Intervention de Laurent Alfonso

Réunion du jeudi 12 octobre 2023 à 10h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Laurent Alfonso, chargé de mission affaires européennes à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et expert en protection civile pour l'Union pour la Méditerranée :

La France est aujourd'hui suffisamment outillée pour répondre aux crises majeures. Néanmoins, comme pour tous les modèles, il demeure une marge de doute sur la capacité à utiliser les moyens dont nous disposons en termes de gouvernance, de réponse capacitaire, de coordination et de durabilité, pour nous assurer que le modèle fonctionne en toutes circonstances.

Certains secteurs, notamment le secteur privé, travaillent à partir de stress tests. La France dispose d'une forte culture des exercices, qui est excellente, et que nous promouvons à l'étranger. Ces exercices doivent être plus inclusifs et faire partie de nos habitudes quotidiennes, en particulier dans les foyers, en veillant à conserver un équilibre afin de ne pas sombrer dans l'excès inverse, celui de la psychose. Ces outils permettent de dédramatiser les situations et d'éviter l'affolement.

Des marges d'amélioration subsistent également dans le rapprochement des services publics et de la communauté scientifique. En France, l'organisation de la sécurité civile présente l'avantage de disposer d'une pensée complexe de l'organisation et de la planification jusqu'au dernier kilomètre ; mais également de la mise en œuvre de guides doctrinaux et de référentiels. Le modèle français intégré et interopérable sur l'ensemble du territoire présente ainsi une véritable valeur ajoutée, qui n'est pas toujours présente dans d'autres pays européens, où les doctrines peuvent différer d'une région à l'autre.

Nous bénéficions en outre d'un écosystème avantageux de scientifiques, d'entreprises privées, de fondations et d'associations sur lesquels nous devons pouvoir nous appuyer. De même, nos politiques publiques doivent pouvoir se fonder sur la connaissance scientifique, qui nous permet à la fois de prendre le pouls de la société, mais aussi de nourrir une réflexion prospective. Tout le monde connaît aujourd'hui les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Au sein de l'UPM, nous disposons également d'un groupe d'experts, dans la mesure où cette zone présente la particularité de générer des phénomènes qui lui sont propres.

Il importe donc d'associer cette communauté scientifique. Le mécanisme de protection civile de l'UE s'y essaye avec la création récente d'un réseau de connaissances, qui débute, et se fonde sur deux piliers : un pilier scientifique et un pilier opérationnel. La France y contribue et je participe au groupe de travail associé dont le séminaire de travail annuel, que j'ai mentionné au début de mon audition, sera d'ailleurs organisé en fin d'année à Bruxelles. Nous aurons l'occasion d'évoquer à nouveau la question de la gouvernance dans cette instance, et notamment le sujet de l'intégration des scientifiques à nos réflexions. En résumé, nous sommes prêts, mais nous devons toujours être vigilants et nous assurer que notre modèle saura faire face et s'adapter à la prochaine crise à laquelle nous serons confrontés.

Le mécanisme de protection civile de l'UE vit aujourd'hui un moment clef. À l'heure actuelle, il est particulièrement tourné vers la réponse opérationnelle, qui absorbe plus de 90 % de son budget pour l'acquisition et la maintenance de modules, qu'il s'agisse des hôpitaux de campagne, des moyens aériens de lutte contre les feux de forêt ou de l'évacuation médicale. Désormais, un enjeu majeur consiste à travailler sur le cycle amont, c'est-à-dire la prévention et la préparation, afin d'économiser des capacités pour pouvoir les déployer à bon escient lors des crises.

Compte tenu du changement climatique, j'estime en effet que les crises seront de plus en plus sévères ; les phénomènes de plus en plus violents et nombreux. Face à la simultanéité de ces événements, le risque capacitaire s'accroît. Dès lors, il importe de mieux travailler sur les phases amont, afin d'essayer d'atténuer les conséquences de ces catastrophes et de préparer les populations et les infrastructures à y faire face. En résumé, prévention et préparation constituent désormais les maîtres mots du mécanisme de protection civile de l'UE.

Il s'agit enfin de travailler à l'harmonisation des modèles, afin de les rendre plus interopérables. Nos stratégies nationales doivent également intégrer le mécanisme européen, lequel a été utilisé en 2022 lors des incendies de Landiras et de La Teste-de-Buch. La sollicitation du mécanisme ne constitue pas un aveu de faiblesse, mais représente bien au contraire un signe de vitalité : le support de la capacité de protection civile de nos voisins nous permet d'apprendre énormément.

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