Dans le cadre de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M Johnny Hajjar, les crédits de la mission « Outre-mer ».
C'est pour moi un honneur, en tant que nouveau parlementaire de la troisième circonscription de Martinique, de rapporter le budget de la mission Outre-mer. Si celle-ci ne représente que 12 % de l'effort budgétaire consacré par l'État aux Outre-mer, elle n'en reflète pas moins des enjeux majeurs de politique publique dans ses programmes Emploi Outre-mer et Conditions de vie Outre-mer.
Ce budget est présenté dans un contexte se caractérisant, dans un grand nombre de territoires ultramarins, par un ensemble de crises dans les domaines économique, social, environnemental et sanitaire – les suites de la pandémie de covid se font encore sentir –, sans oublier l'explosion du problème de la vie chère.
Pour l'année 2023, les moyens de la mission, à périmètre constant, s'élèvent à 2,93 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,75 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente une hausse de 298 millions d'euros en AE et de 285 millions d'euros en CP par rapport à 2022.
Toutefois, il convient de relativiser cette hausse, qui provient pour les deux tiers de l'accroissement prévisionnel et mécanique des compensations d'exonérations de cotisations sociales, à raison de 203 millions d'euros supplémentaires en AE et en CP, après une baisse observée les années précédentes. Dans la mesure où le dispositif d'allégement de charges destiné à l'Outre-mer n'a pas évolué, la hausse budgétaire est fondée sur les projections des administrations de sécurité sociale. Elle ne traduit pas une volonté politique d'intensifier l'accompagnement des entreprises ultramarines.
Les autres crédits en augmentation concernent le montant alloué au service militaire adapté (SMA), le renforcement du soutien budgétaire de l'État à certaines collectivités territoriales, ou encore le financement de l'Agence française de développement (AFD).
Plusieurs motifs d'insatisfaction à l'égard des choix politiques que traduit le budget de la mission expliquent l'avis défavorable que j'émettrai.
Je déplore en effet que certains crédits budgétés, comme ceux du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), proviennent en grande partie de la hausse de l'impôt sur le revenu payé par les ménages des départements d'Outre-mer (DOM) consécutive à la réforme de l'abattement spécifique qui a frappé ces territoires. J'aurais préféré que ces crédits supplémentaires proviennent de dotations ne pesant pas sur le pouvoir d'achat des populations.
Le recours à un financement local dans les quatre DOM historiques pour financer les investissements de l'État dans tout l'Outre-mer est d'autant plus paradoxal que ces derniers y sont nettement plus faibles que dans l'Hexagone, en dépit des retards considérables observés en matière d'équipements et d'infrastructures de base.
Alors que les collectivités territoriales sont garantes de la cohésion sociale et du développement endogène, je regrette également que s'ajoute au sous-financement structurel des collectivités ultramarines, démontrées par le rapport Patient-Cazeneuve de 2019, un sous-financement conjoncturel, qui d'ailleurs s'aggrave. Les communes de ces quatre départements – Martinique, Guadeloupe, Guyane et La Réunion –, qui comptent 2 millions d'habitants, souffrent d'un déficit aggravé de financement depuis la baisse des dotations. En effet, l'État a prélevé près de 1 milliard d'euros sur leur budget de fonctionnement à travers la contribution au redressement des finances publiques (CRFP), sans que ce prélèvement soit entièrement compensé par la hausse de la péréquation nationale. Ainsi, l'État laisse supporter à ces collectivités un déficit cumulé s'élevant à près de 400 millions d'euros en 2022. Les conséquences en sont l'allongement des délais de paiement et la ruine des capacités d'investissement et d'intervention auprès des populations. Cette situation explique la crise sociale aux Antilles. Pour mémoire, l'État avait veillé à compenser à 100 % la perte des dotations des communes défavorisées de l'Hexagone afin d'éviter les désastres budgétaires et sociaux que l'on constate dans les DOM. Je regrette le traitement inéquitable et discriminatoire que subissent les populations des territoires ultramarins par rapport à celles de l'Hexagone.
Je constate, par ailleurs, que les priorités politiques du budget des Outre-mer consistent à gérer la crise en bout de chaîne, par le renforcement du SMA, les contrats de redressement en Outre-mer (Corom) et l'ingénierie de l'AFD, quand il faudrait un traitement équitable en amont, pour éviter l'échec scolaire qui mène au SMA, le déficit qui mène aux Corom et l'incapacité des collectivités à recruter des cadres qualifiés qui mène au recours à l'ingénierie financée par l'AFD.
Pour faire le lien avec la partie thématique de mon rapport, consacrée à la vie chère, je regrette que certaines actions pourtant essentielles pour compenser les contraintes structurelles auxquelles sont confrontés les Outre-mer – l'éloignement, l'insularité ou encore l'exiguïté des territoires – n'aient pas vu leurs moyens renforcés. C'est notamment le cas des actions en faveur de la continuité territoriale, du logement ou encore de l'aide au fret.
J'en arrive à la partie thématique du rapport. La vie chère est un phénomène ancien, dont les racines sont à chercher dans l'histoire. Le problème est structurel, mais des déterminants conjoncturels s'y ajoutent, dont les conséquences sur le plan humain sont dramatiques.
La vie chère dans les Outre-mer résulte d'un modèle de mal-développement économique inhérent au passé colonial et qui s'explique par la conjonction de plusieurs phénomènes. Premièrement, les prix y sont structurellement plus élevés que dans l'Hexagone. Deuxièmement, le niveau de vie et les revenus y sont significativement moins élevés. Troisièmement, le sous-financement des collectivités territoriales est structurel. Celles-ci sont pourtant garantes de la cohésion sociale. Cet état de fait empêche le développement de l'ingénierie locale, affaiblit les investissements endogènes, voire les ruine, et impose une fiscalité locale élevée pour assurer les services publics, au détriment du pouvoir d'achat des ménages et de l'épanouissement des populations. Quatrièmement, le traitement que réserve l'État aux territoires ultramarins est inéquitable et injuste en comparaison avec l'Hexagone.
Historiquement, les territoires ultramarins entretenaient avec la métropole une relation asymétrique et coloniale de type centre-périphérie, avec des échanges privilégiés structurant un ordre économique non concurrentiel, ce qui a transformé leurs économies en marchés captifs et non compétitifs. Ce modèle de mal-développement économique a perduré malgré les évolutions institutionnelles et statutaires : la production locale est faible, non diversifiée, et ces territoires dépendent à plus de 80 % des importations.
Selon la dernière enquête exhaustive menée en 2015 par l'Insee sur les prix dans les Outre-mer, le niveau général y était de 7 % à 12,5 % plus élevé qu'en France hexagonale, avec des écarts de prix particulièrement criants pour les produits alimentaires : 28 % de plus à La Réunion et jusqu'à 38 % à la Martinique.
Plusieurs facteurs structurels expliquent ces écarts de prix majeurs. L'insularité et l'éloignement géographique par rapport à l'Hexagone induisent des coûts d'infrastructure, notamment pour les télécommunications, mais aussi des coûts d'approche, de transport et de stockage très importants. Les coûts d'approche et de transport comprennent notamment le fret maritime ou aérien. Je présenterai un amendement à ce propos.
Ces coûts sont renchéris par la présence de nombreux intermédiaires tout au long de la chaîne d'approvisionnement. En outre, l'étroitesse structurelle des marchés intérieurs conduit à une grande faiblesse concurrentielle, l'activité étant concentrée autour d'un petit nombre d'acteurs : c'est la configuration oligopolistique qui domine. C'est le cas, par exemple, dans le transport maritime, avec la CMA-CGM, sachant que Maersk se retirera bientôt des Antilles. Dans le commerce à prédominance alimentaire, ce sont les groupes GBH, Sodifram et Somaco qui dominent à Mayotte ; à La Réunion, les groupes GBH et Leclerc forment un duopole.
L'Autorité de la concurrence note que l'intégration verticale, c'est-à-dire la présence d'un même acteur aux différents niveaux de la chaîne, joue également sur la concurrence, et que l'accumulation des marges par les acteurs tout au long de la chaîne de production et de distribution des produits de grande consommation explique les écarts de prix par rapport à l'Hexagone.
