Au cours de la première guerre mondiale, la mobilisation des entreprises au service de l'effort de guerre a généralisé leur implication pour subvenir aux besoins militaires de l'État français. Cette participation, qui remontait au XIVe siècle, avait été poussée à son paroxysme après la Révolution industrielle. Dès lors, la guerre avait acquis un caractère total. Pour l'emporter, il fallait être capable de financer et d'organiser à long terme une production efficace d'armes et de biens essentiels à la survie de la nation et à la conduite de la guerre.
Les industries prioritaires – sidérurgie, chimie, armement et automobile – ont monopolisé la quasi-totalité des moyens disponibles. La conversion des complexes industriels occidentaux avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale, ainsi que la place donnée à la puissance publique dans l'orientation de l'effort industriel, a préfiguré la situation économique des Trente Glorieuses, marquées par la domination de l'industrie occidentale et l'avènement de l'État-providence.
L'engagement des pouvoirs publics locaux dans la territorialisation de la défense est historique. Tel est le sens de la création de la garde nationale lors de la Révolution française, héritière des milices de citoyens formés dans chaque commune. Bien que les collectivités territoriales n'aient pas de compétences directes en matière de défense, elles sont en mesure de jouer un rôle de facilitatrices de la mise en œuvre de la politique de défense. C'est dans cet esprit qu'a été créée, en 2001, la fonction de « correspondant défense » au sein des communes.
Il reste qu'une distanciation progressive du lien entre défense et territoire s'observe depuis la fin du XXe siècle, principalement en raison de la rupture géopolitique des années 1990 qui a définitivement bousculé le modèle de défense français.
La présence physique des armées sur le territoire national s'est amoindrie suite à la fermeture de nombreuses emprises militaires, réduisant le maillage dont bénéficiaient les armées, et la suppression de plus de 500 000 emplois entre 1962 et 1996. Suite au plan « Armée 2000 » de 1990, la professionnalisation complète des armées a entraîné la suppression de 150 000 postes entre 1997 et 2000. Le ministère a procédé à une rationalisation de ses implantations géographiques autour de points nodaux, les bases de défense, permettant une réduction des coûts et une amélioration du soutien pour une projection rapide des forces.
En conclusion, la convergence entre préoccupations civiles et militaires a connu un ralentissement du fait de la suspension du service militaire et de l'absence de solutions alternatives pour les jeunes générations, participant à la disparition progressive des armées dans le paysage français.
Ce n'est pas tant la professionnalisation des armées que la période de paix dont nous sommes issus qui expliquent le délitement du lien armée-nation, le recul de l'esprit de défense et la fracture de la cohésion nationale. Cette période de tranquillité nous a portées à moins nous préoccuper de notre sécurité physique et des impératifs qu'elle implique.