Intervention de Laurent Alfonso

Réunion du jeudi 12 octobre 2023 à 10h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée :

Il est intéressant de revenir effectivement sur les modèles, sans trop rentrer dans la sémantique : au niveau européen, on parle effectivement plus de protection civile que de sécurité civile. Le risque courant est parfaitement couvert en France et dans la plupart des pays européens. En revanche, les risques majeurs sont constitués par des crises complexes aux effets cumulatifs, « en cascade », qui ne manqueront pas de survenir dans le futur. À ce titre, il importe de maintenir une veille permanente à la fois sur notre modèle, mais aussi sur celui des autres pays.

Nous savons que les crises seront hybrides et qu'elles seront exacerbées par le changement climatique. À cet égard, un rapport sur l'adaptation de la sécurité civile face aux défis climatiques à l'horizon 2050 a été publié en juin 2023, à la suite des travaux de plusieurs groupes de travail, sous l'égide de la DGSCGC. Ce rapport évoque les risques naturels et technologiques actuels, tout en soulignant des éléments de prospective et la nécessaire coopération européenne et internationale.

Au niveau européen, le mécanisme de protection civile de l'UE correspond en réalité à une compétence de soutien et d'appui de la Commission européenne auprès des États. Créé en 2001, il a été activé à plus de 600 reprises, dont la plupart du temps à l'extérieur de l'UE. Initialement limité aux États membres, le mécanisme s'est progressivement ouvert à des participants extérieurs – aujourd'hui au nombre de neuf et bientôt dix avec l'entrée de la Moldavie dans le dispositif au 1er janvier 2024.

Ce mécanisme est également proposé au reste du monde, à chaque fois qu'une catastrophe apparaît, qu'un État voit ses capacités nationales dépassées et souhaite recevoir une assistance, d'une manière souveraine. Il est fondé sur deux niveaux de réponse : une réponse volontaire à l'aide d'une réserve européenne et une réponse fondée sur le protocole RescUE, qui a été créé en 2019. Évolutif, il s'adapte en tenant compte de la réalité de terrain et des retours d'expérience, et s'efforce d'anticiper l'avenir.

Il est cependant confronté à des problématiques de gouvernance. Le centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC) est situé à Bruxelles et a vocation à coordonner des moyens qui sont fournis par les États membres et participants. Cette coordination n'est pas réalisée de manière doctrinale à l'heure actuelle : il n'existe pas de stratégie opérationnelle du mécanisme de protection civile de l'UE. Aujourd'hui, le mécanisme et l'ERCC ne sont pas capables de prioriser leurs réponses, ce qui peut poser problème lors de crises simultanées. Dans certains cas, des ruptures capacitaires peuvent ainsi intervenir.

Le protocole RescUE est le plus récent dispositif du mécanisme, créé en réaction aux incendies survenus au Portugal et en Grèce, en 2017 et 2018. À cette occasion, nous avons en effet été confrontés à des ruptures capacitaires au sein du mécanisme. Les incendies étaient tellement nombreux que les États membres n'avaient plus la capacité d'apporter la réponse capacitaire nécessaire sur le simple fondement du pool volontaire.

Il a donc fallu trouver un système plus incitatif, fondé sur des financements à 100 % par le mécanisme de protection civile de l'Union sur son budget propre. En la matière, la France a initié le processus et a été le premier État à expérimenter le protocole. Depuis, il s'est développé sur d'autres modules opérationnels pour couvrir de nouveaux risques. Ce développement est intervenu après la crise Covid, à travers la création de stocks médicaux, ou de stocks relatifs aux menaces NRBC. Il concerne également l'évacuation médicale et portera demain sur les abris d'urgence et le domaine de l'énergie.

Les modules opérationnels vont ainsi être créés et financés à 100 % par le mécanisme de protection civile de l'Union, sur son budget propre. Ils seront mis en œuvre par les États membres et constitueront une charge très importante en matière de création et de maintien opérationnel. Près de 130 modules opérationnels sont intégrés dans le pool volontaire, contre plus d'une trentaine pour RescUE. Ce système est particulièrement contraignant pour les États membres ; il repose sur des modules nationaux, qui ont été améliorés et adaptés dans le cadre de ce mécanisme pour pouvoir être déployés en Europe et au niveau international.

Aujourd'hui, ce mécanisme couvre tout type de catastrophes, naturelles comme technologiques, mais aussi sanitaires : à l'occasion de la crise Covid, il a été étendu à des capacités de rapatriement de citoyens et a aussi été employé à l'occasion d'évacuations consulaires en Afghanistan. À l'heure actuelle, il est extrêmement utilisé pour l'envoi de matériels et d'équipements, notamment en Ukraine.

En résumé, la question du périmètre d'action du mécanisme de protection civile de l'UE se pose aujourd'hui. En effet, sa définition est quelque peu différente dans chacun des États membres. Cet aspect fera l'objet d'une discussion la semaine prochaine.

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