La fiscalité doit aussi être prise en compte dans la formation des prix. L'octroi de mer renchérit le prix – quoique de manière raisonnable –, de même que la TVA, du reste appliquée de manière discriminatoire dans les DOM, car elle n'existe qu'à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe. La situation est d'ailleurs ubuesque, puisque l'octroi de mer est inclus de manière illégale dans l'assiette de calcul de la TVA.
Aux écarts de prix structurellement plus élevés s'ajoute la hausse conjoncturelle due au renchérissement du coût des transports et des intrants, notamment, en lien avec les crises mondiales – je pense à la guerre en Ukraine.
Les revenus, quant à eux, sont structurellement inférieurs dans les Outre-mer en raison des taux de pauvreté, de chômage et de précarité et de l'accroissement des inégalités. En 2018, le niveau de vie médian était de 11 000 euros annuels environ en Guyane et de 3 000 euros à Mayotte. Dans les trois autres départements d'Outre-mer, il se situait entre 15 500 euros et 17 000 euros. À titre de comparaison, la même année, il était de 23 860 euros en Île-de-France.
Le taux de pauvreté serait passé de 44 % à 53 % en Guyane, où le salaire moyen est compris entre 700 et 800 euros mensuels. Le niveau de vie dans la plupart des DOM est d'autant plus faible que les ménages de la classe moyenne ont souffert de la réforme de l'abattement fiscal sur l'impôt sur le revenu en 2018 : la disposition a touché 50 % des ménages assujettis et provoqué une perte du pouvoir d'achat directe – et disproportionnée – de plus de 70 millions d'euros.
De plus, du fait de la diminution de l'abattement, l'évolution de l'impôt sur le revenu est cinq fois plus élevée dans les DOM que dans l'Hexagone. Pourtant, on est en droit d'estimer que l'abattement est légitime étant donné que les Ultramarins ne bénéficient pas de services publics du même niveau que dans l'Hexagone et qu'ils supportent de nombreux surcoûts.
Les Outre-mer ne bénéficient pas non plus de dotations de continuité territoriale équitables : l'enveloppe est de 45 millions d'euros pour 2,7 millions d'habitants, contre 190 millions d'euros pour la Corse, peuplée d'environ 330 000 habitants et située à seulement 20 kilomètres des côtes françaises.
Enfin, à contre-courant de sa politique appauvrissant les classes moyennes des DOM, l'État a offert aux plus grandes fortunes un cadeau fiscal sans précédent : il s'est privé de 4 milliards d'euros de recettes en supprimant l'impôt sur la fortune.
Le sous-financement des collectivités locales d'Outre-mer par rapport à celles de l'Hexagone est lui aussi structurel. En 2019, il était estimé à près de 200 millions d'euros, et compensé seulement à hauteur de 50 millions d'euros environ par des dotations de péréquation. Le sous-financement s'est encore aggravé dans les quatre DOM historiques, car les collectivités sont soumises depuis 2014 à la contribution au redressement des finances publiques. L'État a ainsi prélevé au total 869 millions d'euros sur le budget de ces communes. En tenant compte de la compensation par la péréquation et des 30 millions d'euros – échelonnés sur trois ans – versés dans le cadre des Corom, le déficit net s'élève à près de 400 millions d'euros en 2022. Les communes sont sinistrées sur le plan financier, avec pour conséquence, notamment, l'allongement des délais de paiement pour les entreprises. La Cour des comptes a dénoncé en 2017 ce traitement inéquitable des DOM, et le Président de la République lui-même l'a reconnu.
Ce traitement se traduit également par le fait que plusieurs dispositifs soutenant l'économie et le pouvoir d'achat des ménages ultramarins ont déjà été ponctionnés ou sont menacés de disparition afin de réduire le déficit de l'État. La TVA non perçue récupérable des entreprises a été supprimée en 2018, ce qui a provoqué la perte de 100 millions d'euros. L'allégement de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants – mécanisme qui concerne donc les très petites entreprises – a été diminué de 40 millions d'euros à partir de 2018, avec pour objectif final de gagner 400 millions d'euros. La réforme de l'abattement sur l'impôt sur le revenu a fait économiser 70 millions d'euros à l'État. Le coût de la défiscalisation est passé de 1 milliard d'euros en 2011 à moins de 500 millions en 2022. À cela s'ajoute la menace d'une suppression de l'octroi de mer et de son remplacement par une TVA à 19,6 %.
Quelles solutions à court, moyen et long terme peut-on envisager pour lutter contre la vie chère ? Il importe d'avoir une vision globale, pragmatique et prenant en compte les réalités locales.
Des mesures d'urgence sont indispensables, avec pour objectif de sanctuariser le pouvoir d'achat des populations. La pertinence du bouclier qualité-prix doit être améliorée.
Il faut également proposer, pour le fret maritime, une tarification ad valorem, c'est-à-dire une taxe proportionnelle à la valeur du bien transporté. Il convient d'accroître l'aide au fret ainsi que l'enveloppe consacrée à la continuité territoriale, dans un souci d'équité.
Les moyens des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) doivent être renforcés, pour une plus grande transparence des prix, des marges et des revenus de l'ensemble des acteurs de la chaîne d'approvisionnement.
Les différents niveaux de fiscalité doivent être aménagés pour agir directement sur les prix, les charges des entreprises et le pouvoir d'achat des ménages, avec pour objectifs de faire baisser globalement le coût de la vie, de créer de l'activité et de la richesse et d'accompagner les populations vers le mieux-vivre. Il faut une TVA à zéro pour cent en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, comme en Guyane et à Mayotte. Il importe de rétablir les abattements de 30 % et de 40 % sur l'impôt sur le revenu. Un dispositif zéro charge pendant cinq ans pourrait être mis en place pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises, qui représentent l'essentiel du tissu économique de ces territoires. L'objectif est de ne pas voir diminuer davantage le pouvoir d'achat et de ne pas plomber les entreprises.
Il faut résorber le sous-financement des collectivités territoriales et maintenir les dépenses fiscales de l'État afin d'accroître les marges d'intervention des pouvoirs publics locaux. Il importe de compenser par une péréquation nationale les 150 millions d'euros manquants, à l'instar du 1,5 milliard d'euros fourni en 2021 par l'État à Marseille. Une intervention équitable de l'État s'impose dans les DOM, au-delà des plans d'urgence de Guyane et de Mayotte, pour éviter que ne s'aggrave progressivement la crise sociale.
Sous l'action 06, Collectivités territoriales, il faut créer un fonds d'urgence pour le fonctionnement des communes d'Outre-mer, alimenté par les crédits non consommés et annulés de la mission Outre-mer, lesquels sont estimés à près de 80 millions d'euros par an. Les communes d'Outre-mer pourraient aussi bénéficier des crédits du plan de relance : seuls 1,5 % des 100 milliards d'euros sont prévus pour l'Outre-mer, qui représente pourtant 4,3 % de la population nationale.
Il convient d'exempter les Outre-mer de la nouvelle contribution au redressement des finances publiques prévue à partir de 2023, quelle qu'en soit la forme, et de maintenir les dépenses fiscales de l'État, voire d'en rétablir certaines.
L'intensité concurrentielle doit être accrue dans l'ensemble des secteurs économiques ultramarins. Il faut garantir le désenclavement numérique à moindre coût et la continuité territoriale digitale pour les territoires ultramarins.
L'augmentation de la capacité de production locale permettra de se diriger vers l'autonomie alimentaire. Cela suppose d'accompagner la diversification – j'ai déposé un amendement à cette fin – et la structuration de filières de production locales. Il faut développer les échanges économiques et commerciaux avec les bassins régionaux voisins.
Tous les acteurs doivent converger autour de l'appel de Fort-de-France pour libérer l'initiative. Il s'agit de changer de paradigme, de résoudre concrètement les problèmes structurels par la création endogène d'outils, de moyens, de compétences et de pouvoirs locaux, pour œuvrer au développement économique et à l'épanouissement des populations.
Enfin, pour approfondir la démarche eu égard à ces enjeux essentiels, je propose de créer une commission d'enquête parlementaire sur la vie chère dans les Outre-mer. Les DOM et les collectivités d'Outre-mer (COM) constituent une richesse qu'il faut développer.
