Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 10 octobre 2023 à 18h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • innovation
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La réunion

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Dans le cadre de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Laurent Alexandre, les crédits du programme « Investir pour la France de 2030 » de la mission « Investir pour la France de 2030 ».

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Mes chers collègues, je vous prie d'excuser l'absence de notre président, M. Guillaume Kasbarian, retenu en séance publique par la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire (CMP), du projet de loi relatif à l'industrie verte, dont il est le rapporteur général.

Notre commission commence aujourd'hui l'examen pour avis du projet de loi de finances pour 2024. Elle a désigné dix rapporteurs budgétaires pour avis sur les missions de la seconde partie du PLF. Il ne nous appartient pas de nous substituer aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances : c'est pourquoi nos avis consacrent peu de pages aux crédits des missions et s'attachent essentiellement à approfondir une ou plusieurs thématiques choisies par les rapporteurs pour avis. Afin de valoriser le travail de ces derniers, il est d'usage de ne pas convier les ministres à nos réunions.

Nous examinons aujourd'hui l'avis sur la mission Investir pour la France de 2030, sur le rapport de notre collègue Laurent Alexandre, qui a choisi la thématique suivante : « France 2030 à l'épreuve des stratégies relatives aux biomédicaments et à la mobilité électrique ». Les crédits de cette mission, qui ne font l'objet d'aucun amendement, seront examinés en séance publique le jeudi 2 novembre.

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Lors de la présentation du plan France 2030, le 12 octobre 2021, le Président de la République a décrit l'innovation comme un préalable indispensable à la réindustrialisation afin d'engager un « nouveau cercle vertueux de croissance ».

Les travaux que j'ai conduits dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire ont emporté ma conviction sur deux points. Je vous expliquerai d'abord qu'au-delà des 54 milliards d'euros de crédits sur lesquels le Gouvernement communique abondamment, le plan France 2030 présente des défauts majeurs qui empêchent de construire un futur plus humain et résilient. Je vous exposerai ensuite les résultats de mes travaux sur deux thématiques stratégiques qui me tiennent particulièrement à cœur : la production de biomédicaments sur notre territoire, d'une part, et la réindustrialisation de la France par le prisme des véhicules électriques, d'autre part.

Je commence donc par les défauts de ce plan. Vous aurez compris que je ne partage pas l'idée du Président de la République selon laquelle l'innovation serait le préalable au retour des capacités de production et d'exportation. L'innovation doit, au contraire, découler d'une politique industrielle cohérente au service des besoins humains et écologiques.

L'objectif de faire de la France un leader dans certains secteurs économiques, dans le cadre de la compétition internationale, me paraît mal calibré.

Tout d'abord, nous ne luttons pas à armes égales contre nos concurrents. Après la crise sanitaire, les États-Unis ont adopté un plan, l' Inflation Reduction Act, doté de près de 400 milliards de dollars et consacré à de grands enjeux de notre temps. Si les autres puissances, dont la France, ont emboîté le pas, leurs plans sont fondamentalement différents, non seulement parce qu'ils n'ont pas la même ambition budgétaire, mais aussi et surtout parce que nos concurrents, notamment les États-Unis et la Chine, mettent en place des mesures protectionnistes qui offrent des débouchés à leurs propres entreprises. La France et plus globalement l'Europe n'appliquent pas les mêmes règles que leurs concurrents : la compétition est donc faussée. La seule variable, pour être plus compétitif, est alors souvent la baisse du coût du travail, avec un corollaire, les délocalisations. Cette vision du Président, mise en œuvre par le Gouvernement, me paraît dogmatique et étriquée.

Ce dispositif souffre d'un manque de cadrage et de planification. Je retiens six défauts majeurs qui font de France 2030 un plan mal calibré.

Le premier, c'est que la sobriété constitue un angle mort du dispositif. Pourtant, du fait des limites planétaires, de l'augmentation de la population mondiale et de la raréfaction des ressources naturelles, la sobriété devrait être une pierre angulaire de France 2030, un concept à l'aune duquel nos modes de production et de consommation devraient être revus.

Le deuxième défaut est l'absence de stratégie industrielle cohérente pour accompagner ces investissements. Je vous donnerai deux exemples.

France 2030 investit plusieurs milliards d'euros dans la construction de quatre gigafactories – ou méga-usines, pour parler français – de batteries électriques dans le Nord. Or les représentants des entreprises concernées n'ont pas pu acheter en France les machines-outils nécessaires à l'installation de leurs usines, faute de produits susceptibles de répondre à leurs besoins. Ils les ont donc achetées à l'étranger, pour l'essentiel en Chine et en Corée.

Mon second exemple concerne ce même secteur de l'industrie automobile. Le Gouvernement met le paquet sur la production de batteries électriques en France, mais les constructeurs automobiles délocalisent des activités pourtant nécessaires à la production de voitures électriques, comme les fonderies d'aluminium. En tant que rapporteur, j'ai cherché à connaître l'origine de l'ensemble des pièces assemblées pour la production des modèles électriques de Renault et Stellantis. La réponse de Renault est insatisfaisante. Quant aux représentants de Stellantis, ils ont refusé d'être auditionnés. Notre pays souffre clairement d'un manque de coordination entre les acteurs et d'une incohérence de son tissu industriel.

