Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du lundi 17 janvier 2022 à 21h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Lundi 17 janvier 2022

La séance est ouverte à vingt et une heures.

(Présidence de M. Stéphane Testé, vice-président)

La commission examine le projet de loi relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites (n° 4632) (Mme Fabienne Colboc, rapporteure)

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Nous examinons ce soir le projet de loi relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites.

Nous avions désigné le 12 janvier dernier notre collègue Fabienne Colboc comme rapporteure sur ce texte, qui fait l'objet d'une procédure accélérée et dont l'examen en séance publique est prévu le mardi 25 janvier.

Ce texte de trois articles porte sur un sujet éminemment important et complexe et s'inscrit dans un engagement moral de la France à l'égard des victimes des crimes antisémites commis durant la Seconde Guerre mondiale.

Chaque article a nécessité de longues années de recherche sur le parcours et l'identification des ayants droit des œuvres d'art dont il propose la restitution. Je souligne d'ailleurs la qualité de l'étude d'impact adressée au Parlement. Elle présente avec une très grande précision tant les enjeux juridiques de ces restitutions que l'histoire des personnes et des œuvres auxquelles ce texte rend en quelque sorte la mémoire.

Il s'agit du premier projet de loi autorisant la restitution d'œuvres d'art spoliées aux ayants droit de victimes de persécutions antisémites : ce seul fait justifie pleinement son examen en urgence en cette fin de législature.

Madame la rapporteure, vous avez, dans le très court délai dont vous disposiez, procédé à de nombreuses auditions afin de nourrir votre rapport : je vous remercie tout particulièrement de votre investissement sur ce texte.

Je remercie également madame la ministre de la culture d'être présente à nos côtés pour cette première lecture.

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Roselyne Bachelot, ministre de la culture

Voilà soixante-dix-sept ans que les armes se sont tues dans notre Europe ravagée par la Seconde Guerre mondiale. Les responsables des crimes odieux qui ont été commis ont été poursuivis, jugés, condamnés, et le temps passant, la plupart sont aujourd'hui décédés.

La mémoire du nazisme et de la Shoah continue de se construire et de se transformer, sans s'effriter avec le temps, bien au contraire. Dans le monde de la culture, dans les musées et dans les bibliothèques, la mémoire de la persécution et de la Shoah est également présente.

Les institutions culturelles dans l'Europe entière ont été liées à cette histoire, malgré elles ou parfois avec leur complicité. Des œuvres d'art et des livres spoliés sont toujours conservés dans les collections publiques : ces objets ne devraient pas être là. Ils n'auraient jamais dû être là.

La persécution des Juifs a connu de multiples formes. Bien souvent, avant l'élimination méthodique, avant l'extermination, il y eut les vols des biens des Juifs, sommés de tout abandonner. Ces spoliations recouvrent des réalités diverses : vols, pillages, confiscation, aryanisation – pour reprendre le vocabulaire nazi et celui du régime de Vichy – ou encore ventes sous la contrainte.

Au-delà de la dépossession, la spoliation constitue une atteinte grave à la dignité des individus : elle est la négation de leur humanité, de leur mémoire, de leur souvenir et de leurs émotions.

Aujourd'hui, les œuvres spoliées non restituées sont parfois les seuls biens qui restent aux familles. C'est donc avec beaucoup d'émotion que je vous présente ce soir le projet de loi relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites.

Il s'inscrit dans la continuité de la politique de réparation lancée par le Président Jacques Chirac dans son discours du Vél' d'Hiv en 1995 sur la responsabilité de l'État dans la déportation des Juifs de France, et des travaux de la mission dite « Mattéoli » sur la spoliation des Juifs de France, conduite entre 1997 et 2000. Elle a été confortée en juillet 2018 par la volonté du Premier ministre de faire mieux en matière de recherche et de restitution des œuvres d'art. À cette fin, le ministère de la culture s'est doté en 2019 d'une mission spécifiquement consacrée à l'identification des œuvres spoliées présentes dans les collections.

Nous pouvons qualifier ce projet de loi d'historique puisque c'est la première fois depuis l'après-guerre que le Gouvernement engage un texte permettant la restitution d'œuvres des collections publiques nationales ou territoriales spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale ou acquises dans des conditions troubles pendant l'Occupation en raison des persécutions antisémites.

Il faut souligner le travail collectif qui a permis ces restitutions : le travail des services du ministère de la culture, de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), des musées nationaux et des collectivités territoriales. La CIVS était compétente pour deux des trois dossiers et l'État, comme la ville de Sannois, ont suivi exactement sa recommandation. Cette démarche de restitution portée par la France est attendue car nos musées, comme les musées du monde entier, sont confrontés à la nécessité de s'interroger sur l'origine de leurs collections. Le parcours des œuvres de ces collections pendant la période allant de 1933 à 1945 doit être étudié toujours davantage.

Le Gouvernement propose aujourd'hui une loi d'espèce portant sur quatre cas.

Le premier est celui du tableau Rosiers sous les arbres, de Gustav Klimt, acheté en 1980 par l'État : les recherches menées à l'époque sur sa provenance n'avaient pas permis d'identifier des doutes sur l'historique, compte tenu de la connaissance limitée à ce moment-là de cette collection. Il s'est avéré bien plus tard, il y a quelques années, que ce tableau pouvait correspondre à celui intitulé Pommiers que Nora Stiasny, nièce du collectionneur juif viennois Viktor Zuckerkandl, avait été contrainte de vendre en août 1938 pour une valeur dérisoire, quelques mois après l'Anschluss et le début des persécutions antisémites.

Les recherches menées par le musée d'Orsay, que je remercie particulièrement, et par les services du ministère, en lien avec des chercheurs autrichiens, ont permis de confirmer cette hypothèse : la spoliation était avérée. Nous avons sans hésiter validé le principe de la restitution de ce tableau, unique toile de Klimt dans nos collections nationales. Cette œuvre majeure doit retrouver ses propriétaires légitimes au nom de la mémoire de Nora Stiasny qui fut déportée et assassinée en 1942.

Le deuxième ensemble est composé de onze œuvres graphiques de Jean-Louis Forain, Constantin Guys, Henry Monnier et Camille Roqueplan relevant du musée d'Orsay et du musée du Louvre, et d'une sculpture de Pierre-Jules Mène conservée au château de Compiègne, acquises par l'État en juin 1942 à Nice lors de la vente publique qui a suivi le décès d'Armand Dorville, avocat français juif. Le produit de cette vente organisée par la succession du collectionneur a été, le premier jour, placé sous administration provisoire par le commissariat général aux questions juives.

