Publié le 12 octobre 2023 par : M. Delautrette, M. Leseul, Mme Jourdan, M. Bertrand Petit, M. Aviragnet, M. Baptiste, Mme Battistel, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Califer, M. David, M. Delaporte, M. Echaniz, M. Olivier Faure, M. Garot, M. Guedj, M. Hajjar, Mme Karamanli, Mme Keloua Hachi, M. Naillet, M. Bertrand Petit, Mme Pic, Mme Pires Beaune, M. Potier, Mme Rabault, Mme Rouaux, Mme Santiago, M. Saulignac, Mme Thomin, Mme Untermaier, M. Vallaud, M. Vicot, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 1520 est complété par un V ainsi rédigé :
« V – La taxe, lorsqu’elle est instituée, s’applique sur l’intégralité du territoire sous réserve des dispositions de l’article L. 2333‑76 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, à titre dérogatoire, si des différences objectives de service le justifient, la commune, l’établissement public de coopération intercommunale ou l’établissement public local compétent peut décider de n’instituer la taxe que sur une partie seulement de son territoire nonobstant les mécanismes transitoires prévus par l’article 1639 A bis du présent code. » ;
2° Après la référence : « 1639 A bis », la fin du I bis de l’article 1522 bis est supprimée ;
3° L’article 1639 A bis est ainsi modifié :
a) La première phrase du deuxième alinéa du III est complétée par les mots : « sous réserve des dispositions du V de l’article 1520 » ;
b) Le premier alinéa du IV est complété par les mots : « sous réserve des dispositions du V de l’article 1520 ».
II. – La section 9 du chapitre III du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° L’article L. 2333‑76 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La redevance, lorsqu’elle est instituée, s’applique sur l’intégralité du territoire. Toutefois, à titre dérogatoire, si des différences objectives de service le justifient, la commune, l’établissement public de coopération intercommunale ou l’établissement public local compétent peut décider de n’instaurer la redevance que sur une partie seulement de son territoire nonobstant les mécanismes transitoires prévus à l’article 1639 A bis du code général des impôts et les deuxième et troisième alinéas du présent article. Le service du territoire couvert par la redevance fait l’objet d’un budget distinct. » ;
2° L’article L. 2333‑78 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « instituer », la fin de la première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée : « que sur les secteurs géographiques où ils n’ont pas institué la redevance prévue à l’article L. 2333‑76. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la taxe d’enlèvement des ordures ménagères est instaurée sur une partie seulement du territoire, la redevance spéciale ne peut s’appliquer que sur le ou les territoires concernés en application du paragraphe V de l’article 1520 du code général des impôts. » ;
3° Après le premier alinéa de l’article L. 2333‑79, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la redevance est instaurée sur une partie seulement du territoire, la suppression de la taxe ne s’applique que sur le territoire concerné en application du même article L. 2333‑76 et du V de l’article 1520 du code général des impôts. »
III. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à accélérer le déploiement de la tarification incitative sur l’ensemble du territoire.
La tarification incitative concourt donc directement à la réduction des déchets qui est l’un des objectifs que s’est fixée la France et, par la même occasion, à la réduction des gaz à effet de serre en favorisant le tri.
L’Union européenne a fixé des objectifs de collecte par matériaux ambitieux pour l’année 2030 : 85 % pour les emballages en papier-carton là où la France n’atteint que 66 % en 2023, 60 % pour les emballages en aluminium là où la France n’atteint que 34 % en 2023, 55 % pour les emballages plastiques là où la France n’atteint que 23 %... Or les projections à 2030 montrent que l’approche actuelle ne permet pas de répondre aussi vite ni aussi fort que l’exige l’urgence environnementale.
La tarification incitative est en effet l’un des leviers les plus efficaces pour que les taux de collecte pour recyclage de la France progressent. Dans un rapport de la Cour des comptes publié le 27 septembre 2022 et intitulé « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser », les magistrats notent que la tarification incitative permet de « réduire de 41 % la quantité d’Ordures Ménagères Résiduelles (OMR), d’augmenter à due concurrence la collecte des recyclables et de réduire de 8 % les Déchets Ménagers et Assimilés (DMA) ». Ils encouragent particulièrement la mise en place de la tarification incitative qui est vue comme « un levier important de responsabilisation. En effet, elle permet l’application du principe pollueur-payeur aux usagers du service en intégrant dans la facturation le niveau de production des déchets ».
