Jeudi 23 mars 2023
La séance est ouverte à quinze heures.
(Présidence de M. Jean-Philippe Tanguy, président de la commission)
Nous avons le plaisir de recevoir M. Buon Tan, ancien député et ancien conseiller de Paris, chef d'entreprise.
Je vous remercie, cher collègue, d'avoir accepté de répondre à nos questions.
Notre commission d'enquête travaille depuis plusieurs semaines sur les possibles ingérences étrangères dans la vie politique, économique et médiatique du pays à travers les dirigeants politiques, les relais d'opinion ou les agents publics. Les auditions que nous avons menées ont confirmé l'importance d'une « zone grise », située entre ingérence et influence, constituant un terrain d'action de plus en plus prisé par certaines grandes puissances. La question est de savoir si ces tentatives respectent le cadre légal et les intérêts de notre pays ainsi que l'intégrité des membres de nos institutions.
Nous avons souhaité vous entendre car plusieurs articles de presse ainsi qu'un rapport – émanant lui-même de l'étranger – vous accusent d'avoir subi l'influence ou des tentatives d'ingérence de la part du régime chinois ou de défenseurs des intérêts de ce régime. De fait, la Chine a été désignée par les experts que nous avons auditionnés et par les services de renseignement comme une puissance particulièrement active et hostile à certains intérêts français ainsi qu'aux valeurs que nous défendons collectivement. L'action de ce pays se déploie dans tous les secteurs qui l'intéressent : les milieux économiques, politiques, diplomatiques et académiques.
Une commission d'enquête parlementaire ne se substitue pas à la justice. Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur telle ou telle accusation dont vous êtes l'objet. Il s'agit de comprendre une situation et d'entendre votre point de vue.
De quels systèmes d'influence et d'ingérence avez-vous eu à connaître durant votre carrière – de la part de la Chine ou d'autres puissances, car vous n'êtes pas affilié d'autorité à la puissance chinoise –, y compris en tant qu'entrepreneur ? En effet, vous êtes un enfant d'entrepreneur à succès et entrepreneur à succès vous-même.
Au-delà de l'ingérence, quelles relations la Chine construit-elle en France ?
Percevez-vous une différence entre l'ingérence et l'influence ?
Je tiens à préciser, à l'intention de ceux qui nous écoutent, que vous êtes arrivé en France en tant que réfugié, puis avez été naturalisé. Vous avez fui le Cambodge avec votre famille à l'époque des Khmers rouges. Vous avez témoigné dans la presse du fait que vous aviez été vous-même victime de persécutions durant votre enfance. Vous avez brillamment réussi vos études en France et vous vous êtes engagé dans une carrière qui vous a conduit jusqu'au Parlement. Si je rappelle tout cela, c'est parce que, parmi les éléments alimentant les soupçons d'influence, il y a le fait que vous ayez été le seul parlementaire à ne pas voter en faveur de la proposition de résolution tendant à la reconnaissance du génocide des Ouïghours. À l'époque, vous aviez répondu en rappelant ces épisodes de votre existence.
En tant que député, vous avez présidé le groupe d'amitié France-Chine. Nous souhaitons recueillir également votre témoignage concernant les actions menées en cette qualité, ainsi que votre analyse du fonctionnement de ces groupes, en particulier lorsqu'il s'agit de régimes autoritaires, de dictatures ou d'États n'ayant pas les mêmes intérêts que les nôtres ou ceux de nos partenaires européens.
Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »
(M. Buon Tan prête serment.)
Merci beaucoup de m'avoir invité. Je ne prends pas souvent la parole dans les médias et ne m'étale pas souvent dans la presse. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions. J'essaierai de rectifier la vision biaisée et étriquée qui a été portée sur mon action. Merci également d'avoir rappelé mon parcours ; je prendrai quelques minutes pour y revenir, puis je répondrai à vos questions.
Je suis né au Cambodge – comme mes parents – en 1967. Malheureusement, nous avons dû fuir ce pays lors du génocide perpétré par les Khmers rouges. Plusieurs millions de personnes ont été massacrées par ce régime. Nous avons été très chanceux de réussir à fuir, après avoir connu les travaux forcés. Nous avons traversé des forêts à pied et avons finalement été sauvés par un pêcheur vietnamien qui nous a pris dans son bateau et nous a conduits dans son pays. J'avais 8 ans. Je sais ce que c'est que la faim. Tous les jours, avec mon grand-père, nous négociions pour avancer un peu l'heure des repas. Je le raconte en souriant, mais ce sont des choses que l'on n'oublie pas.
Au Vietnam, mon père a fait la queue nuit et jour devant l'ambassade de France pour déposer un dossier. Un jour, nos noms ont été affichés. Mon père a sauté de joie et est venu nous annoncer la nouvelle. C'est ainsi que je suis arrivé en France, en 1975, en tant que réfugié apatride. Nous nous sommes installés à Paris. À l'époque, je ne parlais pas un mot de français.
Certaines personnes critiquent beaucoup notre pays. Ils soulignent tout ce qui ne fonctionne pas, disent notamment que l'ascenseur social est bloqué. Pour ma part, je constate que la France est un des rares pays – peut-être même le seul – permettant à un enfant, réfugié, ne parlant pas un mot de la langue de son pays d'accueil à son arrivée, de faire des études, de se développer et de devenir député de la nation, représentant de ses compatriotes. Je suis un exemple de ce qui fonctionne. J'ai fait toute ma scolarité dans l'école de la République, y compris à la Sorbonne.
Je suis issu d'une famille d'entrepreneurs : mes parents, mes grands-parents et mes arrière-grands-parents l'étaient avant moi. Nous sommes dans le métier du thé depuis quatre générations : c'est dans l'ADN de la famille, même si je ne sais pas si mes enfants suivront la même voie. Vous avez été gentil de dire que nous étions des entrepreneurs à succès. Je ne pense pas que ce soit le cas. J'ai vu mes parents travailler dur, tous les jours, sans repos ni vacances, et ils ont dû repartir de zéro à leur arrivée en France. Toute ma famille est extrêmement reconnaissante envers la France. Sans elle, je ne serais pas devant vous, et peut-être même ma famille et moi-même ne serions-nous plus vivants. Ce sont des choses que nous ne souhaitons pas oublier.
Vous avez fait allusion à certains articles parus dans la presse. Peut-être était-ce le fait du hasard, mais ils ont été publiés en pleine campagne législative. Beaucoup de gens étaient soit mal informés, soit mal intentionnés. Un grand nombre des faits allégués n'étaient pas tout à fait vrais, d'autres étaient totalement faux, d'autres encore volontairement détournés. On a essayé de me cornériser, de me donner l'apparence d'un Chinois né en Chine et envoyé par ce pays. Or, vous l'avez rappelé vous-même, non seulement je ne suis pas né en Chine, mais je n'y ai jamais vécu : j'ai fait toute ma vie en France. Voilà qui permettra de mieux comprendre les échanges qui suivront.
Vous avez rappelé que vous n'aviez pas de lien particulier avec la Chine, et encore moins avec le régime chinois, en dehors des origines lointaines de vos ascendants. Dès lors, pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous estimez avoir une connaissance de la Chine, du régime chinois et de ses élites vous permettant de faciliter les contacts ? À cet égard, pourriez-vous nous expliquer également votre rôle dans le cadre du groupe d'amitié ?
J'ai sous les yeux certaines de vos déclarations dans lesquelles vous vous réclamiez d'une connaissance, non seulement de la culture et de la civilisation chinoises, mais aussi du régime. C'est là quelque chose que je ne comprends pas : d'un côté, vous dites que vous n'avez pas de lien particulier avec la Chine et son régime, et, de l'autre, vous affirmez en avoir une grande connaissance.
Merci pour cette question qui me permet d'apporter une précision quant à mes origines. Mes parents sont nés au Cambodge, comme ensuite mes sœurs et moi-même. Mes grands-parents avaient émigré de Chine. Je suis d'origine teochew plutôt que chinoise.
La Chine regroupe un grand nombre de régions. Les Teochew sont originaires d'une zone située dans le sud-est de la province de Canton. Le teochew est un dialecte parlé par de nombreux Chinois. Historiquement, ce sont des gens très commerçants. Au début des années 1900, une famine régnait dans la région. Nombre de ses habitants ont donc fui et se sont installés un peu partout dans le sud-est de la Chine, au Vietnam, au Cambodge, à Singapour ou encore à Hong Kong.
Ma langue maternelle est le teochew. C'est en France que j'ai appris le mandarin. Il n'y avait pas de vraie filière d'apprentissage du chinois. Je l'ai appris un peu au lycée, puis à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), où je n'ai passé qu'un an car ensuite je n'ai plus été en mesure de suivre les cours. C'est surtout dans le cadre du travail que j'ai appris le mandarin, comme le cantonais – en particulier auprès des cuisiniers. Cela me permet de converser, mais je ne lis ni n'écris le chinois.
À l'époque où j'ai grandi, l'enseignement de la langue n'était pas très développé en France. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai contribué, à partir de 2008, quand j'ai été élu dans le 13e arrondissement, à créer une filière d'enseignement du chinois pour les enfants. Je suis persuadé en effet que ce n'est pas en maîtrisant l'anglais que nos enfants feront la différence, car tout le monde le parle ; le mandarin, en revanche, sera un outil important.
