Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Réunion du jeudi 12 octobre 2023 à 10h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • civile
  • incendie
  • militaire
  • sapeurs-pompiers
  • volontaire

La réunion

Source

La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.

Présidence de Mme Lisa Belluco

La mission d'information auditionne M. Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée.

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Je suis ravie de vous accueillir aujourd'hui pour cette nouvelle matinée d'auditions. Notre mission d'information a été créée dans le but de mieux comprendre et d'améliorer notre système de sécurité civile. Cela fait un peu plus d'un mois que nous avons débuté nos travaux.

Nous avons l'honneur de recevoir aujourd'hui M. Laurent Alfonso, qui est chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur, et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée (UPM). Son expérience, en tant qu'expert, et ses connaissances approfondies sur la protection civile en Europe pourront à coup sûr enrichir nos débats et nos réflexions. La protection civile est un enjeu crucial, surtout à l'échelle européenne, où la coopération et la coordination entre les États sont essentielles pour faire face aux crises de grande envergure que connaît désormais trop souvent notre continent.

Nous avons d'ailleurs commencé à réunir quelques informations sur les systèmes de sécurité civile existant dans d'autres pays, notamment chez certains de nos voisins européens. Nous avons également prévu de nous déplacer dans les prochains mois en Italie et au Portugal, afin de découvrir des organisations différentes et, peut-être, de trouver des sources d'inspiration pour améliorer notre système. Vous le voyez, notre réflexion sur ce sujet n'est pas seulement nationale. À ce titre, votre regard nous intéresse donc d'autant plus, compte tenu de votre connaissance de ces systèmes européens.

Monsieur Alfonso, nous vous remercions sincèrement de votre engagement et de votre disponibilité pour participer à nos travaux en tant qu'expert.

Avant de céder la parole au rapporteur, permettez-moi de préciser, à l'attention de notre auditionné, que notre mission est composée de vingt-cinq députés issus de différents groupes politiques et que cette audition est filmée et accessible sur le site internet de l'Assemblée.

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Pourriez-vous nous rappeler brièvement les missions qui sont les vôtres au sein du ministère de l'intérieur et de l'Union pour la Méditerranée ?

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Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée

Tout d'abord, je vous remercie de m'avoir convié à votre audition. Je suis officier sapeur-pompier et j'appartiens au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Gard. Je suis mis à disposition à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l'intérieur.

À ce titre, je suis chargé de mission des affaires européennes et notamment du suivi réglementaire des travaux du mécanisme de protection civile, ainsi que des négociations. Représentant de la France dans plusieurs groupes d'experts, j'agis également en tant qu'opérationnel lors de déploiements, dans le cadre du mécanisme de protection civile de l'Union européenne (UE). Je participe en outre à des exercices et divers instruments, comme les revues de pairs. À ce titre, j'ai récemment participé à des revues de pairs en Roumanie et en Moldavie, au mois d'avril.

Je participe à tous les travaux du mécanisme et à ses différentes réunions, notamment les réunions de directeurs généraux, dans le cadre de chaque présidence tournante, tous les six mois. La prochaine aura lieu la semaine prochaine, sous présidence espagnole, à Valence. Je participe également aux différents ateliers, conférences ou séminaires qui peuvent être organisés dans ce cadre, et suis chargé de la préparation d'éléments de langage et de l'élaboration des positions françaises dans les groupes de discussion de la Commission comme le groupe protection civile (Prociv), en lien avec le secrétariat général des affaires européennes (SGAE).

Par ailleurs, depuis juillet 2022, je suis également mis à disposition par le ministère de l'intérieur auprès de l'Union pour la Méditerranée, dont le siège est à Barcelone. Au sein de cette organisation intergouvernementale, je suis le seul en charge de la protection civile. Par convention, je travaille donc la moitié du temps pour le ministère de l'intérieur et l'autre moitié pour l'UPM, dans une triangulation assez unique et innovante, puisque cela me permet à la fois de représenter la France en tant qu'État membre dans ce mécanisme de protection civile de l'Union européenne, d'être au plus près des pays du sud avec l'UPM et de travailler avec la direction générale de la recherche, de la protection civile et des opérations d'aide humanitaire européennes (DG ECHO) de la Commission européenne.

À ce titre, je travaille à l'élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie de l'UE vers les pays du voisinage sud. J'ai notamment mis en œuvre l'année dernière une plateforme régionale de dialogue et, la semaine prochaine, nous organiserons pour la première fois la réunion des directeurs généraux du mécanisme de protection civile de l'UE et des représentants des États membres de l'UPM. L'objectif de cette réunion conjointe concernera, in fine, la présentation d'un cadre méditerranéen de protection civile qui viendra en extension de l'actuel mécanisme de protection civile de l'UE.

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Quel regard portez-vous sur le fonctionnement de notre modèle de protection civile français ? Face aux risques et aux crises qui se profilent lors des années à venir, pensez-vous qu'il soit assez efficace ? Faut-il au contraire envisager son évolution ?

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Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée

Compte tenu de l'évolution de mes fonctions, mon regard est désormais plus aiguisé sur la coopération européenne et internationale et peut-être un peu moins sur le modèle français en tant que tel. Cependant, j'en suis issu et j'en suis relativement fier, parce qu'il fait référence en Europe et dans le monde. La France est ainsi le premier contributeur du mécanisme de protection civile de l'UE, en termes de capacité et de réponse opérationnelles.

Ce modèle ancien est résilient et il répond aux besoins de notre territoire, de notre société et de nos citoyens. Il convient de le valoriser, parce qu'il est capable de s'adapter aux crises sur le territoire hexagonal et dans les régions ultrapériphériques, qui sont riches d'enseignements. Je pense ainsi aux crises qui peuvent nous affecter en interne, mais aussi à celles qui peuvent être exogènes comme la Covid, par exemple. Nous sommes en mesure de traiter à la fois le risque courant, mais aussi des risques majeurs et nous avons la capacité d'intégrer des scénarios dimensionnels qui reposent sur la planification. C'est une particularité unique à la fois en Europe, mais aussi à l'international. Notre modèle présente en outre l'avantage de cultiver les réseaux avec nos voisins.

Naturellement, comme tous les modèles, il doit être en mouvement perpétuel et à l'écoute des évolutions en interne, mais également chez nos voisins, proches ou éloignés. Aujourd'hui, les modèles doivent être agiles et flexibles, afin de correspondre aux besoins de nos sociétés, dont les habitudes et cultures sont différentes. Le service de la sécurité civile en France est riche et repose sur des formations militaires de sécurité civile, des sapeurs-pompiers professionnels, des sapeurs-pompiers volontaires et des associations agréées de sécurité civile. Cet écosystème est riche et le rend d'autant plus résilient, lui permettant de compenser des faiblesses éventuelles sur l'un ou l'autre des piliers de notre modèle.

