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Intervention de Aurélien Rousseau

Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 17h20
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention :

Je suis très heureux de m'exprimer pour la première fois devant votre Délégation. Je salue sincèrement le choix de votre Délégation de se saisir pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Ce choix s'inscrit dans la continuité de la préoccupation constante de votre Délégation de placer les sujets de santé des femmes, et plus largement d'égalité et de défense des droits des femmes, au cœur du débat politique. Je partage pleinement cette préoccupation.

Depuis ma nomination, j'ai le double honneur, d'une part, d'être à la tête d'un ministère, qui par ses actions contribue à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes et à une meilleure compréhension des enjeux spécifiques des femmes ; et d'autre part, l'honneur de m'inscrire dans la lignée d'illustres prédécesseurs et prédécesseures. Je crois que dans ce ministère, la proportion des femmes qui ont été ministres est nettement plus élevée que dans les autres. J'en suis particulièrement fier. C'est donc un double honneur et une double responsabilité parce qu'aujourd'hui, une partie des questions et des enjeux se formulent et assument d'être formulés comme de vrais enjeux politiques. Notre récent débat sur l'endométriose a fait appel à des mots qui n'avaient peut-être jamais été prononcés dans l'hémicycle auparavant. Or, ce sont bien des questions politiques qui nous obligent. Simone Veil résumait l'essence de cette problématique en disant qu'elle ne voulait plus être contrainte de s'adapter au modèle masculin.

En effet, en matière de santé, les femmes sont concernées évidemment par des infections particulières et sont confrontées à des défis spécifiques, parmi lesquels on peut citer l'accès à la contraception, l'accès à l'interruption volontaire de grossesse, la santé et la précarité menstruelle ou celle de l'endométriose. Je crois qu'en tant que ministre de la santé homme, il est important de les porter avec plus de force. Le rapport produit en juillet 2023 par Mmes Pascale Martin et Anne-Cécile Violland qui examine la santé mentale des femmes au regard des étapes importantes de leur vie en prenant aussi en considération les questions d'environnement social ou de stéréotypes persistants constitue pour moi l'exemple parfait de l'approche que nous devons renouveler en matière de santé des femmes. Je suis convaincu que nous devons mener un travail dans la durée sur ces questions, en mettant en œuvre une pratique d'échanges, mais aussi une évaluation de tous les dispositifs, et notamment Mon soutien psy, sur lequel les retours sont relativement hétérogènes.

De plus et c'est un point essentiel, je pense que la France est en retard en matière de santé des femmes en particulier sur le terrain de la prévention. Il faut penser, porter et mettre en place une politique de prévention et de santé des femmes qui intègre des sujets spécifiques. Nous investissons trop peu aujourd'hui dans la recherche en matière de prévention et ne mobilisons pas assez les sciences humaines et sociales pour appréhender correctement la santé des femmes.

La santé des femmes, qui correspond à l'axe 2 du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes, est une des priorités de ma feuille de route. La meilleure prise en compte du genre et des spécificités des femmes dans l'ensemble des politiques de santé constitue un des axes transversaux figurant dans la stratégie nationale de santé qui sera prochainement arrêtée.

Nous devons mobiliser une grande variété d'outils et de moyens. J'avais l'honneur d'être directeur de cabinet de la Première ministre lorsque la décision a été prise de mettre à disposition des protections menstruelles réutilisables pour les jeunes femmes, certains s'interrogeaient alors sur l'intérêt de la mesure. Or, en regardant le nombre de bénéficiaires potentielles et la question que vous soulevez de l'élargissement de cette mesure, il apparaît qu'une partie des discriminations est sous-estimée. En effet, ne pas renouveler les protections périodiques aussi régulièrement que nécessaire constitue un risque grave pour la santé des femmes.

Je suis à votre disposition dans la durée pour faire le point et évoquer, si besoin, les difficultés que nous rencontrons sur ce sujet.

Depuis 2017, des avancées peuvent être notées, dont une partie doit beaucoup à l'action de la Délégation. Je pense à l'adoption de la proposition de loi portée par Mme Sandrine Josso sur l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche. Je pense également au renforcement de l'accès à l'IVG, avec l'allongement du délai de recours de 12 à 14 semaines et à l'expérimentation bientôt généralisée de la réalisation de l'IVG instrumentale par les sages-femmes.

Le rôle des sages-femmes dans le dispositif de prise en charge et de suivi de la santé des femmes progresse aujourd'hui à vive allure.

Vous pourrez juger à l'épreuve des faits si la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose est au rendez-vous des engagements que j'ai pris dernièrement. Personne ne se satisfait des 14 000 affections de longue durée (ALD) 31 qui sont accordées sur l'endométriose. Je souhaitais vous faire part de toute ma disponibilité pour un travail sur le sujet.