Le troisième défaut de planification est l'insuffisance des investissements dans la recherche et le développement. Plusieurs acteurs auditionnés ont déploré le manque de crédits structurels pour la recherche publique et le fait que les chercheurs doivent passer leur temps à répondre à des appels à projets complexes pour bénéficier de financements. Plus généralement, les dépenses consacrées à l'ensemble des activités de recherche et développement représentent seulement 2,21 % du PIB, ce qui classe la France dans la catégorie des pays intermédiaires, assez loin derrière les États-Unis et l'Allemagne, par exemple.

Le quatrième défaut est l'insuffisance des crédits affectés à la bifurcation écologique. Le rapport Pisani-Ferry estime à 66 milliards d'euros par an le niveau d'investissements supplémentaires nécessaires d'ici à 2030 pour atteindre la neutralité carbone. Avec France 2030 et les orientations du Gouvernement, le compte n'y est pas.

Le cinquième défaut est le peu de conditions écologiques et sociales imposées aux entreprises en contrepartie des aides publiques versées. Les dépenses publiques au profit des entreprises ont atteint 157 milliards d'euros en 2019, contre 30 milliards par an dans les années 1990, soit une multiplication par cinq.

Le dernier défaut majeur est le déficit démocratique du dispositif, mis en place sans aucun débat parlementaire préalable – il n'y a pas eu davantage de débat sur la définition des dix axes stratégiques. Le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour l'adoption du projet de loi de finances pour 2023 a empêché l'Assemblée nationale de jouer son rôle.

Divers rapports parlementaires ainsi que la Cour des comptes ont régulièrement souligné l'insuffisante évaluation du plan. Celle-ci est assurée par un comité de surveillance composé en majorité de personnes nommées par la Première ministre. Or France 2030 est piloté et coordonné par le Secrétariat général à l'investissement, lui-même placé sous l'autorité de la Première ministre. Il y a donc un problème d'indépendance de l'évaluation ; c'est la raison pour laquelle je préconise de modifier la composition du comité de surveillance des investissements d'avenir.

J'en viens maintenant à mes deux thématiques.

S'agissant tout d'abord de la santé, le plan France 2030 a fixé l'objectif de produire au moins vingt biomédicaments en France à l'horizon 2030. Il s'agit de médicaments dont le principe actif est issu de matières biologiques, c'est-à-dire du vivant – cellules, tissus ou organes. Ils représentent la moitié des médicaments en développement en 2022 et 24 % du marché mondial du médicament. Alors que notre pays n'en produisait que cinq en 2020, les acteurs auditionnés m'ont abondamment fait part de leur scepticisme quant à la capacité de la France à atteindre l'objectif fixé. Si les acteurs de la filière des biothérapies mentionnent tous l'excellence de la recherche académique française, ils soulignent en même temps notre difficulté à passer à l'étape de la production, en raison notamment d'un manque de structuration de la filière. Ils évoquent également un manque de locomotives et le fait que celles qui existent ne jouent pas toujours le jeu : ainsi, Sanofi travaille trop peu avec les entreprises françaises.

Au-delà de cette question, mon rapport présente les risques qu'un trop fort accent mis sur l'innovation fait peser sur l'accès aux soins de tous nos concitoyens – un enjeu qui ne peut être occulté par celui de la santé du futur. Pourtant, notre système de soins solidaire est en proie à de graves tensions d'approvisionnement en médicaments ; il souffre aussi d'un manque pathologique de moyens et d'une pénurie de soignants à tous les niveaux. Dans ma circonscription, les services d'urgences sont régulés. L'annonce récente d'un possible doublement des franchises médicales montre que le Gouvernement se trompe de priorité : plutôt que de faire payer les ultrariches, il fait passer à la caisse les gens pour leur santé. En l'état, le plan France 2030 n'apporte pas de réponse structurelle aux manquements du présent et risque même d'aggraver les carences de l'accès universel aux soins.

Toujours concernant la santé, je veux vous alerter quant à certaines incohérences majeures.

Je m'inquiète tout d'abord concernant la soutenabilité financière des nouveaux traitements pour la sécurité sociale. Les traitements innovants sont révolutionnaires du point de vue thérapeutique et peuvent améliorer la prise en charge de nombreuses pathologies, voire en soigner certaines qui étaient jusqu'à présent incurables. Toutefois, ils seront potentiellement facturés très cher à l'assurance maladie, en raison des critères fixés. Certaines réformes telles que la généralisation de la procédure de l'accès précoce aux traitements présumés innovants, en 2021, viennent renforcer ce risque pour les finances publiques. Cela m'a conduit à formuler une série de propositions : une application de la licence d'office ; un accroissement de la transparence concernant l'argent public distribué aux industriels du secteur, afin de peser au moment des négociations ; un meilleur encadrement de la question des brevets en cas de partenariats de recherche public-privé.

Je veux aussi soulever le problème de l'approvisionnement en molécules matures. Pendant et après la crise du covid, notre pays a subi une pénurie de matériels médicaux élémentaires tels que des masques ou des médicaments du quotidien, à base de paracétamol ou d'amoxicilline notamment. Le plan France 2030, censé remédier à ce problème, apporte trop peu de solutions concrètes. Malgré les sommes importantes d'argent public engagées – 7,5 milliards d'euros pour ce volet –, les contreparties en matière de rapatriement de capacités de production de principes actifs sur notre sol demeurent très timides. Le Gouvernement ne compte que sur l'augmentation des prix des médicaments du quotidien, donc sur les sommes payées par les Français, pour inciter les industriels à produire à nouveau en France ces molécules moins rentables. Je propose notamment la création d'un pôle public de production du médicament afin d'assurer la fabrication de molécules matures sur notre sol à un tarif abordable pour nos concitoyens.