Madame la présidente, vous avez mentionné vos futures visites en Italie et au Portugal. Il s'agit là d'une bonne initiative ; il est toujours intéressant d'aller voir comment nos voisins envisagent les prochaines décennies dans le domaine de la gestion des crises et des désastres. Cette coopération doit être à la fois « montante » et « descendante ». De son côté, la France est reconnue pour sa culture du bilatéral et du multilatéral : elle propose et partage son modèle de sécurité civile, aussi bien dans les domaines de la gouvernance et de la procédure que dans celui des techniques opérationnelles. L'un des enjeux consiste aujourd'hui à recevoir d'autres pays et à identifier les bonnes pratiques dont nous pouvons nous inspirer. Il s'agit également de cibler nos propres mécanismes, pour intégrer ces bonnes idées, du cadre réglementaire jusqu'aux techniques opérationnelles, aux équipements et aux matériels.

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Pouvez-vous évoquer le modèle européen de protection civile tel qu'il fonctionne actuellement ? Avez-vous identifié des pays ou des systèmes dont nous pourrions nous inspirer pour faire évoluer un certain nombre de piliers de notre propre système de sécurité civile ?

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Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée

Il est intéressant de revenir effectivement sur les modèles, sans trop rentrer dans la sémantique : au niveau européen, on parle effectivement plus de protection civile que de sécurité civile. Le risque courant est parfaitement couvert en France et dans la plupart des pays européens. En revanche, les risques majeurs sont constitués par des crises complexes aux effets cumulatifs, « en cascade », qui ne manqueront pas de survenir dans le futur. À ce titre, il importe de maintenir une veille permanente à la fois sur notre modèle, mais aussi sur celui des autres pays.

Nous savons que les crises seront hybrides et qu'elles seront exacerbées par le changement climatique. À cet égard, un rapport sur l'adaptation de la sécurité civile face aux défis climatiques à l'horizon 2050 a été publié en juin 2023, à la suite des travaux de plusieurs groupes de travail, sous l'égide de la DGSCGC. Ce rapport évoque les risques naturels et technologiques actuels, tout en soulignant des éléments de prospective et la nécessaire coopération européenne et internationale.

Au niveau européen, le mécanisme de protection civile de l'UE correspond en réalité à une compétence de soutien et d'appui de la Commission européenne auprès des États. Créé en 2001, il a été activé à plus de 600 reprises, dont la plupart du temps à l'extérieur de l'UE. Initialement limité aux États membres, le mécanisme s'est progressivement ouvert à des participants extérieurs – aujourd'hui au nombre de neuf et bientôt dix avec l'entrée de la Moldavie dans le dispositif au 1er janvier 2024.

Ce mécanisme est également proposé au reste du monde, à chaque fois qu'une catastrophe apparaît, qu'un État voit ses capacités nationales dépassées et souhaite recevoir une assistance, d'une manière souveraine. Il est fondé sur deux niveaux de réponse : une réponse volontaire à l'aide d'une réserve européenne et une réponse fondée sur le protocole RescUE, qui a été créé en 2019. Évolutif, il s'adapte en tenant compte de la réalité de terrain et des retours d'expérience, et s'efforce d'anticiper l'avenir.

Il est cependant confronté à des problématiques de gouvernance. Le centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC) est situé à Bruxelles et a vocation à coordonner des moyens qui sont fournis par les États membres et participants. Cette coordination n'est pas réalisée de manière doctrinale à l'heure actuelle : il n'existe pas de stratégie opérationnelle du mécanisme de protection civile de l'UE. Aujourd'hui, le mécanisme et l'ERCC ne sont pas capables de prioriser leurs réponses, ce qui peut poser problème lors de crises simultanées. Dans certains cas, des ruptures capacitaires peuvent ainsi intervenir.

Le protocole RescUE est le plus récent dispositif du mécanisme, créé en réaction aux incendies survenus au Portugal et en Grèce, en 2017 et 2018. À cette occasion, nous avons en effet été confrontés à des ruptures capacitaires au sein du mécanisme. Les incendies étaient tellement nombreux que les États membres n'avaient plus la capacité d'apporter la réponse capacitaire nécessaire sur le simple fondement du pool volontaire.

Il a donc fallu trouver un système plus incitatif, fondé sur des financements à 100 % par le mécanisme de protection civile de l'Union sur son budget propre. En la matière, la France a initié le processus et a été le premier État à expérimenter le protocole. Depuis, il s'est développé sur d'autres modules opérationnels pour couvrir de nouveaux risques. Ce développement est intervenu après la crise Covid, à travers la création de stocks médicaux, ou de stocks relatifs aux menaces NRBC. Il concerne également l'évacuation médicale et portera demain sur les abris d'urgence et le domaine de l'énergie.

Les modules opérationnels vont ainsi être créés et financés à 100 % par le mécanisme de protection civile de l'Union, sur son budget propre. Ils seront mis en œuvre par les États membres et constitueront une charge très importante en matière de création et de maintien opérationnel. Près de 130 modules opérationnels sont intégrés dans le pool volontaire, contre plus d'une trentaine pour RescUE. Ce système est particulièrement contraignant pour les États membres ; il repose sur des modules nationaux, qui ont été améliorés et adaptés dans le cadre de ce mécanisme pour pouvoir être déployés en Europe et au niveau international.

Aujourd'hui, ce mécanisme couvre tout type de catastrophes, naturelles comme technologiques, mais aussi sanitaires : à l'occasion de la crise Covid, il a été étendu à des capacités de rapatriement de citoyens et a aussi été employé à l'occasion d'évacuations consulaires en Afghanistan. À l'heure actuelle, il est extrêmement utilisé pour l'envoi de matériels et d'équipements, notamment en Ukraine.

En résumé, la question du périmètre d'action du mécanisme de protection civile de l'UE se pose aujourd'hui. En effet, sa définition est quelque peu différente dans chacun des États membres. Cet aspect fera l'objet d'une discussion la semaine prochaine.

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Au début de votre propos, vous avez évoqué l'organisation de la sécurité civile en France, qui constitue un modèle bien particulier, qui ne coûte pas cher. Il est composé des formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC), des SDIS et des associations agréées de sécurité civile, ce qui représente en totalité environ 500 000 personnes. Mais, au sein de cet ensemble, seulement 40 000 sont des salariés permanents de la sécurité civile, le reste étant composé de 210 000 sapeurs-pompiers volontaires et de 250 000 bénévoles des associations agréées de sécurité civile.

Comment envisagez-vous un modèle de ce type à l'échelle de l'UE, qui permettrait de décupler la capacité d'intervention ? Les organisations comme le Technisches Hilfswerk (THW) allemand et la protection civile italienne ou belge sont différentes de la nôtre, mais partagent malgré tout un certain nombre de points communs avec notre modèle. Existe-t-il une réflexion permettant d'élargir très rapidement le vivier disponible pour remplir les différentes missions que vous avez évoquées ? Naturellement, les missions les plus lourdes seraient confiées aux professionnels de la sécurité civile. D'autres missions pourraient être assumées par les bénévoles de la sécurité civile ou par un vivier de volontaires.

