La séance est ouverte à dix-sept heures quinze
Présidence de Mme Véronique Riotton, présidente
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention, dans le cadre du rapport d'information sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Ces débats ont fait l'objet d'un compte rendu écrit ; ils sont également accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :
Je souhaite la bienvenue à M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention.
Monsieur le ministre, je vous remercie vivement de vous être rendu disponible en cette période stratégique et chargée pour votre ministère, qui précède l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Celui-ci contient cette année encore un certain nombre de mesures qui concernent particulièrement les femmes, et il m'a donc paru essentiel que nous puissions avoir cet échange avec vous.
La santé des Français et des Françaises est une question primordiale. Le PLFSS pour 2024 consacre la poursuite d'une dynamique d'engagement et d'investissement en faveur d'un meilleur accès aux soins de nos concitoyens. Depuis 2017, le Gouvernement s'efforce de mettre la santé des femmes au centre des considérations. Nous avons fait avancer des causes en matière de santé des femmes, nous avons renforcé des droits et nous en avons consacré de nouveaux. Ce PLFSS poursuit et amplifie la réalisation de cette ambition, mettant en place des mesures fortes concernant la santé des femmes. À ce propos, la Délégation aux droits des femmes s'est saisie de six articles.
L'article 17 ouvre la possibilité pour l'assurance maladie de rémunérer directement les professionnels de santé qui vaccineront contre le HPV dans les établissements scolaires, quel que soit leur statut.
L'article 18 permet la prise en charge à 100 % par l'assurance maladie obligatoire, en tiers payant, des frais liés à l'achat de préservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans.
L'article 19 traduit l'engagement du Gouvernement de mettre en place un remboursement des protections hygiéniques réutilisables pour toutes les femmes de moins de 26 ans.
L'article 20 permet de mieux accompagner les assurés dans leurs démarches de prévention.
L'article 21 permet de mieux articuler la complémentaire santé solidaire (C2S) avec certains minimas sociaux.
L'article 25 permet de simplifier la prise en charge pour les patients en cas d'angine ou de cystite aiguë ou simple.
Le PLFSS reflète donc l'ambition du Gouvernement de continuer à investir pour l'avenir de notre système de santé, notamment en facilitant l'accès au vaccin contre le papillomavirus humain (HPV) dès 11 ans. Selon les autorités sanitaires, chaque année, en France, près de 6 400 nouveaux cas de cancers sont causés par les infections à HPV, transmissibles quasiment exclusivement par contact sexuel. Les femmes demeurent les principales victimes de ces cancers et plus d'un quart des victimes sont des hommes. La vaccination contre le HPV constitue un moyen efficace de prévention.
Lorsqu'il est effectué avant le début de la vie sexuelle, ce vaccin permet de protéger jusqu'à 90 % des infections à HPV à l'origine de cancers et offre une protection à long terme. Cette campagne vaccinale vise à améliorer une couverture vaccinale jugée insuffisante par les autorités sanitaires. Elle permet aussi de mieux sensibiliser les familles sur les infections à HPV, mais également de toucher à des tabous, notamment autour de la sexualité. Pour atteindre l'objectif de couverture vaccinale de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030, cette campagne sera-t-elle reconduite les prochaines années ?
Par ailleurs, il est important de rappeler la mobilisation de l'ensemble des acteurs pertinents, y compris les médecins généralistes, les gynécologues, les infirmiers scolaires et particulièrement les sages-femmes. Ces dernières jouent, comme tous les autres acteurs, un rôle essentiel pour sensibiliser les familles sur la sécurité et l'importance de la vaccination HPV, mais elles sont très peu sollicitées. Pour être pleinement efficace, cette campagne nécessite une implication forte de l'ensemble des parties concernées et doit s'inscrire dans le temps. Comment faire pour atteindre ces objectifs ?