Cet amendement propose ainsi de lever un frein au déploiement ou au maintien de la tarification incitative en France. Il donne ainsi la possibilité aux élus locaux de mettre en œuvre la tarification incitative sur une partie seulement de leur territoire et supprime le délai d’harmonisation des modes de financement du Service Public de Gestion des Déchets (SPGD).
Ce changement législatif éviterait les difficultés techniques rencontrées par les collectivités locales qui ont des territoires très différents : les collectivités pourraient ainsi déployer la tarification incitative sur la partie de leur territoire qui se situe en milieu périurbain et rural, et ne pas être obligées de le faire en milieu urbain où celui-ci peut apparaître comme plus complexe (plus grande difficulté pour suivre les usagers ainsi que pour implanter des conteneurs équipés de compteurs…). En effet, la mise en place d’une tarification incitative en centre urbain dense est souvent complexe car il nécessaire d’individualiser les facturations, alors qu’en zone pavillonnaire ou rurale l’habitat individuel est favorable à la tarification incitative car il simplifie cette identification. A l’échelle d’un Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) compétent en matière de gestion des déchets ou d’un syndicat de traitement, les typologies de territoires diffèrent et répondent à des enjeux très distincts. Cet amendement propose de donner la souplesse aux élus locaux, qui connaissent les réalités de leur territoire, pour adapter la tarification des déchets en fonction des freins et opportunités.
La suppression de l’obligation faite aux élus locaux d’harmoniser les modes de financement du SPGD permet par ailleurs de favoriser le maintien d’une tarification incitative sur les territoires nouvellement fusionnés. Cela permettrait ainsi de conserver un dispositif au service de la transition écologique qui a fait ses preuves, notamment en zone rurale. Les collectivités ayant recours à la tarification incitative sont en effet en général des collectivités de moins de 30 000 habitants actuellement en taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitative (TEOMi) ou redevance incitative (REOMi). Si cet amendement n’est pas adopté, le risque est que ces collectivités reviennent vers une taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et perdent ainsi le caractère incitatif de la fiscalité des déchets. Or, ces territoires sont souvent des pionniers de la tarification incitative en France. Il serait particulièrement préjudiciable que des années d’efforts de la part d’élus locaux volontaires soient remises en cause par une simple limite juridique.
La Communauté d’Agglomération Pau Béarn Pyrénées fait actuellement face à ce problème. Le président de la Communauté d’Agglomération, François BAYROU, a écrit à la Première ministre Elisabeth BORNE pour demander le maintien de la possibilité au sein du même EPCI de deux modes de financement du SPGD. Caen, Grenoble, Bordeaux, Montpellier et Versailles s’intéressent par ailleurs de près à cette possibilité pour leurs territoires respectifs. C’est pourquoi il serait essentiel d’autoriser la cohabitation TEOM/TEOMI ou TEOM/REOMI.
Les magistrats de la Cour des comptes notent ainsi dans le rapport précédemment mentionné : « Nombreux sont ceux qui considèrent que l’application sur l’intégralité du territoire sera difficile alors qu’elle pourrait être plus facilement envisagée sur seulement une partie du territoire (habitat pavillonnaire, communes périphériques, …) : une dérogation à l’obligation d’uniformité du mode de financement sur un EPCI à fiscalité propre et donc l’autorisation de faire cohabiter formes classique et incitative d’un mode de financement donné (TEOM/TEOMi ou REOM/REOMi) au-delà des sept ans explicitement prévus au Code général des impôts pour la TEOMi pourrait répondre à cette difficulté et favoriserait le développement de la TI en milieu urbain ».
Cet amendement permettrait de tendre vers l’objectif de 25 millions d’habitants en France bénéficiant d’une tarification incitative en 2025 fixé par la Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Seuls 6 millions de Français sont actuellement en tarification incitative selon le rapport de la Cour des comptes du 27 septembre 2022. Cet amendement s’inscrit par ailleurs dans les ambitions portées par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire (AGEC) qui fixe un objectif de réduction de 15 % des déchets ménagers et assimilés par habitant d’ici 2030.
Cet amendement a été travaillé avec Citeo, éco-organisme agréé par le ministère de la Transition Ecologique pour les filières de Responsabilité Elargie des Producteurs (REP) Emballages Ménagers et Papiers Graphiques.
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