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Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée

Vous touchez du doigt la problématique à laquelle l'ensemble des États sont aujourd'hui confrontés et qui peut se résumer à la question suivante : sur quels piliers faire reposer les modèles de protection civile ?

À ce sujet, différents aspects doivent être distingués. Le premier concerne le volet capacitaire et organisationnel. Si les questions de gouvernance et de gestion des ressources ne sont pas clairement établies, il est impossible d'envisager l'avenir de manière sereine. Je ne suis pas toujours défenseur d'une approche du haut vers le bas mais, en l'espèce, il est nécessaire de se poser la question de l'agilité de la gouvernance. Celle-ci doit nous permettre de dessiner ce qui doit être mis en place sur les niveaux tactiques et opérationnels, en tenant compte de l'existant, de notre histoire et de notre culture.

La France est particulièrement attachée au concept de résilience, qui allie à la fois les actions des autorités, mais aussi des citoyens, à travers les organisations de la société civile au sens large. Aujourd'hui, il existe un paradoxe à vouloir faire reposer la protection de la population sur la population elle-même, puisqu'elle est à la fois la cible et celle qui est censée se secourir. Il importe donc de trouver un équilibre entre les deux, sans oublier les problématiques de coût. Historiquement, nous avons choisi de faire couvrir par les sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires, un large spectre des besoins en matière de protection civile, ce qui rend notre modèle assez unique et assez facile à manœuvrer.

Afin d'essayer d'apporter des clefs de compréhension, il faut travailler à la mutualisation de cette palette de moyens dont dispose la France, la consolider et peut-être l'élargir. Ainsi, les associations agréées de protection civile constituent un vivier important, qui est peut-être sous-exploité aujourd'hui, au regard des besoins qui pourraient se faire sentir à l'avenir sur des crises complexes, hybrides et de longue durée. Peut-être convient-il également d'adopter une approche intégrant les ONG, comme le font d'autres pays. Elles présentent l'avantage d'être au contact permanent de la société et donc de pouvoir capter des signaux faibles ou des informations montantes.

Il est aussi pertinent de s'inspirer de bonnes pratiques. À titre d'exemple, la Roumanie a mis en place une plateforme nationale déclinée aux niveaux régional et local qui regroupe les différents acteurs. Ce système est très fédérateur et il fonctionne en permanence en temps de paix, mais également en temps de crise, car les acteurs ont l'habitude de travailler et de décider ensemble. L'approche du haut vers le bas est utile si elle est structurée, permanente, sincère, transparente et s'inscrit dans le long terme. Je considère que nous devons nous inspirer de ce modèle pour élargir la base et travailler à la résilience des sociétés, notamment grâce aux ONG, même si ce fonctionnement diffère de nos habitudes culturelles.

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Vous avez évoqué la palette d'outils dont dispose la France à travers ses sapeurs-pompiers, qu'ils soient civils ou militaires, professionnels ou volontaires, mais également à travers les associations agréées de sécurité civile. Vous avez souligné à juste titre la nécessité d'une bonne imbrication et d'un fonctionnement fédérateur entre ces différents acteurs – mais aussi avec les réserves communales de sécurité civile. Je connais assez bien les modèles allemand et suisse, où l'engagement citoyen est très prégnant. De quelle manière la France peut-elle améliorer sa gouvernance pour faire face aux différents enjeux auxquels nous serons confrontés lors des crises futures, en associant l'ensemble des structures s'intégrant au modèle de sécurité civile ?

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Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée

La gouvernance se décline à chaque niveau selon l'organisation administrative de chaque pays. Dans ce cadre, l'essentiel consiste à lier les différents niveaux en matière de responsabilité et de compétence, jusqu'au premier niveau, qui est celui du citoyen. À cet égard, les réserves communales de sécurité civile ne doivent pas être oubliées. Les plans communaux de sauvegarde sont extrêmement importants, dans la mesure où ils constituent le premier niveau de réponse lors des crises sur nos territoires. Les sapeurs-pompiers ont mis du temps à intégrer ces plans dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (Sdacr) ou dans les plans Orsec, mais le dispositif fonctionne aujourd'hui. De même, les réserves départementales de sécurité civile constituent des initiatives intéressantes, qui doivent venir enrichir cette palette.

Il est aujourd'hui nécessaire de créer de nouvelles relations entre ces différents niveaux, qui n'ont pas été suffisamment explorées. Nos voisins allemands disposent d'un système doté de plus d'un million de volontaires, par exemple. En outre, il importe de traiter en parallèle la gestion de crise, pour pouvoir faire face, au moment requis. Nos modèles de gouvernance doivent intégrer ces différents aspects, mais également deux critères essentiels à mes yeux, c'est-à-dire les critères d'ordre spatial (à quel endroit, à quel moment et de quelle magnitude) et d'ordre temporel (la semaine ou le week-end ; la nuit ou la journée, l'été ou l'hiver).

Ces éléments conditionnent la réponse opérationnelle en termes de gestion des crises et nécessitent, par exemple, de prendre en compte les différentes catégories de la population, qui n'ont sans doute pas fait l'objet d'un travail spécifique en France. L'épidémie de Covid nous a, par exemple, fourni un grand nombre d'enseignements sur la prise en charge de populations vulnérables, comme les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et les enfants. En résumé, les différents publics nécessitent des réponses appropriées et singulières lors de la gestion de crises. De son côté, le secteur privé représente le poumon de notre économie, ce qui implique la mise en place de plans de continuité d'activité durables, pérennes et mis à jour.

Plus largement, il importe également de s'inspirer des expériences étrangères. Parmi les pays méditerranéens, certains sont ainsi habitués à travailler dans un mode qui peut être ici considéré comme « dégradé ». En réalité, ces pays parviennent à s'adapter et peuvent être des sources d'inspiration, puisque leurs modèles sont éprouvés. Au sein de l'UPM, je m'efforce de faire remonter les bonnes initiatives et les adaptations concrètes menées dans les pays du sud. En effet, ces dernières s'avèreront utiles pour gérer les futures crises qui seront exacerbées par le changement climatique.

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Je vous remercie à nouveau pour la clarté de vos propos. Notre mission d'information devra s'interroger pour savoir si notre pays dispose des capacités et des moyens de travailler sur ces sujets, qui sont chronophages. Vous avez souligné, à juste titre, que nous avons traversé la « tempête » Covid, dont nous pouvons tirer un certain nombre d'enseignements.

Vous semble-t-il nécessaire de poursuivre le renforcement de la coopération à l'échelle européenne en matière de sécurité et de protection civile ? Si tel est le cas, de quelle manière est-il possible d'y parvenir ?

