Publié le 7 novembre 2022 par : M. Cordier, M. Cinieri, M. Bony, M. Boucard, M. Bourgeaux, M. Brigand, M. Fabrice Brun, Mme Corneloup, Mme Dalloz, M. Di Filippo, M. Dive, M. Dubois, Mme Duby-Muller, M. Dumont, M. Forissier, M. Le Fur, M. Emmanuel Maquet, Mme Frédérique Meunier, M. Portier, M. Rolland, M. Taite, Mme Valentin, M. Viry, Mme Tabarot, Mme Gruet, Mme Anthoine, M. Jean-Pierre Vigier, M. Seitlinger, M. Bazin, M. Gosselin.
Le chapitre 3 du titre Ier du livre 4 du code la route est complété par un article L. 413‑6 ainsi rédigé :
« Art. L. 413‑6. – Les véhicules de contrôle de la vitesse font l’objet d’une signalisation spécifique de nature à permettre à tout conducteur de les identifier à l’œil nu en toutes circonstances.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
Les voitures radars ont commencé à sillonner la France depuis 2013. D’ici à la fin de 2022, on en dénombrera 450. Ces voitures de contrôle sont d’autant moins détectables qu’elles sont banalisées et que leurs marques et modèles sont variés. Elles ont aussi déjà fait leurs preuves : comme le notait le ministère de l’intérieur en 2019, « en Normandie, la part des infractions de plus de 20 km/h relevée par ces véhicules banalisés est 30 % supérieure à celle des radars fixes signalés par un panneau. »
Depuis le printemps 2018, la conduite des voitures radars peut être déléguée à des chauffeurs privés. Les temps d’utilisation et les capacités de sanction sont ainsi accrus, notamment la nuit. Cette pratique a débuté en Normandie, avec 26 véhicules. Depuis l’automne 2019, cette privatisation porte sur les trois régions suivantes : Bretagne (18 véhicules), Pays de la Loire (20 véhicules) et Centre‑Val de Loire (21 véhicules). Puis, depuis début 2021, elle a commencé à s’étendre aux Hauts‑de‑France (17 véhicules à ce jour, 33 à terme), à la Nouvelle‑Aquitaine (12 véhicules à ce jour, 45 à terme), au Grand‑Est (9 véhicules à ce jour, 40 à terme) et à la Bourgogne‑Franche‑Comté (2 véhicules à ce jour, 24 à terme).
Sur les 450 véhicules radars qui circuleront en France d’ici à la fin 2021, on en comptera 223 qui seront conduits par des chauffeurs salariés d’entreprises privées (contre 40 mi‑2020). Une part qui croît à mesure que le nombre de voitures radars conduites par des policiers et des gendarmes décroît. À terme, les chauffeurs privés remplaceront l’intégralité des forces de l’ordre pour cette mission.
Conduite par des représentants des forces de l’ordre, chaque voiture radar circule en moyenne 1 h 12 par jour et engendre 0,46 PV par heure. Conduite par un chauffeur privé, le même véhicule circule 5 h 30 par jour et engendre 2,09 PV par heure. Sur la base d’un fonctionnement 7 jours sur 7, la première donnera ainsi lieu à 201 contraventions dans l’année, la seconde, 4 196. Emmanuel Barbe, l’ex‑délégué interministériel à la sécurité routière, était d’ailleurs d’emblée persuadé de la capacité de sanction de ces machines, déclarant début 2019 : « Tous ceux qui critiquent le système redoutent en fait son efficacité. Avec ça, il va vraiment falloir respecter les limitations. Et ça en embête certains. »
Outre le caractère banalisé, la variété des voitures radars utilisées concourt aussi à les rendre indétectables. En effet, depuis le début de leur circulation en 2013, la liste des modèles utilisés a progressivement intégré des Dacia Sandero, Peugeot 208, 308 et 508, Renault Mégane, Citroën Berlingo, VW Golf et Passat, Ford Focus, Seat Leon, Skoda Octavia…
Or, pour sa sécurité, un conducteur a mieux à faire que de se demander si la voiture qu’il croise ou qu’il dépasse est un véhicule parmi d’autres ou un « radar sur roues » camouflé. Cette source de stress le détourne de l’objectif numéro 1, à savoir observer l’environnement dans lequel il circule, anticiper tout événement imprévu et se tenir prêt à réagir. Sans compter qu’avec la multiplication des radars et des variations de limitations de vitesse, il doit déjà porter une (trop) grande attention à son compteur de vitesse.
Les associations d’usagers notent par ailleurs l’apparition de témoignages inquiétants sur de premiers dérapages liés aux véhicules radars conduits par des chauffeurs privés. « Me rapprochant d’une voiture circulant sous la vitesse limite de 80 km/h, abordant une grande ligne droite avec une bonne visibilité, j’accélère pour la dépasser, tant que la route est libre et limiter mon temps sur la file opposée. Ensuite je me rabats et laisse la voiture ralentir pour que le régulateur se remette en fonctionnement à ma vitesse d’origine. Sauf que le véhicule que je venais de doubler était une voiture radar. Si elle n’avait pas été sur la route, je serais resté à ma vitesse d’origine et n’aurais pas commis d’infraction. Je me suis retrouvé en excès de 8 km/h… » (M. B.) ; ou encore : « J’ai déjà constaté que les voitures radars circulent à des vitesses inférieures aux limitations, incitant les conducteurs à doubler, les contraignant ainsi à dépasser la limite. » (J.‑F. H).
« Je ne suis pas uniquement focalisée sur la vitesse », a récemment assuré Marie Gautier‑Melleray, actuelle déléguée interministérielle à la sécurité routière, à l’association Ligue de défense des conducteurs. Pour autant, le recours systématique au contrôle de la vitesse par un parc de radars toujours plus conséquent (4 700 à fin 2021), plus performant et bientôt repositionné là où « les vitesses pratiquées et le trafic sont le plus élevés » (grâce à une base de données nouvellement acquise par l’État), révèle un tout autre objectif, basé sur la seule répression.
La confiance dans la responsabilité du conducteur, le développement de la prévention et de la formation, de même qu’une répression ciblée (notamment la lutte contre la conduite sous l’empire de l’alcool et/ou de stupéfiants), passent au second plan.
Un signal de confiance dans la responsabilité du conducteur pourrait résider dans la fin du caractère banalisé des véhicules de contrôle de la vitesse, comme c’est déjà le cas pour les véhicules de contrôle du stationnement payant. Cette décision atténuerait le stress des automobilistes, dont la conduite resterait concentrée sur les conditions de circulation, plutôt que sur la recherche du dispositif qui va les piéger. Elle réduirait aussi la défiance de la population, qui associe le concept de voitures radars, en particulier conduites par des chauffeurs salariés de sociétés privées, à un objectif de rentabilité plutôt qu’un renforcement de la sécurité routière. En effet, ces chauffeurs privés n’endossent aucune mission de prévention et ne sont pas habilités à arrêter les fous du volant.
L’identification des voitures radars serait par ailleurs parfaitement cohérente avec les panneaux de signalisation avertissant les conducteurs de leur entrée dans une zone de contrôle de la vitesse par radar fixe.
Tel est l'objet de cet amendement.
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