La CIVS, saisie par les ayants droit d'Armand Dorville, a considéré que cette vente n'était pas spoliatrice car elle avait été décidée par les héritiers qui en avaient finalement touché le produit et ne l'avaient pas remise en cause après la guerre. Cependant, outre une indemnisation justifiée par l'immobilisation du produit de la vente jusqu'à la fin de la guerre, la commission a recommandé en équité que les douze œuvres achetées par l'État lors de cette vente soient remises aux ayants droit en raison du contexte trouble de cette acquisition. En effet, l'acheteur pour le compte de l'État avait eu connaissance de la mesure d'administration provisoire et avait eu des contacts avec l'administrateur nommé par Vichy.

Le Gouvernement s'est donc conformé à cette recommandation de la CIVS et propose de remettre ces œuvres aux ayants droit.

Le texte propose également la restitution du tableau Carrefour à Sannois de Maurice Utrillo acheté par la ville de Sannois en 2004 pour son musée Utrillo-Valadon. Il s'est avéré avoir été volé chez Georges Bernheim, marchand d'art à Paris, par le service allemand de pillage des œuvres d'art dirigé par Alfred Rosenberg en décembre 1940. Informée par une chercheuse de provenance indépendante, la CIVS a recommandé la restitution du tableau à l'ayant droit de Georges Bernheim, victime des persécutions antisémites. Je salue l'engagement de la ville de Sannois dont le conseil municipal s'est prononcé à l'unanimité pour cette restitution juste et nécessaire et pour la sortie de cette œuvre de son domaine public.

Le Gouvernement proposera enfin, par la voie d'un amendement, de permettre la restitution d'une autre œuvre, le tableau Le Père, de Marc Chagall, conservé au musée national d'art moderne. J'y reviendrai plus longuement dans le cadre de l'examen des amendements.

Des questions ont été et seront soulevées sur l'opportunité d'une telle loi, certains regrettant l'absence d'un dispositif créé par une loi-cadre qui permettrait la restitution plus aisée des œuvres spoliées sans présenter de nouvelles lois d'espèce au Parlement. Le Conseil d'État lui‑même dans son avis a souligné le manque d'un dispositif plus simple.

Pour l'heure, il est apparu capital au Gouvernement de soumettre à la représentation nationale ces dossiers spécifiques : il s'agit en effet de la première loi organisant la sortie du domaine public d'œuvres spoliées des collections nationales ou territoriales en vue de leur restitution. L'engagement pris par notre pays, notamment concernant le tableau de Klimt, a été salué unanimement et devait vous être soumis. Il fallait aller vite, mettre en œuvre ces restitutions dont certaines – c'est le cas du tableau de Sannois – étaient en attente depuis plusieurs années, mais je suis favorable à l'adoption d'une loi-cadre permettant la création d'un dispositif de restitution des œuvres spoliées dans le cadre des persécutions antisémites entre 1933 et 1945.

Nous y viendrons : c'est une étape qui s'imposera. La réflexion actuelle sur une loi-cadre relative à la restitution des biens d'origine coloniale voulue et annoncée par le Président de la République en octobre dernier nous engage sur le même terrain pour ce qui concerne les spoliations antisémites de la période allant de 1933 à 1945. Un nouveau dispositif est souhaitable. Il doit cependant être affiné et ne peut être mis en œuvre à la toute fin du quinquennat. Le ministère y a travaillé, mais vous voyez la complexité des dossiers : les critères de spoliation comme les bornes géographiques et temporelles doivent être pesés avec précaution.

Pour l'heure, dans l'attente de l'aboutissement de ces travaux, nous souhaitons faire sortir ces œuvres du domaine public. C'est une avancée majeure, mais il y aura d'autres restitutions et nous saurons proposer un nouveau dispositif.

Nous n'évoquons pas ce soir un projet de loi ordinaire : il constitue véritablement une première étape initiée par la France pour permettre, pour la première fois, la restitution d'œuvres des collections publiques nationales ou territoriales spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale ou acquises dans des conditions troubles pendant l'Occupation en raison de persécutions antisémites. Je souhaite donc que ce beau texte puisse tous nous rassembler.

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C'est un honneur pour moi et pour chacun de nous de participer ce soir à l'examen de ce texte qui procède véritablement de notre devoir de mémoire individuel et collectif. C'est grâce à votre action volontariste, madame la ministre, qu'il peut être présenté avant la fin de cette législature.

Comme le reconnaissait le Président Jacques Chirac en 1995, l'État français a, durant la Seconde Guerre mondiale, commis l'irréparable en participant à la perpétration de crimes antisémites.

Parmi ces crimes figurent sans conteste les spoliations, c'est-à-dire les dépossessions par violence ou par fraude auxquelles les autorités françaises se sont livrées. Commencées dès 1940, elles ont touché très majoritairement des familles juives, qu'elles ont privées, parfois sous le couvert de prétendues lois, d'œuvres d'art, de comptes bancaires, d'entreprises, de livres ou encore d'instruments de musique. Leurs descendants, leurs héritiers, se battent aujourd'hui pour récupérer ce qui constitue une part de l'histoire familiale, parfois la seule trace matérielle de l'existence d'un ancêtre victime de la Shoah.

Ce texte ne réparera pas l'irréparable, c'est indéniable. Mais en remettant ou en restituant quatorze œuvres aux ayants droit de trois propriétaires spoliés, il contribuera à acquitter une partie de la dette imprescriptible que l'État conserve à leur égard.

Les œuvres à restituer ou à remettre appartiennent aux collections publiques, c'est-à-dire au domaine public de l'État pour les articles 1 et 2, et d'une collectivité territoriale pour l'article 3. Elles sont, de ce fait, inaliénables. Il nous revient donc de les faire sortir explicitement des collections publiques pour pouvoir autoriser leur retour à leur propriétaire légitime. À ce titre, le dispositif juridique des articles est relativement simple.

L'article 1er autorise la sortie des collections publiques du tableau de Gustav Klimt, Rosiers sous les arbres, conservé au musée d'Orsay. Il sera restitué aux ayants droit de Nora Stiasny, une femme autrichienne de confession juive qui avait été contrainte de le vendre à vil prix – moins de 15 % de sa valeur – face à la nécessité impérieuse de se procurer des liquidités pour s'acquitter des taxes imposées aux Juifs. Le musée d'Orsay avait acquis ce tableau en 1980, avant que des recherches autrichiennes puis françaises n'établissent la spoliation.

L'article 2 autorise la remise de douze œuvres que l'État a achetées au cours d'une vente aux enchères en 1942 à Nice. Si la vente en elle-même ne constituait pas une spoliation, le fait que le produit de cette vente ait été rendu indisponible pour les héritiers jusqu'à la Libération en raison des lois d'aryanisation de Vichy justifie aujourd'hui des mesures de réparation.

Enfin, l'article 3 autorise la restitution d'un tableau de Maurice Utrillo acheté par la ville de Sannois en 2004 au cours d'une vente publique à Londres. Il a été établi en 2018 qu'elle provenait d'un pillage par l'organisation allemande de pillage des œuvres d'art, l'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), du domicile de son propriétaire, le collectionneur Georges Bernheim.