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Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée

La France est aujourd'hui suffisamment outillée pour répondre aux crises majeures. Néanmoins, comme pour tous les modèles, il demeure une marge de doute sur la capacité à utiliser les moyens dont nous disposons en termes de gouvernance, de réponse capacitaire, de coordination et de durabilité, pour nous assurer que le modèle fonctionne en toutes circonstances.

Certains secteurs, notamment le secteur privé, travaillent à partir de stress tests. La France dispose d'une forte culture des exercices, qui est excellente, et que nous promouvons à l'étranger. Ces exercices doivent être plus inclusifs et faire partie de nos habitudes quotidiennes, en particulier dans les foyers, en veillant à conserver un équilibre afin de ne pas sombrer dans l'excès inverse, celui de la psychose. Ces outils permettent de dédramatiser les situations et d'éviter l'affolement.

Des marges d'amélioration subsistent également dans le rapprochement des services publics et de la communauté scientifique. En France, l'organisation de la sécurité civile présente l'avantage de disposer d'une pensée complexe de l'organisation et de la planification jusqu'au dernier kilomètre ; mais également de la mise en œuvre de guides doctrinaux et de référentiels. Le modèle français intégré et interopérable sur l'ensemble du territoire présente ainsi une véritable valeur ajoutée, qui n'est pas toujours présente dans d'autres pays européens, où les doctrines peuvent différer d'une région à l'autre.

Nous bénéficions en outre d'un écosystème avantageux de scientifiques, d'entreprises privées, de fondations et d'associations sur lesquels nous devons pouvoir nous appuyer. De même, nos politiques publiques doivent pouvoir se fonder sur la connaissance scientifique, qui nous permet à la fois de prendre le pouls de la société, mais aussi de nourrir une réflexion prospective. Tout le monde connaît aujourd'hui les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Au sein de l'UPM, nous disposons également d'un groupe d'experts, dans la mesure où cette zone présente la particularité de générer des phénomènes qui lui sont propres.

Il importe donc d'associer cette communauté scientifique. Le mécanisme de protection civile de l'UE s'y essaye avec la création récente d'un réseau de connaissances, qui débute, et se fonde sur deux piliers : un pilier scientifique et un pilier opérationnel. La France y contribue et je participe au groupe de travail associé dont le séminaire de travail annuel, que j'ai mentionné au début de mon audition, sera d'ailleurs organisé en fin d'année à Bruxelles. Nous aurons l'occasion d'évoquer à nouveau la question de la gouvernance dans cette instance, et notamment le sujet de l'intégration des scientifiques à nos réflexions. En résumé, nous sommes prêts, mais nous devons toujours être vigilants et nous assurer que notre modèle saura faire face et s'adapter à la prochaine crise à laquelle nous serons confrontés.

Le mécanisme de protection civile de l'UE vit aujourd'hui un moment clef. À l'heure actuelle, il est particulièrement tourné vers la réponse opérationnelle, qui absorbe plus de 90 % de son budget pour l'acquisition et la maintenance de modules, qu'il s'agisse des hôpitaux de campagne, des moyens aériens de lutte contre les feux de forêt ou de l'évacuation médicale. Désormais, un enjeu majeur consiste à travailler sur le cycle amont, c'est-à-dire la prévention et la préparation, afin d'économiser des capacités pour pouvoir les déployer à bon escient lors des crises.

Compte tenu du changement climatique, j'estime en effet que les crises seront de plus en plus sévères ; les phénomènes de plus en plus violents et nombreux. Face à la simultanéité de ces événements, le risque capacitaire s'accroît. Dès lors, il importe de mieux travailler sur les phases amont, afin d'essayer d'atténuer les conséquences de ces catastrophes et de préparer les populations et les infrastructures à y faire face. En résumé, prévention et préparation constituent désormais les maîtres mots du mécanisme de protection civile de l'UE.

Il s'agit enfin de travailler à l'harmonisation des modèles, afin de les rendre plus interopérables. Nos stratégies nationales doivent également intégrer le mécanisme européen, lequel a été utilisé en 2022 lors des incendies de Landiras et de La Teste-de-Buch. La sollicitation du mécanisme ne constitue pas un aveu de faiblesse, mais représente bien au contraire un signe de vitalité : le support de la capacité de protection civile de nos voisins nous permet d'apprendre énormément.

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Vous êtes le seul représentant français au sein de l'UPM, et la DG ECHO ne compte qu'une seule représentante française, la colonelle Claire Kowalewski. Estimez-vous que vous êtes suffisamment nombreux pour témoigner de l'implication de la France dans la protection civile européenne et du bassin méditerranéen ? La France devrait-elle, à l'inverse, augmenter ses effectifs pour réellement peser dans ces deux instances ?

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Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée

Au sein de l'UPM, je suis effectivement le seul représentant français, à mi-temps. La tâche est ardue, mais il convient de saluer l'initiative de la DGSCGC de financer ce demi-poste. Cette démarche témoigne ainsi de notre préoccupation de pouvoir interagir avec cette zone, mais également de bénéficier des bonnes pratiques des pays du sud. Il est toujours possible de considérer que cet effort est insuffisant, mais la France est le seul pays à s'être investi dans la protection civile au sein de l'UPM.

La colonelle Claire Kowalewski n'est plus experte détachée représentante de la France ; elle a désormais intégré directement la Commission européenne. Mais je vous rejoins : notre capacité d'influence est aussi liée au nombre de personnels mis à disposition ou détachés au sein des organisations internationales. Cette présence nous permet ainsi de transmettre un grand nombre de messages, mais aussi de nous imprégner des pratiques à l'œuvre dans d'autres pays, tout en faisant remonter aux autorités de tutelle l'ensemble des informations collectées, qu'il s'agisse de signaux forts ou de signaux faibles. Cependant, ces mises à disposition représentent naturellement des efforts financiers pour les autorités nationales. Simultanément, il est nécessaire de trouver des experts prêts à s'expatrier et à mettre parfois en suspens leur carrière professionnelle pour servir les intérêts nationaux.

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Au mois de juin dernier, le commissaire européen Lenarčič s'est exprimé sur la plateforme X (ex- Twitter ) pour indiquer que la sécurité civile roumaine était la plus professionnelle de l'Union européenne, loin devant les autres. Cette prise de position peut être interprétée de différentes manières, mais elle suggère que la France n'est plus la première force de protection civile européenne. Qu'en pensez-vous ?

Ensuite, lors des incendies de l'été 2022, la France a sollicité pour la première fois des moyens européens au sol. Cet exemple témoigne peut-être de l'incapacité de la France à déployer une gestion opérationnelle intégrale. Je précise qu'il ne s'agit pas d'un reproche de ma part. J'estime en effet qu'il faut encore accroître les moyens européens sur le sol français. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Enfin, dans le département de la Seine-Maritime, une maison de la sécurité civile sera mise en place dans quelques mois. Elle regroupera au sein d'une même entité les associations de sécurité civile issues de différents organismes. L'objectif consiste à permettre aux personnels de se rencontrer, d'échanger et de travailler ensemble sur différentes thématiques. Cette démarche vous paraît-elle constituer une solution d'avenir ?