Dans un second temps, pour faire face à une recrudescence préoccupante des infections sexuellement transmissibles, le Président de la République a pris la décision de permettre à tous les jeunes âgés de moins de 26 ans d'obtenir des préservatifs gratuitement en pharmacie. Cette mesure connaît un franc succès et des millions de préservatifs gratuits ont été distribués. Cependant, cette mesure se limite au préservatif masculin externe. Il faut donc l'élargir pour permettre aux femmes de disposer d'alternatives au préservatif externe.
D'après le rapport de la Haute autorité de santé (HAS), le préservatif féminin présente de nombreux avantages : une grande efficacité contre les grossesses non désirées (entre 95 et 99 %) et un niveau élevé de protection contre les infections sexuellement transmissibles (IST), en particulier le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), tout en permettant aux femmes de garder la maîtrise de leur contraception et de leur sexualité. Cependant, bien que 9 femmes sur 10 en connaissent l'existence, deux tiers des personnes interrogées pointent le manque d'information à ce sujet. L'inscription des préservatifs internes sur la liste des produits et prestations remboursables permettrait de mieux lutter contre une méconnaissance de ce type de contraception en France et permettrait de continuer les efforts consentis pour la prévention des IST. Pouvez-vous nous dire comment avancent les demandes d'inscription de préservatifs féminins sur cette liste de produits et prestations remboursables ?
Sur un autre volet, je tenais à saluer la simplification, dans ce PLFSS, de la prise en charge des cystites simples. En effet, aujourd'hui, la prise en charge d'une cystite simple peut se transformer en véritable parcours du combattant. Que ce soit dans les territoires ruraux ou en ville, soigner une cystite devient une tâche ardue pour de nombreuses femmes. Cependant, cette mesure doit s'accompagner de certains garde-fous pour éviter la non-détection d'affections plus graves. Monsieur le ministre, ces garde-fous sont-ils prévus pour éviter les dérives que pourrait entraîner une simplification de la prise en charge des cystites ?
Enfin, j'aimerais aborder la question de la précarité menstruelle. Le PLFSS pour 2024 prévoit le remboursement des culottes et des coupes menstruelles. La précarité menstruelle est une réalité qui touche trop de femmes : près de 31 % des femmes menstruées de 18 à 50 ans et, en particulier, les plus jeunes (44 % des 18-24 ans). C'est une injustice du quotidien pour une grande majorité de femmes. Les coûts élevés des protections périodiques peuvent priver certaines femmes de leur utilisation ou en différer le renouvellement régulier, ce qui peut affecter leur santé. Il faut également mentionner que de nombreuses femmes n'ont pas accès à des distributeurs de protections périodiques. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des chiffres sur le nombre de distributeurs de protections périodiques actuellement déployés, mais aussi sur le nombre de femmes bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire ?
Je suis très heureux de m'exprimer pour la première fois devant votre Délégation. Je salue sincèrement le choix de votre Délégation de se saisir pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Ce choix s'inscrit dans la continuité de la préoccupation constante de votre Délégation de placer les sujets de santé des femmes, et plus largement d'égalité et de défense des droits des femmes, au cœur du débat politique. Je partage pleinement cette préoccupation.
Depuis ma nomination, j'ai le double honneur, d'une part, d'être à la tête d'un ministère, qui par ses actions contribue à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes et à une meilleure compréhension des enjeux spécifiques des femmes ; et d'autre part, l'honneur de m'inscrire dans la lignée d'illustres prédécesseurs et prédécesseures. Je crois que dans ce ministère, la proportion des femmes qui ont été ministres est nettement plus élevée que dans les autres. J'en suis particulièrement fier. C'est donc un double honneur et une double responsabilité parce qu'aujourd'hui, une partie des questions et des enjeux se formulent et assument d'être formulés comme de vrais enjeux politiques. Notre récent débat sur l'endométriose a fait appel à des mots qui n'avaient peut-être jamais été prononcés dans l'hémicycle auparavant. Or, ce sont bien des questions politiques qui nous obligent. Simone Veil résumait l'essence de cette problématique en disant qu'elle ne voulait plus être contrainte de s'adapter au modèle masculin.