Mais au-delà des aspects techniques et juridiques, il s'agit surtout d'un texte sans précédent dans notre histoire qui permettra pour la première fois d'organiser dans la loi la restitution de biens spoliés à des personnes physiques, des particuliers. C'est un moment important que celui que nous vivons. Il sera très observé, notamment à l'étranger. La France, en effet, accuse un retard certain dans les restitutions, même si de grands progrès ont été faits ces dernières années. L'adoption de ce texte enverra un signal particulièrement fort en Allemagne, où ces restitutions sont organisées de manière exemplaire depuis plusieurs années, mais aussi en Israël et aux États-Unis, où les descendants de victimes de spoliations antisémites sont nombreux.

Un certain nombre d'œuvres ont déjà été restituées, en particulier celles qui répondent au statut dit des MNR – Musées nationaux récupération – qui ont été retrouvées en Allemagne en 1945 puis rapportées en France. Ces œuvres, dont l'origine spoliatrice était, en quelque sorte, présumée, sont placées sous un statut particulier qui permet leur restitution sans recours au législateur. Environ 200, sur les 2 000 qui sont conservées dans les musées français, ont déjà été restituées.

Celles que nous évoquons ce soir n'appartiennent pas à cette catégorie et montrent à quel point il est désormais nécessaire de porter notre regard, non pas uniquement sur des œuvres retrouvées en Allemagne à la fin des conflits, mais bien sur l'ensemble des œuvres des collections publiques.

Cela recouvre d'abord les œuvres acquises par l'État ou par les musées pendant la Seconde Guerre mondiale, telles que celles visées par l'article 2 mais également, beaucoup plus largement, des œuvres acquises bien après la fin du conflit et dont le parcours entre 1933 et 1945 semble incertain ou suspect. Les articles 1er et 3 du projet de loi sont des exemples de telles acquisitions, en 1980 pour le tableau de Gustav Klimt, en 2004 pour celui de Maurice Utrillo. Ce ne sont très probablement pas des cas isolés.

Au-delà de son contenu même, ce texte est aussi l'occasion de nous pencher sur l'histoire des politiques de restitution en France. Des évolutions récentes ont eu lieu à cet égard depuis une trentaine d'années. Les années 90, d'abord, ont été marquées par la reconnaissance de la responsabilité de l'État dans ces crimes et l'émergence de la question sur la scène internationale. L'adoption des principes dits « de Washington », en 1998, par lesquels les États s'engagent à trouver une solution juste et équitable à ces situations, puis le renouvellement de ces engagements dans les années 2000, sont des actes forts.

Ces évolutions se sont accélérées dans les années 2010, marquées, en 2012, par la découverte d'une collection de plus de 1 500 œuvres chez Cornelius Gurlitt, fils du marchand d'art Hildebrand Gurlitt, qui était chargé d'acquérir des œuvres destinées au musée de Linz, le projet de musée gigantesque d'Hitler. Le renouveau de la question des restitutions se traduit, en France, par le début des recherches proactives de l'État – sans attendre la saisine des familles – et par la création d'une mission spécialisée au ministère de la culture.

Il se traduit également par les démarches engagées par les institutions muséales et, plus largement, par tous les acteurs du marché de l'art. Systématisation des recherches de provenance, ouverture d'archives, formation des conservateurs du patrimoine : les évolutions sont nombreuses et à saluer. Nous espérons qu'elles se poursuivront et se concrétiseront par une augmentation du nombre des restitutions, et par une accélération des procédures qui prennent parfois de longues années.

Or l'accélération des recherches en vue de la restitution de l'ensemble de ces œuvres est bien plus qu'un devoir : une véritable urgence compte tenu notamment de l'âge des héritiers en mesure d'identifier des œuvres ayant appartenu à leurs aïeux.

Les enjeux éthiques, artistiques, diplomatiques, juridiques et économiques de ces restitutions sont importants. À cet égard, il convient de rappeler qu'elles n'ont pas pour unique objet de compenser un préjudice matériel, mais bien de rétablir un titre de propriété légitime. Il s'agit, surtout, de garantir le respect de la dignité des victimes de la barbarie nazie et des persécutions antisémites auxquelles les autorités françaises ont contribué et qu'elles se doivent aujourd'hui de réparer dans toute la mesure de leurs moyens.

Au-delà, il en va aussi de l'éthique des collections, des institutions muséales et des personnes publiques. Nos musées ne peuvent en aucun cas conserver des œuvres sur lesquelles l'origine ou le parcours projettent une tache indélébile. Ils en sont parfaitement conscients et sont très déterminés à aller dans ce sens.

Bien sûr, nous pouvons entendre, et nous l'avons d'ailleurs entendu, que le recours au législateur pour autoriser ces restitutions est malaisé, compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour, ou encore des délais qu'implique la navette parlementaire dont on ne peut pas décemment faire pâtir les ayants droit en attente d'une restitution. L'exemple que fournit l'article 3 est à cet égard parlant : alors que la restitution a été décidée par la ville de Sannois en mai 2018, c'est près de quatre ans plus tard que sera votée la loi qui l'autorise.

Cependant, la réflexion sur une loi-cadre n'est pas encore terminée : comment définir les critères, le champ géographique ou temporel des actes considérés comme spoliateurs ? Quelles œuvres, quels objets seraient concernés ? Nous ne pourrons pas faire l'économie de cette réflexion, au demeurant déjà bien engagée au ministère de la culture. Mais le moment n'est pas encore venu notamment parce que nous voulons voir le présent texte aboutir aussi rapidement que possible, de manière à rendre sans attendre les œuvres à leurs propriétaires légitimes.

Pour conclure, je voudrais rendre hommage à toutes les personnes qui se sont engagées, individuellement ou collectivement, dans la défense des familles juives dépossédées, mais aussi, plus largement, dans la défense de l'art.

Je pense, bien sûr, à Rose Valland, qui, grâce à son travail de résistance et d'espionnage pendant l'occupation allemande en tant qu'attachée de conservation du musée du Jeu de Paume, a œuvré pour que soient documentés un grand nombre de transferts de biens culturels, ce qui nous permet aujourd'hui d'en assurer la restitution. Je pense aussi à Jean Mattéoli, dont le rapport de 1997 sur la spoliation des Juifs de France a fait date. Je pense également aux institutions qui travaillent au quotidien à ces restitutions et que j'ai eu l'honneur, pour certaines, d'entendre pour élaborer mon rapport – la commission d'indemnisation des victimes de spoliation et la mission de recherche et de restitution des biens spoliés. Je sais l'engagement de leurs personnels. L'Institut national d'histoire de l'art et l'Institut national du patrimoine font également un travail immense, de même que les musées. Enfin, des personnalités engagées, telles qu'Emmanuelle Polack, historienne de l'art et chercheuse de provenance pour le musée du Louvre, accomplissent une mission remarquable et doivent être remerciées.

