tout cela autour de l'enfant, ce qui n'est pas le cas pour les influenceurs.

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Je comprends de vos propos que la question des photos de jeunes est relativement bien encadrée. Cependant, il subsiste des risques, et nous n'hésiterons pas à proposer des modifications si nécessaire. C'est un point important. Nous avons évoqué les défilés, et maintenant nous parlons des photos.

J'aimerais aborder un aspect que nous avons quelque peu éludé, les photos des jeunes femmes et des jeunes hommes âgés de quatorze à dix-huit ans. Est-ce que tout cela est suffisamment encadré aujourd'hui ? Vous avez bien expliqué la différence entre un plateau de grande marque avec des coulisses où il y a beaucoup de monde et où tout est encadré. Désormais, il existe des vestiaires individuels, où les jeunes sont seuls, ou chaperonnés lorsqu'ils ont atteint l'âge de seize ans, si j'ai bien compris. Cela semble bien encadré.

Cependant, qu'en est-il des photos prises lors de voyages ou d'hébergements loin du domicile familial, avec des équipes techniques ou des adultes en présence d'enfants âgés de seize à dix-huit ans, voire moins ? Je constate encore des marques où les jeunes femmes photographiées ne semblent pas avoir dix-huit ans. Comment cela se passe-t-il actuellement pour les photos ? Nous aborderons ensuite la question des acteurs de la publicité.

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Cyril Brulé, président du syndicat national des agences de mannequins (Synam)

Aujourd'hui, de nombreux aspects ont évolué, notamment en ce qui concerne la nudité, qui est un véritable sujet. Je constate régulièrement que des marques nous envoient des courriels, surtout pendant les périodes de Fashion Week, où la transparence et la nudité peuvent être présentes. Elles nous demandent alors si tel ou tel mannequin est d'accord et se sent à l'aise avec cela, et si c'est le cas, de le confirmer par écrit. C'est une avancée majeure qui n'existait pas auparavant. Auparavant, le mannequin se retrouvait face à un designer qui lui imposait un vêtement, et elle devait choisir entre accepter pour participer au défilé ou refuser et risquer de perdre une opportunité au profit d'un autre mannequin. Aujourd'hui, cette pratique est en train de changer. J'ai récemment observé que les marques envoient désormais des courriels pour obtenir cette confirmation.

Concernant les mannequins âgés de seize à dix-huit ans, ceux qui ont moins de dix-huit ans et partent en voyage doivent être accompagnés d'un chaperon. Elles ne peuvent pas voyager seules et doivent être encadrées. Cependant, de plus en plus de marques préfèrent travailler avec des mannequins de dix-huit ans pour éviter l'obligation d'avoir un chaperon, les coûts supplémentaires et pour se sentir plus à l'aise. Il est évident que les marques sont aujourd'hui extrêmement sensibles et très attentives à ces problématiques.

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Je précise que, dans nos contrats, nous stipulons généralement que les mannequins ne peuvent pas apparaître nus ou dénudés, ni porter des vêtements transparents. Toute situation de nudité doit être soumise à l'approbation préalable de l'agence. De plus, la nudité est strictement interdite pour les mineurs. Ces règles sont clairement définies dans les contrats que nous établissons avec nos clients.

En ce qui concerne les castings, c'est une autre histoire. Lors des séances photo, nous avons des discussions approfondies avec les clients. Par exemple, si un client prévoit un voyage, notre contrat spécifie qu'il n'y aura aucune nudité, conformément aux accords préalables entre l'agence et le mannequin. C'est ainsi que nous procédons.

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Est-ce que la nudité pour les moins de dix-huit ans est toujours exclue ?

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Évidemment qu'on l'exclue.

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Oui, justement, mais c'est un peu le sujet. C'est-à-dire que vous l'excluez, mais on peut en avoir.

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Lorsqu'il s'agit de publicité pour une crème, il arrive que la mannequin soit nue. Cela nécessite évidemment un accord préalable. Toutefois, ces accords ne concernent pas uniquement la nudité. Par exemple, une mannequin peut refuser de porter de la fourrure. De plus, il existe des considérations religieuses ou personnelles, telles que le refus de poser en maillot de bain ou en lingerie. Tout cela est prévu.

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Sur la question des castings, il est essentiel de souligner que ce moment est particulièrement significatif, notamment dans le domaine du cinéma. En effet, il s'agit d'une phase où aucun contrat de travail n'a encore été signé. Cette situation place le mannequin, homme ou femme, dans une grande vulnérabilité. Les directeurs de casting nous ont exprimé leur avis, indiquant qu'ils ne s'opposeraient pas à une interdiction de la nudité et de la demande de nudité lors des castings. Partagez-vous également cette position ?

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Nous sommes bien entendu d'accord. Lors d'un défilé, il peut arriver qu'un vêtement soit transparent. En général, les mannequins essayent les vêtements avant de défiler. Si elles ne sont pas satisfaites ou ne souhaitent pas porter un vêtement transparent, elles nous en informent. Nous contactons alors le client pour lui signaler que cette mannequin refuse de porter le vêtement en question, mais qu'une autre mannequin pourrait l'accepter.

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Cyril Brulé, président du syndicat national des agences de mannequins (Synam)

Je souhaite aborder la question des directeurs de casting, mais dans le contexte de la mode, contrairement à ce qui a été évoqué pour le cinéma. Cette profession, bien que nouvelle dans le domaine de la mode, a toujours existé pour le cinéma. Traditionnellement, les directeurs de casting étaient sollicités pour des films publicitaires, où ils étaient chargés de trouver des mannequins et de leur faire passer des castings vidéo, nécessitant un studio et une caméra. Aujourd'hui, Chanel, par exemple, est l'une des rares maisons à continuer cette pratique en interne. La majorité des autres marques font appel à des directeurs de casting, souvent étrangers, qui ne maîtrisent pas nécessairement la législation française. Ces professionnels, américains, anglais ou européens, exercent une influence considérable dans le secteur de la mode.