J'en arrive aux voitures électriques, qui sont des moyens de mobilité plus décarbonés. On constate une compétition à marche forcée entre les constructeurs de ce secteur.

La batterie électrique représente 40 % de la valeur ajoutée de la voiture et implique un enjeu de souveraineté industrielle. Elle fait l'objet d'une stratégie nationale, qui prévoit l'installation de quatre gigafactories d'une capacité de production combinée de 120 gigawattheures.

Les constructeurs français, confrontés à des coûts de production bien différents de ceux dont bénéficient leurs concurrents asiatiques, ont décidé de prendre le virage de l'électrique en choisissant de produire surtout des berlines, des breaks et des SUV – des voitures lourdes, donc consommatrices et chères. Ce choix répond à des objectifs de rentabilité mais ne correspond ni aux nécessités écologiques ni aux besoins sociaux. La plus petite voiture Stellantis, la e -208, est produite à l'étranger. Renault produit sa R5 à Douai mais je n'ai pu obtenir de garanties sur la provenance des pièces.

Je lance un cri d'alarme : nous prenons la pente d'une France à deux vitesses dans l'accès à la mobilité. Cette France à deux vitesses pourrait tout d'abord résulter du prix des voitures électriques : aucun des véhicules produits en France n'est vendu à moins de 25 000 euros, et il n'y aura probablement pas de marché de la voiture électrique d'occasion puisque la durée de vie de la batterie est de dix ans. Par ailleurs, un fossé risque de se creuser entre les Français ayant accès à des solutions de mobilité alternative, notamment aux transports en commun, et les autres, qui vivent dans des zones très rurales ou dans certains quartiers urbains.

C'est pourquoi je formule plusieurs préconisations. Priorité devrait être donnée à la production de véhicules électriques légers, plus sobres et plus accessibles en termes de prix. Les aides de l'État et le bonus écologique devraient se concentrer sur cette ambition. J'invite par ailleurs l'État à accentuer considérablement son effort en matière de mobilités alternatives, s'agissant notamment du développement de services de transports collectifs publics.

Une autre question majeure pour les véhicules électriques est celle de la dépendance aux matériaux actifs, en particulier au cobalt et au lithium transformés en Chine. Les enjeux de dépendance concernent aussi la production d'énergie ainsi que la question du recyclage. Il n'y a pas d'autre choix que de planifier une baisse de la consommation d'énergie dans d'autres secteurs d'activité. Je préconise aussi de soutenir les projets de recherche visant à la production de batteries sans utilisation de certaines matières premières.

L'avenir de la voiture électrique est un défi majeur pour notre souveraineté industrielle, qui nécessite de revoir en profondeur les relations entre l'État et les constructeurs automobiles. La puissance publique doit définir clairement les besoins humains et écologiques et poser des exigences en matière d'emploi, de relocalisation des productions, de conception de modèles de voiture moins chers et moins consommateurs. Elle doit déterminer les critères d'un meilleur maillage territorial tenant compte des bassins désindustrialisés et des qualifications ouvrières qui s'y trouvent.

Toutes les insuffisances du plan France 2030 que je viens d'évoquer – défaut de planification, déficit démocratique, volet santé qui passe à côté de l'enjeu de l'accès aux soins et risque même d'aggraver les inégalités dans ce domaine, volet mobilité qui conduit à une France à deux vitesses – justifient mon avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Investir pour la France de 2030.

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L'avis budgétaire sur la mission Investir pour la France de 2030 est particulier : il porte en effet sur des engagements pluriannuels issus de plusieurs générations de programmes, ce qui implique un contrôle de son exécution plus qu'une évaluation des moyens mobilisés par la loi de finances de l'année. Ce contrôle est d'autant plus important qu'il porte sur plus de 50 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, pour ce qui concerne le quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA 4) et le plan France 2030. Or vous nous avez expliqué que la composition du comité de surveillance des investissements d'avenir ne permettait pas d'assurer un tel contrôle démocratique.

Vous vous montrez particulièrement critique s'agissant de l'absence de contreparties ou de conditionnalité économique ou sociale aux aides apportées. C'est un débat que nous avons ici régulièrement, notamment lorsque nous évoquons le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Dans le domaine de la biomédecine, vous notez que les exigences du groupe Sanofi en matière d'aides de l'État, encore illustrées récemment par Agnès Buzyn dans son livre « Journal – janvier – juin 2020 », sont difficilement compatibles avec ses performances récentes, que l'on pense à sa défaillance dans la préparation du vaccin ou au niveau de ses investissements industriels en France. Pouvez-vous développer vos propositions relatives aux contreparties à imposer aux bénéficiaires d'aides publiques ?

Vous mettez également en avant la nécessité, dans l'ensemble des programmes de la mission, de renforcer notre souveraineté s'agissant des matières premières et de certains autres équipements essentiels, notamment dans le domaine industriel. Quelles sont plus précisément vos pistes et vos préconisations pour y parvenir ? Nous pouvons nous réjouir qu'une disposition du projet de loi relatif à l'industrie verte, que nous nous apprêtons à adopter définitivement après le succès de la CMP, permette aux acheteurs publics d'écarter les offres dont la valeur provient majoritairement d'États comme la Chine ou l'Inde, qui n'appliquent pas le principe de réciprocité et nous empêchent d'accéder à leurs marchés domestiques. Voilà une condition du développement de filières industrielles françaises à la hauteur des ambitions que nous avons tous, notamment dans le cadre de la transition écologique. Mais le chemin reste long.