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Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée

La protection civile est devenue un outil diplomatique, non seulement en Europe, mais également dans le monde entier. La Roumanie l'a bien compris et utilise cet outil à bon escient. Du côté français, nous disposons d'un réel savoir-faire dans le domaine de la sécurité civile ; il convient désormais de mieux le faire savoir.

S'agissant de votre seconde interrogation, nous travaillons aujourd'hui sur le concept de host nation support, c'est-à-dire la capacité à recevoir de l'assistance internationale. Ce sujet ne doit pas faire l'objet de tabou : aucun pays ne doit se dévaloriser lorsqu'il intègre dans sa réponse nationale le mécanisme de protection civile de l'Union européenne. En effet, le momentum est extrêmement important et des échéances majeures interviendront en France en 2024. De plus, les crises peuvent se superposer les unes aux autres. Nous devons donc être capables d'y faire face, en intégrant la capacité de réponse de nos voisins dans notre propre système.

Enfin, les associations agréées de sécurité civile font naturellement partie de la palette de moyens disponibles. Plus nous irons puiser des ressources au sein de la société, plus nous impliquerons le citoyen dans sa propre sécurité et plus nous pourrons alléger notre système national de sécurité civile et mieux prioriser nos actions. En résumé, cette initiative d'une maison de la sécurité civile me semble particulièrement importante et pourrait éventuellement être déployée sur l'ensemble du territoire national.

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Je vous remercie pour vos réponses. Si vous souhaitez nous fournir des informations supplémentaires, n'hésitez pas à nous adresser une contribution écrite.

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Je me joins aux propos de Mme la présidente pour vous remercier. Vos explications étaient particulièrement claires et nous ont permis de nourrir nos échanges. Nous serons peut-être conduits à nous revoir dans le cadre de cette mission d'information sur les capacités d'adaptation et d'anticipation de notre modèle de sécurité civile. Parmi les éléments que je retiens de votre intervention figurent en bonne place les enjeux en matière d'acculturation.

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Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée

Je vous remercie de l'opportunité que vous m'avez donnée de transmettre un certain nombre de messages qui me semblent importants. Je n'hésiterai pas à vous faire parvenir une contribution écrite complémentaire.

Puis la mission d'information auditionne M. Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers.

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Mes chers collègues, nous poursuivons la matinée avec une seconde audition, celle de M. Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers. Vous êtes, monsieur Lambert, un témoin privilégié de l'histoire et de l'évolution des sapeurs-pompiers en France. Votre engagement et votre dévouement pour préserver la mémoire et l'héritage de cette profession sont précieux.

Je tiens à vous remercier de vous être rendu disponible et de nous faire bénéficier de votre expertise. Nous avons retenu d'auditions précédentes que notre modèle de sécurité civile s'était progressivement mis en place surtout à partir du milieu du XXe siècle, à mesure qu'une importance croissante était accordée à ces questions de sécurité pour protéger la population de certains risques. Il a bien sûr connu diverses évolutions législatives au cours des dernières décennies, avec notamment l'essor de l'intercommunalité, le développement du volontariat et l'apparition de réserves de sécurité civile. Notre rapport collectif aux risques a certainement évolué, aussi, au fil des années et des crises survenues, qu'il s'agisse de risques naturels, industriels, sanitaires ou sécuritaires.

N'hésitez pas à partager votre analyse critique sur les évolutions intervenues dans l'organisation de notre sécurité civile et à formuler des recommandations. Elles pourront contribuer à l'améliorer, en particulier pour nos sapeurs-pompiers. Je vous rappelle que notre mission est composée de vingt-cinq députés de divers groupes politiques et que cette audition est enregistrée et accessible sur le site internet de l'Assemblée.

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Notre mission d'information s'intéresse aux capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de sécurité civile. J'ai eu le plaisir et l'honneur de faire partie de cette belle maison des sapeurs-pompiers pendant plus de trente ans, d'abord en tant que sapeur-pompier volontaire et, ensuite, en tant que sapeur-pompier professionnel.

Il me semble ainsi important de pouvoir évoquer avec vous le monde des sapeurs-pompiers, qui constitue la pierre angulaire de notre modèle de sécurité civile. Avant de nous pencher sur l'évolution du métier des sapeurs-pompiers, qu'ils soient civils ou militaires, volontaires ou professionnels, pouvez-vous présenter en quelques mots le centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers ?

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Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers

Nous avons ouvert le centre historique en 2019, après avoir constitué une association en 2009. Celui-ci est conçu comme une vitrine sur l'histoire des sapeurs-pompiers à travers les âges, mais aussi à travers les pays au-delà de la France, comme le Japon ou les États-Unis. Nous organisons une visite guidée d'une durée de deux heures, qui évoque l'histoire des pompiers, de l'époque romaine à nos jours. Une collection privée est ainsi mise à disposition de l'association, qui gère le centre historique, lequel se déploie sur une surface de 1 500 mètres carrés.

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D'après vous, quelles ont été les premières étapes de la construction de notre modèle de sécurité civile ? De quelle manière ont évolué le matériel et les équipements mis à disposition des sapeurs-pompiers ?

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Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers

Quelques grandes dates jalonnent l'histoire des pompiers en France. François Dumouriez du Perrier est considéré comme le premier pompier professionnel de France, après avoir découvert en Hollande les premières pompes à incendie et les avoir ensuite introduites en France. Jusque-là, les feux n'étaient pas éteints avec de l'eau, mais « sapés », c'est-à-dire cassés devant, derrière et sur les côtés, pour éviter les propagations des incendies. Cette manœuvre avait notamment été employée lors des grands incendies de Paris.

Ensuite, il convient d'évoquer l'époque napoléonienne. Napoléon Ier a en effet créé le bataillon des sapeurs-pompiers de Paris à partir d'un régiment du génie de la Garde impériale, après l'incendie de l'ambassade d'Autriche à Paris. Le modèle mis en place par Napoléon, qui mêle civils et militaires, a perduré à travers les âges. À titre d'exemple, les pompiers civils ou militaires portent toujours une tenue de type militaire et sont organisés par grades.

L'activité a ensuite été transformée par les innovations technologiques successives et, en premier lieu, l'arrivée des pompes à vapeur en provenance d'Angleterre. Pour la première fois, la force utilisée pour éteindre les feux n'était plus la force humaine. Des tuyaux ont ensuite été utilisés et l'usage des échelles s'est répandu. Les autopompes ont ensuite fait leur apparition au début du XXe siècle, avec le développement des moteurs à explosion.

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Observez-vous une différence en termes d'organisation et de matériels selon les régions en France ? Existe-t-il des distinctions entre l'hexagone et l'outre-mer dans ces domaines ?

