Publié le 12 juillet 2023 par : M. de Courson, M. Molac, M. Naegelen, M. Taupiac, Mme Youssouffa.
Après le chapitre IX du titre VII du livre VII du code de justice administrative, il est inséré un chapitre IX bis ainsi rédigé :
« Chapitre IX bis
« Le contentieux de l’urbanisme des activités secondaires et tertiaires
« Art. L. 779‑2. – Font l’objet d’une procédure préalable d’admission, dans des conditions précisées par voie réglementaire, les recours dirigés contre les autorisations et déclarations préalables prises en application du titre II du livre IV du code de l’urbanisme, ainsi que des recours dirigés contre les décisions prises en application du chapitre II du titre I du livre V du code de l’environnement, lorsque les décisions attaquées sont prises dans le cadre d’opérations tendant à la réalisation d’un établissement dont la destination est une activité des secteurs secondaire ou tertiaire.
« Les décisions définitives prises en application du premier alinéa du présent article sont susceptibles de recours en cassation devant le Conseil d’État, dans des conditions précisées par voie réglementaire. »
Le présent amendement vise à favoriser le développement des projets liés aux secteurs secondaire ou tertiaire, en soumettant les recours formés contre les principales décisions d'urbanisme ou environnementales délivrées dans le cadre de ces projets à une procédure d'admission préalable permettant d'écarter rapidement les recours irrecevables ou dénués de moyens sérieux, à l'instar de ce qui prévaut par exemple pour les recours en cassation formés devant le Conseil d'Etat (article L. 822-1 du code de justice administrative).
En pratique, les décisions en matière d'urbanisme ou d'environnement qui sont nécessaires à la mise en œuvre de ces projets font quasi-systématiquement l'objet de contentieux. Ainsi, selon rapport annuel du Conseil d'Etat pour l'année 2021, 13 820 requêtes ont été enregistrées devant les tribunaux administratifs en 2021 en matière d'urbanisme et d'environnement. Les litiges liés à l'urbanisme et à l'environnement ont d'ailleurs augmenté, en 2021, de 10 % par rapport à 2020. Les litiges concernant les installations classées pour la protection de l’environnement, qui représentent 29 % des litiges concernant l'environnement en général, ont même augmenté de 73 %. En outre, les litiges concernant les autorisations d'occupation des sols ont représenté plus de 68 % des recours déposés en matière d'urbanisme et ont augmenté de près de 23 %.
La France se distingue ici de beaucoup de grands Etats limitrophes européens, dans lesquels on ne retrouve pas de tels volumes de contentieux, sans pour autant que la protection des sols ou de l'environnement y soit moins bien encadrée ou assurée.
Les recours en cause produisent des effets d'autant plus significatifs que la durée des procédures juridictionnelles est, en ces matières, particulièrement longue.
Selon le rapport élaboré en janvier 2022 par Laurent Guillot à la demande du Gouvernement, afin de « simplifier et accélérer les implantations d'activités économiques en France », le délai moyen de jugement d'une affaire par les tribunaux administratifs, s'agissant des affaires liées à l'urbanisme ou à l'environnement, est ainsi de 23 mois en première instance, 16 à 18 mois en appel et un an en cassation. Dans ces conditions, la formation d'un recours peut donc retarder de plusieurs années tout projet d’investissement, même en l’absence de doute sérieux sur sa légalité.
Ce cadre juridique créé inévitablement un frein au développement de projets pourtant nécessaires pour permettre à la France de moderniser ses capacités industrielles, logistiques ou commerciales, et de relever le défi de la souveraineté économique et de l'industrie verte. Les chiffres en attestent : selon les données disponibles, la France n'a ainsi accueilli, depuis 2010, qu’une dizaine de sites employant au moins mille personnes.
Il est donc essentiel de donner de la sécurité et de la visibilité aux porteurs de projets dans ces secteurs, en s'assurant que les recours qui sont irrecevables ou ne sont fondés sur aucun moyen sérieux ne puissent faire obstacle à l'effectivité des décisions d'urbanisme ou environnementales rendues à leur égard.
La mise en place d'une procédure d'admission préalable apparaît à cet égard comme la mesure la plus pertinente.Existant notamment depuis longtemps en Angleterre, cette procédure y a démontré toute son efficacité. Selon les données publiquement disponibles, il apparaît ainsi par exemple qu'au premier semestre de 2022, un quart seulement des recours formés contre des autorisations d'urbanisme a été admis dans le cadre de cette procédure, dont la durée moyenne a par ailleurs été d'un peu plus d'un mois.
Si elle était mise en œuvre en France, pour les décisions nécessaires à la mise en œuvre des projets visés par le présent amendement, une telle procédure permettrait donc aux investisseurs d'obtenir une première décision juridictionnelle à brève échéance, sans avoir à subir le risque qu'un recours qui n'est pas recevable ou sérieux, voire dilatoire, vienne paralyser leurs projets pendant plusieurs années. Cette mesure préserverait au demeurant le droit au recours des requérants, puisque le juge devrait dans ce cadre apprécier la recevabilité et le sérieux des recours déposés. Dans l'esprit de la présente disposition législative, les recours feront en effet l'objet d'une instruction contradictoire pendant un certain délai qu'il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser (par exemple, six mois), et l'éventuelle décision de non-admission prise par le juge au terme de ce délai devra être rendue après audience publique. Enfin, toujours dans une volonté d'accélération des procédures, les décisions rendues dans le cadre de cette procédure préalable d'admission seront susceptibles de recours en cassation devant le Conseil d'Etat.
Parallèlement, l'adoption de cette mesure permettrait aux juridictions de consacrer plus de temps et de ressources aux recours sérieux.
Il reviendra pour le reste au pouvoir réglementaire de préciser les conditions d'application du présent article, et notamment pour ce qui concerne le type d'opérations concernées par la présente mesure, en cohérence avec la présente disposition législative, qui vise de façon générale les secteurs secondaire ou tertiaire, et inclut donc notamment les constructions à destination industrielle, logistique ou commerciale.
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