La séance est ouverte à neuf heures une.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin appelle l'examen du rapport « Défense et territoires : un lien à réinventer », confié à nos collègues Patricia Lemoine et Mélanie Thomin.
Le sujet crucial du lien entre la défense et les territoires fait partie des trois missions d'information de notre cycle consacré à la défense globale : la mission « Défense et territoires », la mission « Défense, culture et éducation » et la mission portant sur l'après-Orion.
Chacun d'entre nous est au moins triplement engagé en matière de défense, comme citoyen, député et membre de la commission de la Défense. Certains ont d'autres engagements, notamment comme réservistes citoyens ou élus locaux. Cette mission nous mobilise tous en conséquence.
D'ici cet été, j'organise des dîners-rencontres avec l'ensemble des chefs d'État-major, le DGGN et le DGA, ouverts à d'autres députés que la commission, en vue de réfléchir à développer une culture de défense au sein de l'Assemblée nationale. L'exposition sur les plans secrets du débarquement, abritée par nos murs en ce moment même à l'initiative de la Présidente, contribue à cet objectif.
Votre mission, mesdames, fut particulièrement dense. J'ai été impressionné par le nombre des auditions et des intervenants de tous horizons : historiens, chercheurs en sciences politiques, juristes, militaires relevant de l'ensemble de l'organigramme des armées, en particulier la chaîne Otiad (Organisation territoriale interarmées de défense), mais également les acteurs principaux de la Base industrielle et technologique de défense (BITD), des représentants des collectivités territoriales, des associations, etc.
Vous avez également effectué de nombreux déplacements à l'étranger en Finlande, Suède et Suisse, pour étudier les pratiques dont la France pourrait s'inspirer.
Monsieur le président, je vous remercie d'avoir souligné le caractère dense de notre mission qui s'est avérée des plus passionnantes, en raison des enjeux territoriaux et de défense auxquels nous faisons face.
Au moment d'établir la liste exhaustive des personnes à auditionner, nous avons veillé à n'oublier personne au regard de leur expérience et de leur vision de la défense globale. Plus de trente auditions se sont ainsi tenues à l'Assemblée nationale : militaires, entreprises de la BITD, collectivités territoriales, associations et chercheurs universitaires. Nos déplacements – nationaux comme internationaux – ont été extrêmement enrichissants : de Brest à la Suède et de la Finlande à la Suisse. Cela nous permet aujourd'hui d'affirmer que notre rapport reflète fidèlement nos constats et nos préconisations.
Nous avons souhaité intituler notre mission d'information, « Défense et territoires : un lien à réinventer », afin de l'inscrire dans les enjeux actuels. Depuis la fin du service militaire obligatoire en 1997 et les fermetures d'emprises, la relation entre le monde militaire et les acteurs des territoires en France s'est peu à peu distendue. Il est aujourd'hui crucial de renouer une synergie visant à une résilience nationale.
La défense nationale de notre pays ne peut pas être appréhendée que sous l'angle militaire. La nécessaire appropriation des enjeux de défense par l'ensemble des forces vives dans les territoires – citoyens, collectivités territoriales, entreprises, chambres consulaires, associations – devient une exigence nouvelle.
Ce besoin est particulièrement pressant au regard du contexte géopolitique actuel, marqué par un triple réveil stratégique de l'ensemble du continent européen. Le Président de la République évoquait la nécessité d'un réveil dans son discours du 30 janvier 2024 à la Communauté de défense, lors de sa visite d'État en Suède, soulignant que la France s'attacherait à en être l'un des protagonistes.
Je poursuis sur la nécessité d'un réveil stratégique. Une première prise de conscience avait eu lieu en France, et plus largement en Europe, après les attentats terroristes de 2015, qui nous avaient rappelé que notre sol national et notre population civile pouvaient être ciblés par des menaces provenant d'adversaires non étatiques et difficilement identifiables. En 2020, un second réveil stratégique s'était produit avec la pandémie de Covid-19, qui avait mis fin à l'illusion d'une invincibilité territoriale.
La crise sanitaire a notamment été surmontée grâce au pragmatisme et à l'intelligence des acteurs de terrain, notamment des maires, qui ont su édifier des mécanismes de résilience tout en composant avec des ressources limitées.
Dans cette phase de réveil stratégique, l'invasion massive de l'Ukraine par l'armée russe, le 24 février 2022, a évidemment marqué une rupture centrale.
Ce conflit met en lumière l'enjeu de la défense territoriale en Europe. La mobilisation de la société ukrainienne et sa capacité à résister ont surpris les observateurs, mais le conflit a également révélé la vulnérabilité de certaines infrastructures, notamment énergétiques, pourtant essentielles à la souveraineté nationale.
Bien que la dissuasion nucléaire demeure un outil crédible pour protéger nos intérêts vitaux, la France ne peut plus ignorer le risque de voir son territoire visé par plusieurs formes de guerres insidieuses telles que le terrorisme, les cybermenaces et autres menaces désinformationnelles. C'est précisément ce type de menaces, hybrides par nature, qui est à craindre dans l'immédiat. Leur mode opératoire consiste à viser diverses infrastructures vitales et opérateurs de services essentiels, tout en se maintenant en dessous du seuil de conflictualité.
Si les militaires jouent un rôle salutaire et de premier plan dans la planification et la conduite des opérations de défense du territoire, ceux-ci ne sauraient se voir attribuer l'exclusivité de la responsabilité. C'est précisément cela que nous avons fait émerger dans notre rapport.
Les élus communaux, départementaux, régionaux et nationaux, du fait de leur ancrage local et leur connaissance du paysage citoyen et économique, pourraient – et demandent – à s'engager davantage dans cet objectif commun. Ils contribuent ainsi à conforter les forces morales de la nation et à planifier notre capacité collective à résister aux évidentes menaces qui nous entourent. Les élus locaux pourraient ainsi mettre fin au désintérêt du peuple pour ses forces armées, en jouant un rôle fort de connexion entre les élus, le monde militaire et le citoyen.
Enfin, ma collègue et moi-même sommes persuadés que les entreprises de la BITD, à travers leur maillage territorial, ainsi que de nombreux acteurs économiques, ont un rôle important à jouer en matière de défense.
C'est donc une réflexion complète sur la place du soldat dans la société qu'il convient de mener, ainsi que le rappelait notre ministre de la défense lors de son audition du 14 mai dernier, le soldat doit pleinement retrouver le sens de son métier, à savoir l'engagement militaire au service de la défense de la nation. La mobilisation des soldats pour des missions d'ordre civil a parfois déprécié leur image et les a décrédibilisés aux yeux d'une partie de la population. Il convient de restaurer cette image. De la même façon, le citoyen doit être reconnu comme un acteur incontournable de la défense globale, afin de permettre à la nation tout entière de faire preuve de résilience face notamment aux nouvelles menaces hybrides.
Nous estimons désormais indispensable de territorialiser la politique de défense et de permettre à tous les acteurs de se mobiliser pour la défense du pays : les collectivités territoriales, les acteurs associatifs, les entreprises de la BITD et l'ensemble des citoyens. L'objectif est de conférer au territoire national, hexagonal et ultramarin, une résilience de long terme face aux menaces susceptibles de l'affaiblir.
Notre rapport présente un modèle de défense où tous les corps de la société seraient impliqués, d'une manière ou d'une autre, aux côtés des acteurs conventionnels.
Arrêtons-nous un instant sur l'historique de nos territoires en matière de défense. La défense territoriale a toujours orienté l'architecture de défense vers les menaces pesant aux frontières du pays, ce qui explique la dynamique territoriale observée aujourd'hui. Les frontières terrestres ne représentant qu'un cinquième de la longueur des côtes, les frontières maritimes ont été un enjeu constant. Dès l'Empire romain, des ports militaires historiques tels que Brest, Toulon ou Cherbourg, constituaient des points d'appui majeurs sur le plan stratégique. La ceinture de fer de Vauban avait déjà été organisée face à des menaces localisées, illustrant cette tendance de l'organisation de la défense du territoire à se concentrer sur les frontières les plus vulnérables.
