Il n'y a pas que ça. Depuis 2020, la réorganisation de l'inspection du travail a bouleversé notre fonctionnement. Auparavant, nous bénéficions d'une cellule dédiée aux agences de mannequins, facilement joignable. Dès qu'un cas de travail illégal était signalé, comme un photographe outrepassant ses fonctions en se comportant comme une agence de mannequins, nous pouvions alerter les trois personnes de ce bureau spécialisé. Depuis 2020, la situation est devenue extrêmement compliquée. Il est nécessaire d'identifier en amont le lieu suspecté de travail illégal et de passer par une personne qui, bien qu'elle n'ait plus le droit de le faire, continue par gentillesse. Elle informe alors son collègue qu'il faut contrôler une prestation ou un photographe dépassant ses fonctions.
Le problème réside dans la rapidité requise entre le moment où l'information est reçue et celui où la prestation a lieu, il faut agir très vite, parfois le soir ou le samedi. La direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Drieets) doit déléguer des contrôleurs motivés pour intervenir rapidement. Le travail illégal est omniprésent car il est facile de contourner les règles. Il existe quatre-vingt-douze agences de mannequins licenciées, dont certaines ont leur agrément, situées à Paris. Celles-ci sont faciles à contrôler.
Cependant, de nombreux intermédiaires illégaux émergent. Un jour, quelqu'un décide de devenir agent de mannequins, le lendemain agence mère, et le troisième jour directeur de casting, tout en dépassant ses attributions. Cette situation permet à des agences européennes de travailler en France sans respecter les règles. L'ouverture du droit européen devait être temporaire et occasionnelle, avec une demande d'autorisation préalable auprès d'un bureau de la Drieets. Par exemple, une agence de Barcelone devait déclarer à l'avance qu'elle venait tel jour pour telle marque avec tel mannequin. Le bureau pouvait alors effectuer des contrôles. Aujourd'hui, il n'y a plus personne pour traiter ces déclarations, et aucune agence étrangère ne se conforme à cette obligation.
Les pays frontaliers, notamment la Belgique et l'Espagne, agissent sans aucune gêne. Pour illustrer cela, il y a trois semaines, une agence française avait demandé un visa pour une mannequin ukrainienne, dont elle se sentait pleinement responsable. La mannequin ukrainienne se rend en Espagne, dans l'espace Schengen, où elle rencontre une agence de Barcelone. Une séance photo doit avoir lieu à Paris avec un photographe français pour la marque Zara. L'agence française découvre alors que sa mannequin ukrainienne va travailler à Paris sous l'égide de l'agence espagnole, elle n'est alors plus salariée. En réalité, toutes les exigences imposées à l'agence française disparaissent. Cette situation se produit également avec des enfants en Belgique. On traverse la frontière, et dans le nord de la France, avec des marques comme Quechua, Yves Rocher, etc., des enfants belges ou français, dont les parents souhaitent qu'ils travaillent du lundi au vendredi, passent par la Belgique pour travailler en France. Il n'y a plus aucune direction départementale.
Il y a quelques années, je pouvais téléphoner à Lille, à Béziers, ou ailleurs, pour signaler une prestation à venir. Aujourd'hui, personne ne répond. Il est donc impératif de recréer une cellule dédiée aux agences de mannequins à la Drieets de Paris, capable de servir d'intermédiaire entre les contrôleurs locaux correspondant à tel arrondissement ou telle ville. Sinon, nous, syndicats, ne pourrons pas nous en sortir.