Je poursuis sur la nécessité d'un réveil stratégique. Une première prise de conscience avait eu lieu en France, et plus largement en Europe, après les attentats terroristes de 2015, qui nous avaient rappelé que notre sol national et notre population civile pouvaient être ciblés par des menaces provenant d'adversaires non étatiques et difficilement identifiables. En 2020, un second réveil stratégique s'était produit avec la pandémie de Covid-19, qui avait mis fin à l'illusion d'une invincibilité territoriale.
La crise sanitaire a notamment été surmontée grâce au pragmatisme et à l'intelligence des acteurs de terrain, notamment des maires, qui ont su édifier des mécanismes de résilience tout en composant avec des ressources limitées.
Dans cette phase de réveil stratégique, l'invasion massive de l'Ukraine par l'armée russe, le 24 février 2022, a évidemment marqué une rupture centrale.
Ce conflit met en lumière l'enjeu de la défense territoriale en Europe. La mobilisation de la société ukrainienne et sa capacité à résister ont surpris les observateurs, mais le conflit a également révélé la vulnérabilité de certaines infrastructures, notamment énergétiques, pourtant essentielles à la souveraineté nationale.
Bien que la dissuasion nucléaire demeure un outil crédible pour protéger nos intérêts vitaux, la France ne peut plus ignorer le risque de voir son territoire visé par plusieurs formes de guerres insidieuses telles que le terrorisme, les cybermenaces et autres menaces désinformationnelles. C'est précisément ce type de menaces, hybrides par nature, qui est à craindre dans l'immédiat. Leur mode opératoire consiste à viser diverses infrastructures vitales et opérateurs de services essentiels, tout en se maintenant en dessous du seuil de conflictualité.
Si les militaires jouent un rôle salutaire et de premier plan dans la planification et la conduite des opérations de défense du territoire, ceux-ci ne sauraient se voir attribuer l'exclusivité de la responsabilité. C'est précisément cela que nous avons fait émerger dans notre rapport.
Les élus communaux, départementaux, régionaux et nationaux, du fait de leur ancrage local et leur connaissance du paysage citoyen et économique, pourraient – et demandent – à s'engager davantage dans cet objectif commun. Ils contribuent ainsi à conforter les forces morales de la nation et à planifier notre capacité collective à résister aux évidentes menaces qui nous entourent. Les élus locaux pourraient ainsi mettre fin au désintérêt du peuple pour ses forces armées, en jouant un rôle fort de connexion entre les élus, le monde militaire et le citoyen.
Enfin, ma collègue et moi-même sommes persuadés que les entreprises de la BITD, à travers leur maillage territorial, ainsi que de nombreux acteurs économiques, ont un rôle important à jouer en matière de défense.