Au XIXe siècle, les forces armées étaient principalement implantées dans le nord-est, tandis que les entrepôts, les établissements de soutien et l'industrie de défense se tenaient loin des zones les plus exposées : Bourges, Tarbes, Roanne, les filières aéronautiques de Toulouse et de Nantes, la vallée de l'Adour ou le pôle électronique de Rennes. La loi du 16 mars 1882 sur l'administration de l'armée a profondément bouleversé l'organisation de la défense en privilégiant un cadre territorial, celui de la région militaire, pour garantir aux armées la cohérence d'organisation et la continuité du commandement qui leur faisait défaut.
Les armées s'étaient professionnalisées sous l'Ancien Régime. Les lois Gouvion-Saint-Cyr et Suchet, de 1818 et 1824, ont rétabli la conscription via un tirage au sort. Cette dynamique a été poursuivie par la loi Niel de 1868, puis celle de 1872 qui a fixé le cadre de la conscription pendant plus d'un siècle.
Au cours de la première guerre mondiale, la mobilisation des entreprises au service de l'effort de guerre a généralisé leur implication pour subvenir aux besoins militaires de l'État français. Cette participation, qui remontait au XIVe siècle, avait été poussée à son paroxysme après la Révolution industrielle. Dès lors, la guerre avait acquis un caractère total. Pour l'emporter, il fallait être capable de financer et d'organiser à long terme une production efficace d'armes et de biens essentiels à la survie de la nation et à la conduite de la guerre.
Les industries prioritaires – sidérurgie, chimie, armement et automobile – ont monopolisé la quasi-totalité des moyens disponibles. La conversion des complexes industriels occidentaux avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale, ainsi que la place donnée à la puissance publique dans l'orientation de l'effort industriel, a préfiguré la situation économique des Trente Glorieuses, marquées par la domination de l'industrie occidentale et l'avènement de l'État-providence.
L'engagement des pouvoirs publics locaux dans la territorialisation de la défense est historique. Tel est le sens de la création de la garde nationale lors de la Révolution française, héritière des milices de citoyens formés dans chaque commune. Bien que les collectivités territoriales n'aient pas de compétences directes en matière de défense, elles sont en mesure de jouer un rôle de facilitatrices de la mise en œuvre de la politique de défense. C'est dans cet esprit qu'a été créée, en 2001, la fonction de « correspondant défense » au sein des communes.
Il reste qu'une distanciation progressive du lien entre défense et territoire s'observe depuis la fin du XXe siècle, principalement en raison de la rupture géopolitique des années 1990 qui a définitivement bousculé le modèle de défense français.
La présence physique des armées sur le territoire national s'est amoindrie suite à la fermeture de nombreuses emprises militaires, réduisant le maillage dont bénéficiaient les armées, et la suppression de plus de 500 000 emplois entre 1962 et 1996. Suite au plan « Armée 2000 » de 1990, la professionnalisation complète des armées a entraîné la suppression de 150 000 postes entre 1997 et 2000. Le ministère a procédé à une rationalisation de ses implantations géographiques autour de points nodaux, les bases de défense, permettant une réduction des coûts et une amélioration du soutien pour une projection rapide des forces.
En conclusion, la convergence entre préoccupations civiles et militaires a connu un ralentissement du fait de la suspension du service militaire et de l'absence de solutions alternatives pour les jeunes générations, participant à la disparition progressive des armées dans le paysage français.
Ce n'est pas tant la professionnalisation des armées que la période de paix dont nous sommes issus qui expliquent le délitement du lien armée-nation, le recul de l'esprit de défense et la fracture de la cohésion nationale. Cette période de tranquillité nous a portées à moins nous préoccuper de notre sécurité physique et des impératifs qu'elle implique.
Nous sommes à un tournant stratégique de la réorganisation de notre défense territoriale.
Face à la multiplication des menaces, la notion de défense territoriale regagne en légitimité et en dynamique. En France, un nombre croissant d'acteurs s'investissent dans les sujets de défense, à commencer par les industries de défense dont plusieurs sont en voie de relocalisation grâce à la récente restructuration du réseau des délégués régionaux du ministère des armées, en plus de l'intérêt accru de certaines collectivités territoriales pour les enjeux de défense.
Dans les années 1990, suite à la chute du mur de Berlin et la récession, les commandes liées au secteur de la défense s'étaient effondrées, ce qu'était venu illustrer l'arrêt de la production de programmes emblématiques tels que le Famas et le VAB. Le poids des crédits militaires par rapport au PIB a chuté significativement à la fin du XXe siècle, passant de 2,97 % du PIB sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing à seulement 1,61 % du PIB en 2002. Cette phase de désindustrialisation dans le domaine de la défense s'est surtout traduite par une perte de volume, car la quasi-totalité des compétences industrielles a tout de même été conservée.
Depuis quelques années, la volonté de relocaliser certaines industries de défense pour retrouver de la masse sur le territoire national a pris de l'ampleur, notamment suite à la crise sanitaire du Covid-19 et à l'attaque russe en Ukraine. Cette relocalisation s'inscrit en cohérence avec le schéma d'économie de guerre souhaité par le Président de la République, Emmanuel Macron. Par exemple, l'entreprise Eurenco, qui produit la poudre utilisée par les canons César, après s'être délocalisée en Suède en 2007, a décidé de se relocaliser à Bergerac (Dordogne). Naval Group a déplacé sa production, des baguettes de soudure destinées aux coques de sous-marins, d'Italie vers la région de Belfort.
Un autre exemple emblématique est celui de la filière de petites munitions. Cette production industrielle avait été abandonnée en France à la fin des années 1990, avec la fermeture de l'établissement Giat Industrie (Le Mans). Depuis, la production de munitions de petit calibre obéissait principalement à une logique de rentabilité et n'était plus considérée comme devant rester souveraine.
Les projets de relocalisation industrielle se heurtent toutefois à différents obstacles. Parmi ceux-ci, je citerai le niveau de fiscalité en France, ainsi que la réticence des banques à financer des activités militaires. À cela s'ajoutent la faible disponibilité des sites, les contraintes liées au zéro artificialisation nette et la crainte des populations locales d'une pollution supplémentaire.
L'effort de reterritorialisation dans nos activités de défense se traduit déjà par l'évolution du réseau civil du ministère des armées dans les territoires. Depuis 2024, la Direction générale de l'armement (DGA) dispose d'un ensemble d'attachés d'industries de défense en région. Ces attachés ont pour mission d'accompagner les entreprises de la BITD, les PME et les start-up du domaine de la défense au niveau régional et local.
Par ailleurs, la Direction des territoires, de l'immobilier et de l'environnement (DTIE) du ministère des armées a été réformée à l'été 2023. Cette réforme a confié de nouvelles missions aux 13 délégués régionaux du ministère, actuellement en poste dans toutes les préfectures de région de l'Hexagone. Leur mission est d'accompagner l'évolution des effectifs du ministère dans leurs bassins d'implantation, notamment en matière de transport, de logement et d'écoles. Ils facilitent également les interactions avec les différents services déconcentrés de l'État, soutiennent les acteurs économiques locaux et assurent le suivi des dispositifs de contractualisation entre les collectivités territoriales et le ministère des armées.
Pendant toute la période de fermeture des emprises sur le territoire national, notamment dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) des années 2008-2012, les délégués régionaux étaient fortement impliqués dans les contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD). Ces contrats visaient à faciliter la transition vers de nouvelles activités économiques des territoires affectés par les fermetures de sites. La dynamique s'est toutefois inversée depuis les deux dernières lois de programmation militaire et nous assistons à une fin progressive des CRSD et au renforcement des effectifs militaires dans les territoires.
Le délégué régional du ministère des armées pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse nous a donné des exemples concrets de son travail. Il organise régulièrement des rencontres entre les élus locaux, les directeurs de PME, les commandants de base de défense et les membres de la chambre de commerce et d'industrie (CCI). Ces rencontres visent à favoriser la compréhension mutuelle des besoins, à atténuer les craintes et les difficultés éventuelles, qu'il s'agisse des questions d'accès à la commande publique, des opportunités d'engagement dans la réserve ou des désagréments ponctuels ressentis par les populations locales. Par exemple, la présence d'un stand de tir à proximité d'habitations peut parfois créer des tensions avec l'environnement local.