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Alors qu'on nous dit qu'il faut tout faire pour produire des voitures électriques en France, les entreprises Marelli, Valeo et SAM ont récemment annoncé leur décision de délocaliser une partie de leurs activités. Elles ont pourtant touché de l'argent public. Les contreparties à exiger des bénéficiaires de ces aides sont toutes simples : elles concernent non seulement le maintien des emplois sur les sites existants, mais également la relocalisation de certaines productions ayant été transférées ailleurs en Europe voire en dehors du continent.

Ces premiers éléments de réponse rejoignent tout à fait votre seconde question relative à la souveraineté sur les matières premières. Ce sujet nécessiterait une réflexion beaucoup plus approfondie, que notre rythme de travail depuis le début de cette législature ne nous a malheureusement pas permis d'engager.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Le premier programme d'investissements d'avenir date de 2010 et de la prise de conscience collective qu'il était plus que nécessaire de penser notre avenir afin d'éviter, pour citer MM. Juppé et Rocard, « l'acceptation du déclin ». Depuis, quoi qu'en dise le rapporteur pour avis, que d'évolutions positives et de projets soutenus ! Nul doute que les PIA sont au cœur des réussites françaises de ces dernières années, lesquelles ont permis à notre pays de conserver en 2023 sa onzième place mondiale en matière d'innovation.

Depuis octobre 2021, nous sommes encore passés à une vitesse supérieure avec le dispositif France 2030. Il est question, pour rappel, de 54 milliards d'euros qui visent à poursuivre la transformation des secteurs clefs de notre économie, par l'innovation technologique, à soutenir des investissements permettant de rattraper notre retard dans certains secteurs et à faire émerger de nouvelles filières dans les domaines stratégiques. Je ne citerai que quelques exemples : on se souvient, bien sûr, de l'ouverture de l'usine ACC, qui contribue à notre production de batteries électriques et ainsi à notre souveraineté, mais on peut également penser à l'usine Soitec, inaugurée fin septembre par le ministre Roland Lescure et le commissaire européen Thierry Breton, qui permettra le développement d'une filière de microélectronique souveraine. Un autre exemple, auquel je ne doute pas que le rapporteur pour avis sera sensible, est Delpharm, qui possède notamment une usine dans ma circonscription, à Brétigny-sur-Orge, et qui est essentielle à notre souveraineté par la relocalisation dans notre pays de la production de médicaments.

Enfin, puisque le rapporteur pour avis a évoqué la question de la mobilité électrique, je reviens sur la question des batteries. J'avais mis l'accent l'an dernier, dans mon rapport, sur la production de batteries en France, et j'avais notamment regretté le manque d'ambition quant à leur recyclage, qu'il est essentiel d'anticiper. Sur ce point, les choses ont évolué : je me réjouis que les ministres Roland Lescure et Agnès Pannier-Runacher aient annoncé en février les lauréats pour le recyclage de batteries de l'appel à projets relatif à la recyclabilité et à la réincorporation des matériaux qui a été lancé dans le cadre de France 2030. Les projets retenus, qui sont soutenus à hauteur de 30 millions d'euros, visent à apporter des réponses à une question essentielle.

France 2030 est une chance pour notre pays, pour son développement et sa souveraineté. Je ne peux donc souscrire aux conclusions du rapporteur pour avis et vous invite, mes chers collègues, à voter largement en faveur des crédits de cette mission.

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On a souhaité en 2010 penser à l'avenir : je l'entends, mais ce que je constate, s'agissant de l'automobile, c'est que les usines ferment à tour de bras dans notre pays, depuis plusieurs années. Le Gouvernement n'a aucune volonté de garder cette industrie, en incitant les entreprises à rester en France. Dans le cas de Renault, l'actionnaire principal est l'État. On voit bien qu'il n'intervient jamais lorsque l'entreprise décide de fermer une fonderie : il ne met jamais le holà.

Nous avons un peu abordé, lors des auditions, la question du recyclage des batteries. Il est plutôt pensé au plus près du lieu de production des éléments constitutifs des batteries. Quand des producteurs se tournent, pour les matières premières, vers un chimiste se trouvant en Belgique, il y a de fortes chances que le recyclage se fasse aussi dans ce pays.

Je comprends que vous ne partagiez pas du tout mon point de vue, mais je suis un élu de terrain : je vois dans ma circonscription, et ailleurs, que beaucoup d'usines continuent à fermer.

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Le programme d'investissements d'avenir pour 2024 prévoit, dans le cadre de France 2030, des sommes qui paraissent dérisoires tant le défi à relever est grand si nous voulons combler notre retard, en matière industrielle, par rapport à nos concurrents européens et américains. Une part trop peu importante de l'enveloppe budgétaire est destinée aux filières d'avenir, jugées stratégiques, comme celle du biomédicament, et le projet de loi de finances pour 2024 ressemble à un marathon impossible à courir une fois qu'on s'est tiré une balle dans le pied. Les gouvernements qui se sont succédé sous la présidence Macron ont, en effet, sacrifié le fleuron du nucléaire français en fermant douze centrales. Par ailleurs, en ce qui concerne la production de véhicules électriques et hybrides, l'inconvénient majeur que représente l'impossibilité de recycler les batteries n'a toujours pas été traité, et on pourrait également parler du prix croissant de l'électricité. Des barrières financières empêchent aussi les catégories sociales populaires d'accéder aux véhicules électriques.