En effet, en matière de santé, les femmes sont concernées évidemment par des infections particulières et sont confrontées à des défis spécifiques, parmi lesquels on peut citer l'accès à la contraception, l'accès à l'interruption volontaire de grossesse, la santé et la précarité menstruelle ou celle de l'endométriose. Je crois qu'en tant que ministre de la santé homme, il est important de les porter avec plus de force. Le rapport produit en juillet 2023 par Mmes Pascale Martin et Anne-Cécile Violland qui examine la santé mentale des femmes au regard des étapes importantes de leur vie en prenant aussi en considération les questions d'environnement social ou de stéréotypes persistants constitue pour moi l'exemple parfait de l'approche que nous devons renouveler en matière de santé des femmes. Je suis convaincu que nous devons mener un travail dans la durée sur ces questions, en mettant en œuvre une pratique d'échanges, mais aussi une évaluation de tous les dispositifs, et notamment Mon soutien psy, sur lequel les retours sont relativement hétérogènes.
De plus et c'est un point essentiel, je pense que la France est en retard en matière de santé des femmes en particulier sur le terrain de la prévention. Il faut penser, porter et mettre en place une politique de prévention et de santé des femmes qui intègre des sujets spécifiques. Nous investissons trop peu aujourd'hui dans la recherche en matière de prévention et ne mobilisons pas assez les sciences humaines et sociales pour appréhender correctement la santé des femmes.
La santé des femmes, qui correspond à l'axe 2 du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes, est une des priorités de ma feuille de route. La meilleure prise en compte du genre et des spécificités des femmes dans l'ensemble des politiques de santé constitue un des axes transversaux figurant dans la stratégie nationale de santé qui sera prochainement arrêtée.
Nous devons mobiliser une grande variété d'outils et de moyens. J'avais l'honneur d'être directeur de cabinet de la Première ministre lorsque la décision a été prise de mettre à disposition des protections menstruelles réutilisables pour les jeunes femmes, certains s'interrogeaient alors sur l'intérêt de la mesure. Or, en regardant le nombre de bénéficiaires potentielles et la question que vous soulevez de l'élargissement de cette mesure, il apparaît qu'une partie des discriminations est sous-estimée. En effet, ne pas renouveler les protections périodiques aussi régulièrement que nécessaire constitue un risque grave pour la santé des femmes.
Je suis à votre disposition dans la durée pour faire le point et évoquer, si besoin, les difficultés que nous rencontrons sur ce sujet.
Depuis 2017, des avancées peuvent être notées, dont une partie doit beaucoup à l'action de la Délégation. Je pense à l'adoption de la proposition de loi portée par Mme Sandrine Josso sur l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche. Je pense également au renforcement de l'accès à l'IVG, avec l'allongement du délai de recours de 12 à 14 semaines et à l'expérimentation bientôt généralisée de la réalisation de l'IVG instrumentale par les sages-femmes.
Le rôle des sages-femmes dans le dispositif de prise en charge et de suivi de la santé des femmes progresse aujourd'hui à vive allure.
Vous pourrez juger à l'épreuve des faits si la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose est au rendez-vous des engagements que j'ai pris dernièrement. Personne ne se satisfait des 14 000 affections de longue durée (ALD) 31 qui sont accordées sur l'endométriose. Je souhaitais vous faire part de toute ma disponibilité pour un travail sur le sujet.
Diverses mesures de renforcement de la politique à l'égard de la santé des femmes figurent dans le PLFSS pour 2024.
Ainsi, en matière d'accès à la contraception et dans la lignée de la mesure qui permet le remboursement intégral de la pilule du lendemain pour toutes les femmes, le PLFSS finance la prise en charge des préservatifs jusqu'à 26 ans. Une mesure déjà en vigueur et qui connaît un succès colossal démontrant qu'il ne s'agit pas d'une mesure gadget : 2,4 fois plus de préservatifs ont été distribués depuis janvier dernier.
Le PLFSS organise également la lutte contre la précarité menstruelle en permettant la prise en charge intégrale des protections réutilisables pour les jeunes femmes jusqu'à 26 ans, et sans limite d'âge pour nos concitoyennes les plus précaires.