En ce qui concerne ma connaissance de la Chine, pour avoir commercé pendant longtemps avec ce pays et travaillé avec les associations, je me suis trouvé en contact avec de nombreuses personnes dans ce pays – mais pas seulement. Le 13e arrondissement, dont une partie se trouvait dans ma circonscription, est le plus grand « Chinatown » d'Europe. Pour ma part, je parle plutôt de « quartier asiatique » car, quand on creuse un peu, on s'aperçoit que les gens qui y vivent viennent du Cambodge, du Vietnam, du Laos ou encore de Thaïlande – autrement dit, d'« Indochine » –, mais très peu de Chine en tant que telle. Les Chinois sont arrivés un peu plus tard, dans les années 1980 et 1990, et se sont installés plutôt à Belleville, à Aubervilliers et rue du Temple. Pour en revenir au « quartier asiatique », quand on creuse un peu plus profondément, on constate que ses habitants sont souvent d'ascendance chinoise : leurs parents, grands-parents ou arrière-grands-parents étaient chinois, comme les miens. Nous partageons donc cette culture, et c'est ainsi que se sont créées des associations locales comme l'Amicale des Teochew, dont je suis le président d'honneur. Celle-ci regroupe des Teochew venant du Cambodge, du Laos ou encore du Vietnam. D'autres associations sont fondées sur la géographie : elles rassemblent des gens originaires de la même province – parfois même de la même ville, quand un grand nombre de personnes viennent d'une même région.
Pour avoir beaucoup travaillé avec ces associations, j'ai été amené très tôt à essayer de comprendre comment ces gens fonctionnaient. De la même façon, j'ai acquis des connaissances dans d'autres domaines, par exemple la grande distribution française, avec laquelle j'ai travaillé pendant plus de vingt ans. Je suis plus au fait de son fonctionnement que de celui de la grande distribution en Chine.
S'il faut parler de proximité, je serais naturellement plus proche du Cambodge que de la Chine, même si les enjeux liés à ce pays ne sont pas aussi importants. On en parle très peu, mais j'ai participé à une mission parlementaire au Cambodge, dont l'objectif était de travailler sur le mécanisme de suivi qui devait être lancé par l'Union européenne dans le cadre de l'initiative « Tout sauf les armes » (TSA). Là aussi, j'ai essayé d'améliorer les choses parce que je connaissais les gens, je savais comment il fallait leur parler. Au Cambodge, 70 % des ministres parlent français et ont une culture française.
Depuis quelque temps, surtout à cause des médias, les gens ont l'impression que je suis lié à la Chine, mais ce n'est pas le cas.
Vous nous avez fourni des éléments très importants, expliquant le parcours de votre famille et les milieux dans lesquels vous avez grandi, évolué puis travaillé – notamment celui de la grande distribution. Cela change des caricatures habituelles tendant à assimiler Asiatiques et Chinois. La Chine elle-même, du reste, est très diverse : plusieurs ethnies ont contribué à former sa civilisation tout au long de l'histoire et c'est encore le cas. Qu'il y ait des diasporas de diasporas, je l'entends parfaitement, tout comme le fait que vous ayez une connaissance de la communauté chinoise et des communautés sœurs – ou proches – ayant connu des parcours semblables à la vôtre.
En revanche, je ne comprends pas en quoi cela vous donne une connaissance particulière, un point d'accès privilégié au régime chinois, au point que vous puissiez faciliter les relations entre les deux pays. Quand je parle du régime chinois, je fais référence à celui que l'on connaît depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour aller vite, tout en sachant qu'il a évolué, y compris sur le plan ethnique – même si nous n'avons pas le temps d'évoquer cette dimension. Quoi qu'il en soit, ce régime communiste et maoïste me paraît sans aucun rapport avec l'histoire personnelle et familiale que vous avez relatée.
Je comprends mieux votre question : vous êtes persuadé que j'ai des entrées particulières auprès du régime chinois. Or tel n'est pas le cas.
Je partais effectivement du principe que vous aviez une connaissance particulière du régime chinois ou des points d'accès vous permettant de faciliter le dialogue. J'ai souvenir de certains propos qui vous étaient attribués – vous pourrez les infirmer s'ils ne sont pas exacts –, selon lesquels les difficultés diplomatiques, culturelles et économiques entre le régime chinois et la France étaient liées à une incompréhension mutuelle, et vous disiez que vous pouviez aider à la résoudre. J'en ai déduit que vous aviez une compréhension particulière du régime chinois. Or, au regard de votre parcours, je ne vois pas ce qui vous donnerait cette compréhension, en dehors des raccourcis que l'on pourrait faire et que, justement, vous dénoncez.
Cela rejoint un peu ce que je vous ai dit à propos du Cambodge. Si je pense pouvoir apporter quelque chose dans la relation, c'est parce que je comprends la manière de penser de ces gens, leurs contraintes, leur vie, ce qui me permet d'utiliser les bons mots, la bonne approche pour leur parler.
Je vais prendre un exemple qui n'a strictement rien à voir, mais qui s'appuie sur quelque chose qui m'est arrivé il y a longtemps. Au Louvre, on raconte aux groupes de touristes chinois la même chose qu'à tous les autres visiteurs : on parle de tel ou tel tableau d'un peintre, datant de sa période bleue, en expliquant qu'il venait de perdre un membre de sa famille et que c'est pour cela qu'il a peint ce sujet. Or cela n'intéresse pas les Chinois. En revanche, si vous leur dites qu'un autre tableau du même peintre a été vendu pour 20 millions de dollars, ou bien que ce peintre a vécu à la même époque que tel ou tel empereur, ils vont prendre des photos. Nous faisons référence à une histoire que ces touristes ne connaissent pas ; nous leur parlons un langage qu'ils ne comprennent pas. Il faut utiliser le bon vocabulaire pour parler à la personne que vous avez en face de vous, faute de quoi elle ne vous comprend pas.
C'est la même chose dans le milieu des affaires. En France, vous passez beaucoup de temps avec des juristes pour établir le contrat, et une fois qu'il est signé vous êtes tranquille. Pour la grande majorité des Chinois – certains sont formés à l'étranger et raisonnent autrement –, le contrat est le début d'une collaboration. Ils le signent, mais six mois après l'environnement économique a changé et il leur semble normal de le renégocier. Les Français, en voyant cela, considèrent que les Chinois ne tiennent pas parole. Inversement, si des Français négocient un contrat avec des Chinois et qu'ils arrivent avec leur avocat, les Chinois se disent : « Nous n'avons pas encore commencé à travailler ensemble et voilà qu'ils veulent déjà nous faire un procès ! Nous ne signerons pas. »
L'approche est différente. C'est pour cela que je dis que, dans de nombreux cas, les problèmes viennent d'une incompréhension, d'un décalage entre les cultures. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai souligné que les diasporas étrangères étaient une richesse pour la France, que nous devions nous en servir. Ces gens-là comprennent la manière de raisonner des pays dont ils sont originaires. Si vous demandez à un Chinois de faire du marketing en France, ou l'inverse, cela ne fonctionne pas car l'un et l'autre vont élaborer des messages publicitaires reposant sur des références que ne comprend pas l'autre peuple.
Vous étiez président du groupe d'amitié France-Chine. Pourriez-vous nous indiquer votre conception de ce rôle ? Quel est votre bilan ? À la lumière des cinq ans durant lesquels vous avez exercé cette fonction et des polémiques qui ont surgi, estimez-vous avoir commis des erreurs ? Feriez-vous certaines choses différemment ?
J'ai essayé de développer autant que possible les activités du groupe d'amitié, en faisant en sorte que les thèmes abordés soient intéressants pour tout le monde.
Nous avions également la chance de disposer de ce que l'on appelle une « grande commission » – il n'y en a que trois à l'Assemblée nationale. Cela suppose un échange encore plus régulier avec le parlement de l'autre pays : une année nous recevions un groupe de parlementaires chinois, et l'année suivante nous nous rendions en délégation en Chine. Nous essayions de choisir un ou deux thèmes pour chacune des sessions, comme le tourisme et le climat. Les grandes commissions sont présidées par les présidents des assemblées – en l'occurrence, M. de Rugy puis M. Ferrand. Le président lançait les discussions puis je prenais le relais.
À chaque fois que nous nous rendions en Chine, je demandais qu'outre Pékin, qui était un passage obligé, la délégation visite une autre province, si possible très différente de celles où l'on trouve les grandes villes côtières que sont Shanghai et Canton, par exemple. En France et en Europe, en général, on ne parle que de ces villes ; pour avoir eu la chance de crapahuter un peu partout pour le commerce du thé, je trouve très intéressant d'aller voir aussi des campagnes ou des villes beaucoup moins riches mais très intéressantes sur le plan culturel. Nous essayions de dessiner un parcours en fonction des thèmes que nous abordions.
Ai-je répondu à votre question ?
Partiellement. Vous connaissez les critiques qui vous ont été adressées concernant ce groupe d'amitié. Je suppose que vous avez lu les mêmes articles que moi – peut-être même d'autres, bien pires. On vous a reproché d'avoir été trop complaisant, notamment avec les ambassadeurs chinois, de leur avoir « servi la soupe », de ne pas avoir évoqué les problèmes en matière de droits humains. À cet égard, vous avez cosigné un rapport avec Mme Bérengère Poletti, elle aussi ancienne députée désormais. Celle-ci a déclaré que, si elle avait écrit ce texte seule, elle aurait beaucoup plus insisté sur le respect des droits humains, sous-entendant que, pour votre part, vous n'aviez pas souhaité le faire. Certes, ces déclarations n'engagent qu'elle, mais nous ne pouvons pas les ignorer.