À la lumière de ces difficultés, en réponse auxquelles les arbitrages budgétaires ressemblent surtout à du saupoudrage, comment peut-on parler d'un retour à la souveraineté industrielle ? Nos chercheurs et ingénieurs s'expatrient aux États-Unis et nous souffrons de notre absence de diligence quant à la relocalisation d'unités de fabrication de produits actifs qui sont nécessaires pour les médicaments les plus indispensables et les biomédicaments. Souvenez-vous : la pandémie avait mis en lumière la délocalisation massive des entreprises produisant les principes actifs de base, comme le paracétamol et l'insuline, respectivement fabriqués à 60 % et 80 % en Chine. Des milliers de Français n'arrivent plus à trouver leurs médicaments dans les pharmacies. Plusieurs industriels, dont GSK en ce qui concerne l'amoxicilline, s'étaient pourtant engagés à rapatrier la production de cinquante médicaments dits essentiels.

Vous ne semblez pas, dans votre rapport, prendre la mesure de la question de fond, qui est de mettre des moyens suffisants en face des objectifs à atteindre. Nous devons nous donner des moyens financiers – de contrôle – pour parvenir à assurer une relocalisation de notre industrie du médicament, parmi d'autres. Pensez-vous réellement que 7,5 milliards d'euros, dans le plan Innovation santé, dont 800 millions pour la stratégie nationale d'accélération des biothérapies, soient suffisants pour combler le retard et être concurrentiel face à nos voisins européens et américains ?

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Comme je l'écris dans mon rapport, il faut que les constructeurs fassent des voitures plus petites, pour permettre aux plus modestes de nos concitoyens d'acquérir des véhicules électriques.

Contrairement à ce que vous dites, j'ai très bien saisi la question de fond. Je connais toutes les difficultés qu'on rencontre en France, qu'il s'agisse de la mobilité ou de l'accès aux soins.

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Vous n'avez pas répondu à ma question, qui était pourtant précise : 7,5 milliards d'euros, dans le cadre du plan Innovation santé, dont 800 millions pour la stratégie nationale d'accélération des biothérapies, vous semblent-ils suffisants ? Vous avez beaucoup évoqué le constat, mais il faut aussi des moyens financiers en conséquence.

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Il me semble l'avoir dit lorsque j'ai présenté mon rapport : ils ne sont pas suffisants.

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Les 54 milliards d'euros du plan France 2030 et les objectifs fixés dans ce cadre pour le pays ont été soustraits au débat parlementaire. Nous profitons donc de cet instant démocratique, entre deux 49.3, pour poser un regard sur la France de demain que vous proposez.

Nous y voyons l'expression de planifications écologiques reprises par le Président Macron, mais rien qui ressemble, de près ou de loin, hélas, à un projet aussi cohérent que celui défendu par La France insoumise. Nous voudrions un projet politique partant des besoins et défini collectivement, une planification à la hauteur des enjeux de ce siècle, car c'est de la survie de l'humanité qu'il s'agit.

France 2030 prévoit des investissements sans conditionnalité pour leurs bénéficiaires. Ce plan pourrait donc financer des projets qui procèdent à des délocalisations et détruisent la nature. Vous prévoyez des investissements, mais sans aucune réflexion sur l'aménagement du territoire et la viabilité des objectifs affichés. Nous pensons, pour notre part, que l'ensemble de la France doit bénéficier de ce plan. Quel peut en être l'impact global alors qu'aucune cohérence n'est assurée et qu'aucun cap n'est clairement fixé ?

Nous avons aussi une pensée pour l'enseignement supérieur, pilier préalable de toute planification sérieuse. Les financements dans ce domaine ont baissé de 16 % depuis 2017. Nous pensons, par ailleurs, à nos usines abandonnées aux délocalisations : Leroy - Somer, à Angoulême, la Fonderie du Poitou Alu, la Fonderie de Bretagne, à Caudan, et tant d'autres encore.

Une planification ambitieuse nécessiterait un récit partagé afin d'entraîner le pays tout entier vers un avenir désirable. Or les grandes orientations stratégiques, définies par un comité resserré autour du Président de la République, révèlent une pensée étroite et pauvre. Se priver de la richesse du débat contradictoire à l'Assemblée nationale n'est vraiment pas une bonne pratique. Une politique ambitieuse en matière de planification ne peut pas se résumer au déblocage de 54 milliards sans vision d'un avenir en commun.

Monsieur le rapporteur pour avis, cher Laurent, nous savons qu'il y aura des mines de lithium dans notre pays. Pour le cuivre et d'autres métaux, nous nous posons des questions. Pensez-vous, s'agissant des métaux nécessaires au développement d'une nouvelle industrie, que la France sera souveraine ?

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Je partage votre constat général, à savoir le manque flagrant de planification et les graves carences démocratiques dans l'élaboration de France 2030, que je regrette profondément.

Je m'interroge également sur notre souveraineté. C'est un sujet qui demande énormément de travail si on veut être sérieux. Or nous sommes toujours obligés d'avancer à marche forcée, ce qui ne permet pas de travailler sur tout. Nous devrions nous pencher, très prochainement, sur cette question, car de graves problèmes vont se poser.

Par ailleurs, nous avons besoin d'un maillage plus national. Dans les bassins désindustrialisés, on sait que des bâtiments existent et qu'on a des hommes et des femmes qui savent faire, mais ces territoires sont oubliés, ils restent en déclin, ce que je déplore.

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J'ai reçu le rapport hier soir, à 23 heures 49. Il est assez compliqué, dans ces conditions, d'émettre un avis objectif et détaillé.