Le ministère des armées s'appuie également sur les relais régionaux de l'IHEDN pour cultiver la connaissance des enjeux de défense via l'organisation de conférences au niveau local.
L'État joue un rôle évidemment majeur en matière de défense et les élus locaux souhaitent s'intégrer à cette dynamique.
Notre rapport aborde la question des correspondants de défense. Cette fonction relevant des conseils municipaux a été instituée en 2003. Les correspondants de défense sont désignés parmi les membres du conseil municipal. Leur mission est de promouvoir l'esprit de défense au sein de leur commune en soutenant des projets pédagogiques en lien avec les établissements scolaires et en organisant des événements de sensibilisation de la jeunesse. Le niveau d'information des correspondants de défense reste souvent trop sommaire, bien qu'ils aient reçu le guide pratique du ministère des armées en 2023. Ils bénéficient parfois du soutien des DMD, qui sont les officiers généraux des zones de défense et de sécurité au niveau départemental.
Les DMD jouent un rôle de conseiller militaire auprès du préfet départemental, mais les conseils départementaux sont tenus éloignés des enjeux de défense, alors même que certaines de leurs compétences, comme la gestion de l'eau, des infrastructures et des services départementaux d'incendie et de secours, peuvent revêtir une importance vitale en temps de crise. Nous préconisons donc le renforcement des liens entre les DMD (délégués militaires départementaux) et les conseillers départementaux.
Les conseillers régionaux pourraient également s'emparer des sujets de défense, en vertu de leurs prérogatives en matière d'élaboration du Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. Ce schéma fixe des objectifs en matière d'implantation de différentes infrastructures d'intérêt régional, y compris des emprises militaires. Les élus régionaux pourraient renforcer leurs liens avec les délégués régionaux du ministère des armées, ainsi qu'avec les états-majors des zones de défense et de sécurité.
La conflictualité contemporaine et ses nouveaux champs d'expression nous invitent à remettre la notion de défense territoriale au cœur de nos priorités, que ce soit en France ou à l'étranger. Cela inclut l'organisation de nouveaux exercices militaires, pensés de manière à redonner de la visibilité aux armées dans nos territoires.
La France n'est pas le seul État à s'intéresser à sa défense territoriale. De nombreux pays européens sont organisés autour de modèles de défense fortement territorialisés et cette architecture précise gagne en importance avec le conflit ukrainien. Dans le cadre de notre mission d'information, nous avons visité la Finlande, la Suède et la Suisse pour observer les systèmes s'en prévalant.
L'armée suisse, organisée selon le système de milices, repose sur la participation bénévole et extraprofessionnelle des citoyens. Le système de milices suisses a été formalisé dans la Constitution de 1798 et réaffirmé en 1999. Ce principe, profondément ancré dans sa culture et consubstantiel à celui de démocratie directe, privilégie une armée de citoyens plutôt qu'une armée permanente.
Actuellement, l'armée suisse comprend 3 500 militaires de carrière, 6 500 civils et 136 000 miliciens. Les hommes aptes sont convoqués à 16 ans pour le service militaire, suivent une formation initiale de dix-huit semaines et participent, pendant les neuf ans qui suivent, à des exercices réguliers pour rester opérationnels.
La Finlande peut aussi se prévaloir d'une défense territoriale très forte, composée de 20 000 conscrits et de 900 000 réservistes. Grâce au maintien du service militaire obligatoire pour les hommes, le service militaire n'a jamais été interrompu. D'ici 2026, la Finlande augmentera son budget de défense de 40 % pour acquérir de nouveaux équipements. Ce modèle de défense totale associe les civils et le secteur privé de manière très étroite et permet de mobiliser 280 000 soldats en trois jours. La défense finlandaise repose sur la protection du territoire national contre la menace russe, une nécessité évidente compte tenu de sa frontière commune de plus de 1 340 kilomètres avec la Russie.
La défense suédoise s'appuie quant à elle sur une stratégie de défense totale revitalisée et intégrant tous les niveaux de la société. Cette approche a été réactivée suite à la détérioration de l'environnement sécuritaire en Baltique, notamment l'annexion de la Crimée en 2014. La Suède a remilitarisé l'île de Gotland et rétabli le service militaire partiel dès 2017. Dès son adhésion à l'Otan en 2024, la Suède renforcera ses capacités militaires et augmentera son budget de la défense à 2 % du PIB d'ici 2026. La composante militaire inclut des forces armées, soit 14 700 personnels actifs et un objectif affiché de 100 000 personnes d'ici 2030. La composante civile vise à protéger les infrastructures critiques et à assurer la résilience en cas de conflit, ce qui est évidemment crucial. La Suède a ainsi créé des régions de défense civile et dispose d'ores et déjà d'abris antiaériens pour 7 millions de personnes. Avec une population d'environ 8,6 millions de personnes, autant dire qu'ils sont bien préparés. La coopération avec les secteurs privés et publics est renforcée pour garantir la préparation aux crises, soutenue par la nouvelle loi sur la Banque de Suède visant à assurer les paiements en cas de crise.
Ces modèles étrangers sont difficilement transposables en France, car notre organisation territoriale reste très différente de la leur. En s'en inspirant néanmoins, la défense civile de notre pays pourrait être renforcée et venir en appui de la défense militaire.
En France, la défense civile s'articule traditionnellement autour de trois piliers : la sécurité publique, la sécurité civile et la défense économique. La sécurité publique concerne le maintien de l'ordre et la lutte contre la criminalité, impliquant la police en zones urbaines et la gendarmerie en zones rurales et périurbaines.
La sécurité civile englobe la prévention et l'intervention contre les risques naturels, sanitaires, technologiques et bâtimentaires. Les services d'incendie et de secours sont au cœur de ces actions, soutenues par divers plans de secours comme le plan Orsec et le plan de secours à nombreuses victimes. Les services de l'État sont également impliqués, par l'entremise de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), de l'Agence régionale de santé (ARS) et des associations de sécurité civile. Enfin, la défense économique vise à assurer la continuité des fonctions économiques essentielles – énergie, télécommunication, alimentation, transport – et à promouvoir l'intelligence économique pour renforcer la compétitivité des entreprises et des territoires.
Cette définition de la défense civile à la française est désormais perfectible. Il conviendrait en effet de repenser le concept de défense civile comme la composante d'une défense totale, à l'image du modèle suédois.
, co-rapporteure. Notre mission nous a conduits à réaffirmer la fierté d'être une puissance maritime, la France restant la deuxième plus grande zone économique exclusive au monde derrière les États-Unis. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 avait souligné l'importance de nos frontières maritimes.
Le concept de continuum sécurité-défense met en avant la coordination entre les différentes administrations de l'État agissant en mer. Le préfet maritime, à la fois militaire et civil, joue un rôle central dans cette coordination, assurant la défense du territoire et représentant l'État en mer. Cette fonction permet de fédérer diverses administrations sous son autorité, notamment grâce à des missions de police administrative et de services publics. La chaîne sémaphorique et la cellule de coordination de l'information maritime contribuent à une surveillance efficace du littoral. La protection du territoire maritime s'avère essentielle et illustre la nécessité d'une convergence entre différentes fonctions stratégiques dans un monde interdépendant.
La présence de nos forces armées est assez instructive en outre-mer. Depuis 1961, le service militaire adapté (SMA) offre aux jeunes ultramarins des opportunités en matière d'emploi, de qualification et de formation. Le plan SMA 2025 vise à renforcer la qualité des formations et des compétences. Le recrutement par le SMA constitue une opportunité pour les forces armées, au vu du taux d'engagement relativement élevé en fin de SMA. Le SMA renforce le lien entre les territoires ultramarins et la défense nationale, sensibilisant la jeunesse à ses enjeux. En parallèle, le service militaire volontaire (SMV) offre une formation similaire et des résultats aussi positifs en termes d'insertion professionnelle.
L'hybridité des menaces, couplée à une évolution technologique très rapide, pousse la France à concevoir et mettre en place des dispositifs de lutte adaptés. Depuis la présentation du Livre blanc de 2008, l'ANSSI, créée en 2009, a mis en place des actions interministérielles et au sein des entreprises considérées comme organismes d'importance vitale, en parallèle des actions du Commandement de la cyberdéfense (Comcyber) du ministère des armées. Cette territorialisation du service est certes récente, mais montre la volonté de l'État d'intégrer ces nouvelles menaces au sein des territoires afin de sensibiliser et de venir en aide aux institutions en difficulté.