Lors d'un entretien d'embauche, si la rencontre se passe mal, le candidat peut refuser de travailler pour l'entreprise ou alerter l'inspection du travail. En revanche, un mannequin mal reçu par une maison de mode ou une agence de publicité n'a pas cette liberté. S'il exprime son mécontentement, il risque de perdre son emploi. Mon expérience personnelle en tant que mannequin à Paris m'a montré que certains professionnels du secteur manquent cruellement de courtoisie. Ils ne saluent pas, parlent à peine et se contentent d'un regard rapide sur le book avant de conclure abruptement l'entretien. Lorsque je suis arrivé à New York, j'ai découvert un autre monde, celui anglo-saxon. Les gens me disaient : « Vous venez de Paris, vous êtes français. » Ils étaient très sympathiques. Bien que sans emploi, j'étais respecté et on me parlait normalement. Aujourd'hui, les directeurs de casting subissent souvent la pression des stylistes et des maisons de mode. Ils sont stressés et peinent à gérer cette pression. En conséquence, soit les mannequins sont mal reçus, soit leurs agents sont insultés.

Actuellement, nous faisons face à une situation où la profession de directeur de casting est nouvelle, non régulée et non encadrée. Parfois, ces directeurs reçoivent les budgets des clients pour rémunérer les mannequins, mais ils ne les rémunèrent pas toujours et gardent le budget pour eux. Les mannequins sont alors payés six mois, neuf mois, voire un an plus tard. Le problème des directeurs de casting est devenu un véritable enjeu dans notre profession. Ils travaillent pour plusieurs marques simultanément. Ainsi, un mannequin qui refuse de travailler ou de défiler pour un directeur de casting se voit menacé de ne pas être retenu pour les prochains travaux. Le directeur de casting lui fait comprendre : « Si tu ne fais pas ce travail, tu ne feras pas le prochain. »

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Là, vous êtes quand même en train de nous dire à bas mots qu'il y a sans doute quelques petits sujets sur le casting dans le monde du mannequinat.

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Cyril Brulé, président du syndicat national des agences de mannequins (Synam)

Absolument.

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Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale du Synam

Il n'y a pas que ça. Depuis 2020, la réorganisation de l'inspection du travail a bouleversé notre fonctionnement. Auparavant, nous bénéficions d'une cellule dédiée aux agences de mannequins, facilement joignable. Dès qu'un cas de travail illégal était signalé, comme un photographe outrepassant ses fonctions en se comportant comme une agence de mannequins, nous pouvions alerter les trois personnes de ce bureau spécialisé. Depuis 2020, la situation est devenue extrêmement compliquée. Il est nécessaire d'identifier en amont le lieu suspecté de travail illégal et de passer par une personne qui, bien qu'elle n'ait plus le droit de le faire, continue par gentillesse. Elle informe alors son collègue qu'il faut contrôler une prestation ou un photographe dépassant ses fonctions.

Le problème réside dans la rapidité requise entre le moment où l'information est reçue et celui où la prestation a lieu, il faut agir très vite, parfois le soir ou le samedi. La direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Drieets) doit déléguer des contrôleurs motivés pour intervenir rapidement. Le travail illégal est omniprésent car il est facile de contourner les règles. Il existe quatre-vingt-douze agences de mannequins licenciées, dont certaines ont leur agrément, situées à Paris. Celles-ci sont faciles à contrôler.

Cependant, de nombreux intermédiaires illégaux émergent. Un jour, quelqu'un décide de devenir agent de mannequins, le lendemain agence mère, et le troisième jour directeur de casting, tout en dépassant ses attributions. Cette situation permet à des agences européennes de travailler en France sans respecter les règles. L'ouverture du droit européen devait être temporaire et occasionnelle, avec une demande d'autorisation préalable auprès d'un bureau de la Drieets. Par exemple, une agence de Barcelone devait déclarer à l'avance qu'elle venait tel jour pour telle marque avec tel mannequin. Le bureau pouvait alors effectuer des contrôles. Aujourd'hui, il n'y a plus personne pour traiter ces déclarations, et aucune agence étrangère ne se conforme à cette obligation.

Les pays frontaliers, notamment la Belgique et l'Espagne, agissent sans aucune gêne. Pour illustrer cela, il y a trois semaines, une agence française avait demandé un visa pour une mannequin ukrainienne, dont elle se sentait pleinement responsable. La mannequin ukrainienne se rend en Espagne, dans l'espace Schengen, où elle rencontre une agence de Barcelone. Une séance photo doit avoir lieu à Paris avec un photographe français pour la marque Zara. L'agence française découvre alors que sa mannequin ukrainienne va travailler à Paris sous l'égide de l'agence espagnole, elle n'est alors plus salariée. En réalité, toutes les exigences imposées à l'agence française disparaissent. Cette situation se produit également avec des enfants en Belgique. On traverse la frontière, et dans le nord de la France, avec des marques comme Quechua, Yves Rocher, etc., des enfants belges ou français, dont les parents souhaitent qu'ils travaillent du lundi au vendredi, passent par la Belgique pour travailler en France. Il n'y a plus aucune direction départementale.

Il y a quelques années, je pouvais téléphoner à Lille, à Béziers, ou ailleurs, pour signaler une prestation à venir. Aujourd'hui, personne ne répond. Il est donc impératif de recréer une cellule dédiée aux agences de mannequins à la Drieets de Paris, capable de servir d'intermédiaire entre les contrôleurs locaux correspondant à tel arrondissement ou telle ville. Sinon, nous, syndicats, ne pourrons pas nous en sortir.