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Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers

Il n'existe pas de grandes différences selon les départements. Naturellement, certains départements sont soumis à des risques spécifiques du fait de leur géographie et des activités qui existent sur leur territoire. Jusqu'à présent, les risques de feux de végétation étaient plutôt limités au sud du pays, mais le dérèglement climatique a modifié ce constat. Le matériel change également, puisque les échelles automatiques tendent à être remplacées par des bras élévateurs, qui permettent de monter plus haut.

Au-delà du secours d'urgence aux personnes (SUAP), la formation du personnel s'oriente davantage vers de nouveaux risques, comme les risques technologiques – notamment les produits radioactifs – ou les risques d'attentat. Lorsque j'ai commencé il y a près de cinquante ans, nous n'aurions pas imaginé intervenir avec un casque lourd et un gilet pare-balles. De fait, à travers les siècles, les sapeurs-pompiers français se sont toujours adaptés aux risques.

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Dans ma région, en Alsace, et plus particulièrement dans le sud de l'Alsace, je constate que la population et notamment les sapeurs-pompiers sont particulièrement attachés à leur patrimoine. De quelle manière votre musée permet-il de valoriser ce patrimoine ? Contribuez-vous à des exercices de sensibilisation ou de formation, par exemple auprès des plus jeunes ? Êtes-vous en relation avec la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France ?

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Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers

Il existe quatre-vingt-dix musées dédiés à la profession de sapeur-pompier en France, souvent portés par des associations. Ces dernières organisent des visites et sensibilisent, notamment dans le domaine de la formation au secours d'urgence aux personnes. Nous répondons également aux questions des jeunes, pour leur parler des métiers de la sécurité en général et notamment du rôle des jeunes sapeurs-pompiers (JSP). Nous intervenons également dans le domaine de la citoyenneté, avec des formations au porte-drapeau, en lien avec d'autres associations, dont le Souvenir français. En effet, lors des cérémonies patriotiques dans les communes, les sapeurs-pompiers sont souvent les seuls corps constitués présents.

Une problématique particulière apparaît dans les centres mixtes, qui regroupent pompiers professionnels et pompiers volontaires. Ces pompiers professionnels dépendent du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) et sont souvent de passage dans une commune, dont ils n'ont pas toujours la culture, à l'inverse des pompiers volontaires, qui sont généralement issus de cette même commune. Par conséquent, il peut manquer une forme de continuité dans le commandement.

Nous essayons également de transmettre l'histoire, même si nous éprouvons des difficultés à faire venir dans le musée les sapeurs-pompiers, qui sont parfois plus attachés au nouveau matériel à leur disposition. Grâce à la réalité virtuelle, nous avons reproduit une ancienne pompe à bras de 1820, afin de plonger nos visiteurs dans les conditions de l'époque.

Ensuite, vous m'avez demandé si nous travaillions avec la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Je vous le confirme, puisque j'ai la chance d'être le secrétaire de la commission « Histoire et musée » de la fédération. À ce titre, je m'occupe de cette thématique dans le département du Puy-de-Dôme et dans la région Auvergne. En partenariat avec mes homologues des autres régions, nous essayons de mener des actions de sensibilisation. Nous venons par exemple de publier une carte de France grand format qui répertorie toutes les associations et les musées dédiés aux sapeurs-pompiers, afin de les faire connaître au plus grand nombre. Dans la région Auvergne, nous avons essayé de faire venir les jeunes sapeurs-pompiers au centre, pour qu'ils s'approprient leur histoire. Malheureusement, cette action ne rencontre pas un succès à la hauteur des enjeux, ce que je regrette. Sur leurs quatre-vingt-dix heures de formation, nous aimerions qu'ils passent quatre heures avec nous. En effet, je pense sincèrement qu'il s'agit là d'un véritable apport pour leur métier ou leur engagement citoyen.

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Monsieur Lambert, nous nous sommes rencontrés en 2020. J'ai eu le grand honneur de visiter votre très beau musée et je tiens à vous féliciter, ainsi que tous vos bénévoles qui contribuent à sa réussite. Comme vous l'avez souligné, vous présentez des matériels issus de différents pays, dont un beau camion américain.

Les premiers pompiers connus étaient les moines qui étaient chargés d'éteindre les incendies dans les maisons au Moyen Âge. Ensuite, seules les communes riches étaient dotées de pompiers, quand les communes pauvres en étaient dépourvues. Une révolution est intervenue en 1972, avec la création de la première départementalisation, qui n'est devenue obligatoire qu'en 1996. Cette organisation départementale me semble pertinente, dans la mesure où elle permet de venir en aide à tous les citoyens.

Cependant, malgré cette départementalisation, les moyens ne sont pas forcément identiques selon les départements, puisque chaque département présente des risques spécifiques. Compte tenu de votre longue expérience, pensez-vous qu'il serait important d'établir une véritable norme française en matière de matériel ? Par exemple, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) possède des tuyaux de 50 millimètres de diamètre, quand les services départementaux utilisent des tuyaux de 40 ou 70 millimètres de diamètre. Faudrait-il adopter une seule norme, que tout le monde devrait respecter, sans exception ? Au-delà de l'exemple des tuyaux, je pense également aux véhicules, aux casques, aux tenues de feu ou aux autres équipements.

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Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers

L'établissement de normes a débuté en 1947, avec la première normalisation des fourgons d'incendie. Tous les fourgons étaient identiques à l'époque, avant qu'il en soit autrement par la suite. Je pense que chaque département et chaque Sdis éprouvent le besoin de mettre en avant sa spécificité pour se distinguer du voisin, pour le matériel ou les équipements. Par exemple, sur le principe, les tenues sont toutes les mêmes, mais leur couleur change. Il en va de même pour les casques : il existe un bon fabricant en France, mais certains départements préfèrent s'équiper avec du matériel allemand.

Je suis favorable à l'instauration d'une norme nationale, mais je ne suis pas certain que tout le monde la respecterait. Il faut également noter que certains corps de pompiers, comme celui de Paris et de Marseille, sont militaires et ont leur propre histoire. Ils disposent de moyens plus conséquents, qui leur permettent d'effectuer des essais de matériel plus nombreux. Par exemple, lors de l'incendie de la cathédrale de Paris, la BSPP a notamment utilisé des robots.

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En tant qu'ancien sapeur-pompier, je souhaiterais savoir quel regard vous portez sur le fonctionnement actuel de notre système français de protection civile. Le modèle actuel pourra-t-il répondre aux différents enjeux et crises qui se profilent ? D'après vous, comment celui-ci devrait-il évoluer ? N'hésitez pas à nous faire part d'exemples en provenance de nos voisins européens qui seraient transposables en France.