Un dernier mot, enfin, pour dire que les restitutions seront, sans aucun doute, appelées à se multiplier dans les années à venir. Ce projet de loi, même s'il constitue une première étape très importante, est non pas un aboutissement mais bien le premier pas d'une démarche que nous devrons prolonger et accentuer.

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La fin de la législature approche et, depuis juin 2017, nous avons examiné pas moins de quarante-sept textes au sein de notre commission des affaires culturelles, dont douze projets de loi. Celui qui nous occupe ce soir est tout à fait singulier et a une grande portée symbolique, puisqu'il se réfère à une page sombre, pour ne pas dire noire, de l'histoire de France. Il nous renvoie aux années de collaboration avec les forces nazies et à leur politique de spoliation, intimement liée à un projet génocidaire.

Dans son livre Arthur ou le bonheur de vivre, qu'elle a fait paraître en 1997, à l'âge de 81 ans, Françoise Giroud écrit que personne n'est capable d'expliquer comment, au XXe siècle, au cœur de l'Europe des Lumières, un pays chrétien de haute civilisation a basculé dans la barbarie, une Allemagne national-socialiste entièrement consentante, enivrée par cette forme de fascisme qu'a été l'hitlérisme. Ce constat d'une explication impossible, nous le faisons nous aussi à propos du régime de Vichy qui, soumis à l'Allemagne, a pleinement collaboré avec l'ennemi, en particulier à partir de 1942.

La décision du Gouvernement de restituer ou de remettre certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites vise, non à réparer l'irréparable, mais à reconnaître des actes : des spoliations qui ont touché principalement des familles juives ; des spoliations qui se sont attaquées au patrimoine privé de ces familles. Restituer un tableau ou un dessin, c'est aussi restituer une part de l'identité, de la mémoire d'une personne, celle du propriétaire spolié. Cette reconnaissance individuelle est attendue par les familles. Comme l'a précisé si justement, lors de son audition, Emmanuelle Polack, chargée de mission au musée du Louvre et spécialiste du marché de l'art sous l'Occupation, il s'agit bien d'une dette rémanente de la France envers son passé, d'une reconnaissance voulue et souhaitée par le Gouvernement. Ce n'est pas le tableau qui répare ; c'est la reconnaissance des victimes qui est recherchée.

En juillet 2017, dans les pas de Jacques Chirac qui avait prononcé pour la première fois en 1995 un discours sur la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs durant l'Occupation, Emmanuel Macron affirme à son tour, lors de la commémoration de la rafle du Vél' d'Hiv, que la France, en reconnaissant ses fautes, a ouvert la voie aux réparations des persécutions et des spoliations antisémites. Au fond, l'initiative du Président de la République, relayée par le Premier ministre et par vous-même, madame la ministre de la culture, de restituer ou de remettre ces biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires, est conforme à la volonté exprimée par les Français d'assumer les pages sombres de leur histoire et de permettre ainsi aux jeunes générations de se projeter dans l'avenir, dégagées d'une responsabilité qu'elles n'ont pas à porter. L'opinion publique est tout acquise à cette cause et les jeunes, en particulier, réclament l'accélération d'un travail de mémoire sur un sujet trop longtemps occulté.

Permettez-moi de faire un parallèle avec un autre projet de loi voté à l'unanimité par cette assemblée, celui relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal. Nous avons mesuré, à cette occasion, combien la jeunesse afrodescendante attendait la restitution, à ces deux pays d'Afrique subsaharienne, d'objets culturels mal acquis par notre pays. La France, avec ce projet de loi, leur a apporté un début de réponse.

Actons ensemble que, depuis les années 1990, les musées ne peuvent plus faire l'économie des questions de provenance. Nous avons constaté, au cours de nos auditions, que le monde des musées et des collections publiques françaises a pris conscience de ces enjeux. Il en est de même des grandes maisons de vente, comme des grandes galeries internationales qui exposent des œuvres issues de collections privées. Si une première vague de restitutions a bien été menée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après l'établissement du statut « Musées nationaux récupération », il s'en est suivi plusieurs décennies d'inactivité.

Créée en 1999, la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations a déjà permis de verser plus de 500 millions d'euros d'indemnités au titre des spoliations matérielles. En juillet 2018, Édouard Philippe, alors Premier ministre, a réaffirmé cet engagement politique et appelé la CIVS et le ministère de la culture à accentuer leurs efforts pour identifier les œuvres spoliées et les restituer à leurs propriétaires légitimes. En 2019 a été créée la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, dirigée par M. David Zivie. Les différentes auditions nous ont confirmé que les programmes de recherche sont désormais lancés par les différents acteurs concernés. Aujourd'hui, un musée n'achèterait plus, comme il l'a fait en 1980, un tableau comme Rosiers sous les arbres, de Gustav Klimt, dont la provenance inspirerait au minimum des doutes. Le principe de précaution serait appliqué.

Il nous est demandé, chers collègues, d'acter le déclassement de quinze œuvres considérées comme mal acquises, qu'il est grand temps de rendre aux ayants droit de leurs propriétaires, victimes de spoliations antisémites. Il s'agit d'un texte historique et symbolique, et le groupe La République en marche le votera.

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Ce projet de loi nous offre l'occasion de défendre une action de la République pour l'honneur. La restitution des œuvres listées par ce texte aux ayants droit d'Eleonore Stiasny, Armand Dorville et Georges Bernheim est dictée par un impératif de justice et de réparation face aux crimes du passé. Il est effectivement important de réparer les injustices commises aux heures sombres de l'histoire.

Organiser la restitution et la remise de ces œuvres aux ayants droit des propriétaires victimes de persécutions antisémites, c'est poursuivre le combat contre les horreurs de la folie nazie. C'est continuer de mettre en échec les odieux desseins de ce régime de haine aux ambitions génocidaires et de ses complices. De tels enjeux justifient que l'on déroge au principe d'inaliénabilité des collections publiques. Je tiens à saluer l'important travail effectué par la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations. Ses recherches longues et ardues ont permis de rétablir la vérité sur l'histoire de certaines œuvres au parcours tumultueux. Elles nous permettent de veiller à l'irréprochabilité des collections publiques, en restituant aux victimes de la barbarie les œuvres qui leur ont été soustraites.