Une autre agence d'importance est Viginum. Créée en 2021, sa mission est de détecter et de caractériser les ingérences numériques étrangères affectant le débat public numérique en France. Cette semaine encore, Viginum relevait une augmentation des actions d'ingérence étrangère dans notre espace numérique public national. En huit mois, Viginum aura révélé quatre opérations dont la France a été victime. La campagne Doppelgãnger, par exemple, pratiquait l'usurpation d'identité d'institutions ou de grands médias et provenait d'un réseau de désinformation russe. La campagne Olympia, qui dénigrait les Jeux olympiques et paralympiques, avait été orchestrée par l'Azerbaïdjan. La campagne des étoiles de David, également d'origine russe, recourait à une utilisation importante de bots ou de faux comptes. Cette semaine encore, des mains rouges étaient apposées sur le Mur des justes. La dernière en date est la campagne Portal combat au cours de laquelle Viginum a identifié tout un dispositif de propagande et de désinformation réparti en 193 sites visant les opinions ukrainiennes et occidentales, notamment via le site Pravda.
Nos armées ne bénéficiaient jusqu'ici que d'une trop faible visibilité, en raison des réformes mises en place après la suspension du service militaire. L'exercice Orion 2023, a permis de relier les citoyens et les armées sur le territoire dans un format de terrain libre et d'interaction avec la population. Cet exercice, qui s'est déroulé en quatre phases, marque le retour des grands exercices sur le territoire national, à l'image de l'exercice franco-allemand Kekerspatz mené en 1987. Étant donné sa dimension, un lourd travail des populations locales a dû être mené en amont par les militaires.
À l'issue de notre mission, nous sommes parvenues à la conclusion qu'il existait des marges d'amélioration pour renforcer le rôle des territoires dans la défense nationale. Bien plus que de « marges », on pourrait parler de véritables « boulevards » pour investir cette question de la défense territoriale.
Premièrement, il est évident que la défense et la sécurité, notamment cyber, connaissent un renouveau territorial. Nous faisons de nombreuses propositions en ce sens.
Deuxièmement, nous appelons de nos vœux une plus forte implication du citoyen, qui passe en premier lieu par l'augmentation des réservistes au plus près de leur territoire de vie, ainsi que la nécessité de travailler à une appropriation culturelle de la défense par tous les acteurs. Contrairement aux idées reçues, l'esprit de défense n'est aucunement en déperdition chez les jeunes de France, ce qui est un vrai motif de satisfaction.
Troisièmement, nous recommandons que le Parlement, émanation de la nation et des territoires, des citoyens, soit un véritable organe démocratique de contrôle de la politique de défense.
Quatrièmement, les collectivités locales doivent devenir des acteurs à part entière de la défense civile en appui de notre défense militaire.
Enfin, nous avons fait des propositions concernant la BITD, qui est évidemment au cœur du maillage territorial et économique de la nation.
J'ai récemment découvert l'existence du Haut comité français pour la résilience nationale (HCFRN).
Le HCFRN dispose d'une mine d'informations extrêmement utiles et intéressantes pour enrichir tout ce qui a trait à la défense et, à mon sens, sa base n'est pas suffisamment utilisée. L'une de nos préconisations serait de permettre au HCFRN de partager ses outils avec un plus grand nombre d'acteurs institutionnels. Le HCFRN est composé d'une centaine de personnalités morales issues des services de l'État, de collectivités et d'entreprises. Il propose diverses prestations liées aux enjeux de résilience. Outre la mise à disposition d'études et d'analyses d'experts sur les principales menaces en France et à l'international, il délivre des certifications professionnelles et des labels, notamment pour la gestion de crises. Par exemple, le label destiné aux collectivités locales, « Résilience France Collectivités », comprend près d'une centaine de collectivités, tandis que le label Résilience France Entreprises organise régulièrement des événements d'acculturation à la maîtrise des risques.
Le besoin d'acculturation de notre population sur tous les sujets ayant trait à la défense est ressorti de façon très claire lors de nos auditions. Pour avoir été maire pendant dix ans et présidente d'une intercommunalité, je dois dire que mes plans de sauvegarde communaux n'ont jamais comporté de volet consacré à la défense. Il existe un besoin de culture en la matière. C'est donc l'une des premières propositions que nous mettons en avant.
Une deuxième proposition consiste à décliner la stratégie nationale de résilience dans les territoires. La revue nationale stratégique 2022 détermine dix objectifs stratégiques, dont celui d'une France unie et résiliente. Pour ce faire, elle évoque le besoin de renforcer la capacité de la France à tenir collectivement et en profondeur, et préconise d'étendre la stratégie nationale de résilience aux collectivités territoriales, aux entreprises, aux associations et à la population.
Nous pourrions nous engager sur un important volet de communication. À partir du moment où nous exprimons la volonté de le faire, donnons-nous les moyens d'y parvenir. Une journée nationale de la résilience est organisée une fois par an, mais il semble que personne n'en ait connaissance. Des améliorations sont donc à apporter.
, co-rapporteure. Pour être élue municipale dans une commune rurale du Finistère et conseillère d'agglomération, je confirme que c'est bien à cet échelon que nous souhaitons voir certaines de nos propositions se concrétiser.
Nous proposons d'instaurer un système de conseil de sécurité et de défense locale à l'échelon territorial. En Suède, de tels conseils existent au niveau régional et permettent de débattre, dans un cadre institutionnel, de la protection des fonctions vitales et de l'organisation en cas de crise majeure. Nos collectivités ont l'habitude de collaborer face aux aléas climatiques, ce qui est une bonne chose, mais il y a un véritablement un champ à renforcer sur les enjeux de défense. Cet espace de rencontre réunirait des élus locaux, les services déconcentrés, des représentants entrepreneuriaux notamment des entreprises d'importance vitale, des parlementaires et des représentants militaires. Il s'agirait de se préparer, en temps de paix, à toute éventualité. Plusieurs pays européens s'inscrivent déjà dans une préparation, une planification et une anticipation face à ces enjeux. Il nous semble intéressant que la France y réfléchisse et mette en œuvre un certain nombre de dispositifs en la matière.
Nous proposons également, via le SGDSN, la rédaction d'un nouveau Livre blanc sur la défense. Il ne s'agit aucunement de rouvrir le débat politique autour de la LPM, mais d'établir un cadrage global des nouveaux objectifs stratégiques et opérationnels français. L'idée serait d'inclure à ce livre blanc les objectifs de la politique en matière de défense civile, la planification et l'élaboration de la dimension territoriale de cette politique de défense, par exemple au travers une stratégie territoriale de défense. Cette stratégie s'emploierait à définir clairement le rôle de chaque acteur en cas de crise majeure, notamment les collectivités territoriales, les entreprises et les populations locales.
Par ailleurs, nous proposons d'activer une politique municipale de recensement des citoyens ayant des compétences utiles à la défense nationale. Il ne s'agirait pas seulement des réservistes. Nous suggérons la création d'un fichier respectueux du RGPD pour recenser des individus susceptibles de contribuer efficacement à la continuité de l'activité, tels que les réseaux d'assistantes maternelles, les transporteurs routiers, sanitaires, logistiques, les infirmiers libéraux, les ingénieurs, les travailleurs médico-sociaux, les personnels de l'Éducation nationale, les agents communaux, les entreprises de pompes funèbres, les retraités des armées, les pompiers ou autres retraités civils ayant des compétences particulières. L'objectif est d'optimiser les compétences disponibles et de connaître le vivier local à disposition en cas de crise majeure.
Un maire finlandais que nous avons auditionné a souligné l'importance de maintenir les services publics ouverts, notamment pour l'accueil des enfants et l'accompagnement des personnes âgées ou fragiles. Cette proposition nous semble vraiment intéressante. L'appui sur les entreprises est également crucial, notamment celles des travaux publics, de l'agroalimentaire, des pharmacies, des laboratoires ou des entreprises agricoles.
