Publié le 24 novembre 2023 par : M. Acquaviva, M. Jean-Louis Bricout, M. Castellani, M. Colombani, M. Molac, M. Saint-Huile.
Le titre Ier du livre II du code de l’urbanisme est complété par un chapitre X ainsi rédigé :
« Chapitre X
« Dispositions particulières à la Collectivité de Corse
« Art. L. 219 – 13 – I. – À titre expérimental et pendant une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’Assemblée de Corse peut, par délibération, délimiter des périmètres dans lesquels peuvent être subordonnées à déclaration préalable, afin de lutter contre les spéculations foncière et immobilière, les aliénations à titre onéreux d’immeubles ou de parties d’immeubles bâtis et non bâtis ou d’ensembles de droits sociaux situés sur tout ou partie de son territoire, dès lors que ces aliénations donnent lieu à une transaction supérieure ou égale à un montant déterminé au mètre carré par un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Assemblée de Corse.
« Est qualifiée d’aliénation à titre onéreux toute opération visant à transférer tout ou partie de la propriété d’un immeuble, que ce transfert prenne la forme d’une vente, d’un échange ou d’un apport en société.
« Les acquisitions effectuées par des cohéritiers sur licitation amiable ou judiciaire et les cessions consenties à des parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus, à des cohéritiers ou à leur conjoint survivant ainsi que les actes conclus entre indivisaires en application des articles 815‑14, 815‑15 et 883 du code civil sont exclus du droit de préemption. »
« II. – Un droit de préemption sur les aliénations déclarées en application de l’article L. 218‑1 du présent code peut être exercé, au nom de la collectivité de Corse, par le président du conseil exécutif de Corse, qui peut le déléguer à un établissement public de la collectivité de Corse, dans les conditions fixées par l’Assemblée de Corse.
« Pour des motifs d’intérêt général, dans le but de garantir l’exercice effectif du droit au logement des habitants en privilégiant l’accession sociale à la propriété et en favorisant la mixité sociale, d’encourager la construction de logements sociaux, de préserver l’accès aux services publics, de développer les réseaux, les infrastructures et les équipements ou de favoriser l’accueil, le maintien et l’extension des activités économiques, le président du conseil exécutif peut exercer ce droit de préemption, par décision motivée, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration d’intention d’aliéner.
« Ce droit de préemption s’applique sans préjudice des droits de préemption mentionnés au titre Ier du livre II du code de l’urbanisme, qui ont un caractère prioritaire.
« III. – Chaque aliénation mentionnée à l’article L. 218‑1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration d’intention d’aliéner faite par le propriétaire auprès de la collectivité de Corse selon les modalités définies à l’article L. 213‑2.
« À défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé selon les modalités prévues aux articles L. 213‑4 à L. 213‑7. Le silence du titulaire du droit de préemption à l’échéance du délai mentionné au deuxième alinéa du II du présent article vaut renonciation à l’exercice de son droit de préemption.
« L’aliénation peut alors être réalisée aux prix et conditions figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner.
« IV. – « Le titulaire du droit de préemption doit, dans un délai de cinq ans à compter de la prise de possession du bien préempté, engager l’opération en vue de l’affectation du bien permettant d’atteindre l’un des buts mentionnés au deuxième alinéa du II, qui peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption.
« Lorsqu’un bien acquis par exercice du droit de préemption n’a pas été affecté dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I quater, les articles L. 213‑11 et L. 213‑12 du code de l’urbanisme sont applicables.
« Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction compétente, les articles L. 213‑11‑1 et L. 213‑12 du même code sont applicables.
« V. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Assemblée de Corse.
« VI. – Au plus tard trois mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport procédant à son évaluation. »
« VII.–La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
« VIII. La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre er du livre III du code des impositions sur les biens et services. »
Le présent amendement entend permettre à la Collectivité de Corse d’instaurer et d’exercer, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, un droit de préemption sur les transferts de propriété bâtie ou non bâtie sur son territoire afin de contribuer à réguler un marché du foncier et de l’immobilier corse en proie à un phénomène de spéculation important ; lequel met à mal l’accès au logement pour les résidents.
La rédaction du dispositif du présent amendement est issu de l’examen de la proposition de loi relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre le phénomène de spéculations foncière et immobilière dans l’île, adoptée le 4 février 2022. L’intégration dans cette présente proposition de loi permettrait d’accélérer la navette parlementaire eu égard à la hausse phénoménale du prix du foncier et de l’immobilier sur l’île.
La Corse cumule en effet un fort taux de résidences secondaires (28,8 % du parc de logement, un taux trois fois plus élevé que la moyenne du territoire national (9,7 %), un pouvoir d’achat plus faible que la moyenne nationale (le taux de pauvreté en Corse est de 20 %, soit cinq points de plus que la moyenne nationale) et une déficience de l’offre de logements.
Ainsi, la conséquence de cette forte attractivité est l’augmentation vertigineuse des prix du foncier et de l’immobilier. Entre 2006 et 2017, le coût moyen au m2 des terrains à bâtir y a ainsi augmenté de 138 % (de 34 à 81 €/ m2), alors que la moyenne nationale est 78 % (de 46 à 82 €/m2), ce qui a un effet inflationniste sur le prix des logements. Il n’est pas rare que dans certaines communes, les prix atteignent 20 000 à 30 000 €/ m2 pour une villa. Un sentiment de dépossession s’installe parmi les insulaires, sachant que 55 % de ces résidences secondaires sont détenues par des personnes résidant en France, hors Corse, et 8 % par des personnes résidant à l’étranger.
De plus, ce nouveau droit de préemption vise aussi à pallier un défaut d’exercice du droit de préemption en Corse aujourd’hui peu mis en œuvre, puisque 80 % des communes de Haute-Corse par exemple n’ont pas l’exercice de ce droit.
Tout d’abord, quand elles en ont la capacité juridique, les petites communes n’ont pas la capacité financière de mettre en œuvre de façon effective leur droit de préemption sur des biens qui se vendent à des prix prohibitifs.
Par ailleurs, le droit de de préemption urbain, le plus courant, est conditionné à l’existence d’un plan local de l’urbanisme (PLU) approuvé, d’un plan d’occupation des sols ou d’une carte communale approuvée, ce dont toutes les communes, compte tenu de leur petite taille, ne se sont pas dotées. A cela, il faut rajouter la forte pression exercée par les promoteurs sur les maires afin d’obtenir des permis de construire, poussant certains à rester au RNU par précaution.
C’est au regard de ce constat que la création d’un droit de préemption complémentaire et non concurrent des droits de préemption urbain du bloc communal qui existent déjà se justifie pleinement.
Pour l’exercer, la collectivité de Corse disposerait de moyens financiers qui font malheureusement souvent défaut aux petites communes.
Enfin, cette nécessité est renforcée par la perspective de l’expiration en 2027 du régime fiscal dérogatoire propre à la Corse en matière de droits de succession. L’existence d’un droit de préemption effectif sera alors nécessaire pour protéger le patrimoine des insulaires.
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