Publié le 19 octobre 2023 par : M. Viry, Mme Bonnivard, M. Cinieri, Mme Corneloup, Mme Frédérique Meunier, M. Seitlinger.
Supprimer cet article.
L’article 27 est problématique à plusieurs égards :
Le risque d’empirer les situations - déjà importantes - de non-recours
À l’heure où la lutte contre le non-recours et la non-effectivité des droits sociaux est présentée comme une priorité, le présent article introduit un climat de méfiance vis-à-vis des personnes qui, parce que leur état de santé le justifie, bénéficient d’un arrêt de travail et d’indemnités journalières.
Les causes de l’augmentation des arrêts de travail sont à chercher ailleurs que dans une supposée complaisance des professionnels de santé
Les données attestent, certes, d’une augmentation du nombre d’arrêts de travail et d’une augmentation des montants des indemnités journalières. Néanmoins, aucune étude sérieuse ne confirme qu’il s’agit là de la conséquence d’une soi-disant complaisance dans la délivrance des arrêts de travail. Cela semble être plutôt dû au vieillissement de la population (ce qui, par ailleurs, devrait être exacerbé avec la réforme des retraites 2023 qui entraînera de fait une augmentation des arrêts de travail, puisque les personnes seront contraintes de travailler à un âge plus avancé), à l’augmentation du taux d’emploi et à l’augmentation moyenne des salaires.
Un article qui menace le secret médical, le consentement du patient, le libre choix du professionnel de santé par le patient et le droit du travail
De plus, la possibilité pour l’employeur d’organiser des « contre-visites » auprès des personnes salariées en arrêt représenterait une menace pour le secret médical et pour le consentement du patient, qui se verrait contraint à être examiné une seconde fois, à la demande de son employeur. Le patient ne disposerait plus de son libre choix de professionnel de santé non plus, dans cette situation. Cette mesure pourrait être particulièrement problématique dans les situations de harcèlement au travail et pourrait mener à de graves abus dans certaines situations. Il n’est également pas du ressors d’un employeur de remplir ce rôle de contrôle auprès de ses salariés.
Le temps médical est déjà fortement contraint
Il est également étonnant d’envisager de doubler des visites médicales avec ces « contre-visites », alors même que le temps médical est si contraint et vient déjà à manquer. Cela n’entraînerait, à notre sens, qu’une augmentation du déficit de l’Assurance Maladie, et ne participerait donc pas à le résorber contrairement à ce qui semble être l’objectif de cet article.
Nous encourageons plutôt les pouvoirs publics à renforcer les moyens de la médecine du travail, dont le rôle dans la prévention est essentiel, et qui peine à remplir ses missions faute de moyens financiers et humains suffisants.
Une aberration quant aux motifs les plus courants des arrêts de travail
Enfin, d’après le Baromètre annuel Absentéisme 2022[1], les arrêts de travail sont délivrés essentiellement pour des maladies aigües, à l’instar de la grippe et du rhume : il nous paraît important, pour limiter la contamination de ces maladies fortement transmissibles, de ne pas contraindre les personnes malades à venir travailler. La deuxième cause d’arrêt maladie la plus fréquente, selon cette étude, concerne les troubles de santé mentale, notamment causés par le surmenage : il est choquant d’imaginer qu’une personne puisse être contrainte de subir une contre-visite de son employeur car ce dernier aurait des soupçons sur la fiabilité de son arrêt de travail, et ce d’autant plus si le travail est la cause du surmenage et donc de l’arrêt maladie. Enfin, la troisième cause la plus fréquente concerne les aidants qui ont un enfant malade : ici encore, il serait plus judicieux de renforcer les moyens pour accompagner les aidants dans leur quotidien, plutôt que de multiplier les contrôles, qui paraissent infondés.
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