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Pascal Morand, président exécutif de la fédération de la haute couture et de la mode (FHCM)

Je souhaite aborder la question des directeurs de casting. Mon intention n'est pas de les défendre, mais de préciser certains aspects. Tout d'abord, il existe un nombre significatif de directeurs de casting qui jouent un rôle essentiel dans cet écosystème et accomplissent leur tâche avec professionnalisme, respectant les conditions humaines nécessaires.

Cependant, il est important de noter que ce métier est relativement récent. Il y a une vingtaine d'années, on ne comptait que quatre ou cinq directeurs de casting, tous connus. Aujourd'hui, leur nombre a considérablement augmenté, atteignant une cinquantaine. Bien que ce ne soit pas un métier entièrement nouveau, son développement rapide a facilité l'autoproclamation en tant que directeur de casting. Cette situation soulève des enjeux de régulation.

Il serait pertinent d'envisager la mise en place d'un bureau de représentation à Paris ou d'un système de licences pour encadrer cette profession. L'ensemble des parties prenantes de cet écosystème complexe doit trouver un équilibre entre la liberté d'entreprendre et la nécessité de régulation. Une telle régulation permettrait d'optimiser le fonctionnement global de cet écosystème.

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Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur cette figure du chaperon ?

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Il y a très peu de mannequins de moins de dix-huit ans qui travaillent depuis l'instauration de la charte Kering-LVMH. Concernant les chaperons, je parle de ceux qui accompagnent les mannequins de seize ans et plus, pas en dessous. En général, il s'agit soit d'un parent, soit d'une personne de l'agence. Nous envoyons souvent un de nos salariés pour accompagner le mannequin lors d'une prise de vues ou d'un voyage. Les clients prennent généralement en charge les frais du chaperon, incluant l'hôtel et l'avion. Cependant, il n'existe pas de convention spécifique concernant le chaperon. Ce n'est pas un baby-sitter. Qu'est-ce qu'un chaperon, au juste ? Je me suis posé cette question lorsque l'on nous a demandé d'en prévoir un.

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Vous avez mentionné un point intéressant et important, le chaperon n'est pas obligatoire, c'est simplement une pratique courante. Cela change tout. Cependant, je tiens à souligner que la présence d'un chaperon n'est pas anodine. En effet, un chaperon devrait être une personne ayant suivi un certain nombre de formations et possédant des compétences spécifiques pour travailler avec des jeunes mineurs. À seize ans, on reste très jeune, je le rappelle.

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Nos agents sont formés directement par notre entreprise. Nous les préparons en collaboration avec des psychologues spécialisés pour aborder les problématiques de harcèlement, entre autres. Nous les coachons également pour la rédaction de rapports. Cependant, toutes ces formations et accompagnements sont réalisés en interne, sans recours à des organismes extérieurs.

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La question de la rapporteure me semble essentielle quelle est cette figure, émergente également au cinéma ? Donc pour un jeune mannequin dans un défilé, il y a souvent un chaperon. Est-ce que cette présence est obligatoire ou non ? Je tiens à souligner que des jeunes femmes et des jeunes hommes de seize ans demeurent très jeunes, fragiles et vulnérables. Il est essentiel qu'ils soient bien encadrés. Visiblement, c'est le cas, et nous nous en réjouissons.

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Cyril Brulé, président du syndicat national des agences de mannequins (Synam)

Lors d'un défilé, pour le groupe LVMH, la présence de chaperons est obligatoire. En revanche, chez Kering, aucun mannequin de moins de dix-huit ans n'est autorisé à défiler. Pour LVMH, il reste possible d'avoir des mannequins de moins de dix-huit ans, mais ils doivent être accompagnés de chaperons. Ces derniers se trouvent dans les coulisses avec les mannequins et les accompagnent tout au long de l'événement. En général, c'est la mère du mannequin qui se trouve sur place pour l'accompagner. Si une agence compte dix mannequins âgés de seize à dix-huit ans, elle devrait prévoir dix chaperons pour les accompagner, ce qui pourrait s'avérer complexe. En règle générale, ce sont les mères qui accompagnent leur enfant âgé de seize à dix-huit ans.

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Si je comprends bien, le chaperon est obligatoire. Parfois, il peut s'agir de l'un de vos salariés. Dans d'autres cas, si vous avez trop de mineurs en activité simultanément, le parent de l'un des mineurs peut également remplir ce rôle. Cela soulève une question sur la responsabilité de l'enfant. En effet, si le chaperon est le parent, ce dernier n'est pas un de vos salariés. Dans ce contexte, le mannequin est en période d'activité et sous la responsabilité de la marque, et non de l'agence. Quelle est alors la responsabilité du chaperon lorsqu'il s'agit de votre salarié, et quelle est-elle lorsque le chaperon est le parent de l'enfant ?

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Nous sommes responsables de notre mannequin en toutes circonstances. Notre priorité est de garantir que la personne qui l'accompagne soit de confiance. Nous ne choisissons pas un chaperon au hasard. Il s'agit soit d'une personne qui travaille avec le mannequin depuis le début et qui le connaît bien, soit d'un parent, soit parfois d'un représentant de l'agence. Par exemple, si le mannequin est ukrainien, son agence d'origine, qui lui a assigné un manager ou un agent, peut également l'accompagner. Notre rôle consiste à vérifier qu'il y a toujours quelqu'un pour accompagner le mannequin. Vous mentionnez la notion de responsabilité, mais pourriez-vous préciser ce que vous entendez par là ? Quand vous parlez de responsabilité, cela reste vague. Que souhaitez-vous exprimer exactement par ce terme ?

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Je constate qu'il existe une multitude de figures qui créent une sorte de nébuleuse les managers, les agences, les chaperons, les clients, les directeurs de casting. Dans ce système, je remarque que, dans la majorité des cas, vous êtes attentifs et prenez toutes les précautions pour que tout se déroule bien.

