Merci pour vos propos, madame la ministre.
Après deux propositions de loi dont j'étais déjà le rapporteur et qui visaient, pour la première, votée en 2020, à réglementer le travail des enfants youtubeurs ou influenceurs et, pour la seconde, plus technique, votée en 2022, à imposer la préinstallation du contrôle parental sur l'ensemble des appareils connectés vendus en France, nous nous apprêtons à adopter – cette fois encore, je l'espère, à l'unanimité – un troisième texte, qui relève davantage de la régulation sociétale puisqu'il s'agit de modifier le code civil afin de renforcer les garanties entourant le droit à l'image des enfants.
La protection de la vie privée des enfants est un enjeu, non seulement pour les quelques parents qui vont trop loin, mais aussi pour l'ensemble des Français. Nous devons, en effet, prendre conscience de l'ampleur du phénomène. Actuellement, 39 % des enfants ont une empreinte numérique avant même leur naissance, bien souvent parce que leurs parents ont publié une image d'échographie. Or, qu'est-ce que la publication d'une telle image, sinon une violation du secret médical ?
Vous avez rappelé, madame la ministre, un chiffre très impressionnant : avant l'âge de 13 ans, un enfant apparaît, en moyenne, sur 1 300 photos en ligne. Qu'advient-il de son droit à l'oubli, de son empreinte numérique, lorsqu'on sait que le droit à l'effacement est très difficile à faire respecter ?
En outre, la moitié des images échangées sur les forums pédopornographiques sont issues de contenus partagés par des parents ou les enfants eux-mêmes sur les réseaux sociaux. Il s'agit, par exemple, de photos de jeunes filles en tutu ou en tenue de gymnastique, ou de jeunes gens en maillot de bain sur la plage, détournées à des fins pédocriminelles. Nous devons donc être conscients des risques qui naissent des nouvelles opportunités offertes par internet.
Aussi le législateur se devait-il d'intervenir pour tracer des lignes rouges et élaborer un dispositif juridique facilement mobilisable par les juges dans le cas où les parents portent atteinte au droit à l'image de leur enfant, voire à leur dignité. Je pense, par exemple, au phénomène des prank – des canulars, en bon français – que j'ai découvert en travaillant sur ces questions : des parents ridiculisent leurs enfants et les livrent en pâture sur internet en publiant les vidéos, dans l'espoir qu'elles deviennent virales. D'autres filment leur enfant sans arrêt, du matin au soir : lorsqu'il dort, se réveille, lorsqu'il est malade, en colère, lorsqu'il est grondé pour une mauvaise note… Ce faisant, ils mettent en danger sa vie privée, donc sa dignité.
Mais la proposition de loi que nous examinons en lecture définitive – en ce jour qui se trouve être la journée pour un internet plus sûr – s'adresse également aux enfants, qui, trop souvent, n'ont pas conscience de leurs droits et pensent que leurs parents disposent d'un droit absolu sur leur image. Nous voulons faire en sorte qu'ils soient toujours davantage des sujets de droit, et non plus uniquement des objets de droit.
Il est vrai que nous ne sommes pas parvenus à nous mettre tout à fait d'accord avec nos collègues sénateurs au cours de la navette. Et j'indiquerai, lors de la discussion des articles, les raisons pour lesquelles je souhaite que nous maintenions la version adoptée à deux reprises, à l'unanimité, par notre assemblée, sachant que des avancées ont d'ores et déjà été incluses dans le texte ; je pense en particulier à l'article 5, que je vous proposerai de compléter tout à l'heure.
Je m'en tiendrai là, car je me réjouis à l'avance d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.