Publié le 7 décembre 2023 par : M. Vallaud, M. Saulignac, Mme Untermaier, Mme Karamanli, M. Vicot, M. Philippe Brun, M. Delaporte, Mme Keloua Hachi, M. Aviragnet, M. Baptiste, Mme Battistel, M. Mickaël Bouloux, M. Califer, M. David, M. Delautrette, M. Echaniz, M. Olivier Faure, M. Garot, M. Guedj, M. Hajjar, Mme Jourdan, M. Leseul, M. Naillet, M. Bertrand Petit, Mme Pic, Mme Pires Beaune, M. Potier, Mme Rabault, Mme Rouaux, Mme Santiago, Mme Thomin, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
L’article L. 744‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf en cas de menace pour l’ordre public, il est interdit de retenir ou de maintenir tout étranger au sein d’un local de mise à l’abri pour une durée égale ou supérieure à quatre heures. »
Cet amendement du groupe « Socialistes et apparentés » vise à interdire les locaux pour le moins mal nommés de « mise à l’abri » établis notamment à Menton afin d’organiser la gestion des personnes exilées à la frontière italienne. Lors d’une visite du Bâtonnier Adrien Verrier en juillet 2022 dans le local de Menton pont Saint Louis, il est rapporté dans le document issu de la visite que les personnes étrangères interpellés et en attente de reconduite au sein d’un local ne fait « l’objet d’aucun cadre juridique précis ».
Ni local de retenue administrative, ni zone d’attente, ce local ne donne pas les droits dédiés à ces situations prévus par la loi comme le conseil d’un avocat, l’assistance d’un interprète ou d’un médecin, ou encore la possibilité de communiquer avec une personne de son choix. La présence des associations est régulièrement entravée, ce qui est inacceptable.
Des femmes, des enfants et des hommes sont pourtant retenus dans cette structure pendant plusieurs heures durant (jusqu’à 13h comme l’a constaté le tribunal administratif de Nice qui avait également décrit la grande vulnérabilité des personnes retenues).
Alors que la frontière italienne est située à un lieu charnière de la trajectoire des personnes exilées, celles-ci sont strictement contrôlées et ne permettent le passage que des personnes qui ne sont pas identifiées par la police comme des migrants potentiels. Les effets de ce blocage sont ressentis en Italie, à Vintimille, où des camps s’établissent. Toutefois, le triste spectacle de la frontière est bien visible à Menton, lieu de refoulement par la police aux frontières (PAF). La réussite d’un tel franchissement passe parfois par l’emprunt des chemins les plus dangereux comme le toit des trains, ou le sentier vertigineux que l’on appelle le « pas de la mort ». Avant d’être renvoyés vers l’Italie, les migrants sont retenus dans des préfabriqués agglutinés entre la route et la falaise.
Pourtant, les conditions de vie des personnes exilées à cette frontière sont particulièrement éprouvantes. Selon le rapport de l’association Anafé qui date de 2022, les personnes interpellées sont enfermées dans différents types de locaux (constructions modulaires attenantes à des locaux de la PAF, salle située au sein d’un local de police, locaux mis à disposition dans une gare par la SCNF ou sur un péage par la société gestionnaire du péage. Dans ces locaux, les conditions de maintien sont déplorables : blocs modulaires avec un mobilier très sommaire, voire inexistant, pratiques aléatoires concernant la possibilité d’avoir accès à un système de chauffage ou de climatisation, pas de couvertures, sanitaires défaillants la plupart du temps (WC chimique). Ces conditions sont régulièrement dénoncées. Les personnes enfermées témoignent d’une forte promiscuité dans des locaux exigus : à Menton 100 personnes sont parfois entassées dans des locaux de 50m2, chaque personne dispose de 50cm2, c’est à dire d’un carré de 25cm sur 25cm, impossible de s’asseoir ou de s’allonger pendant toute une nuit. Il est aussi question de l’absence ou de l’insuffisante présence de nourriture : les pratiques sont variables en fonction des locaux et souvent opaques.
Une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants « a estimé que les conditions matérielles de séjour dans ces locaux pouvaient porter atteinte à la dignité des personnes qui y étaient placées ».
Pour toutes ces raisons, et sauf en cas de menace à l’ordre public, il convient de procéder à la fermeture de ces locaux en dehors de notre droit et à leur interdiction.
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