La France n'est pas le seul État à s'intéresser à sa défense territoriale. De nombreux pays européens sont organisés autour de modèles de défense fortement territorialisés et cette architecture précise gagne en importance avec le conflit ukrainien. Dans le cadre de notre mission d'information, nous avons visité la Finlande, la Suède et la Suisse pour observer les systèmes s'en prévalant.
L'armée suisse, organisée selon le système de milices, repose sur la participation bénévole et extraprofessionnelle des citoyens. Le système de milices suisses a été formalisé dans la Constitution de 1798 et réaffirmé en 1999. Ce principe, profondément ancré dans sa culture et consubstantiel à celui de démocratie directe, privilégie une armée de citoyens plutôt qu'une armée permanente.
Actuellement, l'armée suisse comprend 3 500 militaires de carrière, 6 500 civils et 136 000 miliciens. Les hommes aptes sont convoqués à 16 ans pour le service militaire, suivent une formation initiale de dix-huit semaines et participent, pendant les neuf ans qui suivent, à des exercices réguliers pour rester opérationnels.
La Finlande peut aussi se prévaloir d'une défense territoriale très forte, composée de 20 000 conscrits et de 900 000 réservistes. Grâce au maintien du service militaire obligatoire pour les hommes, le service militaire n'a jamais été interrompu. D'ici 2026, la Finlande augmentera son budget de défense de 40 % pour acquérir de nouveaux équipements. Ce modèle de défense totale associe les civils et le secteur privé de manière très étroite et permet de mobiliser 280 000 soldats en trois jours. La défense finlandaise repose sur la protection du territoire national contre la menace russe, une nécessité évidente compte tenu de sa frontière commune de plus de 1 340 kilomètres avec la Russie.
La défense suédoise s'appuie quant à elle sur une stratégie de défense totale revitalisée et intégrant tous les niveaux de la société. Cette approche a été réactivée suite à la détérioration de l'environnement sécuritaire en Baltique, notamment l'annexion de la Crimée en 2014. La Suède a remilitarisé l'île de Gotland et rétabli le service militaire partiel dès 2017. Dès son adhésion à l'Otan en 2024, la Suède renforcera ses capacités militaires et augmentera son budget de la défense à 2 % du PIB d'ici 2026. La composante militaire inclut des forces armées, soit 14 700 personnels actifs et un objectif affiché de 100 000 personnes d'ici 2030. La composante civile vise à protéger les infrastructures critiques et à assurer la résilience en cas de conflit, ce qui est évidemment crucial. La Suède a ainsi créé des régions de défense civile et dispose d'ores et déjà d'abris antiaériens pour 7 millions de personnes. Avec une population d'environ 8,6 millions de personnes, autant dire qu'ils sont bien préparés. La coopération avec les secteurs privés et publics est renforcée pour garantir la préparation aux crises, soutenue par la nouvelle loi sur la Banque de Suède visant à assurer les paiements en cas de crise.
Ces modèles étrangers sont difficilement transposables en France, car notre organisation territoriale reste très différente de la leur. En s'en inspirant néanmoins, la défense civile de notre pays pourrait être renforcée et venir en appui de la défense militaire.
En France, la défense civile s'articule traditionnellement autour de trois piliers : la sécurité publique, la sécurité civile et la défense économique. La sécurité publique concerne le maintien de l'ordre et la lutte contre la criminalité, impliquant la police en zones urbaines et la gendarmerie en zones rurales et périurbaines.
La sécurité civile englobe la prévention et l'intervention contre les risques naturels, sanitaires, technologiques et bâtimentaires. Les services d'incendie et de secours sont au cœur de ces actions, soutenues par divers plans de secours comme le plan Orsec et le plan de secours à nombreuses victimes. Les services de l'État sont également impliqués, par l'entremise de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), de l'Agence régionale de santé (ARS) et des associations de sécurité civile. Enfin, la défense économique vise à assurer la continuité des fonctions économiques essentielles – énergie, télécommunication, alimentation, transport – et à promouvoir l'intelligence économique pour renforcer la compétitivité des entreprises et des territoires.
Cette définition de la défense civile à la française est désormais perfectible. Il conviendrait en effet de repenser le concept de défense civile comme la composante d'une défense totale, à l'image du modèle suédois.