Ce patient travail de mémoire permettra de préserver l'aura bienfaitrice de nos établissements culturels. Il importe que nos musées restent de lumineux temples des arts et du savoir et qu'aucune ombre ne vienne assombrir les collections qu'ils renferment. Les tableaux Rosiers sous les arbres de Gustav Klimt et Carrefour à Sannois de Maurice Utrillo, les œuvres de Jean-Louis Forain, Constantin Guys, Pierre-Jules Mène, Henry Bonaventure Monnier ou encore Camille Roqueplan sont autant de richesses culturelles que nos collections publiques auraient tort de conserver, au risque de contribuer à la spoliation des ayants droit de leur propriétaire. Voilà pourquoi, avec le groupe Les Républicains, nous voterons en faveur de ces restitutions et remises d'œuvres. J'ajoute qu'il est de notre devoir d'afficher une position unanime en faveur de cette action juste.

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Mon groupe se félicite de ce projet de loi et remercie sincèrement le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, de nous le soumettre. Je tiens également à féliciter la rapporteure pour son travail.

C'est un projet de loi de réparation et de justice qui nous est soumis et ce sont quinze œuvres qui sont inscrites à l'ordre du jour de notre commission. Deux d'entre elles ont fait l'objet d'une spoliation par les nazis avant d'entrer dans les collections publiques ; les douze autres ont été achetées par l'État pendant l'Occupation. La vente n'était pas spoliatrice, mais placée sous administration provisoire par les autorités de Vichy. Le représentant des musées nationaux avait donc connaissance des mesures mises en œuvre à l'encontre des vendeurs. Nous soutenons également l'amendement du Gouvernement, qui va permettre la restitution rapide du tableau Le père de Marc Chagall aux ayants droit de David Cender.

Ces mesures, ce sont celles que la France imposait aux Juifs, ce sont les persécutions antisémites que nous ne pouvons nier. Il était temps de sortir ces œuvres des collections publiques pour les rendre aux ayants droit de leurs propriétaires légitimes. Votre gouvernement l'a fait, madame la ministre, et les députés démocrates s'en réjouissent. En 2020, nous encouragions déjà une logique similaire, celle de la restitution des vingt-six œuvres des trésors royaux d'Abomey à la République du Bénin et du sabre avec fourreau dit d'El Hadj Omar Tall, à la République du Sénégal. Il ne s'agit certes pas, ici, de restituer des biens culturels à des États, mais l'objectif est le même : faire face à notre histoire dans sa globalité, sans faux-semblants, et faire ce qui est nécessaire pour avancer.

Les efforts accomplis en la matière par le président Emmanuel Macron à l'égard du continent africain, principalement de l'Algérie, sont admirables. Avec ce texte, la France rend justice à quelques citoyens, les ayants droit des victimes de spoliations et, surtout, elle se réconcilie avec elle-même. Il s'agit aussi de répondre à une demande forte du monde de la culture, des musées et des bibliothèques et nous rendons ici hommage à leur choix. Les travaux de la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France, dite « mission Mattéoli », ont permis des avancées importantes dans la connaissance des processus de spoliation et méritent également d'être cités. C'est l'honneur de la France que de prendre ces dispositions, notamment à l'heure où certains, dans la perspective des élections, et dans une logique de réécriture sordide de l'histoire, cherchent à réhabiliter le maréchal Pétain et le régime de Vichy.

Au plan international, la question de la nécessaire réparation des spoliations d'œuvres d'art s'est peu à peu imposée, particulièrement à travers l'adoption par quarante-quatre États, en 1998, des « principes de Washington » sur les œuvres d'art confisquées par les nazis. Madame la ministre, vous avez noté, au moment de l'annonce du projet du retour des Rosiers sous les arbres, que ce genre de restitution pourrait intervenir ailleurs, chez nos voisins européens, puisque notre histoire est commune. Qu'en est-il ? Savez-vous si d'autres initiatives ont été impulsées ?

Mon groupe votera ce texte.

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Nous sommes réunis pour acter la restitution de quinze œuvres d'art spoliées à leurs propriétaires par le régime nazi. Ces œuvres retrouveront leur propriétaire légitime et ces restitutions constitueront, sans nul doute, une étape supplémentaire dans la nécessaire réparation des abominations subies par le peuple juif. Nous le devons à ces hommes et à ces femmes dont la mémoire a été blessée, sans pour autant être détruite, et pour qui ces objets sont bien plus que de simples œuvres d'art. Si le processus de restitution est différent de celui adopté dans le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal, il n'en est pas moins indispensable. C'est un acte symbolique fort de notre République qui rappelle que la justice, elle, est intemporelle.

Le principe n'est pas d'attendre les demandes des familles pour procéder à la restitution de ces œuvres, mais de s'engager dans des actes réparateurs. Je salue l'extraordinaire travail réalisé par les musées, le ministère et la CIVS pour identifier ces spoliations, en vue de futures restitutions. Ce projet de loi va dans le sens d'une histoire qui apaise, qui réconcilie, qui nous rassemble. C'est un honneur pour le législateur de participer à ce processus. En quittant le musée d'Orsay, le Louvre, le château de Compiègne et la ville de Sannois, ces œuvres retrouveront la quiétude des biens rendus à leurs propriétaires et participeront au souvenir des aïeux des familles qui pourront les contempler à nouveau.

Si nous partageons la volonté politique de ce projet de loi, notre rôle de législateur est aussi de nous interroger sur le sens de la loi. Parce qu'elles appartiennent aux collections publiques, ces œuvres doivent être restituées par la voie législative, la seule à même de contourner les principes d'inaliénabilité, d'imprescriptibilité et d'insaisissabilité. Aussi, contrairement à ce qui est prévu pour les quelques 2 000 œuvres relevant du statut « Musées nationaux récupération » qui n'ont, à ce jour été ni restituées, ni vendues et qui peuvent faire l'objet d'une restitution dans un cadre juridique idoine, nous serions amenés à légiférer à chaque restitution d'œuvres spoliées appartenant à l'État. Nous ne souhaitons pas que ces restitutions soient examinées pour répondre à d'éventuelles stratégies politiques et, si le doute s'était un peu immiscé lors de la discussion précédente, nous sommes ici dans une tout autre démarche, que nous saluons totalement.

Vous l'avez souligné, madame la rapporteure, l'Allemagne et Israël nous ont devancés sur ces questions et nous comprenons aisément pourquoi il est temps d'accélérer la mise en œuvre de ces restitutions par la France. Or l'intervention du législateur pour chaque œuvre risque de ralentir considérablement un processus qui aura déjà été élaboré par des services tout à fait compétents. La justice, dans ces conditions, ne sera pas rendue dans un délai raisonnable. En outre, l'agenda parlementaire est constamment saturé, alors que les techniques des musées vont se perfectionner avec le temps et favoriser, je l'espère, de plus en plus de restitutions. Nous plaidons donc, comme la plupart des parlementaires, en faveur d'une loi-cadre ou d'un dispositif similaire à celui qui existe pour les MNR, qui offre un cadre sécurisant de restitution de ces œuvres, au bénéfice des familles injustement spoliées.

Cette réflexion globale ne saurait toutefois atténuer la volonté du groupe Socialistes et apparentés de voter ce projet de loi.

