Publié le 15 mars 2024 par : M. Ménagé, M. Allisio, Mme Auzanot, M. Ballard, M. Barthès, M. Baubry, M. Beaurain, M. Bentz, M. Berteloot, M. Bilde, M. Blairy, Mme Blanc, M. Boccaletti, Mme Bordes, M. Bovet, M. Buisson, M. Cabrolier, M. Catteau, M. Chenu, M. Chudeau, Mme Colombier, Mme Cousin, Mme Da Conceicao Carvalho, M. de Fournas, M. de Lépinau, M. Dessigny, Mme Diaz, Mme Dogor-Such, M. Dragon, Mme Engrand, M. Falcon, M. François, M. Frappé, Mme Galzy, M. Giletti, M. Gillet, M. Girard, M. Gonzalez, Mme Florence Goulet, Mme Grangier, M. Grenon, M. Guiniot, M. Guitton, Mme Hamelet, M. Houssin, M. Jacobelli, Mme Jaouen, M. Jolly, Mme Laporte, Mme Lavalette, Mme Le Pen, Mme Lechanteux, Mme Lelouis, Mme Levavasseur, Mme Loir, M. Lopez-Liguori, Mme Lorho, M. Lottiaux, M. Loubet, M. Marchio, Mme Martinez, Mme Alexandra Masson, M. Bryan Masson, M. Mauvieux, M. Meizonnet, Mme Menache, M. Meurin, M. Muller, Mme Mélin, M. Odoul, Mme Mathilde Paris, Mme Parmentier, M. Pfeffer, Mme Pollet, M. Rambaud, Mme Ranc, M. Rancoule, Mme Robert-Dehault, Mme Roullaud, Mme Sabatini, M. Sabatou, M. Salmon, M. Schreck, M. Taché de la Pagerie, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Taverne, M. Tivoli, M. Villedieu.
Supprimer cet article.
Cet amendement vise à supprimer l’article 4 du projet de loi qui prévoit de créer un nouveau délit de provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique et comme bénéfiques pour leur santé alors qu’il est manifeste en l’état des connaissances médicales, que l’abandon ou l’abstention peut entrainer des conséquences graves pour la santé physique ou psychique et que l’adoption de telles pratiques expose à un risque immédiat de mort ou de blessures.
Au Sénat, la rapporteure sur le texte avait fait adopter son amendement n° COM-22 visant à supprimer cet article en s’appuyant notamment sur l'avis du Conseil d’État, qui retenait entre autres que « ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées».
Cet article, qui a depuis été rétabli par la commission des Lois de l'Assemblée nationale, nous apparaît effectivement superfétatoire et inapte à lutter contre le phénomène qu’il prétend combattre, et ceci pour plusieurs raisons.
Pour commencer, les faits incriminés par cet article sont déjà couverts par d’autres dispositifs juridiques, ainsi que l’a rappelé l’avis du Conseil d’État :
- Exercice illégal de la pharmacie (L. 4223-1 du code de la santé publique)
- Pratiques commerciales trompeuses (L. 121-1 du code de la consommation)
- Non-assistance à personne en danger (223-6 du code pénal)
- Mise en danger de la vie d’autrui (223-3 du code pénal)
- Délaissement d’une personne hors d’état de se protéger (223-3 du code pénal)
- Entrave aux mesures d’assistance et omission de porter secours (223-5 du code pénal)
L'avis du Conseil d'État attire par ailleurs l’attention sur la nécessité de garantir un équilibre pour « ne pas remettre en cause, par une incrimination de contestations de l’état actuel des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte ».
De fait, les mises en garde lancées par Irène Frachon relativement au Mediator, répondent aux éléments constitutifs de cette infraction, de sorte que, pour une action qui a contribué à sauver des milliers de vies, elle aurait été exposée à des sanctions pénales particulièrement lourdes.
Plus généralement, il est admis qu’en droit positif, une atteinte aux libertés doit être nécessaire, adaptée et proportionnée. Ce n’est pas le cas ici selon l’avis susmentionné, a fortiori si l’on considère le caractère trop générique de cette infraction et les difficultés probatoires que sa généralité rédactionnelle engendre.
Pour achever de démontrer l'inopportunité de cet article remanié en séance publique, il convient également de revenir sur ses alinéas 5 et 7, relatifs à l'information "claire et complète" ainsi qu'à l'inapplication prétendue des lanceurs d'alerte du champ de l'infraction.
D'une part, la clarté et la complétude d'une information ne relèvent pas d'une définition juridique, encore moins en droit pénal. D'autre part, le fait qu'une telle information accompagne la provocation implique que les délits "peuvent ne pas être constitués" est difficilement conciliable avec le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, ou encore avec les exigences de prévisibilité et de sécurité juridiques. En outre, la mention que ces délits pourraient ne pas être constitués n'est pas sans présager l'introduction d'une dose d'arbitraire qui viendrait largement vicier le contentieux et compromettre l'objectif initial de ce texte visant à lutter contre les dérives sectaires.
Enfin, l'exclusion supposée des lanceurs d'alerte du périmètre des poursuites est illusoire, puisque par définition, un lanceur d'alerte n'en est pas un avant d'être reconnu comme tel, et qu'il a tort avant d'avoir publiquement raison, parfois des années après les faits qu'il a médiatisés. Cela aboutirait à une procédure pénale visant à condamner le provocateur, pour ensuite réparer le préjudice causé par cette condamnation une fois la vérité publiquement établie.
Les correctifs apportés à cet article ne suffisent donc pas à le rendre souhaitable.
C’est pourquoi le présent amendement vise à supprimer un article 4 qui ne permettra pas, de toute évidence, de lutter contre les agissements qu’il souhaite délictualiser. Au lieu de créer un nouveau délit juridiquement douteux, il est préférable d’exploiter et de mettre en application l’arsenal répressif existant.
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