Les crédits de la mission, qui représentent près de 12 % de l'effort budgétaire de l'État en faveur de l'Outre-mer, sont en hausse. Ainsi, les moyens de la mission, à périmètre constant, s'élèvent à 2,93 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,757 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 11,3 % pour les AE et de 11,5 % pour les CP par rapport à 2022.
Cette hausse s'explique surtout par des compensations d'exonérations de cotisations sociales, après la baisse observée les années précédentes. Ainsi, ce budget vise à défendre la compétitivité des entreprises, qui passe d'abord par des dispositifs adaptés de réduction des cotisations sociales patronales afférentes aux salaires et aux revenus tirés de l'activité indépendante. La baisse du coût de la main-d'œuvre qui en résulte permet de soutenir l'emploi dans les secteurs économiques stratégiques dans les Outre-mer, tels que l'industrie, l'environnement, le tourisme, l'agriculture, ainsi que le numérique, la communication et la recherche et développement.
La hausse s'explique également par le montant alloué au service militaire adapté : 28 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement et 35 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à la LFI de 2022. Le service militaire adapté est un dispositif militaire d'insertion socioprofessionnelle destiné aux jeunes – volontaires – les plus éloignés de l'emploi au sein des Outre-mer français. C'est un outil majeur de l'action en faveur des jeunes.
Par ailleurs, le soutien budgétaire de l'État aux collectivités est renforcé, avec 34 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement et 50 millions en crédits de paiement. Il comporte notamment des aides spécifiques apportées à certains territoires, comme l'aide à la collectivité territoriale de Guyane, dans le cadre de l'accord signé le 27 septembre 2021, et l'aide financière au syndicat mixte de la gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG), prioritairement pour l'investissement et l'assistance technique, et sous réserve du respect d'engagements de performance.
Enfin, le financement de l'Agence française de développement connaît une augmentation notable, avec 18 millions d'euros en autorisations d'engagement. Au moyen de prêts qu'elle octroie au profit du secteur public, mais aussi par son rôle d'appui technique et d'accompagnement, l'AFD favorise le financement des projets d'investissement et de réalisation d'infrastructures et d'équipements publics, notamment dans les domaines de l'adduction d'eau potable, de l'assainissement, de la gestion des déchets, ainsi que de la cohésion sociale et de l'aménagement urbain.
Le groupe Renaissance se félicite de l'ensemble de ces évolutions et de la hausse générale du budget de l'Outre-mer, qui traduit l'ambition du ministère de répondre aux préoccupations légitimes des Ultramarins. Le dispositif sera complété par de nouvelles mesures en faveur des Outre-mer, qui seront annoncées à l'issue d'un conseil interministériel des Outre-mer, prévu début 2023.
La hausse de 203 millions d'euros repose essentiellement sur un mécanisme qui existe déjà et n'a pas évolué. Elle est fondée sur les évaluations de la sécurité sociale. Elle n'est en aucun cas liée à une volonté politique majeure de l'État de remédier à la crise et au contexte social dramatiques que connaissent les Outre-mer.
L'augmentation des crédits de paiement alloués à la mission relève, comme beaucoup de ce que fait le Gouvernement, du coup de communication. Elle est en effet en trompe-l'œil : elle résulte pour l'essentiel – 203 millions d'euros – d'un phénomène de hausse des compensations d'exonérations patronales, sans que le régime soit modifié. Pour le reste, 35 millions supplémentaires seront consacrés à l'augmentation du service militaire adapté, créé en son temps par Michel Debré, et dont le RN souhaite l'extension à la métropole. Cette hausse servira à la constitution de deux nouvelles compagnies.
La lutte contre le changement climatique dans le Pacifique se voit doter de 5 millions supplémentaires, 4 millions sont affectés à la construction d'abris anticycloniques en Polynésie française et 20 millions aux chantiers structurants de Guyane, alors même que cette collectivité est assise sur un tas d'or et des nappes d'hydrocarbures – nos compatriotes guyanais ne comprennent pas pourquoi le Gouvernement ne se donne pas les moyens de les exploiter. Les prévisions, en matière d'extraction aurifère, font état de 85 tonnes d'or par an, de quoi faire aisément vivre cette collectivité.
Le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement en Guadeloupe est doté de 10 millions, auquel ne manquera plus qu'un environnement : 490 millions pour faire en sorte qu'au XXIème siècle l'un des départements de la septième puissance mondiale ait accès à l'eau courante avant les quatre années – au mieux – annoncées par le syndicat en question. Il serait temps que le Gouvernement prenne ses responsabilités en la matière, particulièrement à la suite de la tempête Fiona, qui a privé d'eau 60 % de nos compatriotes de Guadeloupe.
En ce qui concerne la lutte contre les algues sargasses, 3,5 millions sont prévus. M. Carenco s'enorgueillit de l'action du Gouvernement dans ce domaine. Ce n'est pas l'avis de nos compatriotes de Martinique et de Guadeloupe qui, lassés d'un deux poids, deux mesures qui leur donne le sentiment d'être traités comme des citoyens de seconde zone, ont en mémoire la création d'une mission interministérielle qui débloqua 300 millions en 2007 pour le traitement des algues vertes en Bretagne.
Le groupe Rassemblement national ne peut que déplorer l'absence de vision en faveur des Outre-mer, alors que ces territoires subissent un coût de la vie exorbitant, une augmentation de la criminalité et des homicides, une submersion migratoire – notamment à Mayotte et en Guyane –, un déficit de plusieurs milliers de logements sociaux, des taux de chômage élevés – et je pourrais citer d'autres problèmes encore, que le rideau de fumée institutionnel ne fera pas oublier à nos compatriotes ultramarins. Nous sommes défavorables à ce budget en trompe-l'œil et dénué de véritable ambition pour l'Outre-mer.
Si, selon le ministère chargé des Outre-mer, le budget est en hausse, et si les Outre-mer émargent à d'autres programmes du budget national, force est de constater que les crédits de la mission ne répondent ni aux priorités ni aux besoins des peuples d'Outre-mer.
C'est le cas du logement : la ligne budgétaire unique (LBU) connaît une hausse de seulement 1,81 % en autorisations d'engagement. Comment, dès lors, rendre possible l'accès à un logement social pour les 80 % de ménages qui peuvent y prétendre – et 70 % à un logement très social ? Les plans se suivent et se ressemblent ; les objectifs ne sont jamais atteints. À La Réunion, par exemple, 35 990 dossiers pour des logements sociaux sont toujours en attente.
L'emploi est une autre priorité. Or le thème est abordé avant tout sous l'angle de la compétitivité des entreprises, autrement dit des allégements ou des exonérations de cotisations sociales patronales. Ce n'est pas le tour de passe-passe consistant à retirer la ligne budgétaire qui y était consacrée dans la mission Outre-mer pour la globaliser avec des dépenses de même type dans l'article relatif aux relations entre l'État et la sécurité sociale qui changera la donne. Le montant atteint cette année par ces cadeaux fiscaux est considérable, mais pour quel résultat ? L'écart entre le taux de croissance de l'emploi salarié dans les entreprises d'Outre-mer et celui des entreprises analogues de France hexagonale reste au même niveau depuis des années : 2,7 points. En outre, en l'absence de documents fiables, exhaustifs et territorialisés chiffrant ces dépenses fiscales, c'est un chèque en blanc qui nous est demandé. Le Gouvernement continue donc à diminuer les cotisations sociales ou à exonérer les entreprises de leur paiement, espérant ainsi faire baisser le chômage, mais cela n'a pas de conséquences visibles sur la création d'emplois.
Lorsque le Gouvernement évoque l'emploi, il parle surtout du SMA, dont les crédits sont en hausse, mais cela ne saurait masquer le fait que les autres dispositifs de formation professionnelle ne voient pas leur budget augmenter.
Nous nous interrogeons également sur la consommation des crédits, notamment ceux du fonds de relance. Ils n'ont pas été utilisés, pour l'essentiel parce que le cadre imposé ne correspondait ni aux problèmes ni aux spécificités de chaque territoire d'Outre-mer. Le même problème se pose pour les fonds liés aux contrats de convergence et de transformation : on observe une sous-exécution et des questions se posent à propos de l'utilisation des fonds non consommés, le risque étant de les voir disparaître.