D'une manière générale, estimez-vous avoir commis des erreurs de communication ou d'appréciation ? Pensez-vous que les reproches qui vous sont adressés sont compréhensibles, ou bien vous inscrivez-vous en faux ? Feriez-vous les choses différemment ? Que dites-vous aux personnes qui considèrent que vous n'avez pas fait preuve de l'esprit critique que l'on pouvait attendre d'un parlementaire ? Le régime chinois est une dictature communiste. Certes, on peut considérer qu'il faut quand même avoir des liens avec ce régime – ce n'est pas l'enjeu de notre commission –, mais ce n'est pas une démocratie, contrairement au Québec, autre État auquel nous sommes liés par une commission interparlementaire.
Je ne sais pas si le fait de ne pas communiquer davantage est une erreur, mais c'est ma façon de faire. J'aime agir de façon pragmatique. Nous avons fait beaucoup de choses.
Vous dites que nous n'avons pas évoqué le problème des droits humains. Ce n'est pas vrai. Nous avons abordé la question, y compris avec l'ambassadeur. Je me souviens d'un repas avec lui, auquel participaient d'autres parlementaires, lors duquel tous les sujets ont été évoqués.
Vous avez parlé de la mission d'information dont j'ai été le rapporteur avec Bérengère Poletti. Dans le rapport, nous avons abordé tous les sujets, sans exception – y compris les droits humains et le Tibet, question qui n'est pourtant plus à la mode. Lorsque j'ai discuté avec les responsables politiques de Hong Kong, je leur ai fait part de nos craintes s'agissant de la loi qu'ils allaient promulguer. Quand nous allions à Pékin, nous abordions aussi les questions difficiles, même si cela provoquait des accrochages. Voilà le sens dans lequel j'ai agi – mais je n'ai pas l'habitude de faire du tapage médiatique.
J'ai lu des critiques, effectivement. Les auteurs de certains articles ont considéré que le rapport n'était pas assez cinglant et que mes collègues ne partageaient pas l'approche retenue. Certes, nous avons échangé, tout le monde n'était pas d'accord sur tout, ce qui est normal, et certains auraient sans doute souhaité que nous mettions davantage l'accent sur les droits humains, mais force est de constater que le rapport a été voté à l'unanimité et que tout le monde a salué sa qualité. Une partie est consacrée à l'économie, une autre à la politique. Les droits humains y sont évoqués. Vous pouvez le vérifier par vous-même en parcourant le texte.
Vous apparaissez comme membre du conseil exécutif de deux associations, pour le dialogue des Chinois de l'étranger et pour l'amitié des Chinois de l'étranger, dont on ne peut ignorer qu'elles ont été créées par le Parti communiste chinois. Elles font partie du bureau des Chinois de l'étranger, intégré au PCC, et gravitent donc de toute évidence dans l'orbite du pouvoir central chinois ; elles ne cachent pas avoir pour mission de mener des opérations d'influence dans les pays étrangers et au sein de la société civile des pays où elle est présente. Les milieux universitaires et académiques appellent « Front uni » ce département qui centralise de nombreuses activités et pilote des associations, selon une stratégie clairement orchestrée et publiée. Rien de tout cela n'est secret, on ne peut pas l'ignorer. Comment, à l'époque, perceviez-vous votre rôle en tant que député de la nation française au sein de ces deux associations ? Quel fut votre rôle au sein du groupe Développement France-Chine, créé par l'un de vos beaux-frères et présenté par le think tank Sinopsis, qui dépend de l'université de Prague, comme une organisation destinée à faciliter le recrutement de profils étrangers et le transfert de technologies ?
Vous citez des écrits qui font état de mon appartenance à ces associations et au PCC. Je serai très clair : je ne suis pas membre du PCC, je n'ai pas payé une quelconque cotisation pour adhérer à une quelconque organisation qui dépendrait du gouvernement chinois ou du PCC. C'est par le papier que vous citez que j'ai appris que mon nom apparaissait sur des sites chinois. Il est évident que je ne suis pas membre de ces organisations, encore moins membre dirigeant.
Une petite explication s'impose. On me prête des accointances que je n'ai pas. Sachez que l'on n'adhère pas au PCC aussi simplement qu'à un parti français. Par exemple, parmi les étudiants des universités, seuls les meilleurs sont pris. Votre passé doit être propre, tout comme celui de vos parents. Vous ne devez pas avoir agi contre le PCC. Les critères à remplir sont nombreux. Il est bien évident que je ne peux en aucune façon être membre du PCC et encore moins membre exécutif de l'une de ces organisations. Surtout, je ne sais même pas ce que je pourrais y faire puisque je ne lis pas le chinois !
Il faut arrêter d'imaginer des choses qui n'existent pas. Je le répète : je ne suis ni membre exécutif ni simple membre de ces associations, contrairement à ce qui est écrit dans ce papier.
Dans le cadre de l'activité associative de l'Amicale des Teochew, située dans le 13e arrondissement, nous sommes amenés à participer régulièrement à des réunions. Nous nous retrouvons à Montréal, en Malaisie, à Singapour, en Chine, à Hong Kong. Ces réunions réunissent des centaines, voire des milliers de ressortissants d'origine chinoise qui vivent dans tous les pays des cinq continents. Lorsqu'un événement est organisé, une délégation doit s'y rendre, ou bien le président, le vice-président, le président d'honneur. J'y participais beaucoup moins souvent lorsque j'étais député, par manque de temps, mais quoi qu'il en soit, si je me rends à un événement organisé, par exemple, par une association à Montréal, cela ne fait pas de moi un membre de cette association canadienne. Que les choses soient claires, je ne suis pas membre des organisations que vous avez citées.
Certains de vos propos me semblent bizarres mais peut-être sont-ils à mettre sur le compte de l'émotion. Quelle est votre conception du Parti communiste chinois ? Vous avez dit qu'on n'y entre pas comme cela et que le parti ne recrute que les meilleurs. De notre côté, nous aurions tendance à penser que ceux que le PCC qualifient de meilleurs sont des personnes sans aucune capacité critique, susceptibles de reproduire un régime totalitaire sans trop poser de questions. Sa conception des meilleurs éléments n'engage que lui. Vous avez dit que l'historique des familles était scruté et qu'il fallait avoir un passé « propre ». Nous sommes au contraire plusieurs, ici, à considérer que le fait de n'être pas « propre » au sens où l'entend ce parti, qu'avoir un passé de résistant, qu'être un dissident, est plutôt honorable, même si l'on peut respecter les sentiments patriotiques de n'importe quel peuple.
Permettez-moi de relire un passage de votre rapport qui m'avait frappé. Vous y définissez, à la page 18, le rôle que joue le Parti communiste chinois : « Les liens entre le PCC et le tissu économique chinois, qui reste en priorité industriel, sont l'une des manifestations de la centralité et de la présence du PCC dans la société chinoise. Comme cela a également été rappelé en audition par Alice Ekman, le maillage géographique du parti dans la société civile est très dense et s'appuie, selon les données officielles chinoises, sur environ 4,6 millions de cellules implantées dans des secteurs variés. » À aucun moment, vous ne définissez ce régime comme totalitaire. Vous allez même jusqu'à ajouter, dans une note en bas de page : « La résolution finale du 19e Congrès du PCC a rappelé que “parti, gouvernement, armée, écoles, Est, Ouest, Nord, Sud, le Parti commande tout.” » C'est la définition, à mon sens, d'un régime totalitaire. Considérez-vous le PCC comme un organe de contrôle totalitaire de la nation chinoise ?
Oui, évidemment, il répond à la définition. Vous avez lu un passage dans lequel je citais Alice Ekman, qui est une spécialiste. Le PCC, c'est de notoriété publique, compte 90 millions de membres et 4,6 millions d'entités locales, dans les provinces, les villes, les arrondissements. Son maillage est très dense. La Chine fonctionne ainsi : le PCC contrôle tout et est présent partout. Ce n'est pas sous ce régime que j'ai voulu vivre, aussi ai-je choisi de rester en France, pays où j'ai eu la chance d'être accepté et dont je partage les idées, le mode de vie, le mode de pensée. Je pourrais choisir, demain, de partir ailleurs. Si je reste en France, c'est parce que je l'ai voulu.
Oui, ce parti fonctionne de manière totalitaire. Je suis surpris que vous puissiez douter de ce que je pourrais penser sur ce sujet. Certains m'ont accusé d'avoir voté pour le génocide des Ouïghours. Comment ont-ils pu croire qu'après ce que j'ai vécu, j'aurais pu voter pour le génocide d'un peuple, quel qu'il soit ? Je suis moi-même rescapé d'un génocide ! C'est facile d'accuser les gens, d'insinuer des choses mais il faut savoir s'arrêter et revenir à la réalité. Les personnes qui prétendent que je suis membre du PCC, soit ne connaissent rien à ce parti, soit sont mal intentionnées – je penche plutôt pour cette dernière hypothèse car, en général, ces gens sont bien renseignés.
Vous réfutez donc totalement les affirmations du think tank selon lesquelles vous adhéreriez et seriez même un membre exécutif de ces deux associations qui ont pignon sur rue et sont assez connues. Considérez-vous que ces écrits sont des élucubrations et présenteraient un caractère diffamatoire ?
J'ai découvert, grâce au travail de ces chercheurs, que mon nom figurait sur certains sites chinois. Je le répète, je ne lis pas le chinois et j'ai été le premier surpris par cette nouvelle. Que voulez-vous que je vous dise d'autre ?
Avez-vous exercé votre droit de rectification ? C'est en général ce que l'on fait lorsque l'on se sent sali, traîné dans la boue, l'objet de fausses accusations ou de diffamation. Il est normal de réagir ainsi quand son honneur est atteint.