Nous pensons que le rôle du correspondant défense pourrait être grandement amélioré.
Un certain nombre de correspondants défenses ont exprimé leur frustration d'être principalement relégués à des tâches mémorielles, sans être suffisamment associés aux autres sujets de défense. Certains nous ont même avoué, en audition, qu'ils ignoraient avoir été désignés comme correspondant défense, sans parler des communes françaises qui n'en ont pas encore désigné. Un véritable travail de reconnaissance est donc à mener à l'endroit de ces correspondants, pour leur donner cette culture et leur permettre de nouer des échanges à un niveau plus élevé. Ils en sont demandeurs et ont vraiment envie de s'engager. Nous sommes convaincues qu'ils pourraient jouer un rôle très important, notamment comme courroie de transmission en cas de dégradation de la situation dans les territoires.
Une autre mesure concerne les entreprises, notamment celles de la BITD. Nous devons aider à constituer une réserve civile industrielle plus conséquente. Nous savons qu'il existe des freins. Lors de nos auditions, plusieurs personnes faisant partie de la défense civile nous indiquaient le faire de manière anonyme, voire cachée, préférant intervenir le week-end ou le soir pour ne pas s'exposer. Un travail spécifique est à faire sur ce point, sachant l'objectif fixé à 3 000 réservistes pour 2030. Il faut que nous puissions travailler main dans la main et encourager la signature de conventions. Les dernières auditions ont été plutôt rassurantes à cet égard, ce qui semble indiquer que les choses évoluent dans le bon sens.
, co-rapporteure. Parmi les mesures fortes, nous estimons crucial de réfléchir à la défense civile, soit un domaine encore mal maîtrisé en France, contrairement à d'autres pays européens. Nous proposons donc la création d'un secrétariat d'État à la défense civile. Ce secrétariat aurait pour mission de planifier et de coordonner les actions de défense civile avec les collectivités, les services de l'État, le monde économique, entrepreneurial et de l'enseignement. L'objectif est de préparer des scénarios de crise majeure à tous les niveaux de la société, tout en laissant la défense militaire se concentrer sur ses missions actuelles. Ce secrétariat diffuserait l'esprit de défense et sensibiliserait aux enjeux de la défense civile.
Il nous avait demandé d'être audacieuses et j'espère, monsieur le président, que nous l'avons été. Nous nous tenons à votre disposition pour vos questions.
Je tenais à souligner tant l'importance que la qualité de votre travail, qui a mobilisé des chercheurs, des historiens et des élus de terrain, pour connecter nos politiques nationales de défense au territoire.
Le ministère des armées a présenté de manière pédagogique les investissements de la loi de programmation militaire (LPM) et démontré ses retombées économiques sur les territoires.
Votre rapport offre une nouvelle impulsion pour mobiliser les territoires en matière de défense. Cela inclut des aspects concrets tels que le logement, la petite enfance, l'emploi du conjoint, l'accompagnement de la BITD ou l'acceptation des nuisances, par exemples liées aux champs de tir.
Il s'agit donc de développer un esprit et une culture de défense, par l'organisation de cérémonies mémorielles, par une aide à la compréhension des enjeux géopolitiques actuels et par un soutien moral à nos armées. Il n'y aura pas de réarmement moral de la nation tout entière sans un réarmement moral depuis les territoires.
Dans un pays comme le nôtre, où beaucoup de choses ont été construites autour d'un État réputé « tout pouvoir faire », il est crucial de rappeler que, face aux menaces qui nous guettent et aux stratégies intégrées de nos compétiteurs, notre sécurité repose aussi sur la mobilisation de chacun, notamment dans les territoires.
Votre travail trouvera une déclinaison concrète avec le projet de loi Résilience des entités critiques qui nous sera présenté d'ici l'été et marquera une nouvelle impulsion, essentielle pour notre sécurité.
Je propose maintenant de donner la parole aux orateurs de groupes.
Au nom du groupe Renaissance, je vous félicite pour la qualité de votre intervention. J'espère que ce travail contribuera à notre réflexion collective et donnera un nouvel élan aux acteurs des territoires dans le domaine de la défense.
Je souhaitais revenir avec vous sur le rôle de nos réservistes, acteurs majeurs de la protection de notre territoire. L'article 7 de la loi de programmation militaire fixe un objectif ambitieux pour les effectifs de volontaires de la réserve opérationnelle militaire ; de 80 000 en 2030, ce nombre a été porté à 105 000 en 2035. Cet objectif inclut également l'outre-mer, avec une cible d'un réserviste pour deux militaires actifs.
Comment valoriser et ancrer la réserve dans les territoires ? Avez-vous des préconisations à formuler en ce sens ? Avez-vous réfléchi à un maillage territorial, à l'image de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, afin d'enraciner la réserve sur l'ensemble du territoire national et permettre une activation plus efficace en cas de crise locale ?
Au nom du groupe Rassemblement national, je tiens à vous remercier pour ces nombreuses semaines de travail qui nous offrent une photographie précise du rôle des territoires dans la défense nationale.
Nous avons pu constater l'étendue des éléments apportés, allant de l'évolution historique du citoyen-soldat à l'implantation de la BITD dans nos territoires, en passant par le déclin du rôle des parlementaires dans la défense nationale.
Je souhaite toutefois m'arrêter sur quelques points, en précisant d'emblée que notre groupe votera en faveur de ce rapport.
En page 52, vous concluez à la nécessité de repenser le concept de défense civile comme composante d'une défense globale. Selon vous, quels leviers seraient à activer pour atteindre cet objectif et quels sont les obstacles persistants à l'instauration d'une défense civile ?
Votre rapport synthétise 69 propositions pertinentes et réfléchies, mais la question demeure de savoir comment assurer leur pérennité et leur concrétisation. Je pense notamment à l'incitation faite aux collectivités locales de recenser les citoyens ayant acquis des compétences utiles à la défense nationale et/ou en cas de crise majeure, ou à l'intégration d'un volet défense aux plans de sauvegarde communaux et intercommunaux.
Enfin, nous avons été surpris qu'il ne soit fait aucune mention des émeutes de l'été dernier. Même si le maintien de l'ordre public relève de la police nationale et de la gendarmerie, il est évident qu'en cas d'aggravation de la situation jusqu'à un climat insurrectionnel, l'armée pourrait être mobilisée sur le territoire national. Avez-vous discuté de ce sujet avec les personnes auditionnées et pourquoi votre rapport omet-il de mentionner cette hypothèse ?
Monsieur le président, chers collègues, mesdames, je tiens à souligner la qualité de votre travail.
Concernant la BITD, vous avez très justement souligné que notre pays avait délaissé la filière des armements de petit calibre, munitions comprises, production que nous nous efforçons aujourd'hui – et tant bien que mal – de relocaliser. Ces difficultés résultent d'un manque de pilotage de la part de l'État, qui a laissé les entreprises de défense privilégier leurs profits plutôt que la souveraineté. Les produits à forte valeur ajoutée, bien qu'intéressants, ne suffisent pas à assurer notre défense. De la même manière sur la question cyber, la BITD s'est développée sur les services, soit des activités à plus grand profit, tout en négligeant les infrastructures qui nécessitent des investissements importants.
Dans cette logique de relocalisation industrielle, nous avons la chance d'avoir un fort passé industriel et donc des friches industrielles. Il serait intéressant de créer un partenariat entre le Gouvernement et les collectivités territoriales, principalement les régions, pour identifier des sites propices à ces relocalisations, en tenant compte de leur localisation, des moyens logistiques et de transport.
Enfin, je suis très sensible à la question de la cybersécurité des collectivités territoriales. La crise en Nouvelle-Calédonie, où nous avons subi une cyberattaque de très grande ampleur, a montré qu'une déstabilisation interne pouvait être exploitée par une puissance étrangère pour des actes d'ingérence. Le niveau de sécurité informatique des collectivités territoriales, notamment les plus petites, n'est pas toujours satisfaisant, ce qui les menace individuellement et menace l'ensemble du système, comme le montre l'exemple calédonien.