En outre, le déploiement progressif des bilans de prévention dans la tranche d'âge des 45-50 ans sera l'occasion de renforcer la prévention sur le dépistage du cancer du sein. Nous devons réaliser que nous avons reculé sur ce sujet et que nous devons faire mieux : en informant, en donnant les moyens aux femmes de connaître les bons gestes et en conduisant une réforme complète du dépistage organisé.
Par ailleurs, le PLFSS pour 2024 instaure le déploiement de la campagne nationale de vaccination gratuite contre les infections à papillomavirus humains pour tous les élèves de cinquième, prise en charge par l'assurance maladie. Nous reconduirons cette campagne, dont un bilan devra être tiré, notamment sur les conditions de l'information dispensée. Je pense que nous constaterons des résultats hétérogènes pour cette première année. Nous serons particulièrement attentifs à la part organisée de réticence des parents et la part de ceux qui restent à convaincre. Une certitude demeure néanmoins : la vaccination est plus efficace lorsqu'elle intervient avant les premières relations sexuelles. Il faut également rappeler que nous parlons de différents cancers (à savoir cancers du vagin, de la vulve, de l'anus ou encore de la gorge) – et pas seulement du cancer du col de l'utérus.
Je n'ai pas de chiffres disponibles à cette heure sur les résultats de cette première campagne de vaccination. Nous étions à 7 % des hommes vaccinés et à plus de 30 % des femmes. Sur la classe d'âge des élèves de cinquième, nous serons évidemment au-dessus de ces chiffres en termes de jeunes garçons, et j'espère que nous nous situerons entre 20 et 30 % pour les jeunes filles. Pour cette campagne, nous avons choisi d'aller sur la méthode de « l'aller vers » avec des équipes d'effecteurs qui se rendent dans les collèges.
Sur les préservatifs féminins, deux types de produits sont inscrits dans les dispositifs remboursables. Deux nouveaux produits s'inscrivent actuellement dans la procédure de référencement organisée en la matière. Les travaux avancent rapidement, sachant que les chiffres nous indiquent que 550 000 préservatifs féminins sont commercialisés par an, à mettre en parallèle avec les 110 millions de préservatifs masculins également vendus.
Sur le parcours d'accès simplifié pour les patientes présentant des signes de cystite, la délivrance du traitement par un pharmacien est désormais prévue. Cependant, le dispositif ne se réduit pas à ce seul service, car la démarche vise à instaurer également une coopération entre professionnels et une orientation vers ces acteurs de la santé, pour une prise en charge médicale plus poussée. Concrètement, en cas de doute sur la sévérité de l'affection, lorsqu'il ne délivrera pas de traitement, le pharmacien sera en mesure de renseigner le patient sur la possible prise en charge par d'autres professionnels de santé. Les consultations pour cystite représentent 3 millions de consultations par an, dont 85 à 90 % sont des cystites simples.
Sur la précarité menstruelle, Mme la rapporteure indiquait que cette forme de précarité représentait une « injustice du quotidien ». Un risque sanitaire est aussi clairement lié à cette précarité sanitaire. Les femmes de moins de 26 ans peuvent bénéficier, à compter de cette année, du remboursement par la sécurité sociale des protections périodiques réutilisables. Le PLFSS porte une extension de l'accès à cette prestation aux femmes qui sont bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. On peut estimer à six millions le nombre de femmes pouvant avoir accès à ce dispositif de remboursement par la sécurité sociale des protections menstruelles.
Je ne dispose pas à l'heure actuelle des chiffres sur le nombre de distributeurs de protections périodiques. Les distributeurs n'ont en effet pas été dénombrés à ce jour.
En 2021, on estimait à deux millions le nombre de femmes victimes de la précarité menstruelle. Nous souhaitons également doubler d'ici 2027 les aides aux associations qui accompagnent les femmes dans ces situations, engagement présent dans le Pacte des solidarités.