Cependant, en cas de problème, quelle est la responsabilité de chacun ? Par exemple, le manager suit la carrière d'un mannequin et l'inscrit à une agence. Où se situe la figure du directeur de casting dans ce contexte ? J'avais compris que c'était vous qui présentiez les mannequins aux marques. Quel est donc le rôle exact du directeur de casting ? Le système est très fragmenté, plus encore que dans le cinéma. Par conséquent, il est très facile, dans ce système ultra morcelé, de se renvoyer la balle en cas de problème.

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Je ne renvoie pas la balle. Ce que je souhaite vous expliquer, c'est que nous employons ces mannequins, car elles sont salariées. La France est le seul pays au monde où les mannequins bénéficient de ce statut. Nous avons donc une responsabilité en tant qu'employeur. Ensuite, il est important de préciser que nous parlons des mannequins âgées de seize à dix-huit ans, et non des mannequins adultes. Lorsqu'une mannequin de cette tranche d'âge se présente, elle est toujours accompagnée par quelqu'un pour garantir que tout se déroule correctement. Le processus est comparable à celui des intérimaires. Elles rencontrent des directeurs de casting qui les évaluent pour déterminer si elles sont aptes à un travail.

Maintenant, lorsque vous mentionnez que si ça se passe mal, que voulez-vous dire exactement ? Parlez-vous d'un problème particulier ? J'aimerais que vous précisiez votre pensée. Excusez-moi, mais pourriez-vous me fournir un exemple concret ?

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Un mannequin se rend à un casting, accompagné par un chaperon. Ce casting a été identifié par votre agence. Le mannequin se présente où un directeur de casting, probablement rémunéré par la marque, est présent. Lors de ce casting, des agressions sexuelles se produisent. Qui est responsable ? Nous sommes dans une situation où aucun contrat n'a été signé au moment du casting. Instinctivement, je pense que c'est vous qui êtes responsable, car c'est vous qui avez envoyé le mannequin. Qui l'est réellement ?

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Nathalie Cros-Coitton, présidente de la fédération française des agences de mannequins (FFAM)

Si nous accompagnons un mannequin et qu'elle se trouve face à un directeur de casting prédateur, nous ne sommes pas responsables des actions de cette personne. En revanche, notre responsabilité est engagée si l'accompagnant ne réagit pas en présence d'un comportement inapproprié. Je me sens particulièrement légitime pour en parler, ayant moi-même été victime à quinze ans d'un prédateur sexuel dans le milieu de la mode. J'ai été violée à cet âge, et je comprends parfaitement la gravité de la situation. C'est pour cette raison que je suis restée dans ce secteur, afin de veiller à la protection des mannequins. Je peux vous assurer que les scandales des années 1980 ont en grande partie disparu.

Nous respectons scrupuleusement les lois. En 1990, une législation a été instaurée exigeant que les agences de mannequins possèdent des licences. Nous faisons tout notre possible pour protéger nos mannequins, car notre responsabilité morale est engagée. Cependant, nous ne pouvons pas être tenus responsables des actes criminels d'autrui. Vous comprenez ce que je veux dire ? C'est une situation terrible. Je me rends compte que je n'ai peut-être pas directement répondu à la question posée. Nous sommes tous ici des passionnés, il est indéniable que c'est un drame lorsque de tels incidents se produisent.

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Un mannequin qui se rend à un casting accompagné d'un parent, ce n'est pas un chaperon, c'est son parent. Il est important de noter une distinction. C'était le premier point.

Il y a un autre sujet qui sort du cadre de notre commission d'enquête sur la responsabilité. À partir du moment où un parent est présent avec un enfant mineur, c'est le parent qui en assume la responsabilité. Ainsi, si un incident survient, par exemple, si l'enfant renverse accidentellement un objet, le parent est tenu responsable. La situation diffère lorsqu'il s'agit d'un accompagnateur dans un cadre professionnel. Cette distinction est essentielle, car elle touche à la responsabilité civile des parents et peut également représenter un risque pour l'employeur, qui pourrait préférer un accompagnateur professionnel à un parent. La question soulevée par Mme la rapporteure n'était donc pas anodine et revêt une importance particulière.

Nous devons malheureusement conclure cette séance, car nous avons déjà dépassé le temps imparti. Je tiens à exprimer ma gratitude pour les informations partagées et pour les efforts déployés par la profession.

Ayant côtoyé ce milieu dans les années 1990, je mesure l'ampleur du travail accompli. Cependant, il est crucial de maintenir ces efforts, car de nouvelles problématiques émergent constamment. Vous avez évoqué les directeurs de casting étrangers et les agences étrangères, un sujet que nous avons bien noté et sur lequel nous devrons rester vigilants.

Nous avons également quelques documents à vous demander la circulaire Fashion Week, un exemple de contrat de travail pour enfant et adulte (anonymisé si nécessaire), ainsi qu'un exemple de contrat de mise à disposition pour enfant et adulte. Si vous pouvez les transmettre aux secrétariats de la commission et aux administrateurs, ce serait idéal. Nous vous remercions pour ces échanges enrichissants. Je suspends la séance.

La commission procède à l'audition de Mme Caroline Fontaine, déléguée générale de l'association des agences-conseils en communication (AACC).

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Madame, je vous souhaite la bienvenue. Comme vous le savez, notre commission d'enquête cherche à faire la lumière sur les violences commises contre les majeurs et les mineurs dans le cinéma, le spectacle vivant, l'audiovisuel, la mode et la publicité. Nous visons à identifier les responsabilités de chacun en la matière et à proposer des solutions pour faire évoluer les pratiques dans ces secteurs, afin que chacun puisse exercer son activité dans les meilleures conditions, sans craindre pour son intégrité physique et mentale. Nous nous réjouissons de votre présence parmi nous ce soir, car il s'agit de la première audition relative au secteur de la publicité. Nous étions tout à l'heure sur le secteur de la mode, et nous avons beaucoup de questions à vous poser.