Concernant les réservistes, l'objectif d'en augmenter les effectifs est issu des débats sur la LPM. À cet égard, il est crucial de travailler avec les entreprises pour convaincre les employeurs de libérer du temps pour que leurs salariés puissent s'engager civiquement. Concernant les réserves, l'unique proposition du rapport est de créer une interface similaire à l'application Minot@ur utilisée par la gendarmerie nationale pour d'autres formes de réserves.
Nous avons voulu explorer l'impact du retour de la conflictualité internationale sur nos territoires et collectivités locales. En matière de sécurité nationale ou civile, il existe déjà de nombreux dispositifs de maintien de l'ordre et de gestion des aléas climatiques. Cependant, en cas de conflit avec des adversaires étatiques et face aux nouveaux types de menaces, nos territoires sont-ils prêts ? Avons-nous vraiment planifié quelque chose ? Il y a un véritable champ d'exploration à ce niveau.
L'idée est d'impliquer les citoyens dans cette réflexion d'une défense à l'échelle du territoire. Pour ce faire, les plans communaux de sauvegarde seraient à consolider davantage. Il pourrait être décidé d'y inclure la perspective d'un conflit ou la menace d'un adversaire, ce qui demanderait de prévoir et planifier, soit une occasion de les mettre concrètement en œuvre. Cette question de la « défense civile », sur laquelle nous avons centré notre réflexion, est à différencier de celles relevant de la « sécurité nationale », une confusion fréquente dans notre pays.
Concernant notre industrie et la perte de souveraineté, je ne peux que souligner l'importance de reterritorialiser nos industries. L'exemple des petites munitions a très justement été évoqué. Il est crucial d'implanter et de réimplanter les entreprises garantissant notre souveraineté et d'évaluer le niveau des infrastructures de nos territoires je pense particulièrement. Je suggère dans cette optique de faire un état des lieux des entreprises sous statut d'opérateur d'importance vitale (OIV). Il est essentiel de consolider ce type d'entreprises touchant aux fonctions vitales et stratégiques de la France. Il nous faut davantage mettre en avant les fonctions vitales de notre pays, parfois oubliées au nom de la rentabilité économique.
En réponse à M. le député Mathieu, la Direction territoriale de l'industrie et de l'environnement (DTIE) effectue un travail important d'aménagement du territoire et identifie les sites potentiels pour la relocalisation de notre industrie de défense.
Nous avons évoqué les contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) et les plans locaux de redynamisation, qui sont contractualisés entre l'État, les régions et parfois les intercommunalités. Les intercommunalités, compétentes en matière de développement économique, doivent se voir attribuer un rôle dans ce travail. Cela devra se faire de manière concertée, en réunissant tous les acteurs locaux, afin d'éviter des décisions étatiques unilatérales, comme cela a pu être par le passé.
En réponse à M. le député Girard, le volet des émeutes relève davantage de la sécurité nationale que de la défense nationale. En cas d'émeutes majeures néanmoins, nous pouvons nous appuyer sur nos militaires.
Nos propositions visent essentiellement à sensibiliser aux enjeux de la défense, et ce, dès l'école. Nous attendons avec impatience la restitution de la mission sur le cycle de la défense globale de l'Éducation nationale, car nous pensons y retrouver certains des éléments qui ont émergé lors de notre mission, notamment la nécessité d'aborder ces questions dès l'école primaire, au collège et dans les lycées. Les classes de défense méritent d'être encore développées. Un important travail de sensibilisation est à réaliser et c'est tout l'objet de notre mission.
Je vous remercie et vous félicite pour la qualité de votre rapport.
Au 1er janvier 2024, la France comptait près de 35 000 communes qui constituent un relais primordial pour développer l'esprit de défense au sein de la population. Les maires et les élus locaux jouent un rôle fondamental de proximité en cas de crise majeure et dans la planification de l'organisation de la résilience, qui passe par la mobilisation de l'ensemble des forces vives, y compris les forces armées.
Des correspondants défense assurent ce lien au sein des conseils municipaux. L'objectif de résilience est traité, dans le cadre de la stratégie nationale de résilience, dont neuf des soixante-neuf points concernent les collectivités territoriales. Si la France dispose d'un réseau territorial pour son armée via les délégués militaires départementaux (DMD), ce réseau est peu tourné vers le conseil aux collectivités territoriales et le déploiement de cette stratégie.
Au moment de l'exercice Orion, plusieurs militaires m'ont fait part de difficultés dans la mise à disposition de biens communaux. Votre rapport envisage-t-il de modifier le code de la défense afin d'intégrer la réquisition de biens communaux lorsque des exercices militaires le nécessitent ?
Lors de nos fréquentes rencontres avec les élus, nous constations un problème relatif aux conseils et à la formation sur les enjeux de défense globale. Bien qu'il existe un DMD par département, celui-ci est essentiellement tourné vers les préfets. À votre avis, faudrait-il renforcer les liens entre le DMD et les élus plutôt qu'entre le DMD et les préfets ?
Pour ma part, je vous rejoins sur le travail à mener pour renforcer les liens entre l'armée et la nation. Nombreux sont nos concitoyens qui ne rencontrent jamais de militaires au cours de leur vie. En finlande, a contrario, les abris sont intégrés à la vie civile, permettant aux citoyens de s'approprier ces lieux en temps de paix et de ne pas être déstabilisés en temps de crise aigüe.
L'ANSSI, dans son rapport du 27 avril 2024, dresse un panorama des cybermenaces, en identifiant trois principales menaces : les attaquants liés à la Chine, ceux liés à la Russie et l'écosystème cybercriminel global. Il est illusoire de penser que la menace ne concernera pas nos territoires, nos services, nos élus et nos entreprises. Le rapport souligne bien l'augmentation de l'espionnage via les téléphones portables, tant personnels que professionnels, des dirigeants et des équipes de cybersécurité. Malgré cette connaissance, nous restons encore assez légers dans l'utilisation de ces outils. L'ANSSI intervient également au niveau territorial, notamment auprès de nos PME et TPE.
Cette question a-t-elle été évoquée lors de vos déplacements et auditions ? Avez-vous constaté une prise de conscience accrue de ce risque cyber parmi les acteurs locaux, notamment les entreprises et les collectivités locales ? Quelles sont vos recommandations sur le sujet ?
Je remercie les deux rapporteures pour ce rapport passionnant.
Vous avez noté à raison l'envie des Français de s'engager.
En tant qu'élu local de Vannes, je puis vous dire que le troisième régiment d'infanterie de marine joue un rôle essentiel dans l'appropriation de l'esprit de défense et la compréhension de son métier. Cela peut prendre notamment la forme de passations de commandement au cœur de la ville, des cérémonies mémorielles en dehors de leurs murs et des participations au Téléthon. La visibilité de la présence militaire contribue à la confiance des Français envers les armées et leurs soldats, notamment dans leurs missions de sécurisation et de protection, comme on peut le voir aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie.
L'engagement du ministère des armées montre une volonté de rapprochement avec le citoyen, à travers les classes de défense, la réserve citoyenne, la réserve opérationnelle et même le service national universel (SNU). Bien qu'il ne soit pas une formation militaire, le SNU contribue à rapprocher les jeunes de la République et des institutions et à leur donner confiance dans les valeurs républicaines.
Votre rapport fait également état d'initiatives permettant l'engagement des citoyens dans la réserve de sécurité civile : réserve communale, réserve citoyenne, réserve opérationnelle, etc. Le fait que ces engagements émanent de différentes organisations, administrations et ministères, provoque une dispersion du volontariat et aboutit à un manque de cohérence dans le pilotage des réserves.
Vous proposez de repenser une défense civile et je partage pleinement votre position. Pourriez-vous nous éclairer sur les moyens requis, notamment humains et de gouvernance, pour une défense civile opérationnelle et efficace ?
Je souhaiterais revenir sur la défense civile.
Quelles seraient les prérogatives du secrétariat d'État à la défense civile dont vous sollicitez la création ?
Sur le terrain, les situations de la réserve civile varient selon l'appréciation du régiment de rattachement. Souhaitez-vous une architecture plus uniforme et augmenter les interactions opérationnelles sur le territoire ?
Par ailleurs, je souhaitais entendre vos conclusions sur l'engagement des citoyens et des associations en Suède et en Finlande.