Quant à la question de la vie chère, elle n'est même pas abordée directement. C'est dire le décalage entre les attentes légitimes des territoires d'Outre-mer et ce projet de loi de finances.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez déjà fait part de votre avis, que nous partageons, mais nous souhaiterions vous entendre de nouveau sur le point suivant : pensez-vous que nous parvenions, avec un budget qui n'est qu'un copier-coller de ce qui a été fait jusque-là, à ce que les Ultramarins réclament, à savoir la construction de nouveaux rapports entre les Outre-mer et la France ?
Bien sûr que non. Il faut effectivement changer de paradigme, adopter un autre regard. Plutôt que de chercher à traiter les problèmes en bout de chaîne, il faut les régler en amont.
Si la France est la deuxième puissance maritime mondiale, c'est grâce aux Outre-mer ; si elle possède une biodiversité aussi grande, c'est grâce aux Outre-mer ; si elle dispose d'un potentiel aussi fort en matière d'énergies renouvelables, c'est grâce aux Outre-mer ; si elle occupe une position géostratégique majeure – le soleil ne s'y couche jamais car elle est présente sur les cinq continents et dans les cinq océans –, c'est grâce aux Outre-mer.
Nos territoires sont porteurs de richesses incommensurables, mais ils sont également confrontés à des charges en rapport avec l'insularité, l'éloignement, l'exiguïté des territoires, ainsi que l'affaiblissement démographique. Autant la population augmente à Mayotte et en Guyane, autant elle diminue et vieillit en Martinique, en Guadeloupe et dans une moindre mesure à La Réunion. Ces territoires souffrent également d'une fuite des cerveaux. Or c'est parce qu'il est impossible de trouver de l'ingénierie localement que l'on s'en remet aux financements de l'AFD, restant ainsi sous tutelle. On ne permet pas à nos jeunes ingénieurs de rester dans leur territoire et de participer à son développement.
Je tiens tout d'abord à saluer l'effort budgétaire que fait le Gouvernement pour les Outre-mer, ne serait-ce que par la progression de 11 % des crédits de cette mission. Cela traduit une volonté de poursuivre, et même de renforcer, l'accompagnement dont l'Outre-mer a plus que jamais besoin, compte tenu des crises successives qui l'ont frappé, plus violemment encore que le reste de la France. Je salue également les interventions conjoncturelles prévues pour aider les collectivités ultramarines à faire face à des situations inextricables telles que la prolifération des sargasses ou les problèmes liés à la distribution de l'eau en Guadeloupe.
Je souhaite mettre l'accent sur un sujet qui m'importe particulièrement, l'autonomie alimentaire. La dépendance trop grande de nos territoires vis-à-vis des importations de denrées alimentaires n'est pas soutenable et elle contredit tous les préceptes du développement durable et de la sobriété écologique, ces principes vertueux vers lesquels nous devrions tendre. Tendre vers plus d'autonomie alimentaire, c'est favoriser la création de valeur dans chacun des territoires ultramarins. Nous serons donc très attentifs à la manière dont les dotations en faveur de la diversification agricole seront mises en œuvre. Elles doivent nous permettre d'avoir des prix compétitifs et des aliments de qualité.
Certaines collectivités ne disposant pas de la technostructure nécessaire pour mener à bien des projets d'envergure, le quatrième axe prioritaire de la mission, l'accompagnement des collectivités territoriales, notamment en matière d'ingénierie, leur sera fort utile, surtout si cet accompagnement débouche sur un enrichissement des expertises issues du territoire.
J'appelle votre attention sur la nécessité de répartir équitablement les moyens de l'État entre les villes administratives des grandes îles, d'une part, et les campagnes isolées ou les îles éloignées, d'autre part.
Je me réjouis de l'évolution globale des crédits de cette mission, mais nous veillerons à ce que la coconstruction de feuilles de route garantisse leur exécution.
Je défendrai un amendement relatif à la diversification agricole, car la lutte contre la vie chère passe effectivement par l'augmentation de notre capacité de production locale et par la structuration de nos filières. Il faut sortir de la monoculture, qui a prévalu historiquement, et aller vers la diversification.
S'agissant du développement endogène et de la répartition des moyens entre les Outre-mer, je regrette que le FEI, qui finance les investissements dans les territoires ultramarins, provienne des impôts des DOM eux-mêmes, plutôt que d'un système de péréquation et de la solidarité nationale. Cela a un impact à la fois sur le pouvoir d'achat des Ultramarins et sur les capacités de fonctionnement et d'investissement des collectivités locales.
Il importe de redynamiser l'économie et l'emploi dans les régions ultrapériphériques (RUP) européennes, notamment à Mayotte, où le taux de chômage dépasse les 30 %.
La création de zones économiques spéciales (ZES), fiscales et douanières, a fait ses preuves dans certaines régions ultrapériphériques (RUP) européennes et l'on pourrait envisager d'en créer dans nos départements d'Outre-mer. Un tel dispositif pourrait dynamiser l'activité économique par l'arrivée d'investisseurs extérieurs, favoriser la croissance des entreprises par un réinvestissement des bénéfices, mais aussi l'émergence d'entreprises compétitives et les créations d'emplois. Monsieur le rapporteur pour avis, que diriez-vous d'un rapport analysant la pertinence d'une telle mesure ?
Les résultats de la zone économique canarienne, créée au sein de la RUP espagnole des Canaries, militent fortement pour qu'un dispositif similaire soit mis en place dans les RUP françaises. En effet, la zone spéciale Canaries (ZEC) génère 140 millions d'investissements et 1 000 emplois par an, ce qui fait des Canaries la région ultrapériphérique européenne la plus dynamique en matière économique et en termes de créations d'emplois. La RUP portugaise des Açores, qui bénéficie du même dispositif, est également un exemple de réussite. Les Outre-mer français, éloignés de la métropole, confrontés à de multiples défis, nécessitent des dispositifs spécifiques d'intégration économique.
Monsieur le rapporteur pour avis, que diriez-vous de la création d'une zone économique spéciale ?
Toute mesure susceptible de développer l'activité et l'emploi est la bienvenue. Il faut avoir à l'esprit une réalité structurelle : l'étroitesse des marchés intérieurs des territoires ultramarins. Le marché antillais représente 2,7 millions d'euros. La Caraïbe, ce sont 42 millions d'habitants : il y aurait donc tout intérêt à développer des liens commerciaux avec nos voisins. Il faut que les territoires ultramarins puissent non seulement importer, mais aussi exporter des biens vers les États voisins.
Si l'on veut de l'activité, il faut une zone de diffusion des ressources, mais il faut aussi produire localement, ce qui suppose un abaissement des charges. Les normes françaises font que les territoires ultramarins ne sont pas compétitifs par rapport à leurs voisins, avec lesquels il n'y a ni équivalence, ni réciprocité des normes. Le coût du travail y est également trop élevé. Un abaissement des charges permettrait effectivement d'ouvrir le marché et de créer de l'emploi et de la richesse localement.
Nous sommes passés, depuis les réformes engagées en 2018 par Mme Annick Girardin lorsqu'elle était ministre des Outre-mer, d'une solidarité nationale à une solidarité ultramarine. La crainte que nous formulions à l'époque a été confirmée lorsque la majorité gouvernementale a voté la réforme de l'abattement sur l'impôt sur le revenu en Outre-mer pour approvisionner le FEI.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous soulignez les problèmes liés aux délais de paiement qui, après une légère amélioration, s'allongent à nouveau et mettent en difficulté de très nombreuses entreprises. Là encore, les déclarations gouvernementales sont restées vaines, alors que nous avions proposé des solutions de paiement pour les entreprises, notamment via BPIfrance. Les retards de paiement sont un frein au développement des entreprises ultramarines. Le dernier rapport de l'Observatoire des délais de paiement, en 2021, montre que ce délai a augmenté de 2,7 jours entre 2020 et 2021.
Le fret est une contrainte structurelle et, depuis la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, un boulet pour les économies ultramarines. C'est un problème pour nos acteurs économiques, mais qui a aussi des conséquences sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Il faut agir pour limiter la flambée du coût des intrants, mais aussi encourager une stratégie de diversification des approvisionnements. Il faut aller plus loin que la protection de la production locale et tendre vers la souveraineté alimentaire, en veillant sur l'augmentation des prix. Il faut aussi des contrôles renforcés pour garantir une saine concurrence.