Nous vous proposons, dans un premier temps, de vous exprimer dans un propos liminaire pour nous présenter les actions en lien avec notre commission d'enquête. Ensuite, madame la rapporteure et mes collègues présents auront également des questions. Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est diffusée sur le site de l'Assemblée nationale. Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Caroline Fontaine prête serment.)

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Je suis vice-présidente déléguée générale de l'AACC, l'Association des agences-conseils en communication, qui est un syndicat patronal et qui représente environ 140 agences de publicité, essentiellement mais pas uniquement, de tailles variées, allant de petites structures de cinq personnes à des géants nationaux et internationaux.

Les principales missions de notre syndicat sont d'ordre institutionnel. Nous négocions les accords de branche, un sujet qui pourrait mériter une discussion approfondie. Nous animons également les travaux des agences, en fédérant la communauté autour de grands enjeux tels que la rentabilité et la transformation, mais aussi des questions plus spécifiques que nous aborderons aujourd'hui.

Dans le cadre institutionnel, il est pertinent de mentionner que je siège au conseil d'administration de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), qui régule le secteur publicitaire en termes de contenu. Ce point pourrait susciter votre intérêt. Je suis également membre du Medef, bien que cela soit moins pertinent pour notre discussion actuelle.

En réponse aux questions qui m'ont été adressées, je propose de distinguer trois grands secteurs. Le premier concerne les contenus publicitaires, régulés en partie par l'ARPP, qui touchent aux enjeux de représentation, notamment l'hypersexualisation, un sujet largement travaillé depuis 1975. Ce secteur concerne plus généralement l'image et le respect de la personne.

Il y a un second secteur qui concerne les conditions de travail au sein des agences. Je ne sais pas si cela vous intéresse, mais nous pourrons en discuter. L'AACC a évidemment vocation à accompagner ce sujet, notamment dans le cadre de sa représentation patronale avec les organisations syndicales avec lesquelles elle collabore quotidiennement. Elle travaille sur les conditions de travail et les potentielles violences au sein des agences.

Enfin, il y a un troisième secteur, qui est peut-être le cœur de votre travail, et qui concerne la production. Ce domaine nous concerne un peu moins, puisque la plupart des agences n'ont pas de production intégrée et collaborent donc avec des prestataires. Cela soulève des questions sur l'emploi des mannequins, des enfants pour les tournages, etc.

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Une première question par rapport au fait de savoir si le syndicat est en mesure d'être partie prenante dans une mise en place de charte de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) et quelle est la situation auprès des agences qui font partie de votre syndicat ?

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Votre question se concentre principalement sur le deuxième secteur que j'ai mentionné, à savoir les agences elles-mêmes. Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet depuis 1997, et c'est un travail au long cours et permanent. En 2018, une prise de conscience des problématiques de harcèlement, principalement moral plutôt que sexiste ou sexuel, a émergé, qui a conduit à la mise en place des premiers outils à disposition des agences. Nous avons développé une méthodologie et un cadre, incluant des baromètres pour mesurer l'efficacité des actions proposées. Ces baromètres sont essentiels pour faire évoluer les choses. À ma connaissance, notre secteur est le premier à avoir mis en place un tel baromètre pour affronter la réalité des situations et évaluer l'efficacité des outils proposés.

En tant que syndicat patronal, nous avons décidé de conclure un accord-cadre avec les représentants syndicaux de notre secteur. Les discussions sur cet accord, commencées en juin 2020, ont abouti en 2021. Cet accord-cadre vise à réguler et à proposer, en collaboration avec les représentations syndicales, des outils d'explication sur ce qu'est le harcèlement, d'information, d'accompagnement, ainsi qu'un cadre de propositions qui reste à la discrétion des agences, incluant des sanctions et des enquêtes internes.

Nous avons également mis en place un label intitulé « label RSE Agences actives » en partenariat avec l'Afnor. Initialement destiné à nos agences adhérentes, nous l'avons ensuite ouvert plus largement. Ce label intègre la responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans son sens véritable, englobant les enjeux environnementaux auxquels nous sommes très attachés, ainsi que les aspects sociétaux. Il inclut la mise en place de diverses propositions d'accompagnement managérial, mais aussi pour les salariés des agences. Dans ce cadre, de nombreuses formations sont proposées, à la fois par l'AACC et par l'ARPP sur certains sujets.

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Notre champ d'enquête est vaste et vous y êtes impliqués à plusieurs titres, notamment en ce qui concerne la gestion des tournages et des prises de vues publicitaires. Vous nous avez indiqué que, la plupart du temps, ce ne sont pas directement les agences qui traitent ces aspects. Dans vos relations avec les directions de production, disposez-vous d'un label de bonnes pratiques ou d'une charte que vous partagez avec elles ? Votre organisation possède-t-elle une charte RSE définissant les critères à respecter pour collaborer avec vous ? Par exemple, une production ne respectant pas le droit du travail serait-elle exclue de vos collaborations ? Avez-vous des critères précis et objectivés concernant le choix des sociétés de production avec lesquelles vous travaillez, en fonction des exigences de vos commanditaires ?

Dans le cinéma, le producteur est l'employeur de toutes les équipes. En revanche, dans la publicité, l'agence se situe au-dessus de la production. Comment gérez-vous cette situation et quels sont vos critères de sélection pour les productions avec lesquelles vous collaborez ?

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

L'agence peut avoir une production intégrée, auquel cas les chartes que j'ai exposées s'appliquent évidemment. Elle peut également collaborer avec un prestataire, comme vous l'avez mentionné, pour lequel nous, l'AACC, n'avons pas de charte spécifique. Cependant, je tiens à souligner que, généralement, les tournages publicitaires sont bien moins exposés. Cela s'explique par leur durée beaucoup plus courte. Lorsque les agences sélectionnent une production, elles ont une obligation légale, voire pénale dans certains cas, de faire appel à une production respectant scrupuleusement le code du travail.

Par exemple, dans le domaine du mannequinat ou lorsqu'il s'agit d'enfants, une agence n'est jamais directement employeur. Elle passera systématiquement par une agence de mannequins, laquelle est soumise à une réglementation très stricte. De plus, aucune agence ne prendrait le risque de ternir sa réputation. Le respect du code du travail représente déjà un risque majeur pour elles. À ma connaissance, il n'est jamais arrivé qu'une agence prenne une production non réglementaire.

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Deuxième question concernant les chartes. Dans vos agences de publicité, prohibez-vous l'utilisation de mannequins féminins ou masculins trop jeunes ? Par exemple, il a été mentionné que Kering a décidé de ne plus employer de mannequins de moins de dix-huit ans. Avez-vous réfléchi à cette idée, spécifiquement dans le domaine de la publicité, d'utiliser uniquement des mannequins âgés de dix-huit ans et plus ?

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Nous réfléchissons en permanence à ces questions, bien que nous n'ayons pas encore abouti sur ce sujet précis. Toutefois, le corpus réglementaire et le droit souple applicables à l'ARPP sont extrêmement vigilants concernant les représentations et l'utilisation des enfants. En publicité, des besoins spécifiques peuvent se manifester en fonction de l'audience visée. Prenons un exemple si l'on réalise une publicité pour une compote destinée aux enfants, il est évident qu'un enfant sera nécessairement utilisé. En revanche, le domaine de la mode soulève d'autres problématiques distinctes.

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Évidemment, nous sommes d'accord. Si vous faites une publicité pour des jouets, ou d'autres produits similaires, on pourrait se poser la question de la nécessité de la représentation de l'enfant. Les agences pourraient également se demander si elles sont obligées de le faire. C'est une question légitime. Personnellement, je n'ai pas d'avis tranché sur le sujet, mais il mérite d'être discuté.

En revanche, pour certains produits spécifiques, comme les maillots ou certains produits de beauté, il est bien connu que pendant longtemps, plus les modèles étaient jeunes, plus cela semblait vendeur. Ressentez-vous une évolution à ce sujet ? Y a-t-il une volonté au sein de la profession de modifier ces pratiques ? Il me semble que la société dans son ensemble aspire à ce changement.

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Oui, absolument. Concernant la représentation et l'hypersexualisation, il s'agit de pratiques strictement réglementées. Bien que je ne puisse pas garantir qu'aucune personne de moins de dix-huit ans ne soit jamais utilisée, il est possible que cela concerne des individus de dix-sept ans. Nous nous imposons des règles strictes en raison de notre responsabilité sociétale en matière de publicité. Il existe très peu de cas d'ambiguïté à ce sujet. L'hypersexualisation a été bannie de la publicité depuis 2002 et a fait l'objet d'un rapport parlementaire en 2012, le rapport Jouanneau, qui a conclu que le corpus réglementaire était globalement suffisant. Nous pouvons toujours nous améliorer, et c'est dans cet esprit que nous participons à vos travaux. Nous devons constamment évoluer et interroger nos pratiques. À ce stade, nous n'avons pas rencontré de cas particuliers signalés, car l'ARPP, par le biais de son jury, peut être saisie par n'importe quel citoyen concernant une publicité. Elle est alors tenue de répondre sur la validité de l'avis formulé.

En examinant le rapport de 2023 en préparation de cette audition, j'ai constaté un cas unique impliquant un enfant, où l'avis a été jugé fondé. Il s'agissait d'une publicité non réalisée par une agence. Certaines marques continuent parfois à travailler sans agence. En réalité, les agences protègent plutôt les marques. Dans cet écosystème, le donneur d'ordre est la marque, le client de l'agence, qui protège en validant la plupart des communications et productions, dans le sens créatif, par l'ARPP. Nous avons reçu très peu de plaintes sur ces sujets, ce qui me laisse penser que le travail accompli est raisonnable.

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Je souhaite revenir sur les chartes VSS et les formations. Pouvez-vous préciser si ces chartes sont simplement des recommandations adressées aux agences partenaires ou si elles impliquent un engagement formel de leur part ? En ce qui concerne le baromètre que vous avez mentionné, quels sont exactement les indicateurs qu'il mesure, à qui est-il envoyé, et qui est responsable de son évaluation ? Si les résultats de ce baromètre ne sont pas satisfaisants, quelles en sont les conséquences concrètes ?

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Je tiens à préciser que l'AACC n'est pas un ordre, et par conséquent, nous ne pouvons pas révoquer des agences qui ne respecteraient pas certains principes. Cependant, nous avons intégré dans nos statuts et notre règlement intérieur une mention d'engagement des agences sur les sujets de RSE et de harcèlement.

Concernant le baromètre, nous avons choisi de ne pas être juge et partie, car cela nous semble toujours une mauvaise idée. Nous avons donc collaboré avec une association militante, Les Lionnes, qui a travaillé avec OpinionWay, un institut d'enquête et de sondage. Ils ont proposé un baromètre qui n'est pas un sondage de représentativité précise. Nous avons obtenu environ mille répondants, ce qui commence à offrir une certaine puissance et une réelle visibilité ainsi qu'une compréhension de l'audience. Les questions posées portaient sur plusieurs points : « Avez-vous été vous-même victime ? Ou avez-vous assisté à des situations de harcèlement sexuel, sexiste ou moral ? Avez-vous été victime d'agression ? » Ce qui est évidemment encore plus grave et relève du pénal.