Enfin, concernant les champs de tir, mentionnés par le président, afin que les habitants acceptent de telles installations, le ministère doit tenir ses engagements, comme celui de réduire le bruit et de réaliser les travaux promis.
Nous constatons une réelle volonté de développer la réserve. Je voudrais savoir si des mesures spécifiques seront mises en place pour des citoyens qui, bien que situés dans des territoires éloignés, souhaiteraient s'engager dans la réserve marine.
Ma deuxième question concerne la réindustrialisation et le rôle des territoires dans la défense nationale. Je souhaitais avoir plus de détails sur les initiatives qui seront mises en place et connaître le montant des aides de l'État à la réindustrialisation des territoires comprenant une orientation militaire ou de défense.
Je me propose d'abord de répondre à notre collègue Bazin-Malgras sur la difficulté de réquisition des biens communaux. Notre rapport a souligné l'importance de lister les personnes prioritaires en cas de dégradation d'une situation quelconque dans la commune, le département ou la région. Il est tout aussi crucial d'identifier les bâtiments vitaux et les infrastructures à protéger, comme de cadrer la problématique de l'eau et des acheminements. Ce travail est extrêmement important. L'identification des personnes, dans le respect du RGPD, doit être effectuée à l'échelle communale, en commençant par les élus. Les maires, notamment, sont les mieux placés pour accomplir ces nouvelles responsabilités. Leur correspondant défense pourrait aussi se voir confier cette mission complémentaire. Il convient aussi de prévoir des mécanismes de réquisition dans des situations exceptionnelles. Même si le code de la défense actuel ne le prévoit pas, nous devons être en mesure d'enclencher de tels mécanismes. Je rappelle que nous avons su le faire lors de la crise Covid, où des dérogations avaient été accordées par le préfet pour autoriser des réquisitions. Si la volonté est là, les moyens suivront.
Une autre question portait sur le rôle des DMD. Les DMD ont un vrai rôle d'animation à jouer, mais il faut leur en donner les moyens. Nos auditions ont révélé une insuffisance de moyens humains et budgétaires et des réseaux encore trop peu structurés. Pour qu'ils jouent pleinement leur rôle, nous suggérons au ministre de leur en donner les moyens dans l'enveloppe budgétaire de 2025.
, co-rapporteure. Je me propose maintenant d'aborder plusieurs points liés à la redéfinition des enjeux de défense civile, en commençant par la question des financements et des moyens disponibles pour organiser cette défense.
Lors de nos déplacements à l'étranger, notamment en Suède et en Finlande, nous avons souvent posé la question du coût. Il faut savoir que la Suède mobilise deux ministères de la défense : le premier pour la défense militaire et le second pour la défense civile. Les Suédois me répondaient avec malice que leur défense militaire leur coûtait 2 % du PIB, tandis que la défense civile représentait les 98 % restants. Ce message souligne que ces politiques sont de nature interministérielle et concernent la société dans toutes ses dimentions. Pour organiser correctement la résilience de notre société, qu'il s'agisse des collectivités locales, des entreprises ou des citoyens, il faut des moyens nouveaux et consolidés au sein des différents ministères.
L'objectif n'est pas de « remilitariser » notre société, mais de s'assurer qu'en cas de conflit ou de menace, chacun puisse jouer un rôle à son propre niveau. Cela suppose une coordination, une planification et un dialogue entre les ministères, comme nous le faisons pour les scénarios d'aléas climatiques dans nos territoires. C'est une nouvelle manière de concevoir notre défense nationale et il est passionnant d'entendre les perspectives suédoises et finlandaises à ce sujet.
En réponse à ma collègue Mme Le Hénanff, nous avons fortement ressenti la grande dispersion des dispositifs. Les collectivités locales se sentent souvent exclues de la réflexion, car nos politiques de défense sont perçues comme régaliennes. Il redevient essentiel d'affirmer que les initiatives de défense peuvent être décentralisées et que nos territoires peuvent s'emparer de ces sujets. Parmi les différents acteurs, l'Éducation nationale joue un rôle clé. Tout dépend du programme que nous voulons insuffler à l'école en matière de défense. Le fait que l'école s'empare de ces sujets constituera une grande opportunité d'appropriation en lien réel des enjeux de défense.
Au niveau des entreprises, nous avons encore observé des efforts significatifs chez des pays voisins. En Suède, les grandes entreprises réinjectent une partie de leurs profits dans du mécénat pour la défense civile. Nous avons rencontré des associations de citoyens promouvant la défense de leur pays. Ces associations, qu'elles soient syndicales, sportives ou religieuses, contribuent – à mesure de leurs capacités – à l'effort de défense. Le mécénat est pratiqué et les entreprises financent la défense civile, ce qui est crucial pour le sens collectif.
En réponse à Mme Thillaye, concernant le volet cyber, il est essentiel de territorialiser la menace cyber. Nous avons auditionné une CCI et il est clairement apparu que nous progressions rapidement dans ce domaine. Nous proposons que l'ANSSI et Viginum soient consolidées dans les territoires, notamment au niveau régional, pour renforcer les conseils de sécurité ou de défense. Ces acteurs doivent se situer au plus près des citoyens face aux menaces de désinformation.
En réponse sur les réservistes, vous avez mis en exergue une différence notable entre les territoires dotés ou non de bases militaires. En Seine-et-Marne, hormis l'école des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) et Sainte-Assise, nous n'avons pas de base militaire.
Lors de nos auditions, nous avons relevé que les armées étaient souvent présentes dans les forums sur l'emploi et participaient à de nombreux événements liés aux orientations dans les études supérieures. Leur présence démontre leur capacité à offrir des opportunités aux jeunes en recherche d'orientation. Il est donc nécessaire d'améliorer encore la communication et la visibilité de tout ce que les armées peuvent offrir.
, co-rapporteure. On touche là à la question centrale de l'engagement des jeunes dans notre pays. Il se trouve que de nombreuses bases et sites militaires sont situés dans des zones rurales ou périurbaines, où la question des mobilités est cruciale. Bien que les billets soient remboursés, il est nécessaire de réfléchir aux moyens à mettre à disposition pour accompagner les jeunes. Dans les outre-mer, le SMA est perçu comme utile pour passer son permis de conduire de manière pratique. C'est là une mesure importante qu'il faudrait consolider et valoriser dans les parcours des jeunes, notamment en traduisant cet engagement par des crédits universitaires.
L'aide à la mobilité est un enjeu majeur pour permettre à chacun de se déplacer comme il se doit. Dans mon département le Finistère, très pourvu en bases, traverser la rade de Brest reste un défi. Les transports en commun ne desservent pas les petites communes voisines, même dans les zones très militarisées, créant des situations de blocage en raison des zones blanches de transport.
Une réflexion plus approfondie se devra d'intégrer davantage les collectivités locales aux enjeux de défense, ce qui permettra notamment d'affiner les politiques publiques facilitant l'engagement des jeunes.
Les interactions historiques des territoires avec la défense nationale peuvent-elles nourrir notre objectif de revitaliser le rôle des acteurs locaux ? Ceux-ci doivent évoluer dans le contexte d'une défense moderne, faire avec la réduction des installations militaires et l'absence du service militaire national.
Parmi vos nombreuses propositions, quelles sont les trois recommandations susceptibles d'être rapidement intégrées aux collectivités territoriales dans une stratégie de défense nationale ?
Depuis la création des préfets de zone de défense, il y a environ quinze ans, leurs missions et attributions se sont considérablement diversifiées. En plus de la défense non militaire et de la sécurité civile, ils sont désormais responsables du maintien de l'ordre public. Traditionnellement centrés sur la gestion des crises et la planification stratégique au niveau local, ces préfets évoluent désormais vers un rôle de gestionnaire de véritables circonscriptions administratives de sécurité intérieure. Il convient de considérer l'ampleur de leurs zones d'intervention, dans un contexte global de réduction massive des effectifs, notamment entre 2010 et 2020, une situation dénoncée par la Cour des comptes.
Je vous remercie pour ce rapport particulièrement inspirant pour nos circonscriptions.
Je tenais d'abord à souligner à mon tour l'importance des correspondants défense. La réunion des correspondants défense autour des sujets du cyber, que j'ai organisée avec l'aide de la gendarmerie, a été un grand succès. Nous tenons là un vrai sujet.