Au nom du groupe Renaissance, je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, pour votre présence aujourd'hui, signe de l'intérêt que vous portez à notre Délégation et à la santé des femmes. Ce PLFSS consacre des moyens très importants en faveur de l'accès aux soins des plus précaires, et notamment des femmes, et notre rapporteure a très bien rappelé l'ensemble des mesures inédites comprises dans celui-ci.
Je souhaite ici souligner deux de ces mesures importantes. Les moyens accordés à la vaccination contre les infections à papillomavirus se trouvent confirmés par le PLFSS pour 2024. Conformément à l'engagement du Président de la République, ces moyens inédits permettent depuis ce mois d'octobre de lancer une campagne de vaccination pour les élèves de cinquième. Cette mesure était essentielle et le groupe Renaissance salue l'action du Gouvernement pour freiner une maladie qui touche près de 80 % des Français et conduit parfois à des cancers.
La gratuité des préservatifs pour tous les jeunes de moins de 26 ans constitue également une avancée inédite et unique au monde dans le degré de protection que nous apportons aux jeunes, chez qui les maladies sexuellement transmissibles et les risques de grossesse imprévue sont les plus élevés. Cependant, il est important d'avancer sur la prise en charge des préservatifs féminins qui viendraient compléter la gamme des produits de protection, de manière à accroître l'efficacité de cette politique ambitieuse.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale propose un panel de mesures sociales nombreuses, qui viennent compléter de manière très efficace les protections existantes sur le plan de la santé mentale, sexuelle, ou menstruelle, notamment. En effet, beaucoup de femmes vont voir leur quotidien facilité par les mesures prévues par ce projet de loi qui amplifie en même temps la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes.
Pour ces raisons, le groupe Renaissance apportera son soutien au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale résonne de manière toute particulière pour notre Délégation, à la lumière du rapport de la Cour des comptes du 14 septembre dernier. Ce rapport comporte un certain nombre de critiques vis-à-vis de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes menée par l'État, nous obligeant à un certain sursaut. Dans ce rapport, la Cour dénonce un empilement de mesures depuis 2017, n'aboutissant pas aux objectifs fixés, en l'absence d'une politique globale, continue et coordonnée. Concernant le budget, la Cour déplore une politique d'affichage, soulignant un décalage grandissant entre le budget du programme 137, qui a certes augmenté de 29,1 millions d'euros à 53,1 millions d'euros en 2022, et le budget déclaré par l'État pour cette cause, lequel est passé de 250 millions d'euros à 2,5 milliards d'euros durant la même période.
La Cour note aussi un suivi extrêmement éparpillé des crédits, rendant difficile l'estimation de la réalité et de l'efficacité des fonds alloués. De plus, selon la Cour, beaucoup de mesures ne sont pas fondées sur un diagnostic précis de la situation et des besoins, de sorte que la réalisation des objectifs chiffrés ne permet pas de conclure à la réussite d'une politique.
De son côté, le rapport de notre délégation sur le PLFSS a formulé des recommandations pertinentes visant à favoriser la culture de la prévention et à faciliter l'accès à des dispositifs essentiels pour la santé sexuelle des femmes. Si certaines mesures sont à saluer pour les femmes, dont notamment l'article 19, pouvez-vous nous préciser en quoi ce PLFSS répond à nos recommandations et aux inquiétudes légitimes exprimées par la Cour des comptes ?
Par ailleurs, je suis heureux de votre présence, et vous interroge, monsieur le ministre, à propos de la proposition de loi visant à créer une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, adoptée le 16 janvier dernier à l'unanimité, et dont j'ai été le rapporteur. Pendant l'examen du texte, Mme la ministre Isabelle Rome s'était engagée à intégrer dans le PLFSS pour 2024 la mutualité sociale agricole comme service pouvant également traiter les demandes d'aide d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales. Alors que les décrets d'application du texte n'ont toujours pas été pris, le Gouvernement peut-il amender le PLFSS en ce sens, comme l'ancienne ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes s'y était engagée ?