Les chiffres montrent une baisse notable, le taux de personnes ayant été victimes de harcèlement au cours de leur carrière a diminué de quatre à deux points en deux ans. Cette statistique ne se limite pas à la dernière année, mais couvre l'ensemble de la carrière des individus concernés. Cela signifie que la progression est en réalité plus marquée, avec une baisse de quatre à deux points. Je pourrais évidemment vous transmettre les documents écrits pour plus de détails, car je pense que cela est pertinent, mais je ne vais pas tout détailler ici. Lorsque nous constatons une amélioration des résultats, bien que ceux-ci ne soient pas encore pleinement satisfaisants, nous continuons à insister sur plusieurs points. D'abord, nous mettons l'accent sur l'information et la diffusion des formations. Ensuite, nous soulignons fortement la nécessité d'adopter les bonnes pratiques, notamment en matière de management.

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Est-ce que vous pouvez nous dire à quelle date a commencé ce partenariat avec Les Lionnes ?

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Le premier baromètre a eu lieu en avril 2021 et le second a eu lieu deux ans plus tard, donc en 2023.

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Le baromètre aborde un sujet qui nous préoccupe particulièrement, les conditions de travail au sein des agences. Nous savons que ces lieux peuvent parfois être tendus. En effet, il est fréquent d'y travailler tard le soir, de répondre à des appels d'offres de clients, ce qui crée une atmosphère parfois extrêmement tendue. Est-ce que ce milieu s'est régulé sur cet aspect grâce au baromètre et au travail de toute la filière, ou bien sommes-nous encore confrontés à des situations de travail tendu ?

Un autre sujet spécifique aux agences de publicité concerne le recours à des prestataires et à des indépendants, souvent des graphistes inscrits à la Maison des artistes. Comment cette situation s'est-elle régulée ? Votre charte inclut-elle des mesures pour améliorer toutes ces conditions de travail ?

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Le secteur en question a des clients et, comme tous les secteurs travaillant avec des clients et sur des enjeux réputationnels, il peut être soumis à une forme de pression. Cependant, est-il plus particulièrement sujet à ces problématiques graves ? C'est un constat que nous voulons voir changer. Est-il plus affecté que d'autres secteurs ? Je ne saurais le dire, car, comme je l'ai mentionné, je ne connais pas d'autre secteur ayant travaillé sur une objectivation de ces enjeux avec le sérieux que nous avons souhaité y mettre.

En tout cas, les pratiques d'il y a une dizaine ou une vingtaine d'années dans le domaine des méthodes de travail – très documentées et racontées, avec des temps de travail très longs, des soirées, etc. – tendent à disparaître. La raison en est assez simple, nous avons des enjeux d'attractivité du secteur. Pour attirer des talents, puisque leurs outils de production sont l'intelligence des personnes avec lesquelles elles travaillent, ces comportements ne sont absolument pas tolérés. Ainsi, nous observons une double avancée, d'une part, une prise de conscience avec la mise en place d'actions très concrètes, déterminées et engagées ; d'autre part, la pression liée aux sujets de recrutement, qui contribue à une amélioration notable de la situation.

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Je souhaite revenir sur vos propos. Bien que la situation semble s'améliorer, il n'y a pas si longtemps, des femmes ont courageusement dénoncé les pratiques qu'elles subissaient dans leur profession. Nous avons notamment eu le cas des Lionnes avec leur association. Pourriez-vous nous en dire davantage sur leur intervention, leurs actions et les évolutions que ces dénonciations, relativement récentes, ont pu entraîner depuis la création de leur association ?

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Je ne prétends pas que tout va bien dans le secteur, ce serait impossible à affirmer. Il s'agit d'un travail constant et permanent. Les événements que vous mentionnez remontent, selon moi, à l'année 2020. Le mouvement que vous avez décrit date effectivement de cette période. Pour le secteur concerné, cela a constitué un véritable électrochoc. L'intervention des parties prenantes, des associations et l'engagement dans un discours ont eu pour vocation de faire évoluer les choses. Je suis à l'aise pour affirmer que ces entités ont accompli leur mission et nous ont aidés à progresser.

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Vous avez mentionné que vous travaillez sur ce sujet depuis 1997 et qu'en 2018, il y a eu une prise de conscience concernant le harcèlement moral. Cependant, j'avais presque l'impression que vous ne faisiez pas référence à 2020, année marquée par un mouvement révélant l'ampleur de la situation et ce que les femmes pouvaient endurer. Peut-être que je n'ai pas suffisamment prêté attention à vos propos, mais il me semblait que cela était quelque peu contradictoire.

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Depuis 1997, nous avons entrepris des travaux sur ce sujet. À un certain moment, une prise de conscience s'est opérée, ce qui a conduit à la mise en place d'un accord-cadre avec les représentants syndicaux. Cet accord nous a permis de progresser et d'accélérer les changements nécessaires.

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Il existe encore des dénonciations dans votre secteur, et des faits remontent régulièrement. Il est donc légitime de s'interroger. Mettre en place des chartes est une initiative louable et témoigne d'une volonté certaine. Cependant, cela ne résout pas tout, nous en sommes conscients, et c'est également pour cette raison que nous sommes présents aujourd'hui.

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Lors de vos propos liminaires, vous avez évoqué une réflexion sur l'hypersexualisation. À ce sujet, je souhaite attirer votre attention sur une page Twitter bien connue, intitulée « Pépites sexistes », qui recense quotidiennement des publicités sexistes ou des photographies utilisées pour vendre des sacs à main, où les femmes apparaissent nues, ou encore des publicités pour la fête des mères mettant en avant des promotions sur les aspirateurs et les produits ménagers. Quelle réflexion est engagée au sein des agences publicitaires face à ces exemples précis ?

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Je reconnais que je ne connaissais pas cette page, mais il s'agit de Twitter, et je vais la consulter. Je tiens à préciser, bien que je me répète, qu'une publicité me vient à l'esprit. Je ne citerai pas la marque, mais il me semble que c'est celle que vous mentionnez, avec une femme nue et un sac. Si c'est bien celle à laquelle je pense, cette publicité n'a pas été créée par les agences. Nous ne produisons pas non plus tous les contenus. Bien entendu, il subsiste encore des erreurs et parfois des clichés, car il peut y avoir une confusion entre le public visé et la manière dont on s'adresse à lui.