Je pense que beaucoup de ces affirmations sont fausses mais que leurs auteurs sont mal intentionnés ; aussi ai-je pensé que cela ne servirait pas à grand-chose de demander une rectification. Il arrive très souvent que les communiqués rectificatifs ne soient pas publiés et quand ils le sont, ils sont rarement lus. Je n'ai donc même pas essayé de contredire les auteurs. Ce n'est que durant la campagne législative que je me suis efforcé de répondre à la presse quand on me mettait en cause, par égard pour les militants. C'était compliqué pour eux de se voir maltraités sur les marchés parce qu'ils défendaient un député que l'on disait au service du Parti communiste chinois. Il était de mon devoir de réagir mais, d'habitude, je ne réponds pas aux nombreux mensonges qui circulent.
Pourriez-vous nous expliquer le rôle que vous avez tenu au sein du groupe Développement France-Chine, fondé par votre beau-frère ?
Il s'agit d'une association, comme il en existe beaucoup, dans laquelle je suis conseiller. C'est un titre plus ou moins honorifique. J'interviens lorsque l'on m'y invite, par exemple lors d'échanges entre des entreprises chinoises et des entreprises françaises. Récemment encore, je suis intervenu auprès d'entreprises françaises qui souhaitaient se rendre en Chine. J'ai essayé de leur expliquer le fonctionnement de ce pays et de leur donner quelques conseils en matière de propriété intellectuelle, en particulier celui de déposer les brevets avant de se rendre en Chine où ils couraient le risque de se faire copier. J'essaie simplement d'être pragmatique pour faciliter leurs démarches. Ces jeunes sont très créatifs mais leur fougue les fait partir la fleur au fusil et oublier les précautions les plus élémentaires.
Les créateurs de ces start-up, de ces petites entreprises, ont raison de viser le marché chinois car il est très vaste, mais ils ne soupçonnent pas la jungle que c'est et n'ont pas conscience des risques qu'ils prennent, surtout pour tout ce qui a trait au numérique. Beaucoup d'entreprises en Chine sont à la pointe de ce secteur et une bonne idée y est vite copiée. C'est pour cette raison que je leur dis qu'ils doivent absolument prendre les devants. De même, j'ai souvent exhorté les représentants chinois à faire des efforts pour protéger la propriété intellectuelle, sans quoi les entreprises françaises, comme celles d'autres pays, n'iront plus en Chine de crainte de se faire piller leur savoir.
Vous avez dit qu'en votre qualité de président de l'Amicale des Teochew, vous aviez été amené à participer à des rencontres internationales, qu'elles se déroulent en Chine ou dans un autre pays. Avant d'être élu à l'Assemblée nationale, vous vous êtes rendu assez régulièrement à ces rencontres internationales. Vous avez continué une fois député, pas en tant que président du groupe d'amitié France-Chine mais en votre qualité de président de cette association, à participer à ces rencontres internationales qui étaient, de toute évidence, organisées par les autorités chinoises, en particulier le département des relations internationales du Parti communiste chinois.
Ne vous êtes-vous jamais demandé s'il était opportun de vous rendre régulièrement dans ce genre de rencontre internationale ? Bien sûr, vous vous entreteniez très certainement de concorde, de coopération et de la façon d'améliorer la compréhension des systèmes culturels des uns et des autres, mais à travers ces échanges, vous participiez aussi à l'orchestration d'une stratégie d'influence très puissante et maligne de la part des autorités de la République populaire de Chine.
Je vais d'abord répondre à la première partie de votre question. En effet, je participais assez régulièrement à ces événements avant d'être élu député. Une fois élu, j'ai ralenti le rythme car le travail à l'Assemblée nationale était très prenant. L'idée que l'on se fait du fonctionnement de ces réunions est assez simpliste. C'est vrai, ces événements sont organisés par les autorités chinoises quand ils se déroulent en Chine, mais ce n'est pas le cas lorsqu'ils se tiennent en Malaisie, à Montréal, à Singapour ou en France.
Il a également été insinué que les associations seraient des outils au service des autorités chinoises. La situation est beaucoup plus terre-à-terre. La plus grosse partie des associations que vous trouvez dans le 13e arrondissement de Paris – ou ailleurs – ne sont dédiées qu'à l'apprentissage de la calligraphie ou de la danse, pour citer ces seuls exemples. L'Amicale des Teochew a ainsi été créée pour permettre aux gens de se retrouver le week-end, de partager des bons plans, de trouver un logement ou une boutique pour ceux d'entre eux qui voulaient ouvrir un commerce. Quand j'étais petit, j'étais réquisitionné pour aider les personnes âgées à remplir des feuilles de soins ou leur lire les courriers que leur envoyaient les syndics parce qu'ils ne les comprenaient pas. Des cours de français ont été proposés pour que les gens puissent se débrouiller un minimum. Les années passant, des cours de chinois ont été donnés aux enfants qui ne le parlaient pas du tout parce qu'ils étaient nés en France. À une certaine époque, je me suis occupé des jeunes. Je me souviens que nous avions monté une section pour le volley-ball, une autre pour le badminton, le tennis ou la danse. Nous organisions des tournois. Nous étions à mille lieues d'un outil mûrement réfléchi pour servir les autorités chinoises ! Ce sont les habitants qui créent localement des associations pour répondre à leurs propres besoins. Pour autant, je reconnais que certaines associations peuvent être plus ou moins proches du PCC, de par leurs membres, mais les membres en question sont des gens venus de Chine continentale. Les associations du 13e arrondissement regroupent surtout des gens arrivés en France par ricochet. Leurs grands-parents et arrière-grands-parents avaient déjà quitté la Chine pour s'installer au Laos, au Vietnam ou au Cambodge, dont ils sont repartis pour la France à la suite des événements dramatiques qui s'y sont produits.
Ces gens-là, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, n'ont pas tissé des liens de mère patrie avec la Chine. J'ai lu que certaines associations étaient le bras armé de tel régime. Ce n'est pas le cas. Je vous invite d'ailleurs à en visiter quelques-unes, elles sont ouvertes au public. Il y a des temples où les gens vont prier. N'importe qui peut s'inscrire aux activités qui y sont proposées. Je pourrais même vous y conduire un jour si vous êtes intéressés. Par exemple, elles organisent chaque année dans le 13e arrondissement un défilé pour le nouvel an chinois. Le mercredi et le samedi, des cours de chinois, de soutien, de danse des lions sont donnés aux enfants.
Je comprends très bien ce que vous dites des associations qui ont à cœur de faire vivre les pratiques culturelles de leur pays mais la commission d'enquête essaie de percer d'autres types de mécanismes. Nous ne nous occupons pas de ce type d'associations chinoises, cambodgiennes ou vietnamiennes qui sont implantées dans le 13e arrondissement et dont je salue l'esprit et l'implication. Nous nous intéressons plus particulièrement à votre participation à des rencontres internationales qui dépassent largement le cadre des associations culturelles de cet arrondissement. Par exemple, la Conférence consultative politique du peuple chinois, qui se réunit régulièrement à Pékin, n'est pas une simple une organisation sympathique : elle est placée sous la direction du PCC.
Je suis d'accord avec vous. Tout ce qui est organisé en Chine est, directement ou non, lié à l'État chinois et au PCC. En France, il suffit d'être trois pour créer une association : un président, un trésorier et un secrétaire. En Chine, il faut obtenir l'autorisation des autorités, locales ou provinciales. D'autre part, lorsque l'on participe au grand congrès au Chine, on participe bien évidemment à un congrès organisé par l'État. Mais la Chine ne pilote pas tout ce qui se passe en dehors du pays, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. En Chine, chaque association décide d'adhérer ou non, de participer ou non aux événements organisés. Hors de Chine, les associations chinoises peuvent aussi participer à ce type d'événement mais ce n'est pas la Chine qui les organise.
Je voudrais vous remercier pour vos explications. Votre famille est originaire de la région de Chaoshan où l'on parle le dialecte teochew. Cette région a été un foyer d'émigration important vers l'Asie du Sud-Est, en particulier le Cambodge, où vous avez vécu, mais aussi la Thaïlande. Le dialecte teochew est majoritairement parlé par les Chinois qui vivent dans ces pays.
Je concentrerai mon propos sur votre activité de député. Vous nous avez dit que vous n'aviez pas voté pour le génocide des Ouïghours, ce que je conçois aisément car le contraire eût été incroyable. Il s'agissait plus exactement d'une résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation du caractère génocidaire des violences commises contre les Ouïghours. En tant que député et collègue, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous êtes le seul à avoir voté contre cette résolution, d'autant plus que les cinq députés qui se sont abstenus étaient des collègues LFI et communistes, dont on aurait pu penser qu'ils avaient une plus grande proximité que vous-même, qui avez un parcours d'exilé, avez vécu sous un régime totalitaire et êtes devenu entrepreneur, avec l'idéologie communiste qui s'approprie les biens privés pour en faire des biens publics. Quelle a été votre démarche, votre pensée, au moment où vous avez voté contre cette résolution ? Avez-vous fait l'objet de pressions ?
Je vous remercie de me poser la question car je pourrai ainsi m'expliquer. Peut-être l'ignorez-vous mais Paris est la première capitale au monde à avoir érigé une stèle en commémoration du génocide cambodgien, en 2018. C'est moi qui ai présenté le projet. Nous y avons travaillé de bonnes années et cela nous a pris beaucoup de temps de venir à bout des blocages administratifs. Finalement nous avons réussi, après y avoir longuement et patiemment travaillé avec les membres du Haut Conseil des Asiatiques de France, au sein duquel les Cambodgiens sont très actifs. Une fois l'autorisation obtenue de dresser une stèle dans le 13e arrondissement, nous avons souhaité y faire graver un message – la stèle était simple, en verre transparent. Ce message, je l'ai voulu en français et en cambodgien, pour rendre hommage aux victimes et aux familles des victimes de ces génocides. Or on m'a interdit d'utiliser le mot « génocide », en 2018, quarante-trois ans après l'entrée des Khmers rouges au Cambodge en 1975.