Outre la question financière, les réserves du territoire souffrent surtout d'un manque de coordination, comme nos collègues Parigi et Blanchet l'avaient souligné dans un rapport lors de la précédente mandature. Le financement des réserves demeure un vrai sujet. Les retours que je reçois du monde militaire et des réservistes indiquent que les jours de réserve sont régulièrement divisés par deux, passant de trente-six à dix-huit, pour disposer de plus de personnel. Le financement reste flou.
Enfin, je voulais vous remercier pour la mise en lumière du Haut comité français pour la résilience nationale, que je ne connaissais pas. Pourriez-vous nous en dire un mot ?
Monsieur le président, chères co-rapporteures, la défense globale n'a justement de sens que dans nos territoires, tant nous sommes profondément attachés à ce pays que nous voulons défendre. Ce rapport est à cet égard extrêmement précieux.
Madame Thomin, vous évoquiez l'importance d'avoir des correspondants défense dans les communes, les départements et les régions. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce projet ?
Par ailleurs, avez-vous effectué une cartographie des déserts militaires ? Dans votre réflexion, avez-vous envisagé de redévelopper des emprises militaires dans ces déserts, sachant que beaucoup ont été cédés et ne sont plus sous le contrôle du ministère des armées ?
Enfin, il y a quelques heures, l'annonce a été faite que la France renonçait à une filière de petites munitions et nouait un partenariat avec FN Herstal. Quelle est votre position sur le sujet ? Pensez-vous acceptable de se satisfaire d'une production stratégique délocalisée à l'étranger ?
Je tiens à féliciter nos deux co-rapporteures pour leur rapport.
Je souhaite revenir sur les DMD. Dans mon département, la Mayenne, nous avons eu plusieurs DMD successifs et très impliqués, qui ne se contentaient pas de leur seule relation avec le préfet du département. Les DMD organisaient des manifestations à destination du grand public pour présenter nos armées à nos concitoyens. Avez-vous réfléchi à des actions spécifiques susceptibles d'être organisées par les DMD dans nos départements ?
Je vous remercie pour vos questions. Je dois malheureusement vous quitter, car je dois assister à un événement à l'Assemblée avec la présidente, le chef d'État-major des armées et la secrétaire d'État. Je propose que M. Jean-Louis Thiériot me remplace pour la fin de l'audition, afin de répondre à vos questions, faire voter la publication du rapport et annoncer l'audition à venir sur les enjeux de la France dans l'Otan.
Je vais répondre sur le HCFRN, les DMD et les correspondants défense.
C'est lors d'une audition, que j'ai découvert le HCFRN, institution souvent méconnue. Il réunit des services de l'État, des opérateurs d'importance vitale, des entreprises et des collectivités locales, offrant ainsi une grande diversité. Son objet est d'aider ses membres à mieux appréhender et implémenter le concept de résilience à différents niveaux. Il dispose à cet effet d'éléments de base de données et de cartographie extrêmement intéressants.
Sur le rôle potentiel de nos DMD et le travail avec les correspondants défense, j'ai la conviction qu'un organisme tel que le HCFRN pourrait participer et distribuer une information utile à tous. En réalité, tout est à construire. Nous procédons au diagnostic et émettons des idées, mais le défi sous-tendant ce rapport est de susciter l'intérêt de notre ministre et de donner l'envie de construire une défense globale.
Ma question sur la délocalisation des petites munitions était inopportune. Après vérification, il s'agit d'acquérir des munitions auprès de FN Herstal et de développer en contrepartie une chaîne d'assemblage sur le territoire national. Dès lors, je me félicite de ce partenariat industriel.
C'était le niveau d'information qui était le mien et la réponse que je souhaitais vous apporter.
Concernant les préfets de zone de défense, lors de deux auditions en particulier, nous avons pu mesurer l'étendue du travail qu'ils effectuaient avec l'ensemble des acteurs locaux dans les territoires.
Sur le rapport entre la jeunesse et l'armée, sachant que 40 % de nos médaillés olympiques sont issus du monde militaire, je suis convaincue que le sport militaire de haut niveau peut être un vecteur de sensibilisation à la culture de la défense de nos forces armées.
, co-rapporteure. Toujours sur les préfets de zone de défense, nous préconisons une meilleure cohérence de nos administrations. Nous souhaitons une meilleure articulation entre la carte militaire et la carte administrative de nos collectivités locales. Par exemple, mon préfet de zone de défense est basé à Rennes, soit à plus de deux heures trente de route de chez moi. Il n'est donc pas un interlocuteur quotidien. Il est crucial de réfléchir à cette question d'une meilleure cohérence des dispositifs pour vraiment rapprocher les enjeux militaires de nos collectivités.
En ce qui concerne l'organisation de notre défense à l'échelle territoriale, notamment le rôle des départements et des régions, il nous semble pertinent de développer les enjeux de défense au niveau départemental. Les départements sont des acteurs majeurs pour la résilience de nos territoires et la coordination avec les préfets. Ils protègent déjà plusieurs fonctions vitales, notamment à travers les SDIS, la gestion des routes et des ports. En matière de défense, ils gèrent des infrastructures essentielles pour anticiper les risques et les conflits.
Certains présidents de région collaborent avec les acteurs économiques pour développer des filières dans l'industrie de défense. Ces programmes, en lien avec la recherche, sont essentiels à l'échelle régionale. Par leur compétence en aménagement du territoire, les régions sont au cœur de notre volonté d'harmoniser la défense sur l'ensemble du territoire national. Elles jouent également un rôle important dans la gestion des infrastructures stratégiques. Par exemple, dans le cadre de la réforme du Zan, il revient aux régions d'identifier les sites d'importance nationale, y compris les sites militaires.
J'en viens à la question du DMD, soulevée par notre collègue M. Favennec. Lorsque nous avons tenté de comprendre leur rôle, une forme de déception s'est emparée de nous. Le fonctionnement n'est pas toujours optimal selon les DMD. Dans le Finistère par exemple, que nous avons eu l'occasion de l'auditionner, le DMD a la chance d'officier dans un territoire très animé en matière de politique de défense. Il a donc matière à travailler, mais pour harmoniser le territoire national, une réflexion approfondie est nécessaire. Peut-être devrions-nous nous inspirer de nos amis suédois, qui distribuent à la population un livret de résilience reprenant tous les éléments essentiels à une population pour faire face aux situations de conflit ou de difficulté majeure, comme la constitution de stocks dans les foyers ? Les DMD peuvent également piloter tous les conseils à donner à la population.
Pour conclure, je voulais partager avec vous l'un des conseils que les Suédois ont inclus dans leur livret et que j'ai trouvé fascinant. La recommandation était encadrée en rouge : « En cas d'invasion de notre pays, ne vous rendez pas à l'ennemi et résistez ». J'ai trouvé cela magnifique.
En d'autres termes, celui qui vous suggère de rendre les armes vous ment. C'est très révélateur de l'état d'esprit des suédois
Mes chers collègues, je vous remercie pour ce rapport des plus stimulants. Conformément à l'usage, nous devons soumettre à votre accord la publication de ce rapport.
En l'absence de votes contre et d'abstentions, la commission autorise à l'unanimité la publication du rapport « Défense et territoires : un lien à réinventer ».
Merci aux rapporteurs pour leur présentation et à l'administratrice qui vous assistait pour son travail.
La séance est levée à onze heures deux.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Denis Bernaert, M. Hubert Brigand, Mme Caroline Colombier, Mme Christelle D'Intorni, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Olivier Dussopt, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Thomas Gassilloud, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Pierre Henriet, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Marietta Karamanli, M. Loïc Kervran, Mme Anne Le Hénanff, Mme Gisèle Lelouis, Mme Patricia Lemoine, Mme Jacqueline Maquet, M. Frédéric Mathieu, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Christophe Naegelen, Mme Josy Poueyto, M. Julien Rancoule, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Nathalie Serre, M. Philippe Sorez, M. Bruno Studer, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, Mme Mélanie Thomin
Excusés. – M. Julien Bayou, M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Blanchet, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Anne Genetet, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Murielle Lepvraud, M. Olivier Marleix, Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes), Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo