Publié le 6 mai 2024 par : M. Potier, M. Echaniz, Mme Jourdan, Mme Thomin, M. Philippe Brun, M. Aviragnet, M. Baptiste, Mme Battistel, M. Mickaël Bouloux, M. Califer, M. David, M. Delaporte, M. Delautrette, M. Olivier Faure, M. Garot, M. Guedj, M. Hajjar, Mme Karamanli, Mme Keloua Hachi, M. Leseul, M. Naillet, M. Bertrand Petit, Mme Pic, Mme Pires Beaune, Mme Rabault, Mme Rouaux, Mme Santiago, M. Saulignac, Mme Untermaier, M. Vallaud, M. Vicot, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
Supprimer les alinéas 24 à 28.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à supprimer cet article dont la pertinence juridique est remise en cause par le conseil d’État.
Le projet de loi propose d’introduire plusieurs aménagements dans la procédure applicable au contentieux administratif des décisions relatives aux projets d’installations, d’ouvrages, de travaux ou d’activités concernant les plans d’eau et prélèvements d’eaux superficielles ou souterraines ayant une finalité principalement agricole ainsi qu’aux projets d’installations classées pour la protection de l’environnement destinées à certaines activités d’élevage.
- Un référé suspension ne pourra être introduit que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation[1] des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. Le caractère d’urgence en cas de saisine du juge du référé suspension sera également présumé, et le délai du juge des référés pour statuer sera limité à un mois. La cristallisation des moyens accompagnée de la cristallisation du référé suspension peut aboutir à ce que :
1) Le requérant invoque tous les moyens possibles en début de procédure pour éviter le risque de cristallisation. Cela aboutit à énormément alourdir le contentieux.
2) Le requérant demande un référé suspension de manière systématique pour ne pas prendre le risque de ne plus le pouvoir après la cristallisation, ce qui augmente le nombre de référés déposés et donc le travail et la charge sur les tribunaux. Ce qui les ralentit et aboutit au contraire de l’objectif recherché.
- Le juge sera tenu de limiter la portée de l’annulation qu’il prononce à la phase de l’instruction de l’autorisation ou la partie de cette autorisation entachée d’un vice et d’ordonner la régularisation des décisions qui ne sont entachées que de vices régularisables. Il devra sursoir à statuer avec un délai pour régularisation. S’il ne le fait pas, il devra le motiver.
- Sont suspendues en cas de recours, tant la durée de validité de l’autorisation accordée par la décision attaquée que celle des autres autorisations nécessaires à la réalisation du projet, jusqu’à l’intervention de la décision juridictionnelle définitive au fond.
Ces aménagements s’inspirent des articles L. 600‑3, L. 600‑5 et L. 600‑5-1 du code de l’urbanisme, qui concernent les autorisations d’urbanisme, et de l’article L. 181‑18 du code de l’environnement, qui concerne les autorisations environnementales. Aucun bilan n’en a été fait. L’efficacité de ces mesures pour accélérer les contentieux reste donc à démontrer.
Enfin, pour définitivement juger de l’inutilité et des risques que comporte cet article d’un point de vue juridique, il faut se rapporter à l’avis du conseil d’État.
Le Conseil d’État relève que, « si la réalisation des projets visés par le projet de loi répond aux objectifs d’intérêt général mentionnés à l’article 1er du même projet de loi, il n’apparaît pas que ces projets soient très différents de ceux soumis aux mêmes réglementations. De surcroît, l’intérêt de projets tels que les stockages d’eau ne peut s’apprécier vraiment qu’au cas par cas, ainsi que l’ont souligné les travaux du « Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique », conclu par le Premier ministre le 1er février 2022, compte tenu des répercussions des changements climatiques propres à chaque territoire et de la nécessité de concilier les différents usages de la ressource.
Le Conseil d’État souligne aussi que l’étude d’impact ne fait pas apparaître de difficultés particulières en ce qui concerne le contentieux de ces projets, notamment en termes de délais de jugement ou de complexité, et se borne à anticiper une hausse du nombre des recours. Le recensement effectué par le Conseil d’État révèle, par ailleurs, que les projets visés ne représentent qu’une part extrêmement limitée des affaires en cours d’instruction devant les tribunaux administratifs.
Le Conseil d’État note, ensuite, que la variété des décisions susceptibles d’être concernées ne peut qu’accroître les difficultés pour déterminer si les règles particulières prévues par le projet de loi sont ou non applicables.
Il souligne, à cet égard, que les aménagements contentieux qu’il est proposé d’apporter à la procédure de droit commun n’ont pas fait l’objet d’une évaluation, notamment quant à l’intérêt qu’il y aurait à les appliquer au-delà du champ des autorisations d’urbanisme et des autorisations environnementales, déjà soumises à des règles contentieuses spéciales poursuivant le même objectif, avec lesquelles les nouvelles règles envisagées se recoupent largement sans pour autant se confondre.
Le Conseil d’État observe qu’il ne peut pas être exclu que les pouvoirs de régularisation du juge, appliqués à une pluralité de décisions successives, soient sources de complication et d’allongement des procédures. Le Conseil d’État relève également que le projet de loi restreint les possibilités de référé sans que l’efficacité d’une telle mesure, qui porte atteinte au droit au recours, soit établie et que les conséquences de la suspension automatique de la durée de validité de toutes les décisions relatives à un même projet n’apparaissent pas clairement, pouvant ainsi être elles-mêmes sources d’incertitudes et de contestations.
Le Conseil d’État considère, enfin, que la multiplication de règles contentieuses spéciales ne peut que nuire à la lisibilité d’ensemble des règles applicables au contentieux administratif qui, à rebours des objectifs recherchés de simplification et de clarté de la norme, se complexifie au détriment de l’égalité entre les citoyens et de la bonne administration de la justice, sans pour autant aboutir à une véritable accélération des procédures contentieuses.
Le Conseil d’État estime, dans ces conditions, que les dispositions du projet de loi, qui sont susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité au regard notamment du principe d’égalité devant la justice, comportent des inconvénients importants en termes de sécurité juridique pour les justiciables et, plus généralement, pour la bonne administration de la justice. Il propose, en conséquence, de ne pas les retenir. »
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