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Permettez-moi tout d'abord de lire un extrait de la dernière lettre du docteur Zacharie Mass, interné au camp de transit de Drancy, à sa femme Élisabeth : « Je ne te décrirai pas les moments d'angoisse que j'ai passés mais je suis heureux de ne pas te voir ici. J'espère que tu feras ce qu'il faut, je t'en supplie, pour éviter cela à tout prix. » Le 31 juillet 1943, Zacharie Mass a été déporté par le convoi n° 58 au camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz. En novembre, à bout de forces, il sera gazé et son cadavre brûlé. Des lettres comme celle-ci, il en existe des centaines et des centaines. Des lettres qui témoignent des arrestations, de la séparation des familles, de la détresse, de l'angoisse, de la stupeur, des doutes, de l'incompréhension et de l'espoir perdu. Des lettres qui racontent « ces heures noires [qui] souillent à jamais notre histoire » et qui « blessent [notre] mémoire », pour reprendre les mots de Jacques Chirac en 1995.

Durant ces jours funestes, la France commettait l'irréparable. Elle trahissait alors celles et ceux qui lui faisaient confiance. Elle trahissait ses propres citoyens. Nos valeurs fondamentales étaient défendues par la Résistance, par la France libre, par les Justes qui surent, au même moment, incarner cette grandeur avec courage. Le 16 juillet 1995, pour la première fois, un Président de la République reconnaissait la responsabilité de l'État français dans la collaboration et la déportation des Juifs de France. Jacques Chirac ouvrait la voie, la voie de la vérité. Il s'ensuivra en 1997, à la demande d'Alain Juppé, l'installation d'une mission d'étude confiée à Jean Mattéoli sur la spoliation des Juifs de France. En 1999, le gouvernement de Lionel Jospin créera une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations. Depuis, cette commission a enregistré plus de 29 000 dossiers et permis de verser plus de 540 millions d'euros d'indemnités au titre des spoliations matérielles.

Néanmoins, il est un domaine dans lequel nous devons encore avancer : c'est celui de la restitution des biens culturels. De nombreuses œuvres dont les Juifs ont été spoliés, ou qu'ils ont été forcés de vendre durant l'Occupation, se trouvent dans les collections publiques. C'est un long travail de recherche que nous devons aux victimes. Nous le devons à leur mémoire et à leurs descendants : c'est une question de morale, de dignité, de respect et d'honneur. En 2018, le Gouvernement s'était engagé à poursuivre ces recherches. Le Premier ministre, Édouard Philippe, avait alors appelé la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations et le ministère de la culture à accentuer leurs efforts afin d'identifier les œuvres et de les restituer.

Ce projet de loi permettra la restitution de quatorze tableaux, dessins et sculptures des collections publiques françaises aux ayants droit de victimes juives spoliées avant et pendant la Seconde Guerre mondiale : il s'agit de Rosiers sous les arbres, le chef-d'œuvre de Klimt conservé au musée d'Orsay, de onze dessins de Jean-Louis Forain, Constantin Guys, Henry Monnier et Camille Roqueplan, d'une cire de Pierre-Jules Mène, et d'un tableau de Maurice Utrillo. Nous nous réjouissons que le Gouvernement permette de faire sortir également une quinzième œuvre des collections nationales, afin de la restituer à ses propriétaires spoliés.

Madame la ministre, nous soutenons votre texte avec beaucoup de conviction, tout comme nous soutenons l'engagement du Président de la République à poursuivre ce devoir moral essentiel. Ce projet de loi constitue pour notre groupe une avancée importante sur le long chemin des restitutions. Ce travail pour la justice et contre l'oubli doit tous nous rassembler. Nous rassembler pour faire vivre la mémoire de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants spoliés, déportés et exterminés par la folie criminelle d'autres hommes. Nous rassembler afin de combattre les résurgences de l'inacceptable et toutes les tentatives de remise en cause de la vérité historique. Nous rassembler, enfin, autour de la défense de nos valeurs et de nos principes universels, et d'une certaine idée de l'humanité. Oui, madame la ministre, nous soutenons aussi le principe d'une loi-cadre et nous voterons avec beaucoup de détermination votre projet de loi.

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L'histoire étudie les constructions sociales, les politiques ou les interactions humaines, afin de permettre à tout un chacun de mieux s'inspirer du passé, des réussites comme des erreurs, pour construire l'avenir. Mais l'étude historique ne juge pas les faits. C'est aux descendants, héritiers successifs de ce passé, de tirer les leçons des événements qui composent notre récit commun. C'est aux hommes et aux femmes politiques qui les représentent de savoir prendre leurs responsabilités pour assumer cette histoire, même ses parts les plus sombres. Et lorsqu'on est un vieux pays d'un vieux continent qui a connu une histoire riche et diverse depuis tant de siècles, il faut savoir regarder son passé en face. C'est exactement ce qu'a fait avec courage le Président Jacques Chirac, le 16 juillet 1995, en reconnaissant la responsabilité de l'État français dans les atrocités qui avaient été commises au cours de la Seconde Guerre mondiale. Et c'est l'honneur de ce Président, l'honneur de la France, que d'avoir su reconnaître sans détours l'implication de certaines autorités françaises dans ces heures sombres.

À l'heure où certains voudraient refaire l'histoire et lancer dans le débat public des discussions qui n'ont plus lieu d'être, on ne peut que se féliciter que ce projet de loi, qui reprend des recommandations de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations, nous soit soumis. Dans la mesure où, selon le rapport Mattéoli, une centaine de milliers d'œuvres ont été pillées en France durant la Seconde Guerre mondiale, les autorités françaises doivent faire preuve de la plus grande vigilance lorsque des achats sont effectués pour les collections publiques. Et, puisqu'on estime que seules 45 000 œuvres ont été rendues à leurs ayants droit, je voudrais savoir si un contrôle s'exerce aussi sur les ventes privées. L'art est de plus en plus perçu comme un investissement et son marché devient parfois opaque, tant et si bien que certaines œuvres ne quittent presque plus les coffres-forts ou les hangars portuaires surprotégés.

Dans ce contexte plein d'incertitudes, il faut saluer l'initiative commune de l'Institut national d'histoire de l'art et d'une université berlinoise de mettre en ligne des archives jusqu'ici protégées, afin de mieux connaître les réseaux des 150 principaux acteurs du marché de l'art parisien durant l'Occupation. Cette action permettra probablement de retrouver de très nombreuses œuvres et de nombreux ayants droit, qui ignorent encore toute une partie de leur histoire familiale. Comme il a pu le faire durant la dernière décennie avec les œuvres relevant du statut MNR, l'État adoptera-t-il une politique pour aller vers les ayants droit que ces archives permettront de retrouver ? La CIVS entend-elle travailler en collaboration avec ces historiens ?