Je vous ai néanmoins écouté attentivement, monsieur le rapporteur pour avis, notamment au sujet de la désindustrialisation de certains territoires. Je constate aussi ce phénomène : dans ma circonscription, Nestlé a fermé un site il y a trois ans, et c'est parce que je me suis mobilisé, avec les collectivités, qu'il a pu être revitalisé. Le véritable outil qui pourrait servir en la matière serait un renforcement de la loi Florange. Vous me trouverez à vos côtés sur cette question : il faut davantage d'instruments de dissuasion à l'égard des délocalisations. La loi Florange a prévu certains éléments, mais il faudrait sans doute aller beaucoup plus loin.

Ce n'est pas l'objet du programme d'investissements d'avenir et de France 2030, qui est de donner une trajectoire, d'impulser une dynamique en matière de recherche technologique, pour conférer un avantage concurrentiel à la France dans des secteurs stratégiques. Le PIA a été lancé en 2010, sous Nicolas Sarkozy, pour un montant de 35 milliards d'euros. Le PIA 2 a ensuite bénéficié de 12 milliards, le PIA 3 de 10 milliards, le PIA 4 de 25 milliards, et on passe maintenant à 54 milliards, dans le cadre de France 2030.

Vous avez évoqué différentes questions, comme les batteries. Grâce au PIA, nous avons pu financer à Amiens, au Laboratoire de réactivité et chimie des solides de l'UPJV – Université de Picardie Jules-Verne –, des travaux de recherche visant à s'affranchir des terres rares, notamment une étude poussée sur les nanomatériaux pour les batteries. Des moyens ont déjà été déployés afin de permettre le développement de la batterie de demain. De même, l'institut de recherche technologique (IRT) Railenium, à Valenciennes, a permis de structurer la filière industrielle ferroviaire autour d'Alstom et de Bombardier, grâce au PIA. Ces outils sont essentiels pour ancrer des industries dans les territoires.

Vous avez parlé des filières du médicament et de l'automobile, mais je pense aussi à celle de l'alimentaire. J'aimerais qu'on fasse de l'alimentation un sujet stratégique pour l'État. Pensez-vous que ce serait un volet intéressant ?

Le groupe Les Républicains votera, bien sûr, en faveur des crédits de cette mission budgétaire.

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Vous dites que France 2030 vise à établir une trajectoire. Il s'agit surtout de mettre les uns en concurrence avec les autres : on s'imagine que tout ira bien grâce à la loi du marché, alors qu'on se rend compte depuis quelques années, pour ne pas dire de nombreuses années, qu'elle produit l'effet inverse. Cela nous mène de plus en plus à la faillite. Je ne partage donc pas du tout vos propos.

S'agissant du ferroviaire, France 2030 ne prévoit rien. Il n'y a pas de trajectoire.

Vous avez évoqué la nécessité de s'affranchir de certains matériaux pour les batteries. Les personnes que j'ai auditionnées ont été unanimes à ce sujet : nous ne serons pas en mesure de développer, dans un avenir plus ou moins proche, de nouvelles technologies pour les batteries. Malheureusement, on ne peut donc pas s'affranchir des métaux rares.

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Je trouve le rapport en accord avec ce que je pensais : nous sommes confrontés, en réalité, à une incroyable opération de communication. J'ai assisté à l'audition de Bruno Bonnell, Secrétaire général pour l'investissement : il a vanté France 2030 en nous promettant des accompagnements pour les entreprises – il était même question d'un sous-préfet spécifique dans chaque département. Depuis, je les cherche, mais ils sont comme l'Arlésienne… Je ne pense pas que beaucoup de départements aient un sous-préfet délégué aux investissements d'avenir.

J'ai interrogé les PME : ce qui compte pour elles, ce sont les tarifs de l'énergie. Quand on leur dit qu'elles pourraient décarboner, pour réduire leurs coûts, elles répondent qu'elles aimeraient bien le faire, mais qu'elles n'ont pas l'expertise, la recherche et développement qu'il faudrait. La seule entreprise qui va bénéficier de France 2030 dans ma circonscription, semble-t-il, c'est Euroapi, une société qui a été créée à la suite d'une opération financière de Sanofi, pour les principes actifs, qui est cotée à la bourse et qui se porte bien.

Deuxième observation, tout cela manque complètement de cohérence. Un grand manufacturier dans le domaine du caoutchouc va ainsi s'intéresser aux piles à hydrogène et refuser de produire les pneus pourtant nécessaires pour les petites voitures électriques qui arriveront bientôt dans notre pays, tout simplement parce que ce n'est pas rentable. Est-ce un signe de cohérence ? Je ne le crois pas.

J'en viens au déficit démocratique. C'est un jardin secret de l'État : il n'y a pratiquement aucun travail de proximité, au niveau des sous-préfets, des parlementaires que nous sommes ou des communautés de communes. De même, les salariés ne sont pas associés, et le volet social sera donc évacué. Les entreprises retenues formeront une sorte de nébuleuse, même si on arrivera peut-être à savoir de qui il s'agit – il paraît qu'on peut consulter un site internet…

Tout cela, je l'ai dit, est une opération de communication, à laquelle je mets un zéro pointé.

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En effet, on peut supposer qu'il ne s'agit que d'une opération de com'. Les PME se perdent dans les démarches à accomplir et dans la succession de documents à remplir car elles n'ont pas la capacité technique, voire humaine, nécessaire. Leurs dirigeants sont écœurés.