La santé des femmes et des filles fait face à de multiples menaces. Malgré des avancées dans le PLFSS, de nombreuses alertes me poussent à vous interpeller.
Sur la santé sexuelle et reproductive, la campagne de vaccination contre le HPV ne se pratique que sur la base du volontariat dans les collèges privés. Quid également des nombreux jeunes en situation de handicap n'ayant pas accès à la scolarisation, de ceux scolarisés dans les instituts médico-éducatifs (IME), et des jeunes pris en charge par la protection de l'enfance ?
Ne laisser personne de côté, c'est aussi lutter contre les pressions de l'extrême droite et de la droite. Même au sein de votre Gouvernement, certains voudraient supprimer l'aide médicale de l'État (AME). Au-delà de son importance pour la protection de la santé de toute la population, l'aide médicale de l'État est essentielle pour remplir notre devoir d'humanité, de solidarité et pour garantir le droit à la santé pour toutes et tous. Avec la suppression de l'aide médicale de l'État, les femmes seraient impactées dans leur accès à des soins de santé et notamment l'IVG et les soins pendant et après la grossesse. Vous l'avez dit, supprimer l'aide médicale de l'État reviendrait à être « perdant-perdant ». Comment comptez-vous porter ce combat pour le droit à la santé, au Gouvernement et au Parlement ?
Il faut aussi souligner le point critique que constitue aussi le sous-financement chronique de notre système de santé. L'austérité est une forme de violence fondée sur le genre. Les femmes et les filles sont souvent les premières à faire les frais de l'asphyxie budgétaire. Leur droit fondamental à disposer de leur corps est menacé quand les centres IVG ferment par manque de financements et de personnels. En vingt ans, la moitié des maternités ont fermé et le nombre de femmes vivant à plus de 45 minutes d'une maternité a doublé. Dans les lieux de rétention, toujours plus surpeuplés, le manque de médecins et de personnels sanitaires est criant, notamment les gynécologues. Le manque de moyens en psychiatrie restreint l'accès et le maintien dans les soins, mais aussi détériore la prise en charge des patients. L'Unafam dénonce dans son dernier baromètre un recours disproportionné à l'isolement et à la contention pour pallier le manque de personnels. Les femmes ayant des troubles psychiques sont particulièrement exposées aux violences sexistes et sexuelles en dehors, mais aussi au sein des services psychiatriques. Quelles mesures porterez-vous pour une sécurité sociale et un système de santé qui protègent réellement les femmes ?
En 2022, le Président de la République évoquait à l'occasion de la campagne présidentielle l'axe prioritaire de la santé des femmes pour les cinq prochaines années.
Au nom du groupe Démocrate, nous souhaiterions savoir comment vous souhaitez matérialiser cette volonté du Président au nouveau poste que vous occupez. Comment voyez-vous la possibilité, dans le PLFSS pour 2024, de mettre en lumière la santé des femmes et de mesurer ses progrès ?
Concrètement, sur le plan du budget, comment souhaitez-vous que les sommes soient réparties ? Quelles sont vos ambitions en matière de santé des femmes de manière spécifique, tant sur la prévention des maladies chroniques que sur la santé sexuelle et reproductive et, bien évidemment, sur la santé mentale des femmes ?
Le groupe Démocrate soutiendra ce projet de loi de finances de la sécurité sociale.
Vous avez rappelé, et je vous en remercie, le fait que Mme Martin et moi-même avons produit un rapport sur la santé mentale des femmes. Ma question portera plus spécifiquement sur ce sujet. Nous avons formulé vingt-cinq recommandations, autour des trois axes constitués par la déconstruction des stéréotypes, la formation des professionnels et la prévention, le dépistage et la prise en charge. Les problèmes de santé mentale, en France, représentent 23,4 milliards d'euros, et 109 milliards si l'on prend en compte toutes les conséquences sociales.