Quoi qu'il en soit, je tiens à vous remercier, madame la ministre, madame la rapporteure, pour votre travail et votre engagement. Cet engagement continue, puisque je crois savoir que le Gouvernement a déposé un amendement prévoyant la restitution d'une œuvre supplémentaire. Le groupe UDI et Indépendants soutient votre initiative et se félicite que nous puissions avancer sur ce sujet avant la fin du quinquennat.

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Notre groupe partage la volonté de restituer leurs biens culturels aux ayants droit de propriétaires victimes de persécutions antisémites. Il est impératif de poursuivre et d'amplifier notre politique publique de réparation des spoliations antisémites. Nous le savons, la spoliation a fait partie intégrante du régime nazi et de son projet génocidaire. Il s'agit donc d'apporter une forme de réparation à ses victimes et à leurs héritiers, alors même que ces œuvres d'art spoliées sont les vestiges d'un crime immense, les traces de l'une des plus grandes tragédies de l'humanité.

Il s'agit aussi de reconnaître la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs de France, dans la droite ligne du discours du Président Jacques Chirac de 1995 car, pour reprendre ses mots, « nous conservons à leur égard une dette imprescriptible ». Il est indéniable qu'une partie des spoliations est due à l'action du gouvernement de Vichy, qui a confisqué et vendu les biens des Juifs dans le cadre de la législation antisémite. Il est donc de la responsabilité de l'État d'assurer les travaux de recherche, de restituer les œuvres aux ayants droit et de les indemniser.

J'aimerais vous interroger, madame la ministre, à propos de la collection d'Armand Dorville. Ses héritiers ont assigné l'État devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de constater la nullité de la vente de 1942. Le Conseil d'État s'interroge sur le caractère prématuré de la remise de ces œuvres. Pouvez-vous nous éclairer sur cette question ?

Notre groupe insiste par ailleurs sur la nécessité d'accentuer l'effort de recherche de provenance : celle-ci, intervenue tardivement dans notre histoire, est encore trop lente. Les recherches doivent porter non seulement sur les œuvres « Musées nationaux récupération » mais également sur nos collections publiques. Le caractère inaliénable de ces dernières ne nous affranchit pas de toute réflexion éthique et nous oblige même à faire preuve d'exemplarité.

Cela implique de mieux former les jeunes diplômés et les professionnels à l'activité de chercheurs en provenance. La lutte contre la circulation illégitime des œuvres est en effet un enjeu culturel, éthique et diplomatique. Nous l'avons rappelé à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal. Qu'il s'agisse de captations patrimoniales ayant participé au système colonial, de biens spoliés durant les persécutions nazies ou encore d'objets déplacés lors de conflits, il est essentiel de répondre scientifiquement et juridiquement aux quêtes des propriétaires légitimes ou de leurs héritiers.

Pour la première fois, des œuvres seront restituées à des particuliers et non à un État. La recherche des ayants droit, parfois ardue, soulève la question des moyens que l'État peut lui consacrer et de la procédure retenue pour définir, de manière sécurisée, les successions. Pouvez-vous nous éclairer sur ces aspects, madame la ministre ? Nous devons tout faire pour faciliter cette quête et trouver des solutions justes pour chacun. Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et Territoires votera en faveur de ce texte inédit.

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À mon tour, je me félicite de l'examen de ce projet de loi. Toutefois, en cohérence avec ma position sur le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, je ne suis pas favorable au principe d'une loi-cadre.

En effet, je ne crois pas opportun de dessaisir le pouvoir politique de sa capacité à restituer des biens culturels au profit d'une procédure purement administrative. Une telle loi aurait vocation à s'appliquer à tous les biens susceptibles d'être restitués car nous ne pouvons pas, sous peine de créer une compétition mémorielle, privilégier certains biens culturels plutôt que d'autres. Or nous sommes confrontés à des œuvres issues d'espaces géographiques très divers, avec des modes d'acquisition qui varient : il ne s'agit pas toujours de biens ayant fait l'objet de spoliation dans un contexte colonial ou guerrier. L'ensemble de ces facteurs suppose une mobilisation pléthorique d'experts et l'élaboration de critères suffisamment larges pour permettre de tout restituer.

Je tire également toutes les leçons des dysfonctionnements de la Commission scientifique nationale des collections, à laquelle le Sénat avait souhaité confier ce rôle. Avec une loi-cadre, nous prendrions le risque de définir des critères si complexes et une procédure si lourde que nous échouerions à restituer les œuvres.

En revanche, je partage l'ambition de donner au processus de restitution une autre échelle. Cela passe par un important travail d'étude et de conservation dans les musées, y compris les musées des collectivités territoriales, pour déterminer la provenance des œuvres et faciliter l'instruction des processus de restitution. Ma question est donc simple : quels leviers permettraient d'intensifier ce travail indispensable ?

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Roselyne Bachelot, ministre

Tout d'abord, je me félicite de l'avis unanime qui salue le travail effectué par l'ensemble des services, par le ministère et par la rapporteure sur ce sujet singulier et emblématique.

Des processus semblables existent en Europe : pratiquement tous les pays concernés – Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Royaume-Uni – mènent des politiques de restitution, selon des modalités diverses. Un travail collaboratif très important est effectué entre les équipes à l'international.

Faut-il une loi-cadre ? C'est un vrai débat. D'un côté, la loi-cadre permet d'activer des dossiers en souffrance depuis très longtemps et d'accélérer les procédures – les restitutions que nous examinons aujourd'hui sont parfois pendantes depuis plusieurs années – mais, de l'autre, sur le principe d'inaliénabilité des collections publiques, dessaisir le Parlement pour le confier à une commission administrative est un sujet qui mériterait d'être creusé et d'échapper à des visions parfois simplistes. Chaque dossier est un cas unique, et aucune procédure de restitution ne ressemble à une autre.

Concernant le dossier Dorville, l'État a suivi la recommandation de la CIVS, qui a proposé la remise des œuvres, considérant que la vente de 1942 n'était pas spoliatrice car elle avait été décidée par les héritiers, qui en avaient touché le produit et ne l'avaient pas remise en cause après la guerre. Elle a cependant recommandé, au nom de l'équité, que les douze œuvres achetées par l'État soient remises aux ayants droit en raison du « contexte trouble » de la vente, avec des contacts entre les représentants des Musées nationaux et l'administrateur provisoire nommé par le Commissariat général aux questions juives. Pour cette raison, nous procédons à une remise et non une restitution – les mots ont leur importance.

Cependant, les ayants droit souhaitent faire reconnaître le caractère spoliateur de la vente et faire annuler celle-ci par le juge judiciaire afin d'obtenir la restitution de ces douze œuvres et de neuf autres entrées dans les collections publiques depuis la guerre. Ce contentieux, dont l'issue devrait être connue à l'été, n'aura pas de conséquence sur le projet de loi. En effet, si le juge annule la vente, le résultat sera le même : les œuvres seront rendues à la famille. Le projet de loi répond donc déjà en grande partie à l'objectif poursuivi, en permettant la remise de douze œuvres sur les vingt et une demandées. La famille n'ayant pas exercé de recours contre la décision de l'État, prise sur recommandation de la CIVS, il n'y a pas lieu de ne pas l'appliquer.