Des entreprises se détournent des produits qu'elles fabriquaient parce qu'elles sentent une bonne affaire ailleurs ; c'est ainsi qu'on oublie des productions pourtant indispensables à notre souveraineté.

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En définitive, France 2030, c'est la France des multinationales. Ce sont les seules qui sont à même d'y répondre.

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Cette mission reflète l'engagement de la France, depuis plus de dix ans, à financer les technologies d'avenir et de rupture par l'intermédiaire de différents plans d'investissement et, plus récemment, de France 2030.

Malgré vos nombreuses critiques, avec lesquelles je ne suis pas d'accord, je vous remercie d'avoir choisi de vous concentrer sur les deux sujets intéressants que sont les déficits en matière de biomédicaments et l'électrification du parc automobile.

Alors que d'autres financements s'éteignent petit à petit, nous nous orientons désormais vers les investissements stratégiques et l'accompagnement d'écosystèmes d'innovation. Ces thèmes qui peuvent paraître flous recouvrent des projets très concrets dans le domaine des énergies renouvelables, des batteries ou du développement du numérique. Je vous rassure : si nous comptons sur ces investissements pour traiter les enjeux économiques et climatiques, nous sommes pleinement conscients du fait que l'innovation ne peut être la seule réponse. Mais nous voulons préparer l'avenir, et nous y mettons les moyens : une enveloppe globale de 54 milliards d'euros sur cinq ans – cela n'apparaissait pas clairement dans votre présentation.

Vous n'avez pas non plus parlé de l'effet de ces investissements sur notre PIB. Le comité de surveillance des investissements d'avenir indiquait dans un rapport en avril dernier que, deux ans après le lancement de France 2030, la mise en mouvement des filières industrielles était manifeste, que le PIB pourrait s'accroître de 1,5 à 2,8 points, soit 40 à 76 milliards, à l'horizon 2030 et que cela pourrait déboucher sur la création de 300 000 à 600 000 emplois, dont 100 000 emplois industriels.

La France est en bonne voie et doit continuer à pousser son avantage dans l'économie de demain. Il faut rester ambitieux. Le groupe Démocrate votera donc en faveur des crédits de la mission.

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Les 54 milliards ne sont pas suffisants, comme je l'ai dit dans ma présentation. Vous parlez d'une augmentation du PIB, mais on ne vit pas de pronostics. J'ai roulé ma bosse en France et je sais que, quand des créations d'emplois sont annoncées, on s'aperçoit au bout de quelques années qu'elles sont moitié moins nombreuses que ce qui était prévu, et encore. De plus, une augmentation du PIB de 60 milliards à l'horizon 2030, ce n'est vraiment pas énorme.

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Je ne fais que rapporter les propos d'experts indépendants et objectifs, dont les calculs sont à la disposition de tout le monde. Je crois davantage à la prospective économique qu'aux rumeurs ou au défaitisme permanent.

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Ce n'est pas du défaitisme, mais du vécu, malheureusement, et depuis des décennies.

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Par le plan France 2030, le Président de la République a souhaité nous projeter dans la France de demain et dessiner les contours de notre future économie. Mais il nous faut d'abord de la visibilité à court et à moyen terme, et nous ne l'avons pas.

Ainsi, en matière d'énergie, le plan France 2030 prévoit l'investissement de 1 milliard d'euros pour faire émerger des réacteurs nucléaires de petite taille et consacre des crédits à l'hydrogène vert, mais nous ne connaissons toujours pas nos objectifs énergétiques pour les années à venir. Notre assemblée a dû examiner plusieurs textes techniques sur les énergies renouvelables et le nucléaire sans que jamais nous débattions des équilibres de notre mix énergétique ; n'est-ce pas là, pourtant, la première urgence ? Sans loi de programmation sur l'énergie et le climat, comment déterminer les perspectives pour les filières photovoltaïque, éolienne, nucléaire et hydrogène ?

Créer un climat de confiance pour nos entreprises, ce n'est pas seulement distribuer des milliards. Il faut aussi garantir aux acteurs économiques que les pouvoirs publics ne changeront pas de pied.

S'agissant de la mobilité, dans la course mondiale à l'industrie verte, n'oublions pas notre ruralité. Bien évidemment, il est nécessaire d'électrifier les véhicules pour relever les défis du dérèglement climatique, mais l'enjeu est aussi de permettre à tous et à toutes de se déplacer, quel que soit leur lieu d'habitation.

Dans cet esprit, j'émettrai deux alertes. Concernant le maillage territorial des bornes de recharge, nous ne pouvons délaisser certains territoires sous prétexte qu'ils seraient moins peuplés. Chez moi, les bornes sont en nombre insuffisant et déjà vieillissantes. Quant aux véhicules électriques à disposition, les modèles existants sont plus chers que les véhicules thermiques. On nous promet la démocratisation par le leasing social, mais les véhicules proposés à la location seront-ils adaptés aux longues distances que doivent parfois parcourir les résidents de la ruralité ? Avez-vous pu interroger le Gouvernement et les constructeurs automobiles à ce sujet ?

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En matière de mobilité, la ruralité est oubliée : le ferroviaire est de moins en moins présent dans nos campagnes et les transports en commun publics n'y existent pas, ou très peu, si bien que la voiture y est indispensable. Il en résultera une France à deux vitesses : ceux qui auront les moyens de se payer une grosse voiture pourront voyager loin, les autres attendront qu'un moyen de transport en commun passe, s'il existe. Les constructeurs automobiles ne se positionnent pas pour fabriquer de petits véhicules légers, moins consommateurs d'énergie. Le Gouvernement devrait leur imposer des conditions, mais cela supposerait une planification qui, actuellement, n'existe pas. De ce point de vue, je suis d'accord avec vous. Notre visibilité à moyen et à court terme se résume au fait que nos constructeurs automobiles ne veulent entendre parler que de SUV ou de breaks dont les prix sont intenables. Quant à l'achat social, à 100 euros par mois, je n'y crois pas.

