Publié le 24 février 2023 par : Mme Pic, Mme Battistel, M. Leseul, M. Delautrette, Mme Jourdan, M. Potier, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
Après l’article L. 591‑1 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 591‑1‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 591‑1‑1. – La sécurité nucléaire repose sur une organisation duale composée de l’Autorité de sûreté nucléaire mentionnée à l’article L. 592‑1 du présent code et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire mentionné à l’article L. 592‑45 du présent code. Cette organisation garantit l’indépendance entre d’une part, les activités de contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités nucléaires mentionnées à l’article L. 1333‑1 du code de la santé publique et, d’autre part, les missions d’expertise et de recherche dans le domaine de la sécurité nucléaire définie à l’article L. 591‑1 du présent code. Ces missions d’expertise et de recherche sont indissociables. »
Le présent amendement des députés Socialistes et apparentés vise à affirmer dans la loi le principe d’une organisation duale de la sécurité nucléaire composée de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) d’une part et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire d’autre part. Il pose également le principe d’une non dissociation des missions d’expertise et de recherche, la seconde étant essentielle à la qualité de la première.
L’annonce faite par le Président de la République d’une refonte de la structure de la sécurité nucléaire en France, à l’aune du grand carénage et d’un possible nouveau programme électronucléaire interroge. Elle interroge d’autant plus qu’elle ne semble assise sur aucune évaluation qui pointerait des insuffisances ou des dysfonctionnements au sein de l’ASN ou de l’IRSN ou dans l’organisation duale qu’ils composent.
Le constat fait par la Cour des comptes dans son référé du 25 juin 2021 après un contrôle sur l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), portant sur les exercices 2013 à 2019 est assez clair : « La Cour a constaté qu’au cours de la période contrôlée, la gouvernance et l’organisation de l’Institut, bien que complexes, avaient trouvé un équilibre ; que ce dernier remplit les missions qui lui sont confiées par le code de l’environnement ; qu’il a atteint les objectifs du contrat d’objectifs et de performance (qui couvrait la période 2014‑2018) et a su poursuivre ses activités depuis le début la crise sanitaire. Ses méthodes de gestion sont d’une manière générale professionnelles ».
Les seules recommandations faites portent sur des problématiques de valorisation comptable dans les documents budgétaires, d’automatisation du transfert de certaines données et de mobilisation d’un stock stratégique national de dosimètres. Rien sur les questions de Gouvernance, d’indépendance, de moyens ou de transparence soulevées par le Gouvernement. Dans un rapport précédent de 2014, la Cour avait en outre indiqué s’agissant de l’organisation et de la gestion de l’ASN et de l’IRSN que : « La fusion des deux organismes constituerait une réponse inappropriée par les multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu’elle soulèverait. »
Il est essentiel de maintenir une indépendance de l’ASN et de l’IRSN. Indépendance du pouvoir politique de par le statut d’autorité administrative indépendante du régulateur (ASN) mais aussi indépendance entre cette fonction et celle d’expertise. En effet, dans un domaine aussi sensible et aux risques aussi considérables que la sécurité nucléaire, il est fondamental que l’expertise (IRSN) n’ait à prendre en compte que la science dans la formulation de ses avis qui sont en outre et qui doivent demeurer publics. C’est au régulateur de mettre en balance cette réalité scientifique avec les réalités économiques, industrielles et budgétaires dans sa propre mission de régulation et de contrôle.
Il est également essentiel que les missions d’expertise et de recherche demeurent indissociables. C’est à cette condition que l’expertise pourra continuer de répondre aux standards les plus élevés et dispose de la maîtrise des dernières connaissances scientifiques. Cette organisation est également une source d’attractivité pour l’IRSN qui serait fortement affaiblie en cas de transfert vers le CEA.
Ainsi, si la transparence des avis et décisions et la Gouvernance de ces deux entités pourrait certainement faire l’objet d’améliorations, les projets de réorganisation du Président de la République ne semblent en rien justifiés et entraîneraient assurément une dégradation de la sécurité nucléaire de notre pays.
Ce n’est pas un hasard si la France n’a jamais connu à ce jour d’accident nucléaire grave ou majeur malgré le plus grand parc électronucléaire du monde après celui des États-Unis.
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