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Intervention de Philippe Bolo

Réunion du mardi 11 octobre 2022 à 18h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Bolo, rapporteur pour avis :

L'énergie est au cœur de l'actualité et des préoccupations des ménages et des entreprises. La sortie de la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et les arrêts de nos centrales nucléaires ont mis en évidence l'impact de la hausse du prix de l'énergie sur le pouvoir d'achat, sur les entreprises, les collectivités territoriales et les associations, ainsi que son lien avec notre souveraineté économique. Cela a, bien entendu, des conséquences budgétaires.

Seuls les programmes 174, Énergie, climat et après-mines, et 345, Service public de l'énergie, ainsi que le compte d'affectation spéciale (CAS) Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (Facé), font l'objet du rapport pour avis que je vais vous présenter.

Le programme 345 permet de soutenir le développement des énergies renouvelables électriques – éolien terrestre et maritime, photovoltaïque – et gazières – injection de biométhane. Il apporte également un soutien aux zones non interconnectées, à la cogénération, aux effacements de consommation, à l'hydrogène.

Mais surtout, cette année, l'action 17 finance la compensation des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs d'électricité et de gaz. Depuis juillet 2022, la compensation des 15 puis 25 centimes d'euros hors taxes d'aide à la pompe n'est plus financée par le programme 345. Je n'en parlerai donc pas.

Pour 2023, le programme 345 s'élève à 12 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit 42 % d'augmentation par rapport à 2022. Les trois quarts, soit 8,9 milliards d'euros, sont affectés à l'action 17, pour soutenir le pouvoir d'achat des consommateurs. C'est une partie de ce qu'on appelle communément le bouclier tarifaire : 3 milliards d'euros pour le gaz et 5,9 milliards d'euros pour l'électricité, afin de compenser aux fournisseurs le gel de la hausse des tarifs réglementés de vente (TRV) à 4 % jusqu'au 31 décembre 2022. La hausse sera limitée à 15 % ensuite. Cette hausse de 11 points doit être comparée aux 215 % d'augmentation des prix sur le marché du gaz – 170 % dans le cas de l'électricité.

En outre, les entreprises bénéficient de dispositifs spécifiques européens, qui sortent du périmètre de mon rapport.

Une précision : 8,9 milliards d'euros, c'est le montant net de la compensation du gel des TRV. Le montant brut s'élèverait à 18,9 milliards d'euros – 12,7 milliards pour l'électricité et 6,2 pour le gaz. D'où vient cet écart ? Il s'agit d'une conséquence positive de l'augmentation du prix des énergies. En général, les producteurs d'énergies renouvelables perçoivent des aides par le biais de l'action 09 du programme 345 quand ils produisent l'énergie à des coûts supérieurs à ceux du marché. En l'état du marché, ils produisent à des coûts beaucoup plus favorables. En conséquence, certaines aides n'ont pas été versées en 2021 et 2022, pas plus qu'elles ne le seront en 2023 – on estime la baisse à 19 milliards d'euros en 2023, 20 milliards n'ayant pas été consommés depuis la fin 2021. Cette marge de manœuvre, de 39 milliards d'euros de moindres dépenses, explique le différentiel entre la compensation brute et nette.

Le bouclier tarifaire ne se limite pas aux seules mesures prévues par l'action 17. J'évoquerai donc également la minoration de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), devenue droit d'accise selon les dernières modifications réglementaires.

La TICFE, qui était de 26 euros en 2022, devait passer à 32 euros en 2023. Elle a été abaissée au minimum autorisé par la réglementation européenne, soit 1 euro par mégawattheure (MWh) pour les ménages et 0,50 euro par MWh pour les autres consommateurs. Cela représenterait en 2023 un manque à gagner de 10 milliards d'euros pour les caisses de l'État, mais aussi une baisse de la facture des consommateurs de l'ordre de 15 à 20 %.

N'oublions pas non plus les 20 térawattheures (TWh) additionnels d'électricité produits par EDF et ouverts à ses concurrents dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), ainsi que le nouveau chèque énergie, sur lequel je vais revenir à propos du programme 174.

Ce programme, relatif à l'énergie, au climat et à l'après-mines, vise à aider à l'acquisition de véhicules propres, à accompagner la transition énergétique et à gérer l'après-mines. En 2023, les autorisations d'engagement représentent 5,1 milliards d'euros, soit 41 % d'augmentation par rapport à 2022. Cette trajectoire haussière l'est sans discontinuer depuis 2017 – le programme s'élevait alors à 500 millions d'euros.

Je me focaliserai sur le chèque énergie, MaPrimeRénov' et la gestion économique et sociale de l'après-mines.

Le budget alloué au chèque énergie est en recul de 6,2 %, ce que je regrette. Lors de l'examen des amendements, je questionnerai les critères d'attribution : doit-on uniquement considérer le revenu fiscal de référence des ménages, qui ne reflète pas leur consommation énergétique ? Pourquoi ne pas fusionner nouveaux et anciens chèques et augmenter leur montant ? Comment améliorer leur taux d'utilisation ?

MaPrimeRénov' représente 2,45 milliards d'euros en autorisations d'engagement pour 2023, soit une hausse de 750 millions d'euros, ou de 44 %, par rapport à 2022. C'est 50 % des crédits du programme. Cela résulte du succès du dispositif, également souligné par la Cour des comptes, et de son accélération, ainsi que de la typologie des bénéficiaires : des ménages aux revenus très modestes, pour 46 % d'entre eux, et, pour 22 %, aux revenus modestes.

Que recouvrent les crédits de l'après-mines ? On parle en général peu de ce budget qui finance le régime de retraite des anciens mineurs. Les crédits sont en baisse, en cohérence avec la diminution de la population des bénéficiaires, mais leur maintien jusqu'au dernier survivant est indispensable, car il convient de protéger les anciens mineurs, qui ont contribué au succès de l'ère industrielle française, source de fierté.

Enfin, les crédits du Facé sont de même niveau que les années précédentes, à 360 millions d'euros. Ils sont indispensables à l'électrification rurale. Dans un contexte d'électrification croissante de nos usages, ils doivent contribuer à l'amélioration de la qualité de l'électricité en milieu rural et participer à la péréquation.

Mon avis est centré sur la fiscalité de l'électricité et du gaz. Il faut garder en tête qu'en temps ordinaire, 34 % des factures d'électricité correspondent à la fourniture et à la commercialisation, 31 % aux tarifs d'utilisation des réseaux et 35 % à des taxes – TICFE, contribution tarifaire d'acheminement (CTA) et taxes locales. Pour le gaz, les taxes – taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) et CTA – représentent 26 % des factures, les tarifs d'utilisation des réseaux 34 % et la fourniture, 40 %.

Que recouvrent ces tarifs d'utilisation des réseaux, définis par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ? Ils visent à arrêter les meilleurs tarifs possibles dans une situation monopolistique de gestion des réseaux. Seule difficulté, ils ne sont absolument pas lisibles sur les factures. C'est un peu regrettable car cela aurait une vertu pédagogique pour le consommateur.

À partir du 1er janvier 2023, la TICFE, ancienne contribution au service public d'électricité (CSPE), devenue droit d'accise, va englober la taxe communale sur la consommation finale d'électricité. Outre qu'il conviendrait de mettre un terme à ces changements récurrents de dénomination, il ne faudrait pas que, à cause de la baisse de la TICFE à 1 euro, l'État s'exonère de restituer aux communes leur part de taxe et qu'elles deviennent victimes à la fois de l'augmentation du prix des énergies et de cette non-compensation.

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