Enfin, nous travaillons avec les historiens au sein de la CIVS et avec l'ensemble des spécialistes. Je pense avoir répondu aux questions précises qui m'ont été posées, et je me félicite une nouvelle fois de cette belle unanimité.

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Je suis moi aussi très heureuse de l'unanimité qui ressort de toutes ces interventions – je n'en doutais d'ailleurs pas.

Le présent projet de loi porte sur des cas d'espèce. Toutefois, les personnes que j'ai auditionnées ont toutes évoqué la nécessité de simplifier la procédure pour permettre de restituer des œuvres le plus régulièrement possible. Il aura fallu quatre ans pour rendre l'œuvre d'Utrillo alors que la décision avait été prise par la ville de Sannois en 2018 : cela illustre le problème posé par l'encombrement législatif.

Ce texte est un exemple probant puisqu'il concerne trois situations différentes, et même quatre si l'on ajoute le Chagall. Il faut éviter de définir des critères trop stricts, qui empêcheraient certaines restitutions pourtant légitimes, mais aussi des critères trop larges, qui pourraient menacer le respect de l'inaliénabilité et de l'intégrité du patrimoine national. La réflexion sur ce sujet doit être entamée car elle est demandée par nombre d'acteurs du marché de l'art, notamment les musées, qui en parlent très librement.

La commission passe ensuite à l'examen des articles.

Article 1er : Restitution du tableau Rosiers sous les arbres de Gustav Klimt aux ayants droit de Mme Eleonore Stiasny

La commission adopte successivement l'amendement AC8, de précision, et les amendements AC2 et AC3, rédactionnels, de Mme Fabienne Colboc.

Elle adopte l'article 1er modifié.

Article 2 : Remise de douze œuvres issues de la succession de M. Armand Dorville à ses ayants droit

La commission adopte successivement l'amendement AC9, de précision, et les amendements AC5 et AC4, rédactionnels, de Mme Fabienne Colboc.

Elle adopte l'article 2 modifié.

Article 3 : Restitution du tableau Carrefour à Sannois de Maurice Utrillo aux ayants droit de M. Georges Bernheim

La commission adopte successivement l'amendement AC10, de précision, et les amendements AC7 et AC6, rédactionnels, de Mme Fabienne Colboc.

Elle adopte l'article 3 modifié.

Après l'article 3

Amendement AC1 du Gouvernement et sous-amendements AC12, de précision, AC13 et AC11, rédactionnels, de Mme Fabienne Colboc.

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Roselyne Bachelot, ministre

Certaines de ces histoires seraient presque romanesques si elles n'étaient pas si abominables et tragiques. L'affaire du tableau de Marc Chagall pourrait presque faire un scénario de film.

L'amendement prévoit de faire sortir des collections nationales le tableau de Marc Chagall intitulé Le Père, conservé par le Musée national d'art moderne. Cette œuvre, entrée dans les collections nationales par dation en paiement des droits de succession en 1988, sans aucune connaissance d'une éventuelle provenance problématique ni par la famille ni par l'État, s'est révélée très récemment avoir été volée à Lodz, en Pologne, à David Cender, pendant ou après le transfert des Juifs vers le ghetto de la ville en 1940. Les recherches menées par le ministère de la culture et le Musée national d'art moderne montrent que le tableau n'a plus été la propriété de l'artiste à partir d'une date inconnue, sans doute entre 1914 et 1922, avant d'être probablement racheté par Marc Chagall, sans doute après 1947 et au plus tard en 1953.

En 1958, dans le cadre des procédures d'indemnisation ouvertes par la République fédérale allemande, David Cender déclare le vol de plusieurs œuvres, en décrivant précisément le tableau et en produisant plusieurs témoignages. En 1965, dans le cadre de l'instruction du dossier, Franz Meyer, l'auteur du catalogue raisonné de l'artiste et gendre de ce dernier, considère que le tableau décrit par David Cender peut correspondre à un tableau de Chagall. En 1966, il fait lui-même le lien avec le tableau Le Père, dont il précise qu'il appartient, à cette date, à l'artiste. Si les autorités allemandes n'indemnisent pas David Cender car il n'était pas prouvé que le tableau avait été envoyé en Allemagne, critère de l'indemnisation, elles reconnaissent, en 1972, la propriété de ce dernier sur cette œuvre, ainsi que sa spoliation.

Compte tenu de ces éléments et du fait que les spécialistes estiment que Chagall n'a peint qu'une seule œuvre telle que Le Père, il apparaît que ce tableau peut être identifié comme la toile volée à David Cender dans le cadre des persécutions antisémites et doit de ce fait être restituée à ses ayants droit.

La conclusion des recherches sur la provenance de l'œuvre n'a été connue qu'après le dépôt du projet de loi. En conséquence, le Gouvernement propose, afin de ne pas retarder la restitution du tableau, d'inclure dans son projet de loi, par amendement, un article supplémentaire à cet effet.

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Je suis très favorable à cet amendement. Les recherches n'ont abouti que très récemment et l'opportunité d'inscrire cette restitution dans le projet de loi doit impérativement être saisie pour ne pas retarder davantage le retour de l'œuvre à ses légitimes propriétaires.

La commission adopte successivement les sous-amendements et l'amendement sous‑amendé.

Elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.

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Roselyne Bachelot, ministre

Je dois dire l'émotion qui m'a saisie, lors de la cérémonie d'annonce de la restitution du tableau de Klimt, en contemplant cette œuvre chargée d'histoire. Après la cérémonie, les descendants m'ont envoyé la photo de leur aïeule dans son jardin, avant le désastre absolu que constitue la Shoah. Je conserve précieusement l'image de cette famille disparue, témoignage de l'ardente obligation que nous avons partagée ce soir.

La séance est levée à vingt-deux heures dix.

Présences en réunion

Réunion du lundi 17 janvier 2022 à 21 heures

Présents. – Présents. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Céline Calvez, Mme Fabienne Colboc, Mme Jacqueline Dubois, M. Raphaël Gérard, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Yannick Kerlogot, M. Gaël Le Bohec, Mme Josette Manin, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, Mme Florence Provendier, Mme Cécile Rilhac, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Michèle Victory

Excusés. – M. Bernard Brochand, M. Stéphane Claireaux, Mme Elsa Faucillon, M. Luc Geismar, Mme Annie Genevard, Mme Florence Granjus, M. Grégory Labille, Mme Karine Lebon, Mme Maud Petit, M. Julien Ravier, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Patrick Vignal