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Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers

Il est possible de s'inspirer d'un certain nombre d'éléments émanant de pays étrangers. Par exemple, en Belgique, la fin de carrière n'est pas établie selon une date précise : dans ce pays, tant que le sapeur-pompier est apte, il peut continuer son activité. Ensuite, les collectivités locales pourraient libérer leurs sapeurs-pompiers volontaires, de la même manière que les entreprises privées doivent le faire. À titre d'exemple, sur une organisation comportant quatre postes, les collectivités locales pourraient recruter cinq personnes, afin qu'à tour de rôle, l'une d'entre elles soit systématiquement détachée à un centre de secours. Ce fonctionnement avait cours il y a plus de quarante ans, avec l'utilisation de pompiers dits permanents qui, par la suite, sont devenus professionnels. Mais, à l'époque, le volontariat était plus fréquent qu'à l'heure actuelle, où nous peinons à susciter des vocations et à attirer les jeunes.

Il faut également insister sur la formation et le sentiment d'appartenance. Quoi que l'on en dise, les jeunes sont sensibles à la reconnaissance qui leur est portée. Lors des journées portes ouvertes organisées en commun avec la police et la gendarmerie, nous constatons que ces deux institutions attirent plus de jeunes que la nôtre. En effet, les jeunes y partent en formation pendant une quinzaine de jours, période pendant laquelle ils éprouvent le sentiment d'appartenir à une famille. À la fin de celle-ci, ils se considèrent déjà comme gendarmes ou policiers. De notre côté, la formation est plus disparate, car ils ne participent pas tous ensemble aux exercices de secours et de lutte contre les incendies. Dès lors, ils n'ont pas l'impression de faire partie d'une même équipe. Je regrette donc que la formation des sapeurs-pompiers de base ne soit pas semblable à celle dispensée par l'armée. Il faudrait aussi s'inspirer des usages de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, qui délivre des formations à l'issue desquelles les promotions portent le nom d'un ancien.

Ensuite, les chefs de centre devraient être plus reconnus et bénéficier d'une formation plus appropriée, en tant que cadres. La discipline peut également faire défaut chez les jeunes sapeurs-pompiers qui ont été biberonnés aux réseaux sociaux et ne savent pas toujours écouter et obéir aux consignes qui leur sont données. Pour certains d'entre eux, la vérité est celle des réseaux sociaux et non celle des casernes. Certaines avancées ont tout de même pu voir le jour. Au congrès national des sapeurs-pompiers de France qui s'est déroulé il y a quelques jours à Toulouse, des annonces positives ont été effectuées dans le domaine des trimestres de retraites et des crédits d'impôt. La fédération nationale des sapeurs-pompiers a également rédigé un Livre blanc du volontariat, assorti de soixante-quinze propositions.

Néanmoins, il serait nécessaire d'introduire une plus grande souplesse en matière d'engagement et surtout de management. Nous pourrions profiter de l'expérience de management d'un certain nombre de nos pompiers volontaires, qui sont chefs d'entreprise ou techniciens, ces derniers n'étant pas forcément écoutés comme ils devraient l'être. Enfin, je pense qu'il manque également une campagne nationale comme l'armée, la gendarmerie ou la police ont été capables d'en réaliser.

Par ailleurs, la suppression du service militaire nous a handicapés. En effet, le service militaire permettait de mélanger des jeunes issus de différents horizons et de leur apporter bien plus qu'une formation. Il permettait de mettre en avant le rôle de la nation, l'attachement au drapeau et l'importance de l'engagement citoyen, qu'il est de plus en plus difficile de transmettre. Certes, il existe aujourd'hui le service national universel, mais sa durée demeure trop courte. Je suis favorable à de plus nombreuses interventions de formation auprès des élèves des écoles, notamment sur les gestes qui sauvent, qui donneraient la possibilité d'être au contact des plus jeunes et de susciter des vocations. Malheureusement, dans certains endroits, les professeurs n'y sont pas favorables.

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Je souhaiterais revenir sur des éléments historiques. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les sapeurs-pompiers de Marseille et de Paris sont restés militaires ? De même, à quel moment sont apparues les autres composantes de la protection civile ? Je pense notamment aux associations agréées de sécurité civile.

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Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers

Le corps des sapeurs-pompiers de Paris a été créé en 1811, à partir de militaires du génie. Par la suite, la Ville de Paris a souhaité maintenir leur statut militaire. La situation de Marseille est quelque peu différente. En 1938 a eu lieu l'incendie des Nouvelles Galeries, un grand magasin situé sur la Canebière. À l'issue de ce drame, le corps des sapeurs-pompiers municipaux a été dissous et remplacé par un corps militaire de marins-pompiers.

De leur côté, les unités de la sécurité civile (USC) ont été créées en 1976 et accueillaient initialement des réfractaires au service militaire, qui refusaient de porter des armes. Ces unités ont également fait appel à des harkis. Initialement dévolues aux feux de forêt, elles ont vu ensuite leurs missions évoluer. Par exemple, l'unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile de Nogent-le-Rotrou est spécialisée dans les catastrophes naturelles. Ces unités travaillent aussi bien en France qu'à l'étranger, lors de différentes catastrophes comme les séismes. En 1988, j'ai eu la chance de partir en Arménie en tant que maître-chien après le tremblement de terre. J'ai eu l'occasion de travailler avec ces unités.

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Dans mon centre de secours, j'ai participé pendant plusieurs années aux processus de recrutement des pompiers volontaires. Lors des entretiens, nous demandions toujours quelles étaient leurs motivations. La réponse était toujours identique : ils voulaient éteindre des incendies, mission première des sapeurs-pompiers. Dans l'esprit des gens, l'image du métier est héritée du film Backdraft, où les pompiers sortent des flammes un enfant dans les bras.

Or, il faut savoir que les feux ne représentent aujourd'hui que 5 % des interventions des pompiers. Dès lors, utilisons-nous aujourd'hui à bon escient les sapeurs-pompiers ? Est-il vraiment nécessaire de solliciter des pompiers professionnels ou militaires pour s'occuper de personnes qui souffrent d'une entorse du genou ? Ne faudrait-il pas recadrer les interventions des sapeurs-pompiers ? Quel est votre avis à ce sujet ?

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Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers

L'image du pompier est effectivement liée au cliché entretenu dans les films ou les séries, où des pompiers à la musculature impressionnante sauvent les enfants des flammes. Heureusement, nous menons des campagnes d'information pour montrer que tout le monde peut devenir sapeur-pompier. Mais il est vrai que nous avons parfois du mal à nous détacher de cette image qui nous colle à la peau, alors même qu'elle n'est pas justifiée.

S'agissant du secours aux personnes, nous disposions avant de véhicules de secours aux asphyxiés et blessés (VSAB). Désormais, ces véhicules sont utilisés pour tout type de victime. Des sapeurs-pompiers se lèvent toutes les nuits pour conduire des personnes à l'hôpital, ce qui n'est pas forcément très attractif. De même, les employeurs de pompiers volontaires sont prêts à aider leur commune, mais ils peuvent déchanter quand ils constatent que leurs salariés attendent parfois des heures dans les salles d'attente des hôpitaux puisque les ambulanciers manquent. Je suis d'accord avec vous : les pompiers ont vocation à s'occuper des urgences, pas des petits « bobos ». Si nous continuons de la sorte, nous allons dissuader l'ensemble des sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires.

