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Intervention de Buon Tan

Réunion du jeudi 23 mars 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Buon Tan, ancien député :

Merci beaucoup de m'avoir invité. Je ne prends pas souvent la parole dans les médias et ne m'étale pas souvent dans la presse. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions. J'essaierai de rectifier la vision biaisée et étriquée qui a été portée sur mon action. Merci également d'avoir rappelé mon parcours ; je prendrai quelques minutes pour y revenir, puis je répondrai à vos questions.

Je suis né au Cambodge – comme mes parents – en 1967. Malheureusement, nous avons dû fuir ce pays lors du génocide perpétré par les Khmers rouges. Plusieurs millions de personnes ont été massacrées par ce régime. Nous avons été très chanceux de réussir à fuir, après avoir connu les travaux forcés. Nous avons traversé des forêts à pied et avons finalement été sauvés par un pêcheur vietnamien qui nous a pris dans son bateau et nous a conduits dans son pays. J'avais 8 ans. Je sais ce que c'est que la faim. Tous les jours, avec mon grand-père, nous négociions pour avancer un peu l'heure des repas. Je le raconte en souriant, mais ce sont des choses que l'on n'oublie pas.

Au Vietnam, mon père a fait la queue nuit et jour devant l'ambassade de France pour déposer un dossier. Un jour, nos noms ont été affichés. Mon père a sauté de joie et est venu nous annoncer la nouvelle. C'est ainsi que je suis arrivé en France, en 1975, en tant que réfugié apatride. Nous nous sommes installés à Paris. À l'époque, je ne parlais pas un mot de français.

Certaines personnes critiquent beaucoup notre pays. Ils soulignent tout ce qui ne fonctionne pas, disent notamment que l'ascenseur social est bloqué. Pour ma part, je constate que la France est un des rares pays – peut-être même le seul – permettant à un enfant, réfugié, ne parlant pas un mot de la langue de son pays d'accueil à son arrivée, de faire des études, de se développer et de devenir député de la nation, représentant de ses compatriotes. Je suis un exemple de ce qui fonctionne. J'ai fait toute ma scolarité dans l'école de la République, y compris à la Sorbonne.

Je suis issu d'une famille d'entrepreneurs : mes parents, mes grands-parents et mes arrière-grands-parents l'étaient avant moi. Nous sommes dans le métier du thé depuis quatre générations : c'est dans l'ADN de la famille, même si je ne sais pas si mes enfants suivront la même voie. Vous avez été gentil de dire que nous étions des entrepreneurs à succès. Je ne pense pas que ce soit le cas. J'ai vu mes parents travailler dur, tous les jours, sans repos ni vacances, et ils ont dû repartir de zéro à leur arrivée en France. Toute ma famille est extrêmement reconnaissante envers la France. Sans elle, je ne serais pas devant vous, et peut-être même ma famille et moi-même ne serions-nous plus vivants. Ce sont des choses que nous ne souhaitons pas oublier.

Vous avez fait allusion à certains articles parus dans la presse. Peut-être était-ce le fait du hasard, mais ils ont été publiés en pleine campagne législative. Beaucoup de gens étaient soit mal informés, soit mal intentionnés. Un grand nombre des faits allégués n'étaient pas tout à fait vrais, d'autres étaient totalement faux, d'autres encore volontairement détournés. On a essayé de me cornériser, de me donner l'apparence d'un Chinois né en Chine et envoyé par ce pays. Or, vous l'avez rappelé vous-même, non seulement je ne suis pas né en Chine, mais je n'y ai jamais vécu : j'ai fait toute ma vie en France. Voilà qui permettra de mieux comprendre les échanges qui suivront.

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