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La mission sur laquelle nous avons à nous prononcer est ambitieuse par ses moyens comme par ses objectifs en matière de soutien à l'innovation et à la recherche.

Ses crédits visent aussi à sécuriser l'accès à des matériaux stratégiques comme le bois. À cet égard, le plan France 2030 se propose à juste titre de renouveler les forêts pour préserver leurs fonctions économiques et environnementales. Cependant, les propriétaires ne pourront financer à eux seuls l'atteinte des objectifs affichés. Pouvez-vous donc nous préciser les mesures d'accompagnement et de soutien prévues pour le secteur bois et forêts dans le cadre de France 2030 ?

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Quel est le coût réel de la mise en œuvre de France 2030 ? J'avais interrogé l'ex-député recasé Bruno Bonnell à ce sujet ; il avait répondu à propos de sa rémunération, mais pas en ce qui concerne le nombre d'agents mis à disposition ni l'ensemble des frais induits par la mise en œuvre du plan.

Quant au ruissellement de ces crédits, il m'a semblé à moi aussi que France 2030 était essentiellement destiné aux grands centres urbains, aux grandes entreprises, aux filières à la mode – les batteries, le numérique –, par opposition aux PME, à l'agroalimentaire ou aux territoires ruraux. Y a-t-il eu une évolution dans ce domaine ?

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Personnellement, je me réjouis de France 2030, dont plusieurs entreprises de ma circonscription ont bénéficié, notamment pour des process très innovants. Mais quel soutien ce plan accorde-t-il aux industries primaires ? Je visitais hier l'entreprise Métaux spéciaux, à Pomblière, la dernière en Europe à produire du chlore ou du lithium solide – des matériaux qui entrent dans la fabrication des batteries ou sont utilisés dans l'industrie pharmaceutique. Si cette entreprise devait disparaître, notre filière et notre souveraineté économique seraient une nouvelle fois fragilisées.

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Dans le domaine du médicament, au-delà des questions d'innovation, on constate des pénuries qui touchent des produits très courants et maîtrisés. Or France 2030 n'est pas seulement destiné à l'innovation ou aux start-up : c'est un outil pour l'industrie et la souveraineté françaises. Entre la dernière trouvaille technologique en matière de médicament et la satisfaction des besoins courants, il y a des priorités budgétaires à déterminer. Comment, selon vous ?

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En ce qui concerne le bois, je serai très honnête avec vous : c'est un sujet que je n'ai pas travaillé, faute de temps. Je suis donc désolé de ne pouvoir vous répondre.

Quant au coût réel de France 2030, c'est en effet un point qu'il faudrait regarder de plus près, en interpellant les différents opérateurs – le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), l'Agence de l'innovation en santé, BpiFrance, la Caisse des dépôts et consignations, l'Agence nationale de la recherche (ANR), etc.

Quelle place pour les « derniers producteurs » ? Je l'ai dit : bien souvent, les entreprises, noyées sous les démarches administratives, n'arrivent pas à monter les dossiers. De même, on nous a expliqué lors des auditions que les chercheurs passaient quasiment plus de temps à préparer des dossiers qu'à faire de la recherche !

Enfin, il faut un pôle public du médicament pour soustraire notre pays à la dépendance dans laquelle il se trouve et vendre les médicaments à prix coûtant – certains industriels du médicament se gavent, si vous me passez l'expression. L'accès aux soins, au quotidien, pour tous nos concitoyens est un impensé de France 2030. Des pays qui sont loin d'être bolcheviques, comme les Pays-Bas, ont opté pour ce système afin d'alimenter les pharmacies hospitalières ; aux États-Unis, une fondation à but non lucratif fournit plus de 1 500 hôpitaux pour pallier les ruptures de stock.

Au total, vous l'aurez compris, les insuffisances du plan France 2030 que j'ai évoquées – défaut de planification ; déficit démocratique ; omission dans le volet santé de l'enjeu de l'accès aux soins, voire aggravation du problème ; création, du côté du volet mobilité, d'une France à deux vitesses – me conduisent à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Investir pour la France de 2030.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Investir pour la France de 2030.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 10 octobre 2023 à 18 h 30

Présents. – M. Laurent Alexandre, M. Antoine Armand, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Éric Bothorel, Mme Maud Bregeon, Mme Françoise Buffet, M. André Chassaigne, M. Romain Daubié, M. Julien Dive, Mme Virginie Duby-Muller, M. Grégoire de Fournas, M. Éric Girardin, Mme Mathilde Hignet, M. Alexis Izard, M. Guillaume Kasbarian, M. Maxime Laisney, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. William Martinet, M. Jérôme Nury, M. Nicolas Pacquot, M. René Pilato, M. Vincent Rolland, M. David Taupiac, M. Matthias Tavel, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Stéphane Vojetta

Excusés. – M. Bertrand Bouyx, M. Dino Cinieri, M. Perceval Gaillard, M. Johnny Hajjar, Mme Julie Laernoes, Mme Hélène Laporte, Mme Julie Lechanteux, M. Max Mathiasin, Mme Anne-Laurence Petel, M. Charles Rodwell, M. Jiovanny William