Le coût de l'énergie est une autre contrainte conjoncturelle, particulièrement pour les entreprises. Je pense à Runéo, acteur de l'eau potable à La Réunion, dont la facture d'électricité a littéralement explosé. Sans adaptation du bouclier tarifaire pour les entreprises ultramarines, une adaptation que nous demandons depuis plusieurs mois, que va-t-il advenir des prix en ce début d'été austral dans les Outre-mer, où 47 % des gens vivent sous le seuil de pauvreté ?
J'en viens à la question du logement. Il n'y a pas de projet de vie ni d'épanouissement possible sans un logement digne. Alors que les demandes de logement augmentent, la baisse de 10 % des crédits de paiement de la LBU est inquiétante. La question du logement en Outre-mer ne sera résolue que lorsque des solutions fortes et innovantes seront mises en œuvre : loi de programmation, maîtrise à coût raisonnable du foncier et de son aménagement, adaptation des normes pour une baisse des coûts de construction. À La Réunion, ce sont 35 000 demandes de logement qui ne sont pas traitées.
Offrir des logements accessibles aux personnes les plus modestes est un enjeu majeur de politique publique. La vie chère étrangle nos familles. On ne peut pas se contenter de dire que l'inflation est moins forte dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone, et la pauvreté, beaucoup plus importante chez nous. Je suis sûr que si je vous proposais de prendre dans l'Hexagone les 37 % de Réunionnais qui vivent sous le seuil de pauvreté et de nous donner vos 6 % d'inflation, vous n'accepteriez pas. En 2021, 150 000 colis d'aide alimentaire y ont été distribués à La Réunion.
À La Réunion, le prix d'une boîte d'œufs a augmenté de 39 % et celui d'une brique de lait, de 20 %. Les prix explosent et le Gouvernement ne semble pas mesurer l'ampleur de la crise. Ce budget, dont la hausse est principalement mécanique, ne permettra pas de répondre efficacement aux urgences et il ne prépare pas l'avenir. Je déplore l'absence de stratégie et de concertation avec les territoires. Nous ne relèverons pas les défis d'aujourd'hui – vie chère, pauvreté, chômage, logement, coût des intrants – avec les réponses d'hier. Sortons des sentiers battus, faisons des réalités de chacune de nos régions, de nos spécificités ultramarines, des atouts géostratégiques, des leviers au service du développement humain et de la réduction des inégalités. Enfin, faisons de nos territoires des terres innovantes pour la protection de la biodiversité et l'adaptation au changement climatique.
Je souhaite évoquer, en premier lieu, le programme 123, Conditions de vie Outre-mer. Dans l'action 01, Logement, les crédits alloués au développement du logement social sont en hausse de 4 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit 1,8 % d'augmentation. Il est regrettable que les crédits de paiement, eux, soient en baisse, alors qu'il importe d'accélérer la construction du parc social Outre-mer, après les reports de chantiers dus à la crise sanitaire. Le groupe GDR regrette en outre que les indicateurs de performance ne soient pas communiqués concernant Mayotte.
Nous regrettons aussi que les crédits de paiement destinés à assurer la continuité territoriale n'augmentent pas, à un moment où l'inflation est telle que les Ultramarins n'ont plus les moyens de se rendre en France hexagonale, que ce soit pour étudier, pour se soigner ou pour commercer.
Les crédits de l'action 04, Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport, sont en augmentation. Le volet sanitaire et social regroupe des crédits dédiés à l'environnement, comme la lutte contre le chlordécone aux Antilles, mais aussi à divers problèmes de santé publique, comme la dengue, le diabète ou le paludisme. Le fait que les dépenses ne soient pas précisément ventilées entre ces différents postes ne permet pas au Parlement d'exercer pleinement sa fonction de contrôle. Par ailleurs, nous regrettons que ces enjeux de santé soient confondus avec ceux qui relèvent de l'épanouissement de la jeunesse.
L'aide aux collectivités pour lutter contre les sargasses atteint 3,5 millions d'euros, en hausse de 1 million. Nous aimerions connaître la part de ces crédits qui sera affectée au fonctionnement du service public antisargasse, dont la création a été annoncée par la direction générale des Outre-mer (DGOM).
J'en viens au programme 138, Emploi Outre-mer. Les crédits de l'action 01, Soutien aux entreprises, sont en baisse, alors que le mur de la dette des prêts garantis par l'État est annoncé pour 2023. Nous déplorons que cet effet n'ait pas été anticipé pour mieux protéger notre tissu économique.
Dans l'action 02, Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle, on note une augmentation des crédits consacrés au service militaire adapté (SMA) – de 28 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 35 millions en crédits de paiement. Mais nous relevons aussi qu'il n'accueillera pas d'apprentis en 2023, ce qui peut légitimement nous faire nous interroger, voire nous inquiéter. Enfin, il est regrettable qu'aucun dispositif spécifique ne soit proposé pour endiguer le chômage des jeunes de moins de 25 ans.
Le groupe GDR constate que ces crédits ne traduisent pas un effort budgétaire, ni une volonté politique, mais une augmentation purement comptable.
La question de la continuité territoriale et de la fuite des cerveaux est très préoccupante. Actuellement, par le biais de Ladom (L'Agence de l'Outre-mer pour la mobilité), les Ultramarins peuvent bénéficier d'une aide lors du départ pour des études ou pour une formation professionnelle vers l'Hexagone, mais il faudrait aussi favoriser le chemin inverse, c'est-à-dire le retour au pays de nos jeunes ingénieurs qui ont réussi. J'ai déposé un amendement en ce sens.
Alors que je regardais, il y a quelques jours, un documentaire sur Mayotte, j'ai été sidéré de constater que la France consacre dix fois moins de moyens par habitant à Mayotte qu'aux autres départements ou territoires ultramarins. Quels sont les projets de la France, de l'État français, et surtout du Gouvernement actuel, pour les Outre-mer, qui représentent une richesse et un atout indéniable pour l'ensemble français ?
J'ai sous les yeux la feuille de route du ministre délégué aux Outre-mer, M. Jean-François Carenco. Il dit vouloir trouver par le dialogue et la coconstruction des solutions concrètes aux problèmes de la vie quotidienne des habitants des Outre-mer. Il connaît les Outre-mer, puisqu'il a été préfet de la Guadeloupe, et j'ai eu l'occasion de travailler avec lui à l'époque. Nous sommes enclins à entamer ce dialogue : c'est ce que me disent tous mes collègues ultramarins. Mais si, au terme de celui-ci, notre économie est toujours aussi déstructurée ; si, dans cinq ans, nous faisons toujours les mêmes constats – ceux que l'on faisait déjà il y a dix ans –, alors nous aurons échoué et nous serons en droit de demander un changement de la stratégie de l'État vis-à-vis des Outre-mer.
L'engagement pris au début du quinquennat par M. Jean-François Carenco peine à se concrétiser. Dans aucun des textes que nous avons examinés, on ne peut se targuer d'avoir introduit un réflexe ultramarin. Les trop rares avancées ont été arrachées par mon groupe : l'adaptation du bouclier loyer ou la mise en place de règles spécifiques pour l'assurance chômage en Outre-mer en sont quelques exemples. Et ce projet de loi de finances ne déroge pas à la règle. Certes, les crédits de la mission sont en hausse de 11 %, mais cela ne traduit aucune inflexion politique. Comme l'a justement souligné le rapporteur pour avis, cette augmentation des moyens n'en est pas vraiment une, puisqu'elle provient essentiellement d'une hausse prévisionnelle des compensations d'exonérations de cotisations sociales – après plusieurs années de baisse, qui plus est.
Les crédits consacrés au logement restent relativement stables, alors que le parc de logements sociaux est notoirement insuffisant. On note les mêmes carences s'agissant des aides à la continuité territoriale, ce qui peut créer des situations tragiques. Certains parents doivent se rendre dans l'Hexagone pour faire soigner leurs enfants gravement malades et les moyens prévus pour les aider sont insuffisants.
Pour le moment, nous sommes sceptiques quant à l'efficacité des mesures prévues dans le budget de cette mission.