Au-delà de cette souffrance réelle et de ces chiffres significatifs, nous sommes convaincues qu'une prise en charge précoce ne pourra être que bénéfique pour les Français et pour le pays. Vous avez insisté sur la nécessité de la prévention ; je vous en remercie et je pense qu'il faut aller encore plus loin. Une prise de conscience des risques de dépression et de violences intrafamiliales chez les femmes s'avère également nécessaire, d'où la proposition de formations en direction des professionnels.
Je salue la démarche du Gouvernement consistant à mettre en place le dispositif Mon soutien psy. Aujourd'hui, il est nécessaire d'en améliorer le cadre, en intégrant notamment les troubles sévères et en revoyant le montant des remboursements, si l'on veut inciter davantage de psychologues à adhérer au dispositif.
Sur la question de la santé mentale des femmes, la question mérite un approfondissement dans le courant de l'année à venir allant plus loin que les dispositions du PLFSS. Celui-ci ne prend pas totalement en compte les recommandations contenues dans votre rapport. Je suis disponible pour que nous menions un travail autour des vingt-cinq propositions contenues dans ce document.
En matière de lutte contre les inégalités, le travail autour de la santé gynécologique des femmes dans les IME et dans les institutions psychiatriques fait partie des chantiers que je souhaite également engager. La question du recrutement de personnels pour traiter ces problèmes spécifiques dans ce type de structures fait partie d'un contexte particulier à prendre également en considération. Il faut redonner de la visibilité et de l'attractivité à ces fonctions.
Sur l'IVG, sans banaliser ce que représente le recours à ce choix, je peux indiquer que le nombre d'interruptions de grossesse enregistré en France a dépassé les chiffres des années précédentes depuis 20 ans. Le maintien de l'offre d'IVG représente un combat quotidien.
Évidemment, l'aide médicale de l'État est un dispositif de santé publique essentiel. Je défendrai ce dispositif que je pense indispensable. Il ne peut pas se résumer à une approche par l'urgence ; il s'agit d'un dispositif de santé publique essentiel. Il faut une prise en charge y compris par la médecine de ville. C'est également un moyen de suivre cette dépense qui serait autrement fondue dans les dépenses d'assurance maladie. Ce dispositif ne peut pas se résumer à une approche par l'urgence, ce serait une grave erreur de santé publique.
Concernant la place de la Mutualité sociale agricole (MSA) dans le dispositif d'aide aux victimes de violences conjugales, les modalités de mise en œuvre de l'engagement de Mme Rome feront l'objet d'une attention particulière. L'assurance maladie intervient dans la prise en charge de ce type de soutien apporté aux victimes de violences conjugales, mais un travail visant à une meilleure visibilité quant à cette aide s'avère pertinent.
Les moyens concourant aux politiques portant sur la santé des femmes méritent un effort de structuration plus poussée dans le rapport « charges et produits » de l'assurance maladie.
Je souhaiterais poursuivre le travail mené avec votre Délégation autour de priorités portant sur les points que nous venons d'évoquer, auquel s'ajoute le chantier relatif à un travail portant sur la santé mentale.
La santé sexuelle et reproductive mérite un accroissement de l'information consacrée à ces sujets, ce qui facilitera aussi la prévention.
Sur la vaccination HPV, j'indique qu'elle est pratiquée dans 1 500 établissements scolaires privés, mais je ne dispose pas, à ce stade, d'informations sur le nombre de vaccinations effectuées. Les événements récents ont, en effet, percuté la démarche de sollicitation des directeurs d'établissement en la matière.
Nous avons noté les sujets sur la santé des femmes et le rendez-vous donné sur la santé mentale, sachant que l'actualité se porte aussi sur la constitutionnalisation de l'IGV, sur laquelle nous serons tous mobilisés.
Je vous remercie, monsieur le ministre. Rendez-vous est pris pour la continuité de nos travaux.
L'audition s'achève à dix-huit heures quinze.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Émilie Chandler, Mme Julie Delpech, Mme Sandrine Josso, Mme Élise Leboucher, Mme Pascale Martin, Mme Véronique Riotton, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Anne-Cécile Violland
Excusées. – Mme Agnès Carel, Mme Marie-France Lorho