J'ai alors appris que personne, pas plus une association, une ville, un État qu'un Parlement, n'avait le pouvoir de décréter que des violences étaient un génocide. Seul un tribunal international le peut. Nous avons inauguré cette stèle et en novembre 2018, quelques mois après, le tribunal international a statué sur le caractère génocidaire de ce qui s'était passé au Cambodge. J'aurais fait installer la stèle en décembre, nous aurions pu y graver le terme de génocide. Vous pouvez aller vérifier, elle est toujours là.
J'ai, en effet, voté contre la résolution relative aux Ouïghours car non seulement nous n'avions pas le pouvoir de reconnaître le caractère génocidaire de ces violences, mais quand bien même nous l'aurions eu, cette reconnaissance était totalement inefficace. Regardez la réalité en face : le vote de cette résolution n'a rien changé. Vous vous êtes fait plaisir en votant quelque chose, c'est tout. Pour tout vous dire, j'étais loin de penser que je serais le seul à voter contre. Peut-être aurais-je dû faire comme certains collègues et passer le temps du vote à la buvette. J'ai préféré voter en mon âme et conscience. J'ai refusé de voter une résolution qui demandait à l'État français de se prononcer sur le génocide des Ouïghours, c'est vrai. Mais il est faux de prétendre, comme cela s'est produit ensuite, que j'avais voté pour le génocide, sous la menace ou la contrainte. Rien de tout cela n'est arrivé.
Je reste surpris. Au fond, est-ce parce qu'on vous aurait refusé d'utiliser le terme « génocide » pour le Cambodge, dont je connais un peu l'histoire, que vous auriez pris ombrage que le même terme soit autorisé pour les Ouïghours ?
Non. Je suis en revanche opposé au galvaudage de certains termes et je ne souhaite pas que l'on utilise celui de « génocide » pour un oui ou pour un non. Chaque mot a un sens mais il n'y a pas que cette raison. Juridiquement, on ne pouvait pas demander à l'État français de se prononcer sur cette résolution, ce qu'a reconnu lui-même le ministre qui était au banc. Je ne sais pas pourquoi on me l'a reproché alors que c'était factuel. J'aurais dû rester à la buvette, comme me l'ont dit certains collègues. En tout cas, je n'ai fait l'objet d'aucune menace, contrainte ou chantage.
Vous nous avez expliqué que vous n'aviez pas de lien particulier avec le régime chinois et que vos liens personnels avec la Chine étaient très relâchés, ne tenant qu'aux expatriés qui vivent dans la circonscription dont vous étiez le député. Pourquoi, dès lors, avoir voulu prendre la tête du groupe d'amitié France-Chine plutôt que celle du groupe d'amitié France-Cambodge, par exemple, dont vous êtes originaire ? Comment cela s'est-il passé ? Est-ce vous qui en avez fait la demande expresse auprès de votre groupe politique ou est-ce le fruit du hasard ?
De mémoire, j'avais postulé aux groupes d'amitié France-Corée du Sud, France-Cambodge, France-Chine, France-Japon et un ou deux autres groupes. Un député ne pouvant présider qu'un groupe d'amitié, j'ai été vice-président du groupe France-Cambodge, pays auquel je suis attaché. Bien qu'on en parle peu, j'ai suivi les actions de ce groupe pendant toute la législature. Avec le président du groupe, Michel Herbillon, et Sylvain Waserman, nous nous sommes notamment rendus au Cambodge. Outre cette mission très intéressante, nous avons mené de nombreuses actions, moins cependant que le groupe France-Chine. C'est un exemple de ce que la diplomatie parlementaire peut réaliser.
Ma question portait davantage sur le groupe d'amitié France-Chine. Vous avez donc fait la demande expresse de présider le groupe France-Chine : pour quelles raisons ? Est-ce parce que les Chinois représentaient la plus grande communauté de votre circonscription ?
De fait, ma circonscription comprend une forte communauté de personnes d'origine chinoise. C'est aussi un pays plus grand et plus intéressant, où davantage de choses se passent. Le groupe d'amitié France-Corée du Sud m'intéressait aussi, mais c'est M. Son-Forget, d'origine coréenne, qui en a pris la présidence.
Avez-vous été contacté par l'ambassade de la République populaire de Chine avant ou après votre vote sur la proposition de résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation du caractère génocidaire des violences perpétrées à l'égard des Ouïghours ? Le cas échéant, quelle a été la teneur des échanges ?
Je n'ai pas été contacté à ce sujet. En revanche, une personne de l'ambassade m'a interrogé sur la proposition de résolution : j'ai indiqué que la décision ne pouvait pas être prise en dehors de l'Assemblée mais que la proposition devait être mise au vote. Le texte, préparé par une collègue, a été repris par le groupe Socialiste, qui l'a présenté dans le cadre de sa niche parlementaire.
Un article de presse a fait état de votre prétendue appartenance au conseil exécutif de l'Association pour l'amitié des Chinois de l'étranger. Vous avez dit que vous n'avez jamais adhéré à cette association et que vous avez découvert que votre nom était associé à ce conseil sur un site internet.
Quand avez-vous découvert cette usurpation d'identité ? Quelles actions avez-vous entreprises pour la faire cesser, auprès des autorités chinoises ou en France ?
J'ai demandé à une personne chinoise de consulter le site : elle m'a confirmé que mon nom y figurait. Je n'ai cependant pas attaqué le média, pas plus que les journaux français, pour les articles parus en France. Je ne sais pas si mon nom figure toujours sur le site ou s'il a été précisé qu'il s'agissait d'une erreur ou d'un homonyme. Je ne l'ai pas vérifié.
Non. Je parle le mandarin, mais je ne sais ni le lire ni l'écrire. Je parle également le teochew et le cantonais.
Buon Tan et moi sommes d'anciens collègues de la commission des affaires étrangères. Je suis en outre vice-présidente du groupe d'études à vocation internationale sur les questions liées à l'expansion de l'économie taïwanaise. Je n'ai pas participé au groupe d'amitié France-Chine, ni lors de cette législature ni pendant la précédente.
En tant que militante d'Amnesty International, je me suis engagée pour les droits humains dès que j'ai été élue députée, en 2017. Au sein de la commission des affaires étrangères, j'ai organisé sur ce thème des conférences qui réunissaient un président de groupe d'amitié, un chercheur et un représentant d'ONG, pour différents pays – l'Égypte, la Russie, la Turquie, l'Iran et le Brésil, notamment.
Le 12 février 2019, nous avons évoqué la Chine et ses multiples violations des droits humains, qui dépassent les violences faites aux minorités ouïghoures : harcèlement, répression de la liberté d'expression, de la presse, des orientations sexuelles, tortures, viols, peine de mort, endoctrinement, sans compter le sort réservé au Tibet et à Hong Kong, avec la loi sur la sécurité nationale.
Au-delà de la proposition de résolution sur le génocide des Ouïghours, quelles pressions ou influences ont pu s'exercer sur vous s'agissant des droits humains ? Avez-vous exercé une influence sur vos collègues députés pour qu'ils parlent moins de ces sujets ?
J'en viens aux intérêts économiques de la Chine, à ses investissements stratégiques, à ses ambitions dans le Pacifique, au cyberespionnage et à Huawei. On sait qu'un simple tweet de soutien à Taïwan déclenche les foudres de l'ambassadeur de République populaire de Chine en France, des pressions et des tentatives de mise à l'écart.
Dans ces dossiers qui ne relèvent pas des droits humains, comment pouvez-vous être sûr de vous être prémuni de toute tentative d'influence, dans les sujets que vous choisissiez, dans vos conversations avec des collègues et au-delà dans toute la palette d'actions d'un député ?
Certains articles m'ont prêté des liens de dépendance avec la Chine : d'après eux, l'ambassade aurait pu faire pression sur moi car les sociétés pour lesquelles je travaillais commerçaient avec la Chine.
J'apporte ici une précision qui permet d'éclairer certains de ces articles : nous importons du thé et des infusions non seulement de Chine mais aussi de Singapour, de Thaïlande, de Malaisie, d'Italie, d'Allemagne, de Pologne, de Hollande ou d'Espagne, et nous fournissons la grande distribution. Tous nos clients – Carrefour, Leclerc, Intermarché, notamment – se trouvent en France ou en Europe : j'aurais plus à craindre de pressions de leur part, comme nous en avons lors des négociations annuelles, que de la Chine. En effet, nous ne vendons rien à ce pays.
Même à mon insu, je ne pense pas avoir été l'objet de pressions. Je n'ai pas de dépendance, économique ou autre, envers la Chine. Aucun membre de ma famille proche n'y vit : nous avons quitté le pays depuis trois générations. Il n'y a aucun moyen d'exercer un chantage sur moi.
Je ne partage évidemment pas certaines déclarations de l'ambassadeur, notamment ses propos lunaires selon lesquels la France aurait mal géré la crise du covid et laissé mourir ses aînés. Protester dans des tribunes n'est cependant pas ma façon de faire.
Lorsque vous étiez député, entreteniez-vous des relations privilégiées avec l'État chinois et l'ambassade de la République populaire de Chine ? Des rencontres régulières ont-elles été organisées avec le pouvoir chinois ?
