Publié le 6 mai 2024 par : M. Potier, M. Echaniz, Mme Jourdan, Mme Thomin, M. Philippe Brun, M. Aviragnet, M. Baptiste, Mme Battistel, M. Mickaël Bouloux, M. Califer, M. David, M. Delaporte, M. Delautrette, M. Olivier Faure, M. Garot, M. Guedj, M. Hajjar, Mme Karamanli, Mme Keloua Hachi, M. Leseul, M. Naillet, M. Bertrand Petit, Mme Pic, Mme Pires Beaune, Mme Rabault, Mme Rouaux, Mme Santiago, M. Saulignac, Mme Untermaier, M. Vallaud, M. Vicot, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
Substituer aux alinéas 29 à 31 l’alinéa suivant :
« II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur au plus tôt le 1er janvier 2027. »
Cet amendement de repli du groupe Socialistes et apparentés vise à différer l’entrée en vigueur du présent article afin de respecter l’avis juridique du conseil d’État relatif au risque de rupture d’égalité entre les citoyens.
Particulièrement en matière de portée juridique des dispositions que nous sommes amenés à voter, il est impératif de prendre en compte l’avis du Conseil d’État qui souligne concernant cet article 15 que :
« Ces aménagements s’inspirent des articles L. 600‑3, L. 600‑5 et L. 600‑5‑1 du code de l’urbanisme, qui concernent les autorisations d’urbanisme, et de l’article L. 181‑18 du code de l’environnement, qui concerne les autorisations environnementales. Le Conseil d’État relève toutefois que le projet de loi va au-delà de ces précédents puisque les mesures envisagées couvrent toutes les décisions en principe nécessaires à la réalisation des projets mentionnés au paragraphe précédent, quelles que soient les législations qui les prévoient.
« Le projet de loi innove, en outre, en prévoyant que l’introduction d’un recours contre l’une de ces décisions entraîne la suspension de plein droit de la durée de validité de toutes les autres, qu’elles soient antérieures ou postérieures à la décision attaquée.
« Le Conseil d’État rappelle que les dérogations au régime contentieux de droit commun ne peuvent être admises que si elles sont fondées sur des critères objectifs, en rapport direct et proportionné avec le but poursuivi, et si elles assurent des garanties égales aux justiciables, afin de respecter notamment le principe constitutionnel d’égalité devant la justice et l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice (voir notamment Conseil constitutionnel, n° 2011‑112 QPC du 1er avril 2011 ; n° 2017‑641 QPC du 30 juin 2017 ; n° 2019‑778 DC du 21 mars 2019).
« Le Conseil d’État relève que, si la réalisation des projets visés par le projet de loi répond aux objectifs d’intérêt général mentionnés à l’article 1er du même projet de loi, il n’apparaît pas que ces projets soient très différents de ceux soumis aux mêmes réglementations. De surcroît, l’intérêt de projets tels que les stockages d’eau ne peut s’apprécier vraiment qu’au cas par cas, ainsi que l’ont souligné les travaux du « Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique », conclu par le Premier ministre le 1er février 2022, compte tenu des répercussions des changements climatiques propres à chaque territoire et de la nécessité de concilier les différents usages de la ressource.
« Le Conseil d’État souligne aussi que l’étude d’impact ne fait pas apparaître de difficultés particulières en ce qui concerne le contentieux de ces projets, notamment en termes de délais de jugement ou de complexité, et se borne à anticiper une hausse du nombre des recours. Le recensement effectué par le Conseil d’État révèle, par ailleurs, que les projets visés ne représentent qu’une part extrêmement limitée des affaires en cours d’instruction devant les tribunaux administratifs.
« Le Conseil d’État note, ensuite, que la variété des décisions susceptibles d’être concernées ne peut qu’accroître les difficultés pour déterminer si les règles particulières prévues par le projet de loi sont ou non applicables.
« Il souligne, à cet égard, que les aménagements contentieux qu’il est proposé d’apporter à la procédure de droit commun n’ont pas fait l’objet d’une évaluation, notamment quant à l’intérêt qu’il y aurait à les appliquer au-delà du champ des autorisations d’urbanisme et des autorisations environnementales, déjà soumises à des règles contentieuses spéciales poursuivant le même objectif, avec lesquelles les nouvelles règles envisagées se recoupent largement sans pour autant se confondre. Le Conseil d’État observe qu’il ne peut pas être exclu que les pouvoirs de régularisation du juge, appliqués à une pluralité de décisions successives, soient sources de complication et d’allongement des procédures.
« Le Conseil d’État relève également que le projet de loi restreint les possibilités de référé sans que l’efficacité d’une telle mesure, qui porte atteinte au droit au recours, soit établie et que les conséquences de la suspension automatique de la durée de validité de toutes les décisions relatives à un même projet n’apparaissent pas clairement, pouvant ainsi être elles-mêmes sources d’incertitudes et de contestations.
« Le Conseil d’État considère, enfin, que la multiplication de règles contentieuses spéciales ne peut que nuire à la lisibilité d’ensemble des règles applicables au contentieux administratif qui, à rebours des objectifs recherchés de simplification et de clarté de la norme, se complexifie au détriment de l’égalité entre les citoyens et de la bonne administration de la justice, sans pour autant aboutir à une véritable accélération des procédures contentieuses.
« Il note que, selon les informations données par le Gouvernement, les dispositions du projet de loi devraient être complétées par un projet de décret en Conseil d’État destiné à introduire d’autres dispositions contentieuses spéciales pour les mêmes projets, notamment la suppression du double degré de juridiction, la cristallisation des moyens, l’obligation de notifier les recours et l’instauration d’un délai de jugement, ce qui ne pourra qu’accentuer la complexité du dispositif.
« Le Conseil d’État estime, dans ces conditions, que les dispositions du projet de loi, qui sont susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité au regard notamment du principe d’égalité devant la justice, comportent des inconvénients importants en termes de sécurité juridique pour les justiciables et, plus généralement, pour la bonne administration de la justice. Il propose, en conséquence, de ne pas les retenir. »
Pour toutes ces raisons objectives et juridiques, il convient à minima de différer l’entrée en vigueur du présent article pour pouvoir en mesurer pleinement les effets.
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