Un grand nombre de jeunes nous rejoignent pour porter secours et sauver leurs concitoyens. De fait, le sauvetage d'un enfant continue d'être le « Graal » pour tout sapeur-pompier. Cependant, il est également nécessaire de donner une autre image de notre activité. Si l'image des sapeurs-pompiers français continue à être dévoyée, nous n'y arriverons pas.

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Je partage votre point de vue. Je souhaite par ailleurs évoquer la question de la formation. Vous avez évoqué la formation initiale. Les jeunes sapeurs-pompiers (JSP) connaissent généralement des formations initiales d'une durée de quatre semaines. Cependant, il faut souligner qu'il est difficile pour un sapeur-pompier volontaire d'amputer ses jours de congé pour s'y consacrer.

De son côté, la formation continue, sur toute l'année, correspond à quarante heures par an. Pour ma part, j'ai commencé par des formations simples, où nous pouvions prendre le temps de discuter et échanger. Désormais, les formations sont beaucoup plus compliquées. Je pense notamment à la formation pour la mise en œuvre des lots de sauvetage, dans laquelle il existe cinq types de manœuvres, alors que nous ne nous servons en réalité que d'une seule. Est-il réellement utile de continuer à former sur ces cinq manœuvres ? Ne faudrait-il pas revoir et alléger les formations continues ? Il me semble plus pertinent de se concentrer sur des formations réellement importantes, adaptées aux départements et aux risques locaux. Quel est votre avis sur cet allègement des manœuvres ?

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Je pense également qu'il convient d'opérer des changements. Généralement, ces formations sont établies à Paris, sans consulter l'avis des personnels locaux. De fait, les formations s'accumulent. À la formation initiale de quatre-vingt-dix heures viennent notamment s'ajouter la formation incendie ou la formation au secours d'urgence des personnes. Il convient en outre de mentionner les recyclages de spécialités, qui sont chronophages et empêchent les sapeurs-pompiers de partir en intervention. Je suis donc favorable à un allègement mais, pour y parvenir, il faut convaincre ceux qui prennent les décisions.

Aujourd'hui, la situation tend à devenir infernale. Au préalable, nous effectuions la « sortie du mois », qui nous permettait de faire le tour des communes et de manœuvrer l'échelle et le fourgon. Nous en profitions également pour solliciter les personnes sur le terrain. Désormais, cela n'est plus possible : les premiers dimanches du mois sont consacrés au recyclage. Mais, encore une fois, ces messages doivent plutôt être adressés en haut lieu. De notre côté, nous sommes déjà convaincus de leur pertinence.

Par ailleurs, il importe de trouver un juste milieu. Lorsque j'ai commencé, il y a cinquante ans, nous étions tout de suite plongés dans l'action, sans y être forcément préparés. Lorsque nous nous trompions, nous étions réprimandés, mais nous apprenions ainsi, sur le tas. Aujourd'hui, les nouveaux sapeurs-pompiers peuvent rester un an à la caserne sans partir en intervention, alors qu'ils sont venus pour s'engager.

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Je souhaite également revenir sur le secourisme. Aujourd'hui, il est important que les sapeurs-pompiers et l'ensemble des acteurs de la vie civile soient formés au secourisme. À ce titre, il faut former les jeunes durant leur scolarité, et j'estime que la période idéale serait celle de la classe de seconde, qui n'est pas sanctionnée par un examen de fin d'année. Une ou deux journées pourraient ainsi être consacrées à ces formations au secourisme, qui pourraient être assurées par des sapeurs-pompiers, mais également par les associations de sécurité civile ou des organismes privés. Je précise que cette proposition a déjà été soumise en haut lieu.

De même, ne faudrait-il pas revoir les modalités d'apprentissage du secourisme ? Il est essentiel que nos concitoyens sachent réaliser un minimum de gestes, mais le secourisme tel qu'il est enseigné aujourd'hui est-il judicieux ? Ne convient-il pas ici aussi d'alléger les procédures ? Par exemple, est-il vraiment essentiel de disposer d'un niveau infirmier pour être secouriste ?

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Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers

Dans ce domaine, il est également nécessaire de faire un saut dans le passé. Il y a une trentaine ou une quarantaine d'années, les sapeurs-pompiers étaient préparés pour aller dans les écoles afin de former à leur tour aux gestes de secourisme. Mais, à un moment donné, l'éducation nationale n'a plus voulu que nous procédions de la sorte, sous prétexte que les pompiers n'étaient pas des enseignants.

Par ailleurs, le brevet national de secourisme a également évolué pour revenir à l'essentiel. À ce titre, les « gestes qui sauvent » constituent la base, pour apprendre à positionner la victime sur le côté et à maintenir en vie une personne, sur les plans ventilatoires et circulatoires. Les formations complémentaires gagnent ensuite en complexité, à travers les premiers secours en équipe de niveau 1 (PSE1) et les premiers secours en équipe de niveau 2, pour les intervenants de la sécurité civile.

Selon moi, il n'est pas possible d'alléger les gestes qui sauvent, mais il faudrait qu'ils soient enseignés à tous et, pourquoi pas, rendre cet enseignement obligatoire. À une époque, il me semble que le passage du permis de conduire nécessitait également l'apprentissage des gestes qui sauvent.

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Il s'agissait d'une simple proposition, mais qui n'a pas été suivie d'effet.

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Didier Lambert, fondateur du centre historique du monde sapeur-pompier de Thiers

Ceci est regrettable. Ensuite, je pense que votre proposition concernant les classes de seconde est pertinente. Il s'agit du bon âge pour apprendre et débuter un engagement chez les sapeurs-pompiers volontaires.

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Je vous remercie pour votre intervention qui contribue à nourrir nos travaux. À cet égard, j'en profite pour vous indiquer que vous pouvez également nous adresser par écrit des éléments complémentaires que nous n'aurions pas pu évoquer aujourd'hui.

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Je vous remercie à mon tour d'avoir pris le temps de nous faire part de vos réflexions. Je pense que nous serons également conduits à rencontrer la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Je crois également avoir relevé dans votre dernière remarque une invitation impérieuse à renforcer la culture de la sécurité et de la protection civile à tous les niveaux, à commencer par les citoyens, qu'ils soient ou non sapeurs-pompiers ou membres de sociétés agréées.

La séance est levée à douze heures trente.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Réunion du jeudi 12 octobre 2023 à 10 heures 30

Présents. – Mme Lisa Belluco, M. Yannick Chenevard, M. Jean-Marie Fiévet, M. Didier Lemaire

Excusés. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Bertrand Bouyx, M. Florian Chauche, Mme Marietta Karamanli, M. Éric Pauget