Il faut définir ce que vous entendez par « relations privilégiées ». Dans le cadre de mon action comme élu local du 13e arrondissement de Paris, depuis 2008, des jumelages avec des municipalités ou des quartiers de Chine ont été mis en place. Outre les contacts réguliers que nous entretenons, des échanges ont lieu chaque année ; des artistes se produisent en France. On peut dire que ces relations sont « privilégiées », mais l'État chinois est-il concerné ? Tout dépend de votre définition. Toute ville sert l'État chinois. Cela est moins vrai en France car les maires sont élus différemment.
Je n'ai pas de « relations privilégiées » avec l'ambassade. Je croise ses représentants lors de spectacles ou d'événements comme le nouvel an chinois ou la fête de la lune. Je voyageais régulièrement en Chine pour mes activités commerciales ; je m'y suis rendu moins souvent lors de mon mandat d'élu local, et encore moins fréquemment lorsque j'étais député, par manque de temps. J'ai représenté l'Assemblée nationale dans le cadre de la Grande Commission interparlementaire France-Chine ou de missions parlementaires en Chine. Je m'y suis rendu également quelques fois au nom de l'association du 13e arrondissement dont je suis président d'honneur.
Avez-vous eu un contact direct avec le président chinois ? Entreteniez-vous de bonnes relations avec lui ?
J'ai eu l'occasion de rencontrer le président chinois à quelques reprises. En revanche, je n'en suis pas proche : je le croise parmi des centaines ou milliers de personnes, sauf à l'Assemblée où nous l'avons reçu en petit groupe avec le président Richard Ferrand, la présidente de la commission des affaires étrangères Marielle de Sarnez et quelques députés.
Le rapport Sinopsis – une institution que je ne connais pas – contient plusieurs photographies. On vous voit notamment serrer la main du président Xi Jinping lors d'un événement de l'Association pour l'amitié des Chinois de l'étranger, en 2019. Or ce n'est pas vous faire offense que de dire que vous n'êtes pas Premier ministre de la France ou une personnalité politique très connue. De plus, vos réponses aux membres de la commission d'enquête ne semblent pas traduire une relation d'un niveau tel que vous puissiez être photographié au premier rang d'un événement avec le président de la deuxième puissance mondiale, au faîte de son pouvoir. Comment avez-vous obtenu une reconnaissance à un tel niveau ?
Une autre photographie de 2013 vous montre assistant à une réunion du Parti communiste chinois. Le fait d'entretenir de bonnes relations avec des responsables chinois est une chose ; assister à la réunion d'un parti totalitaire, dont notre collègue Mireille Clapot a rappelé les méfaits, en est une autre, plus étonnante. Pouvez-vous expliquer ces deux photographies ?
Certains articles m'ont dépeint comme une personne qui cherche à se mettre en avant pour serrer la main des responsables. Ce n'est ni ma personnalité ni ma façon de faire.
Je n'ai rien fait pour obtenir cette place : j'y ai été placé pour une séance de photographies. Les Chinois se servent peut-être aussi d'une telle image pour promouvoir leur événement, en montrant des représentants de tous les pays et continents. Je ne connaissais pas la plupart des personnes présentes à l'événement, qui étaient très nombreuses.
J'ai en effet eu l'occasion de serrer la main du président chinois, en tant que président du groupe d'amitié France-Chine, par exemple, selon l'ordre du protocole.
En 2013, j'ai assisté aux échanges d'un organe consultatif, qui regroupe des représentants de différents métiers ou régions – un équivalent du Sénat. Ma qualité d'auditeur ne me donnait aucun droit de parole ou de vote. Les échanges ne m'ont d'ailleurs pas paru très intéressants mais ils m'ont permis de mieux comprendre le fonctionnement de l'instance. Je n'ai participé ni au débat, ni au vote : je n'ai fait qu'observer.
Vous faites allusion à votre présence, en mars 2013, avant que vous ne deveniez membre de l'Assemblée nationale, à la Conférence consultative politique du peuple de Chine. Il s'agit effectivement d'une assemblée sans réel pouvoir, que je me garderai bien de comparer au Sénat. Elle joue toutefois un rôle dans la stratégie du parti communiste chinois car elle réunit des représentants de la société civile chinoise vivant à Pékin et des étrangers, issus de la diaspora – hommes d'affaires, représentants d'associations, de minorités. Tous sont des « compagnons de route », si je puis me permettre cette expression anachronique, connus pour être favorables au régime de Pékin. Il y a à tout le moins un surprenant phénomène de compagnonnage et de fréquentation des allées du pouvoir.
Que diriez-vous aujourd'hui de l'application de la loi sur la sécurité nationale, à Hong Kong ?
J'ai répondu en partie à la question. Par hasard, nous étions en délégation à Hong Kong avant que cette loi ne soit promulguée. J'avais fait part de mes inquiétudes à Mme Theresa Cheng, garde des sceaux du gouvernement de Carrie Lam ; elle a expliqué que la loi ne posait pas de problème. Malheureusement, on a vu ce qu'il en a été par la suite pour les Hongkongais.
Aujourd'hui, un nombre important d'entreprises françaises et européennes souhaitant se développer en Asie préfèrent Singapour à Hong Kong car la sécurité qu'elles pensaient y trouver a disparu. Certains groupes comparent Singapour, le Vietnam ou la Malaisie, mais Hong Kong n'est plus une option. C'est une conséquence indirecte de cette loi. De nombreux Hongkongais ont pris peur et ont décidé d'émigrer.
J'entends ce que vous dites de l'impact de la loi sur la sécurité nationale voulue par les autorités de Hong Kong sur les investissements et le commerce. Mais condamnez-vous fermement l'application de cette loi et la répression féroce des manifestations pour la liberté ? Les procès se sont ouverts depuis peu : il y a fort à parier que les peines prononcées en application de la loi sur la sécurité nationale seront très lourdes.
La presse mentionne une note des renseignements généraux vous concernant, qui indique des risques d'ingérences, compte tenu de votre parcours, votre personnalité et votre profil. En avez-vous eu connaissance ? Les services français vous ont-ils déjà auditionné ? Se sont-ils inquiétés de vos activités et sont-ils entrés en contact avec vous, de façon formelle ou informelle ?
Le journaliste qui a écrit l'article, avec lequel j'ai échangé, n'a pas vu cette note. Je ne peux donc pas garantir son existence.
Je suis en contact avec les services des renseignements généraux depuis longtemps car ils sont invités aux événements tels le nouvel an chinois, qui rassemblent un grand nombre de personnes dans le 13e arrondissement. J'ai échangé sur leur organisation avec la personne qui suivait la communauté asiatique : elle m'appelait par exemple pour savoir si l'événement était maintenu.
Vous évoquez des contacts dans un cadre sécuritaire, pour assurer la bonne tenue des manifestations publiques de votre association. La note, si elle a existé, ne portait vraisemblablement pas sur vos activités associatives.
Dans ma jeunesse, j'ai moi-même traité avec les services pour l'organisation d'événements dans un cadre associatif : cela n'avait rien à voir avec mes opinions ou mes activités politiques. Je n'ai en revanche jamais eu de tels contacts comme dirigeant du mouvement souverainiste depuis dix ans, directeur adjoint de la campagne de Mme Le Pen ou député président délégué du groupe.
Avez-vous de tels contacts au titre de vos activités politiques et comme personnalité identifiée, à tort ou à raison, comme liée à la Chine ou pouvant y établir des liens ? La Chine fait l'objet d'une attention renforcée de nos services de renseignement. Vous auriez pu en être un des contacts privilégiés.
Je n'ai été ni auditionné ni contacté pour mes activités de parlementaire ou pour celles liées à la Chine. Lors d'un échange avec la préfecture il y a quelque temps, j'ai été mis en garde contre le risque d'être approché.
J'avais sollicité les services du renseignement afin qu'ils sensibilisent mes collègues de la délégation aux risques de sécurité liés notamment aux téléphones et ordinateurs portables – ils les ont d'ailleurs un peu effrayés.
Je ne sais pas si la note existe, car personne ne l'a vue.
N'avez-vous pas tenté de demander des comptes aux services ? Il me semble qu'un citoyen peut obtenir tout ou partie du dossier dont les services de renseignement disposeraient sur sa personne.
D'une manière générale, je me permets de m'étonner de vos réactions, et j'aimerais votre sentiment. Vous parlez d'usurpation de votre identité sur un site, vous qualifiez des articles de presse de calomnieux – vous répondez ici aux accusations qu'ils formulent – ; et il y a cette note. Nous sommes tous différents, mais je ne sens pas chez vous d'indignation, pas de volonté de rétablir la vérité, d'attaquer en justice ou d'obtenir ces documents que vous estimez mensongers. Si on me parlait d'une note sur moi, je m'inquiéterais, de même que si mon nom apparaissait contre ma volonté sur le site d'associations étrangères liées à un régime autoritaire. Si on me calomnie, j'attaque en justice ! Bien sûr, on ne peut pas faire de procès à tout le monde, mais ici il est tout de même question de médias qui ont pignon sur rue, Le Point, Le Monde, Radio France… On parle aussi d'une étude universitaire, pas d'une officine ou d'une ordure balancée sur des réseaux sociaux. Ce qui vous est reproché est grave, et on peut même imaginer que cela a joué un rôle dans la perte d'un mandat qui devait vous tenir à cœur. Mais je ne sens pas, je le redis, de volonté de rétablir les faits.
J'apprends que l'on peut demander aux services des renseignements sur une éventuelle fiche sur soi : merci de cette information. Je ne l'ai pas fait, c'est vrai.
