Publié le 6 octobre 2022 par : M. Vallaud, M. Aviragnet, M. Baptiste, Mme Battistel, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Califer, M. David, M. Delaporte, M. Delautrette, M. Echaniz, M. Olivier Faure, M. Garot, M. Guedj, M. Hajjar, Mme Jourdan, Mme Karamanli, Mme Keloua Hachi, M. Leseul, M. Naillet, M. Bertrand Petit, Mme Pic, Mme Pires Beaune, M. Potier, Mme Rabault, Mme Rouaux, Mme Santiago, M. Saulignac, Mme Thomin, Mme Untermaier, M. Vicot, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
I. – Il est ouvert dans les écritures du Trésor un compte d’affectation spéciale intitulé : « Financement de la reconstruction de l’Ukraine ».
Le compte est géré par un comité de gestion comprenant quatorze membres, à savoir deux sénateurs, deux députés, deux personnalités qualifiées dans les domaines de l’économie, un représentant de la Cour des comptes et sept représentants de l’État. Les membres autres que les parlementaires sont nommés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Le président est nommé parmi les représentants de l’État et dispose d’une voix prépondérante en cas de partage égal des votes.
Le ministre chargé des comptes publics est ordonnateur principal de ce compte qui retrace :
1° En recettes :
- le produit de la contribution exceptionnelle sur les profits de guerre réalisés sur le territoire de la Fédération de Russie prévue au II de l’article de la loi n° du de finances pour 2023 ;
2° En dépenses :
- les subventions à l’Ukraine en vue du financement de la reconstruction de ses infrastructures, de ses services publics et de l’habitat ;
- les frais de gestion ;
- les restitutions de sommes indûment perçues ;
- les dépenses diverses ou accidentelles.
Il est ouvert au ministre, pour 2023, des autorisations d’engagement s’élevant à la somme de 450 000 000 euros.
Il est ouvert au ministre, pour 2023, des crédits de paiement s’élevant à la somme totale de 250 000 000 euros.
Le montant du découvert applicable, en 2023, est fixé à 100 000 000 euros.
II. – Il est institué à compter de 2023, une contribution exceptionnelle sur les profits de guerre réalisés sur le territoire de la Fédération de Russie.
Sont assujettis à la présente contribution exceptionnelle les contribuables français, personnes physiques et morales, détenteurs d’actifs mobiliers au sein de sociétés de droit russe dont la Fédération de Russie est actionnaire directement ou par le biais d’une société dont elle est actionnaire.
La contribution exceptionnelle est due sur les dividendes et rémunérations de toute nature perçus au titre des actifs mobiliers précités et perçue au taux de 100 %.
Les réductions et crédits d’impôts et les créances fiscales de toute nature ne sont pas déductibles de la contribution exceptionnelle. Elle est appliquée préalablement aux autres impositions, taxes et prélèvements sociaux afférents à ces dividendes et rémunérations et se substitue à celles-ci.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
IV. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
V. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Le présent amendement des députés Socialistes et apparentés vise à confisquer les dividendes et autres revenus financiers reçus par des contribuables Français, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises à raison des actions et titres qu’ils possèdent au sein de sociétés de droit russe dont la Fédération de Russie est directement ou indirectement actionnaire.
Depuis le 24 février 2022, la Fédération de Russie, sans même assumer de lui déclarer une guerre mais après près de dix ans d’infiltration, d’annexion, de déstabilisation, d’occupation partielle, ayant déjà fait plus de 16 000 victimes ukrainiennes, a fait fondre ses forces militaires et paramilitaires sur l’Ukraine et son peuple, frappant indistinctement les cibles civiles et militaires, causant de nombreuses victimes, dont le nombre n’est à ce jour que très partiellement connu mais comptant de manière certaine plusieurs dizaines de milliers de personnes, et des déplacements de millions de personnes. Le Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) recense ainsi 6,6 millions de personnes réfugiées en Europe et 7,1 millions déplacées au sein de l’Ukraine.
Dans les zones occupées par les forces régulières et paramilitaires russes, exécutions sommaires, viols, tortures et actes de barbarie sont aujourd’hui documentés, notamment par des forces spéciales de la gendarmerie Française avec les experts de treize autres pays européens qui coopèrent avec la Cour pénale internationale (CPI), qui a reçu le mandat de quarante‑trois États pour enquêter sur cette « scène de crime » qu’est devenue l’Ukraine. Les faits déjà documentés constituent d’indéniables crimes de guerre, dont 29 000 présumés ont déjà été signalés aux services du procureur général d’Ukraine, et de probables crimes contre l’humanité.
De nombreuses sociétés russes, dont la Fédération de Russie est souvent actionnaire, participent activement à l’effort de guerre du régime de Vladimir Poutine, notamment dans les domaines industriels et de l’Énergie, se rendant ainsi complices de ces crimes de guerre.
Des entreprises et individus relevant de nos juridictions et continuent également de contribuer ou de bénéficier d’une manière ou d’une autre à l’effort de guerre Russes. Il en va ainsi du groupe Total Energies dont l’ONG Global Witness a mis au jour l’implication directe dans la fourniture d’hydrocarbures à des bases militaires russes mobilisées dans le cadre des interventions en Ukraine via ses participations dans les entreprises russes Novatek et Terneftegaz, cette dernière exploitant un champ gazier à Termokarstovoye. La totalité des gains financiers et dividendes (ceux versés au titre des 19,4 % dans Novatek pour le 1er semestre 2022 seraient de 440 millions d’euros) issus de ces activités doit être saisie et reversée aux autorités ukrainiennes afin de financer l’effort de reconstruction de l’Ukraine une fois la Russie vaincue. La responsabilité pénale de ces entreprises et de leurs dirigeants devrait par ailleurs être examinée avec la plus grande exigence.
Ainsi le présent amendement propose la création d’un Compte d’affectation spéciale intitulé « Financement de la reconstruction de l’Ukraine », alimenté par la confiscation des dividendes et autres revenus financiers tirés de la détention d’actions ou de titres au sein de sociétés de droit russe dont la Fédération de Russie est directement ou indirectement actionnaire. Ces profits de guerre alimenteront donc au travers de ce CAS et en toute logique, le financement de la reconstruction de l’Ukraine.
Si cette taxe constitue, par nature, une imposition confiscatoire il convient de rappeler qu’il ne s’agirait pas d’une mesure inédite. Ainsi l’ordonnance du 18 octobre 1944 tendant à confisquer les profits illicites qui prescrivait la confiscation des bénéfices illicites réalisés du fait de la guerre entre 1939 et 1944.
Le principe d’égalité devant la loi fiscale ne fait pas obstacle à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général. Une imposition particulière des dividendes et autres revenus visés par le présent amendement est, au regard de leur caractère de profit de guerre, assurément d’intérêt général.
Au regard de l’évaluation complexe de l’assiette taxable, les autorisations d’engagement et crédits de paiement ont été évalués de manière conservatrice. Des crédits supplémentaires pourront être ouverts par le Ministre des comptes publics dans la limite des recettes effectives de la taxe conformément à l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances.
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