Monsieur le rapporteur pour avis, votre rapport est remarquable, mais je m'étonne que vous n'abordiez pas vraiment la question de l'accès à l'eau, notamment à l'eau potable, dont il a pourtant été beaucoup question sous la précédente législature, particulièrement à gauche. Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur le coût et sur la gestion de l'eau potable ? C'est sans doute l'une des clés du pouvoir d'achat et du pouvoir de vivre pour les Outre-mer.
Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie pour votre travail et votre esprit d'équipe, au service des solidarités ultramarines.
Il est vrai que les questions relatives à l'accès à l'eau potable et à sa production ne sont pas abordées dans ce PLF. Une aide de 10 millions est prévue pour la Guadeloupe, mais rien pour Mayotte. J'arrive d'une réunion de la délégation aux Outre-mer, où nous avons interrogé le ministre à ce sujet, mais nous n'avons pas eu de réponse.
Je ne suis que de passage dans votre commission, mais j'aimerais répondre à M. le rapporteur pour avis au sujet du FEI. Certes, il est alimenté, à hauteur de 70 millions d'euros, par les contribuables d'Outre-mer, du fait de la réforme de l'abattement, mais ses crédits s'élèvent à 110 millions, soit 40 millions de plus. On ne peut pas dire que ce sont les Outre-mer qui le financent ; il y a aussi un effort de solidarité de la Nation.
Par ailleurs, si les crédits de la mission Outre-mer représentent un peu plus de 2,5 milliards d'euros, ce sont près de 20 milliards que la Nation consacre en réalité à l'Outre-mer, par le biais des missions dépendant d'autres ministères. J'appelle en particulier votre attention sur les efforts qui sont faits en matière d'emploi. Enfin, il ne faut pas oublier les aides sectorielles qui passent par l'AFD, à hauteur de 14 millions, et qui concernent notamment l'agriculture.
La question de l'eau est effectivement essentielle. Le développement des infrastructures est très inégal d'un territoire à l'autre : à la Martinique, il s'agit de réhabiliter des installations, tandis qu'il faut en créer à Mayotte.
L'eau est un bien commun. La production, l'assainissement, le traitement et la distribution de l'eau nécessitent des investissements très lourds, donc une intervention de l'État, en partenariat avec les collectivités territoriales. Des crédits sont effectivement prévus pour la Guadeloupe, mais pas pour Mayotte : c'est un vrai problème.
Monsieur Vuilletet, vous dites que le FEI s'élève à 110 millions d'euros, mais les 70 millions qui viennent de l'impôt des Ultramarins ne peuvent pas être utilisés par les collectivités territoriales et les communes, pour des raisons de trésorerie. C'est comme si on plaçait une somme à deux mètres de haut mais qu'on ne donnait pas l'échelle pour l'atteindre. L'affichage ne suffit pas car, en matière d'ingénierie, les collectivités territoriales n'ont pas de moyens de financement.
Quant à l'AFD, c'est un mécanisme totalement différent, qui ne favorise pas le développement endogène de nos territoires. Il faut faire en sorte que les jeunes ingénieurs martiniquais puissent travailler en Martinique. Le problème, c'est que les collectivités locales ne peuvent pas payer leur salaire. Que fait l'État ? Il maintient une tutelle, par le biais de l'AFD, et fait venir des ingénieurs de l'extérieur, qui ne sont ni intégrés localement, ni connaisseurs de la réalité de ces territoires. On a donc une ingénierie de prestation, alors qu'il faudrait une ingénierie endogène, pour permettre à ces territoires de se développer par eux-mêmes, de développer une production locale et de créer de la richesse localement.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CE87 du rapporteur pour avis
L'aide au fret a diminué par rapport à l'année dernière, alors que les coûts ont considérablement augmenté. Je propose donc d'abonder l'aide au fret de 5 millions d'euros. Cette mesure ne réglera pas un problème qui est en grande partie structurel, mais elle permettra, à court terme, de faire baisser le coût des produits importés, donc de lutter contre la vie chère.
Il faut distinguer deux problèmes. L'aide au fret dont bénéficient les entreprises pour l'importation étant indexée sur l'inflation, il n'y a pas de difficulté de ce point de vue. Le vrai problème, c'est que le système est tellement complexe que les entreprises ne recourent pas toujours à cette aide : sur ce point, il y a clairement une marge de progression. Nous ne sommes pas favorables à une augmentation de l'aide au fret. Dans la mesure où l'inflation est prise en compte dans l'assiette de l'aide, je ne crois pas qu'il faille y toucher pour l'instant.
Je ne partage pas votre avis, car le problème est aussi structurel. La vie chère crée une situation explosive dans nos territoires. Une augmentation de l'aide au fret de 5 millions d'euros serait déjà quelque chose.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE43 de M. Max Mathiasin
Je suis habitué à ce que le groupe Renaissance vote comme un seul homme dès que nous présentons un amendement qui intéresse des territoires que nous connaissons très bien, et où les populations vivent dans une misère incommensurable ; des territoires où le plus petit des camemberts est vendu 6 euros et où une barquette de poulet, qui coûtait autrefois 11 euros, en coûte désormais 29. Je suis habitué à ce genre de comportement et à cette manière péremptoire de parler des Outre-mer sans les connaître vraiment.
Je propose d'abonder de 4 millions d'euros les crédits consacrés à l'aménagement du territoire, plus précisément aux filières agricoles de diversification, en vue de tendre vers la souveraineté alimentaire. Alors qu'en Guadeloupe et en Martinique, la terre est chlordéconée à 50 %, l'objectif partagé par tous est la souveraineté alimentaire. Les filières agricoles de diversification jouent un rôle essentiel et elles doivent être soutenues. C'est l'objet des crédits du comité interministériel des Outre-mer (Ciom) de la mission Agriculture.
Il convient toutefois de noter que ces crédits ne sont pas accessibles à tous, et même qu'ils ne sont pas nécessairement sollicités par les exploitants agricoles et leurs organisations de Guadeloupe et des autres territoires, en raison de la longueur des délais de versement, de l'insuffisance de valorisation de l'agroécologie et de la complexité des dispositifs qui ne leur permettent pas de programmer sereinement leurs productions de fruits et légumes. J'ajoute que la Guadeloupe vient de subir une catastrophe terrible et que la mobilisation de tous s'impose. Il est vrai que le ministre s'est rendu sur place, mais nous attendons des éléments concrets. Monsieur Vuilletet, je pense que vous ne connaissez pas bien les Outre-mer. Il faudrait peut-être vous y rendre un peu si vous voulez savoir ce qu'il s'y passe.
Monsieur Mathiasin, je vous ai déjà connu plus aimable et plus disposé à travailler avec nous. Autres temps, autres mœurs !
Je recommanderai aux membres du groupe Renaissance de voter contre cet amendement, parce que le Gouvernement a déjà fait passer la ligne de soutien à l'agriculture de 3 à 6 millions d'euros, ce qui représente un geste important.
Vous nous parlez d'un geste, mais à cause du chlordécone, des terres ne peuvent plus être cultivées et les marins pêcheurs doivent s'éloigner des côtes pour pêcher. On invite les marins pêcheurs, qui pratiquent une pêche artisanale, à acheter de nouveaux bateaux et on dit à nos agriculteurs qu'ils devraient faire autrement. Mais avec quels moyens ? Ils n'ont pas voulu cette pollution qui, je le rappelle, est due à des dérogations décidées par l'État.
Nous ne quémandons pas de l'argent. Nous disons simplement que nos agriculteurs et nos marins pêcheurs ne peuvent plus exercer leur métier.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE88 de M. Johnny Hajjar
Il s'agit de transférer 1 million d'euros au sein de la mission, au bénéfice de la continuité territoriale, afin de financer une aide spécifique pour le retour au pays. Il est important de créer une incitation au retour, du fait de la situation démographique préoccupante des territoires.
La difficulté que vous soulevez est bien réelle. Il est d'ailleurs regrettable que les habitants de ces territoires acquièrent souvent leurs compétences dans l'Hexagone. Il faudrait inciter les jeunes à revenir et à soutenir des projets Outre-mer. Dans l'attente de la réponse du Gouvernement, nous nous abstiendrons.
La commission adopte l'amendement.