Je comprends votre étonnement, mais mon impression est qu'une réaction ne servirait à rien, ne ferait qu'amplifier l'écho donné à ces papiers. Je pense à mes échanges avec Mme Guibert, du Monde : elle m'a reparlé d'un article paru dans Libération où l'on me dépeignait comme quelqu'un qui avait soif de pouvoir, et où l'on racontait qu'un jour, à Pékin, j'aurais joué des coudes pour me mettre au premier rang lors d'un événement. Je lui ai expliqué ce qui s'était passé ; je lui ai aussi dit que le journaliste pouvait facilement téléphoner au protocole pour savoir quelles étaient les règles, qui devait être assis au premier rang, qui devait serrer la main du président… L'article faisait de moi quelqu'un qui n'aurait pas dû être là, mais qui s'était imposé pour serrer la main du président ! Elle m'a demandé pourquoi je n'avais pas dit ce qui s'était vraiment passé. Mais à qui l'aurais-je dit ? Aurais-je dû faire un communiqué qui n'aurait pas été lu, et dont le seul effet aurait été de donner de l'importance à cet article ?
J'ai estimé avoir mieux à faire de mon temps, et j'ai préféré travailler en commission sur le commerce extérieur. Mais ce que les gens retiennent, ce sont les articles – vous-même, vous l'avez lu, et si je n'étais pas là pour m'expliquer, vous auriez cru ce que vous lisiez. Que peut-on y faire ?
Je ne sais pas, je pose simplement des questions.
Nous avons tous été victimes, je crois, à différents degrés, de raccourcis, d'imprécisions ou d'exagérations dans des articles de presse. Mais vous parlez vous-même de calomnies. On vous accuse d'être lié au parti communiste chinois : c'est grave, ce n'est pas comme si on racontait qu'à 8 ans vous avez piqué un bonbon à la boulangerie !
Le fait que vous ne cherchiez pas à exercer vos droits pour rétablir la réalité ne peut que nous étonner. Vous connaissez le droit, vous ne manquez pas de moyens économiques, et les procédures françaises ne sont pas aussi onéreuses qu'outre-Atlantique. Comprenez que nous nous interrogions sur le fait que vous ne semblez pas vouloir rétablir des faits, et que vous n'avez même pas essayé de faire retirer votre nom d'un site internet alors qu'il y aurait là une usurpation d'identité.
Vous avez raison. Je vous remercie à nouveau de me donner l'occasion de rétablir la vérité – car je me sens le devoir de répondre à la représentation nationale.
Je vous donne un autre exemple. Certains articles ont fait état d'une plainte dont je faisais l'objet pour détournement de fonds ; et on m'a alors beaucoup incité à porter plainte à mon tour. J'ai posé la question à un avocat, mais je ne suis pas allé plus loin.
Voici ce qui s'est passé. La personne qui a porté plainte contre moi fait partie d'une association que j'ai présidée – ce que je n'avais pas souhaité au départ, avant d'accepter. Quand j'ai senti que cette association ne faisait pas grand-chose et qu'il s'agissait surtout de jouer les rabatteurs de voix, je l'ai quittée, car ce n'est pas ma vision des choses. L'article dit que j'en ai été évincé, alors que j'ai démissionné, et qu'ils m'ont proposé d'être président d'honneur, ce que j'ai refusé car je ne voulais plus entretenir de liens avec cette association. La personne concernée m'a soutenu par la suite et m'a même félicité lorsque ma candidature à la députation a été retenue par En Marche.
Mais, quelques semaines avant le premier tour, cette personne a déposé plainte contre moi : j'aurais, d'après elle, pris des chèques sans ordre, destinés à l'association, et je les aurais encaissés. Elle avait pourtant accès aux comptes, et il lui était très facile de vérifier par qui ces chèques avaient été encaissés.
Il y a eu une enquête, j'ai été entendu par la gendarmerie, qui a fait son travail et très facilement retrouvé les chèques et les personnes qui les avaient encaissés – et qui avaient heureusement gardé toutes les pièces comptables. Cela a permis de prouver que nous avions simplement soutenu financièrement une association de ping-pong du 13e arrondissement qui prenait part à des compétitions nationales mais n'avait pas les moyens de payer les trajets. Il était très facile de retrouver tout cela ! Mais non, on a préféré déposer une plainte prétendant que j'avais détourné des chèques.
J'ai posé la question à un avocat, qui m'a dit que si je déposais plainte, je gagnerais un euro symbolique, mais que je ferais de la publicité à la personne qui avait porté plainte.
Vous pouvez vérifier tout cela très facilement.
J'entends vos arguments.
J'ai aussi entendu vos analyses sur la Chine, sur son rôle en Europe ; j'entends encore que vous ne vendez rien à la Chine. Néanmoins, vous avez indiqué tout à l'heure qu'en tant que président du groupe d'amitié France-Chine, vous aviez proposé de visiter des zones que l'on ne visite pas souvent, qui sont aussi, je crois – je ne me prétends pas spécialiste de la Chine –, des territoires plus difficiles d'accès, pour lesquels il faut des autorisations particulières puisque la liberté de circulation dans ce pays, y compris pour les nationaux, n'est me semble-t-il pas totale.
Vous l'avez dit, vous êtes importateur de thé, même si ce n'est pas votre activité principale. J'imagine que la plupart des jardins de thé se trouvent dans des zones qui ne sont pas facilement accessibles, pour lesquelles il faut des autorisations. Au-delà de la question des ingérences, que vous réfutez, n'êtes-vous pas prisonnier, en raison de vos intérêts économiques, du bon vouloir des autorités chinoises qui peuvent, ou pas, vous laisser vous rendre chez ces producteurs de thé ?
La réponse est très simple : contrairement à ce que vous pensez, on circule librement en Chine. Vous prenez un billet d'avion, vous allez à Shanghai ou dans le Xinjiang. Vous allez où vous voulez ! Je n'ai jamais eu besoin d'autorisation pour visiter un jardin de thé dans le Anhui, dans le Fujian, à Canton ou dans le Yunnan. Il y a longtemps qu'aucune autorisation n'est plus nécessaire pour aller d'une province à une autre.
Très bien, vous me l'apprenez. On lit pourtant régulièrement dans la presse que les citoyens, au moment des vacances par exemple, doivent demander des autorisations et ne sont pas libres de leurs mouvements. Mais j'ai peut-être mal compris : je ne suis pas, je le redis, spécialiste de la Chine.
Le nouvel an, c'est la plus grande transhumance du monde : 300 millions de personnes voyagent. Il est donc très compliqué de trouver des billets de train ou d'avion. Par ailleurs, mais cela ne concerne pas les étrangers que nous sommes, il n'est pas possible d'habiter dans certaines villes comme Pékin ou Shanghai sans autorisation. Beaucoup de gens n'ont pas ce permis de résider mais y vivent en tant que travailleurs migrants, pour construire des immeubles par exemple. Mais un touriste voyage librement – je ne dis pas qu'il soit toujours facile de trouver des billets de train, mais il n'y a pas de permis à demander.
Mais vous serait-il possible de faire du business si vous aviez de mauvaises relations avec les autorités chinoises, si elles vous considéraient comme une personnalité hostile à leurs intérêts à l'extérieur de leur pays ?
Là encore, la réponse est simple. Aujourd'hui, les États-Unis constituent l'un des plus gros marchés pour les Chinois. Sont-ils favorables à la Chine ?
Le marché est une chose ; les personnes qui s'enrichissent grâce à cet échange en sont une autre.
La Chine est l'usine du monde : on y fabrique quelque 70 % des jouets produits dans le monde, par exemple. Dans notre cas, la Chine ne représente qu'une partie de nos approvisionnements. Et, pour être acheteur, vous n'avez pas toujours besoin d'aller en Chine. Il y a des salons à Hong Kong par exemple, des importateurs en Europe… Je ne pense pas que ne pas être en bons termes avec les autorités chinoises, voire être persona non grata en Chine, soit un obstacle pour acheter des choses.
Ma dernière question portera sur votre connaissance de l'influence chinoise en France. J'entends que vous estimez que la presse n'est pas fiable, et que cela ne veut pas forcément dire grand-chose, mais différentes personnalités sont souvent citées dans ce cadre, par exemple Jean-Pierre Raffarin ou Jean-Marie Le Guen, votre prédécesseur, lequel siège au conseil d'administration de Huawei, que l'on ne peut pas considérer comme une entreprise comme une autre.
Les auditions de la commission ont une part d'arbitraire, je le reconnais, mais nous essayons de nous documenter autant que possible. Vous êtes vous-même un ancien parlementaire. Estimez-vous que la commission devrait s'intéresser à ces personnes identifiées comme favorables à la Chine, sans que ce terme revête une connotation particulière, ou à d'autres ? Ou bien estimez-vous qu'il y a en France des personnes qui ont des relations avec la Chine, mais qu'elles ne favorisent pas l'ingérence chinoise ?
Je serais d'abord curieux de comprendre le cheminement qui vous a conduits à m'entendre : vous avez lu ces articles dont nous avons parlé, mais avez-vous mené une réflexion particulière ?
Il serait présomptueux de ma part de dire à la commission qui elle devrait auditionner. Je ne suis certainement pas en mesure de dresser une liste de personnes à auditionner. Peut-être pourriez-vous interroger des chercheurs, qui auraient une vision d'ensemble.
Pendant toute la durée de mon mandat, notamment lorsque j'ai travaillé sur le commerce extérieur et préconisé des mesures, j'ai bien sûr toujours eu en tête l'intérêt des entreprises françaises et de la France en général. Je suis certain que c'est le cas de quiconque occupe aujourd'hui des responsabilités politiques en France.
