Cela rejoint un peu ce que je vous ai dit à propos du Cambodge. Si je pense pouvoir apporter quelque chose dans la relation, c'est parce que je comprends la manière de penser de ces gens, leurs contraintes, leur vie, ce qui me permet d'utiliser les bons mots, la bonne approche pour leur parler.
Je vais prendre un exemple qui n'a strictement rien à voir, mais qui s'appuie sur quelque chose qui m'est arrivé il y a longtemps. Au Louvre, on raconte aux groupes de touristes chinois la même chose qu'à tous les autres visiteurs : on parle de tel ou tel tableau d'un peintre, datant de sa période bleue, en expliquant qu'il venait de perdre un membre de sa famille et que c'est pour cela qu'il a peint ce sujet. Or cela n'intéresse pas les Chinois. En revanche, si vous leur dites qu'un autre tableau du même peintre a été vendu pour 20 millions de dollars, ou bien que ce peintre a vécu à la même époque que tel ou tel empereur, ils vont prendre des photos. Nous faisons référence à une histoire que ces touristes ne connaissent pas ; nous leur parlons un langage qu'ils ne comprennent pas. Il faut utiliser le bon vocabulaire pour parler à la personne que vous avez en face de vous, faute de quoi elle ne vous comprend pas.
C'est la même chose dans le milieu des affaires. En France, vous passez beaucoup de temps avec des juristes pour établir le contrat, et une fois qu'il est signé vous êtes tranquille. Pour la grande majorité des Chinois – certains sont formés à l'étranger et raisonnent autrement –, le contrat est le début d'une collaboration. Ils le signent, mais six mois après l'environnement économique a changé et il leur semble normal de le renégocier. Les Français, en voyant cela, considèrent que les Chinois ne tiennent pas parole. Inversement, si des Français négocient un contrat avec des Chinois et qu'ils arrivent avec leur avocat, les Chinois se disent : « Nous n'avons pas encore commencé à travailler ensemble et voilà qu'ils veulent déjà nous faire un procès ! Nous ne signerons pas. »
L'approche est différente. C'est pour cela que je dis que, dans de nombreux cas, les problèmes viennent d'une incompréhension, d'un décalage entre les cultures. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai souligné que les diasporas étrangères étaient une richesse pour la France, que nous devions nous en servir. Ces gens-là comprennent la manière de raisonner des pays dont ils sont originaires. Si vous demandez à un Chinois de faire du marketing en France, ou l'inverse, cela ne fonctionne pas car l'un et l'autre vont élaborer des messages publicitaires reposant sur des références que ne comprend pas l'autre peuple.