Diverses mesures de renforcement de la politique à l'égard de la santé des femmes figurent dans le PLFSS pour 2024.

Ainsi, en matière d'accès à la contraception et dans la lignée de la mesure qui permet le remboursement intégral de la pilule du lendemain pour toutes les femmes, le PLFSS finance la prise en charge des préservatifs jusqu'à 26 ans. Une mesure déjà en vigueur et qui connaît un succès colossal démontrant qu'il ne s'agit pas d'une mesure gadget : 2,4 fois plus de préservatifs ont été distribués depuis janvier dernier.

Le PLFSS organise également la lutte contre la précarité menstruelle en permettant la prise en charge intégrale des protections réutilisables pour les jeunes femmes jusqu'à 26 ans, et sans limite d'âge pour nos concitoyennes les plus précaires.

En outre, le déploiement progressif des bilans de prévention dans la tranche d'âge des 45-50 ans sera l'occasion de renforcer la prévention sur le dépistage du cancer du sein. Nous devons réaliser que nous avons reculé sur ce sujet et que nous devons faire mieux : en informant, en donnant les moyens aux femmes de connaître les bons gestes et en conduisant une réforme complète du dépistage organisé.

Par ailleurs, le PLFSS pour 2024 instaure le déploiement de la campagne nationale de vaccination gratuite contre les infections à papillomavirus humains pour tous les élèves de cinquième, prise en charge par l'assurance maladie. Nous reconduirons cette campagne, dont un bilan devra être tiré, notamment sur les conditions de l'information dispensée. Je pense que nous constaterons des résultats hétérogènes pour cette première année. Nous serons particulièrement attentifs à la part organisée de réticence des parents et la part de ceux qui restent à convaincre. Une certitude demeure néanmoins : la vaccination est plus efficace lorsqu'elle intervient avant les premières relations sexuelles. Il faut également rappeler que nous parlons de différents cancers (à savoir cancers du vagin, de la vulve, de l'anus ou encore de la gorge) – et pas seulement du cancer du col de l'utérus.

Je n'ai pas de chiffres disponibles à cette heure sur les résultats de cette première campagne de vaccination. Nous étions à 7 % des hommes vaccinés et à plus de 30 % des femmes. Sur la classe d'âge des élèves de cinquième, nous serons évidemment au-dessus de ces chiffres en termes de jeunes garçons, et j'espère que nous nous situerons entre 20 et 30 % pour les jeunes filles. Pour cette campagne, nous avons choisi d'aller sur la méthode de « l'aller vers » avec des équipes d'effecteurs qui se rendent dans les collèges.

Sur les préservatifs féminins, deux types de produits sont inscrits dans les dispositifs remboursables. Deux nouveaux produits s'inscrivent actuellement dans la procédure de référencement organisée en la matière. Les travaux avancent rapidement, sachant que les chiffres nous indiquent que 550 000 préservatifs féminins sont commercialisés par an, à mettre en parallèle avec les 110 millions de préservatifs masculins également vendus.

Sur le parcours d'accès simplifié pour les patientes présentant des signes de cystite, la délivrance du traitement par un pharmacien est désormais prévue. Cependant, le dispositif ne se réduit pas à ce seul service, car la démarche vise à instaurer également une coopération entre professionnels et une orientation vers ces acteurs de la santé, pour une prise en charge médicale plus poussée. Concrètement, en cas de doute sur la sévérité de l'affection, lorsqu'il ne délivrera pas de traitement, le pharmacien sera en mesure de renseigner le patient sur la possible prise en charge par d'autres professionnels de santé. Les consultations pour cystite représentent 3 millions de consultations par an, dont 85 à 90 % sont des cystites simples.

Sur la précarité menstruelle, Mme la rapporteure indiquait que cette forme de précarité représentait une « injustice du quotidien ». Un risque sanitaire est aussi clairement lié à cette précarité sanitaire. Les femmes de moins de 26 ans peuvent bénéficier, à compter de cette année, du remboursement par la sécurité sociale des protections périodiques réutilisables. Le PLFSS porte une extension de l'accès à cette prestation aux femmes qui sont bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. On peut estimer à six millions le nombre de femmes pouvant avoir accès à ce dispositif de remboursement par la sécurité sociale des protections menstruelles.

Je ne dispose pas à l'heure actuelle des chiffres sur le nombre de distributeurs de protections périodiques. Les distributeurs n'ont en effet pas été dénombrés à ce jour.

En 2021, on estimait à deux millions le nombre de femmes victimes de la précarité menstruelle. Nous souhaitons également doubler d'ici 2027 les aides aux associations qui accompagnent les femmes dans ces situations, engagement présent dans le Pacte des solidarités.

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