Amendement II-CE38 de M. Max Mathiasin
Cet amendement vise à abonder de 100 000 euros les crédits consacrés à la continuité territoriale, afin de prendre en charge les frais de transport des parents résidant dans un territoire d'Outre-mer qui n'ont pas d'autre choix, pour la survie de leurs enfants, que de se rendre dans l'Hexagone pour les y soigner.
Nous assistons à une recrudescence des cancers d'enfants, notamment de leucémies. Souvent, lorsqu'ils sont diagnostiqués, les parents doivent quitter les départements et territoires d'Outre-mer de toute urgence, sans connaître d'avance la durée de leur séjour dans l'Hexagone.
Du côté du Gouvernement, on m'indique que votre demande serait satisfaite, les évacuations sanitaires (Evasan) incluant cette possibilité. Mais votre amendement me semble plus large car il inclut la prise en charge lors du diagnostic, du début du traitement, mais également après. Je recommanderai donc aux commissaires du groupe Renaissance de le voter.
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Amendement II-CE40 de M. Max Mathiasin
Le sujet préoccupe M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, comme il nous l'a dit lors de sa visite en Martinique. Souvent, les enseignants néotitulaires originaires d'Outre-mer sont affectés en métropole – même lorsque des postes sont vacants dans leur territoire, ce qui résulte de la politique de l'éducation nationale en général. Ils doivent donc payer un billet d'avion pour l'Hexagone, et trouver un logement. En attendant, ils sont souvent logés par des parents ou des amis.
L'amendement vise à financer ce billet d'avion et une partie des frais de logement à leur arrivée en métropole.
Nous ne serons pas favorables à cet amendement. Vous évoquez deux sujets différents. S'agissant de l'affectation, les discussions sont en cours avec le ministre afin de sortir d'une situation que l'on peut qualifier de kafkaïenne. L'attribution d'une aide supplémentaire pour l'installation et les déplacements de ces fonctionnaires créerait quant à elle une rupture d'égalité entre fonctionnaires.
L'exposé sommaire de l'amendement précise que le dispositif ne concerne que la prise en charge du premier titre de transport entre la collectivité de résidence et l'Hexagone, afin que l'agent prenne son poste.
Monsieur Vuilletet, la rupture d'égalité est structurelle. Ces fonctionnaires n'ont pas choisi d'être affectés en France hexagonale après avoir réussi le concours de l'éducation nationale, mais eux sont obligés de prendre l'avion, beaucoup plus cher que le train. Elle est là, la rupture d'égalité !
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE90 de M. Johnny Hajjar
Il s'agit de financer la diversification agricole. Comment lutter contre la vie chère sans sortir de la monoculture ? Affecter 6 millions d'euros à cet objectif représente une goutte d'eau, mais ce serait un signal contrebalançant le manque d'ambition politique de ce budget.
Le signal est là puisque la ligne budgétaire passe de 3 à 6 millions d'euros, ce qui est significatif. Nous sommes donc défavorables.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE41 de M. Max Mathiasin
La sous-consommation de certaines lignes de crédits de la mission Outre-mer est souvent mise sur le compte d'un défaut ou d'une faiblesse d'ingénierie. C'est un peu le serpent qui se mord la queue…
Ainsi, en Guadeloupe, beaucoup de ponts ont été emportés par les intempéries et 42 millions d'euros sont affectés à leur reconstruction, mais il faut soutenir les collectivités afin qu'elles développent leur ingénierie et utilisent mieux ces crédits. C'est l'objectif de ces 2 millions d'euros.
Des crédits, abondés à hauteur de 10 millions d'euros, visent déjà à financer l'ingénierie locale. On peut donc considérer que votre demande est satisfaite.
En outre, on ne peut pas dire que c'est à cause de l'État que les collectivités ont été amenées à souscrire aux Corom : outre l'aide à l'ingénierie, l'État a fait un effort considérable, de 50 millions d'euros – maintenu en 2023 –, afin de redresser les finances des collectivités concernées, par solidarité.
Soyons précis au sujet des Corom. Le rapport Patient-Cazeneuve de 2019 démontre un sous-financement structurel des collectivités territoriales locales s'élevant à 200 millions d'euros. La Cour des comptes et le Président de la République ne disent pas autre chose. Vous évoquez 50 millions ; il reste donc 150 millions d'euros non compensés. En outre, lors de la signature des Corom, l'État a récupéré 869 millions d'euros dans les dépenses de fonctionnement des collectivités, compensées seulement à hauteur de 400 millions d'euros de déficit. Dans un tel contexte, trouvez-vous équitable de consacrer 30 millions d'euros aux Corom ?
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE42 de M. Max Mathiasin
Il vise à abonder de 2 millions d'euros les crédits consacrés aux collectivités territoriales, plus précisément au fonds de secours, doté de 10 millions d'euros. Les catastrophes naturelles se multiplient dans les territoires d'Outre-mer. Ainsi la tempête Fiona a-t-elle fait des ravages fin septembre en Guadeloupe. Les crédits du fonds de secours sont très insuffisants face aux dégâts, en particulier pour indemniser les biens des particuliers non assurés ou les dégâts provoqués chez les particuliers, les agriculteurs ou les entrepreneurs par une cause non reconnue dans l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
Ainsi, l'arrêté concernant la tempête Fiona ne reconnaît que les inondations et les coulées de boue. En conséquence, un particulier, déplorant 60 000 euros de dégâts à la suite d'un glissement de terrain déclenché par la tempête, n'a pas été indemnisé par son assurance. Ce type de situation crée une détresse terrible.
Nous ne voterons pas l'amendement, mais je serai attentif à la réponse du Gouvernement concernant les exemples que vous donnez, car il ne faut pas que le dispositif comporte des angles morts. Quant au montant du fonds, il est toujours difficile de prévoir l'imprévisible ; au cours des dernières années, le fonds a été en moyenne consommé à hauteur de 12 millions d'euros en AE alors que seuls 10 millions étaient budgétés, car la République répond toujours présente en cas de catastrophes naturelles.
La commission rejette l'amendement.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Outre-mer modifiés.
Après l'article 44
Amendement II-CE39 de M. Max Mathiasin
Il vise à rassembler dans un rapport tous les éléments relatifs aux crédits des différentes missions du budget de l'État consacrés à l'aide aux collectivités territoriales pour la distribution d'eau potable et l'entretien des systèmes d'assainissement. Ainsi, la représentation nationale pourra évaluer l'adéquation des moyens aux besoins des territoires.
Dans les documents budgétaires, l'absence de ventilation des crédits par territoire ne permet pas de vérifier cette adéquation. Je pense en particulier à la Guadeloupe, mais aussi à Mayotte ou d'autres collectivités d'Outre-mer qui rencontrent le même type de difficulté. Cela permettrait pourtant au Parlement de travailler plus efficacement.
J'encourage la Représentation nationale à rédiger elle-même ce rapport, auquel je serai heureux d'apporter ma contribution : ce n'est pas au Gouvernement de s'autoévaluer. Lors de la précédente législature, une commission d'enquête s'est penchée sur la gestion de l'eau en Guadeloupe. Rien n'empêche des parlementaires de se saisir à nouveau du sujet pour faire le bilan de l'action de l'État, qui n'est pas négligeable : transformation du syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) en syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de la Guadeloupe (SMGEAG) – le directeur de cabinet du ministre ayant même été missionné pour y remettre de l'ordre ; 50 millions d'euros pour les réseaux d'eau et d'assainissement dans le cadre du plan de relance ; une enveloppe de 10 millions pour le syndicat dans le cadre du présent budget ; 130 millions d'euros au nom de la santé publique bien que l'eau soit, je le rappelle, une compétence locale.
La commission rejette l'amendement.
Puis la commission a procédé à l'examen pour avis, sur le rapport de M. Philippe Bolo, de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » en ce qui concerne l'énergie.
L'énergie est au cœur de l'actualité et des préoccupations des ménages et des entreprises. La sortie de la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et les arrêts de nos centrales nucléaires ont mis en évidence l'impact de la hausse du prix de l'énergie sur le pouvoir d'achat, sur les entreprises, les collectivités territoriales et les associations, ainsi que son lien avec notre souveraineté économique. Cela a, bien entendu, des conséquences budgétaires.
Seuls les programmes 174, Énergie, climat et après-mines, et 345, Service public de l'énergie, ainsi que le compte d'affectation spéciale (CAS) Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (Facé), font l'objet du rapport pour avis que je vais vous présenter.