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Ce qui m'intéresse avant tout, c'est la réflexion. La majorité de ces publicités sont directement réalisées par les marques, sans passer par des agences. Cependant, je reviens à ce que M. le président mentionnait plus tôt la réflexion en cours. Par exemple, pour vendre des couches, est-il nécessaire de présenter un bébé dans la publicité ou sur le shooting photos ?

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Cette réflexion est principalement menée au niveau de l'ARPP car, en amont des réglementations, il est essentiel de définir le rôle de la publicité. Quelle est sa fonction ? Quelle est sa responsabilité ? Si je ne me trompe pas, ce comité de réflexion est dirigé par Dominique Wolton. Jusqu'où la publicité peut-elle aller sans dépasser certaines limites de représentation ? Elle a pour vocation de s'adresser à une audience, de communiquer un message. Toutefois, il est nécessaire que cette audience puisse se reconnaître, même un peu, dans ce qui est présenté.

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Lorsqu'on vend des couches, il est rare que ce soit le bébé qui les achète. On s'adresse aux parents, et il est donc pertinent que la publicité leur soit destinée. Les publicitaires tentent de répondre à cette exigence. Est-il nécessaire d'inclure un enfant dans la publicité ? Ce n'est pas certain. C'est ce type de questions que je soulève. Certaines publicités réussissent à vendre un produit en dénonçant des pratiques anciennes, et elles sont souvent très efficaces. La publicité, comme le cinéma, reflète l'air du temps et peut jouer un rôle dans l'évolution de la société. C'est pourquoi il est intéressant de s'efforcer de le faire. Il est tout à fait possible de vendre certains produits avec subtilité. Bien que je n'aie pas d'exemples précis en tête, il est évident que certaines grandes publicités ont parfois changé notre perception. Les publicités d'Always, par exemple, illustrent le rôle modèle des femmes. Il y a quelques années, une publicité remarquable a mis en avant la capacité des femmes à être fortes, même pendant leurs règles. Ce type de publicité est attendu et apprécié, et je pense que cela reflète vos réflexions. Il est important de souligner qu'elles jouent un rôle significatif.

Ensuite, abordons le travail en agence. Vous connaissez sans doute l'Instagram #Balance ton agence, qui révèle divers incidents au sein des agences. Ces faits peuvent être complexes, mais cela se retrouve dans tous les milieux. Vous l'avez mentionné, la spécificité des agences réside dans l'emploi de nombreuses personnes indépendantes, souvent en situation de vulnérabilité car elles ne bénéficient pas des mêmes contrats de travail que les salariés de l'agence. Ces personnes sont parfois sujettes à des abus sexistes, sexuels ou liés à une domination hiérarchique compliquée.

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

C'est une question intéressante que vous soulevez, bien que je n'aie pas les chiffres exacts. Je vais me pencher sur la recherche du nombre de free-lances en agence. Il y a une forte présence de permanents en agence, car la rétention des talents est un enjeu majeur. La majorité des salariés en agence sont, à mon avis, des employés permanents. Cependant, je ne prétendrai jamais que tout est parfait en agence, ce serait faux. Il est indéniable que ce secteur est très exposé publiquement. C'est l'un des domaines les plus discutés, notamment sur les réseaux sociaux. Je n'ai rien à redire à ce sujet, chacun a le droit de s'exprimer. Ce secteur est en pleine mutation et a accompli de nombreux efforts pour améliorer les conditions de travail de ses salariés.

Pour revenir à votre point sur la publicité, elle joue un rôle clé dans l'accompagnement des nouveaux récits. En comparant les publicités d'il y a vingt ans à celles d'aujourd'hui, on constate qu'elles anticipent et reflètent les transformations sociales, sociétales et même les évolutions des produits. Par exemple, la promotion de la voiture électrique a précédé son adoption courante par les consommateurs. Cependant, la publicité ne peut pas être trop en avance sur son temps, au risque de perdre le lien avec la société qu'elle doit maintenir.

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Je suis surpris par vos propos concernant les agences, car la situation a évolué depuis 2017, année de mon élection. À cette époque, j'ai cessé mon activité précédente, qui consistait souvent à collaborer avec des agences. Ce secteur était alors dominé par la sous-traitance. Nous étions des travailleurs indépendants, œuvrant pour une agence, laquelle travaillait elle-même pour une autre agence, parfois même pour une troisième, avant d'atteindre le client final, qui pouvait souvent être L'Oréal, en raison de leur large part de marché de la diversité de leurs produits. Bien que des changements soient intervenus, je doute que la situation ait totalement évolué, car ces chaînes de sous-traitance persistent.

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Je vais vérifier le chiffre et vous le communiquerai.

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Je n'ai pas affirmé que nous étions opposés à cette proposition. Il est simplement nécessaire que chacun puisse travailler dans des conditions satisfaisantes. Avez-vous des éléments à ajouter concernant votre activité ou des facteurs de risque spécifiques à votre filière ? Nous sommes également intéressés par les textes de votre baromètre. Si vous pouvez nous les transmettre ou nous indiquer les liens, nous serions très favorables à les recevoir.

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Caroline Fontaine, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC)

Je vous remercie pour votre attention et je suivrai avec grand intérêt les conclusions de cette commission. Nous sommes indéniablement plus forts ensemble, et nous prendrons en compte toutes les recommandations dans le cadre de notre travail. J'ai bien noté le dernier point abordé et je vous transmettrai les documents par écrit dès demain.

La séance s'achève à dix-neuf heures.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Erwan Balanant, Mme Sophie Mette, M. Maxime Minot, Mme Francesca Pasquini

Excusée. – Mme Josy Poueyto