À la suite des articles, et de la note dont l'existence nous a été confirmée au cours de nos auditions à huis clos, avez-vous été interpellé par votre parti politique ? Vous ont-ils demandé de faire attention ?
Je me permets de vous poser une question : ai-je bien compris que l'existence de cette note vous a été confirmée ?
Merci.
Mon parti m'a en effet interrogé sur les possibles conséquences de ces articles. J'ai répondu qu'il n'y avait pas de souci, que je pouvais évidemment répondre – ce que j'ai fait, sur les marchés par exemple. C'était un simple coup de fil ; il n'y a pas eu d'autres suites.
Nous avons beaucoup travaillé en amont des différentes auditions. Nous avons notamment entendu l'un des auteurs du rapport de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire Les opérations d'influence chinoises – Un moment machiavélien, qui est très copieux et très éclairant. Le think tank Sinopsis formule également des accusations à votre égard. J'entends bien que vous les réfutez ; mais ils travaillent également sur de nombreux autres cas, et leurs travaux sont assez peu réfutés et plutôt reconnus dans les milieux universitaires européens et au-delà.
Au vu de ces nombreux éclairages, mais aussi de la prolifique littérature des dirigeants chinois, n'estimez-vous pas que les accointances passées ou présentes, le mélange des genres entre un mandat de député français, vos liens d'homme d'affaires et vos liens familiaux avec la Chine, ont pu être préjudiciables à l'exercice de vos fonctions de parlementaire ?
Non. Je ne pense pas que mes choix, mes décisions, mes votes aient été influencés. Vous parlez de mes activités commerciales et de ma famille : il n'y a là aucun lien, aucune influence ; je n'ai à aucun moment voté en craignant que cela nuise à mes affaires, par exemple. En revanche, le fait de m'être éloigné de la gestion pendant mon mandat a affecté l'activité ; nous avons perdu des contrats.
Le fait d'acheter des produits en Chine ne relève pas à mon sens d'un mélange des genres : la Chine est vraiment l'usine du monde et il est compliqué aujourd'hui de ne pas acheter de produits chinois. Il y a des gens qui ont voulu faire l'expérience et vivre pendant un an sans acheter chinois : c'est très difficile !
Je parlais de mélange des genres entre vos qualités d'homme d'affaires d'une part, de membre du Parlement français de l'autre.
Vous soulevez une vraie question. En tant que parlementaire, j'ai essayé de travailler sur des sujets où j'apportais une plus-value, sur des sujets que je maîtrise. Être entrepreneur, avoir travaillé dans la distribution et dans l'import-export doit-il m'empêcher de me pencher sur tous les sujets liés au commerce extérieur ? Demande-t-on à un enseignant de ne pas travailler sur l'éducation, à un médecin de ne pas travailler sur la santé ? C'est pourtant là qu'ils ont une plus-value. Ce ne serait pas mon cas : je ne connais rien à la santé, par exemple ! Sur de tels sujets, on vote d'ailleurs en fonction de l'avis du collègue qui s'est penché sur le sujet, qui a écrit un rapport ; on le croit.
De la même façon, je connais mieux la Chine, le Cambodge ou les pays du Sud-Est asiatique que beaucoup. Cela devrait-il m'interdire de travailler sur des sujets qui les concernent ? J'avais par exemple demandé, en 2017 ou 2018, qu'il y ait une mission sur l'ASEAN, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, parce que j'estime cette organisation importante pour la France : c'est un bloc économique majeur que nous ignorons, avec lequel nous ne travaillons pas. Je soutiens pour ma part à 100 % la stratégie du Président de la République de mise en valeur de l'axe indo-pacifique, zone cruciale à mes yeux, qui n'est pas reconnue à sa juste valeur. J'entends votre souci de ne pas mélanger les genres. Mais le fait que je connaisse mieux que la plupart ces pays, que j'y aie des contacts, doit-il m'obliger à m'écarter de ces sujets ? Ce serait contre-productif. Je ne devrais pas faire partie du groupe d'amitié avec le Cambodge, que je connais bien ? Je ne devrais pas faire partie de délégations parlementaires ? J'ai aussi beaucoup œuvré en faveur de l'enseignement du français, en prenant exemple sur les écoles françaises installées en Asie.
J'entends vos interrogations. Si j'utilisais mon mandat de parlementaire pour négocier un contrat personnel, ce serait évidemment un problème. Mais cela n'a pas été le cas. Encore une fois, le fait de bien connaître un sujet ou un pays doit-il m'amener à ne pas m'y intéresser ?
Cela rejoint la question des lobbys. On nous dit de nous en méfier ; mais dans la pratique, ce sont souvent les lobbyistes qui décortiquent les problèmes qui se posent. Il faut veiller à ne pas se laisser influencer, à faire des choix libres ; mais on doit aussi parler aux lobbyistes.
Cela la rejoint. Bien sûr, les intérêts de la France et de la Chine ne sont pas les mêmes : nous sommes en concurrence, voire en conflit, dans de nombreux secteurs notamment industriels. J'avais moi-même proposé de relocaliser la production en France, bien avant toutes ces histoires. À l'époque, ça ne parlait pas aux gens. Aujourd'hui, tout le monde veut tout relocaliser ! C'est une démarche que nous devons engager, à long terme, dans l'intérêt de la France. J'ai proposé aussi – cela n'a pas été voté – que les groupes français aient l'obligation de réaliser au moins 30 % de leurs échanges en euros. Je crois anormal que les échanges entre un groupe français et un groupe européen se fassent en dollars. C'est une question d'autonomie, d'indépendance. Peut-être ce sujet viendra-t-il sur la table lui aussi.
Je suis conscient du problème, mais je ne crois pas avoir donné dans le mélange des genres pendant mon mandat.
N'êtes-vous pas un peu dépassé par l'évolution de la Chine ? En vous écoutant, je crois entendre parler de la Chine que l'on décrivait pendant mes études, qui malheureusement commencent à dater : un pays qui est l'usine du monde, mais qui n'aurait pas de stratégie d'influence ou d'ingérence particulière. Vous dites par exemple avoir sensibilisé vos collègues au risque pour leurs téléphones portables, mais comme si ce n'était pas un problème majeur, comme si la Chine était comparable au Cambodge, au Vietnam ou à la Corée du Sud. Je ne sens pas dans votre façon d'aborder les choses la différence entre un pays qui a, comme tous les autres, une stratégie et des intérêts à défendre, et la Chine d'aujourd'hui, avec sa volonté de puissance voire d'impérialisme. Nous avons parlé de l'évolution de la Chine depuis 2013. Mais il me semble que vos analyses ne prennent pas en compte le changement d'échelle de la stratégie chinoise. J'ai l'impression que vous nous répondez aujourd'hui comme vous nous auriez répondu il y a dix ans.
Au contraire ! Non seulement je vous rejoins sur ces points, mais dans le rapport de la mission d'information sur la stratégie de la France et de l'Europe à l'égard de la Chine j'insistais sur le fait que la Chine agit toujours de façon coordonnée : elle a une stratégie à dix, vingt, trente, cinquante ans, quand nous réagissons, nous, au petit bonheur la chance, en fonction des élections et des problèmes qui surgissent, une pénurie par exemple. Nous devons nous doter de cette stratégie à moyen et long terme, que nous n'avons pas, face à des puissances comme la Chine ; sinon nous n'y arriverons pas.
Je soulevais aussi, dans ce rapport, la question du temps : pour appliquer une mesure européenne, il faut huit ans ; la Chine peut changer sa loi en six mois. Nous devons faire mieux.
En outre, les Chinois ont les moyens de tout faire en même temps : ils peuvent accroître leur influence en Afrique et en Asie du Sud-Est. Nous n'avons pas ces moyens. Nous devons donc établir des priorités, mais là encore sur la durée.
Contrairement à ce que vous pensez, je suis bien conscient qu'il y a un problème, et j'ai proposé des solutions. Nous avions ainsi mis l'accent sur le fait que nous ne disposons pas de suffisamment de chercheurs pour analyser les enjeux que représente la Chine. Les équipes allemandes, britanniques ou américaines sont bien plus fournies. Nous avions ainsi rencontré le directeur exécutif du Mercator Institute for China Studies (MERICS), qui est pour moi un exemple à suivre : nous devons disposer de davantage de professionnels bilingues, à même de travailler sur des textes en chinois.
Par ailleurs, oui, il y a un durcissement du pouvoir chinois depuis l'arrivée du président Xi. Auparavant, lorsqu'un problème surgissait dans un échange, il était résolu de façon beaucoup plus souple. Aujourd'hui, quand nous ne sommes pas d'accord sur un texte, il n'est plus question de tel ou tel changement à lui apporter : ils nous envoient un autre texte, simplement – ils n'ont pas gardé un mot du texte d'origine. Mon impression est qu'on ne peut pas discuter : c'est à prendre ou à laisser. C'est perceptible à tous les niveaux, y compris pour des entreprises chinoises installées en Chine : les Chinois subissent la même chose. Je pense par exemple à Alibaba qui voulait faire coter sa filiale financière, et qui s'est simplement vu opposer un refus. Je fais le même constat que vous : il y a un durcissement du système. Il nous revient d'y répondre.
La séance s'achève à dix-sept heures quarante.
Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Mireille Clapot, Mme Caroline Colombier, M. Pierre-Henri Dumont, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Constance Le Grip, M. Jean-Philippe Tanguy
Excusés. – M. Ian Boucard, Mme Anne Genetet, Mme Hélène Laporte