Le programme 345 permet de soutenir le développement des énergies renouvelables électriques – éolien terrestre et maritime, photovoltaïque – et gazières – injection de biométhane. Il apporte également un soutien aux zones non interconnectées, à la cogénération, aux effacements de consommation, à l'hydrogène.
Mais surtout, cette année, l'action 17 finance la compensation des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs d'électricité et de gaz. Depuis juillet 2022, la compensation des 15 puis 25 centimes d'euros hors taxes d'aide à la pompe n'est plus financée par le programme 345. Je n'en parlerai donc pas.
Pour 2023, le programme 345 s'élève à 12 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit 42 % d'augmentation par rapport à 2022. Les trois quarts, soit 8,9 milliards d'euros, sont affectés à l'action 17, pour soutenir le pouvoir d'achat des consommateurs. C'est une partie de ce qu'on appelle communément le bouclier tarifaire : 3 milliards d'euros pour le gaz et 5,9 milliards d'euros pour l'électricité, afin de compenser aux fournisseurs le gel de la hausse des tarifs réglementés de vente (TRV) à 4 % jusqu'au 31 décembre 2022. La hausse sera limitée à 15 % ensuite. Cette hausse de 11 points doit être comparée aux 215 % d'augmentation des prix sur le marché du gaz – 170 % dans le cas de l'électricité.
En outre, les entreprises bénéficient de dispositifs spécifiques européens, qui sortent du périmètre de mon rapport.
Une précision : 8,9 milliards d'euros, c'est le montant net de la compensation du gel des TRV. Le montant brut s'élèverait à 18,9 milliards d'euros – 12,7 milliards pour l'électricité et 6,2 pour le gaz. D'où vient cet écart ? Il s'agit d'une conséquence positive de l'augmentation du prix des énergies. En général, les producteurs d'énergies renouvelables perçoivent des aides par le biais de l'action 09 du programme 345 quand ils produisent l'énergie à des coûts supérieurs à ceux du marché. En l'état du marché, ils produisent à des coûts beaucoup plus favorables. En conséquence, certaines aides n'ont pas été versées en 2021 et 2022, pas plus qu'elles ne le seront en 2023 – on estime la baisse à 19 milliards d'euros en 2023, 20 milliards n'ayant pas été consommés depuis la fin 2021. Cette marge de manœuvre, de 39 milliards d'euros de moindres dépenses, explique le différentiel entre la compensation brute et nette.
Le bouclier tarifaire ne se limite pas aux seules mesures prévues par l'action 17. J'évoquerai donc également la minoration de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), devenue droit d'accise selon les dernières modifications réglementaires.
La TICFE, qui était de 26 euros en 2022, devait passer à 32 euros en 2023. Elle a été abaissée au minimum autorisé par la réglementation européenne, soit 1 euro par mégawattheure (MWh) pour les ménages et 0,50 euro par MWh pour les autres consommateurs. Cela représenterait en 2023 un manque à gagner de 10 milliards d'euros pour les caisses de l'État, mais aussi une baisse de la facture des consommateurs de l'ordre de 15 à 20 %.
N'oublions pas non plus les 20 térawattheures (TWh) additionnels d'électricité produits par EDF et ouverts à ses concurrents dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), ainsi que le nouveau chèque énergie, sur lequel je vais revenir à propos du programme 174.
Ce programme, relatif à l'énergie, au climat et à l'après-mines, vise à aider à l'acquisition de véhicules propres, à accompagner la transition énergétique et à gérer l'après-mines. En 2023, les autorisations d'engagement représentent 5,1 milliards d'euros, soit 41 % d'augmentation par rapport à 2022. Cette trajectoire haussière l'est sans discontinuer depuis 2017 – le programme s'élevait alors à 500 millions d'euros.
Je me focaliserai sur le chèque énergie, MaPrimeRénov' et la gestion économique et sociale de l'après-mines.
Le budget alloué au chèque énergie est en recul de 6,2 %, ce que je regrette. Lors de l'examen des amendements, je questionnerai les critères d'attribution : doit-on uniquement considérer le revenu fiscal de référence des ménages, qui ne reflète pas leur consommation énergétique ? Pourquoi ne pas fusionner nouveaux et anciens chèques et augmenter leur montant ? Comment améliorer leur taux d'utilisation ?
MaPrimeRénov' représente 2,45 milliards d'euros en autorisations d'engagement pour 2023, soit une hausse de 750 millions d'euros, ou de 44 %, par rapport à 2022. C'est 50 % des crédits du programme. Cela résulte du succès du dispositif, également souligné par la Cour des comptes, et de son accélération, ainsi que de la typologie des bénéficiaires : des ménages aux revenus très modestes, pour 46 % d'entre eux, et, pour 22 %, aux revenus modestes.
Que recouvrent les crédits de l'après-mines ? On parle en général peu de ce budget qui finance le régime de retraite des anciens mineurs. Les crédits sont en baisse, en cohérence avec la diminution de la population des bénéficiaires, mais leur maintien jusqu'au dernier survivant est indispensable, car il convient de protéger les anciens mineurs, qui ont contribué au succès de l'ère industrielle française, source de fierté.
Enfin, les crédits du Facé sont de même niveau que les années précédentes, à 360 millions d'euros. Ils sont indispensables à l'électrification rurale. Dans un contexte d'électrification croissante de nos usages, ils doivent contribuer à l'amélioration de la qualité de l'électricité en milieu rural et participer à la péréquation.
Mon avis est centré sur la fiscalité de l'électricité et du gaz. Il faut garder en tête qu'en temps ordinaire, 34 % des factures d'électricité correspondent à la fourniture et à la commercialisation, 31 % aux tarifs d'utilisation des réseaux et 35 % à des taxes – TICFE, contribution tarifaire d'acheminement (CTA) et taxes locales. Pour le gaz, les taxes – taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) et CTA – représentent 26 % des factures, les tarifs d'utilisation des réseaux 34 % et la fourniture, 40 %.
Que recouvrent ces tarifs d'utilisation des réseaux, définis par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ? Ils visent à arrêter les meilleurs tarifs possibles dans une situation monopolistique de gestion des réseaux. Seule difficulté, ils ne sont absolument pas lisibles sur les factures. C'est un peu regrettable car cela aurait une vertu pédagogique pour le consommateur.
À partir du 1er janvier 2023, la TICFE, ancienne contribution au service public d'électricité (CSPE), devenue droit d'accise, va englober la taxe communale sur la consommation finale d'électricité. Outre qu'il conviendrait de mettre un terme à ces changements récurrents de dénomination, il ne faudrait pas que, à cause de la baisse de la TICFE à 1 euro, l'État s'exonère de restituer aux communes leur part de taxe et qu'elles deviennent victimes à la fois de l'augmentation du prix des énergies et de cette non-compensation.
Informations relatives à la commission
En application de l'article 13, alinéa 5, de la Constitution, la commission auditionnera, le 26 octobre, M. Luc Rémont, que la Président de la République envisage de nommer aux fonctions de Président-directeur général d'Électricité de France. La commission désigne Mme Anne-Laure Blin (LR) comme rapporteure.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 11 octobre 2022 à 18 h 30
Présents. – M. Laurent Alexandre, Mme Anne-Laure Babault, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, Mme Maud Bregeon, Mme Françoise Buffet, M. Frédéric Descrozaille, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Christine Engrand, M. Grégoire de Fournas, Mme Florence Goulet, M. Johnny Hajjar, M. Alexis Izard, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Maxime Laisney, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. Max Mathiasin, M. Nicolas Meizonnet, Mme Yaël Menache, M. Paul Midy, M. Paul Molac, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, M. Jérôme Nury, M. Nicolas Pacquot, M. Dominique Potier, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, Mme Anaïs Sabatini, M. Matthias Tavel, M. Lionel Tivoli, M. Jean-Pierre Vigier, M. Jiovanny William
Excusés. – M. Bertrand Bouyx, M. Charles Fournier, M. Perceval Gaillard, Mme Mathilde Hignet, Mme Julie Laernoes, Mme Hélène Laporte, M. William Martinet
Assistaient également à la réunion. – M. Frantz Gumbs, M. Guillaume Vuilletet, Mme Estelle Youssouffa