Intervention de Michèle Victory

Réunion du lundi 17 janvier 2022 à 21h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

Nous sommes réunis pour acter la restitution de quinze œuvres d'art spoliées à leurs propriétaires par le régime nazi. Ces œuvres retrouveront leur propriétaire légitime et ces restitutions constitueront, sans nul doute, une étape supplémentaire dans la nécessaire réparation des abominations subies par le peuple juif. Nous le devons à ces hommes et à ces femmes dont la mémoire a été blessée, sans pour autant être détruite, et pour qui ces objets sont bien plus que de simples œuvres d'art. Si le processus de restitution est différent de celui adopté dans le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal, il n'en est pas moins indispensable. C'est un acte symbolique fort de notre République qui rappelle que la justice, elle, est intemporelle.

Le principe n'est pas d'attendre les demandes des familles pour procéder à la restitution de ces œuvres, mais de s'engager dans des actes réparateurs. Je salue l'extraordinaire travail réalisé par les musées, le ministère et la CIVS pour identifier ces spoliations, en vue de futures restitutions. Ce projet de loi va dans le sens d'une histoire qui apaise, qui réconcilie, qui nous rassemble. C'est un honneur pour le législateur de participer à ce processus. En quittant le musée d'Orsay, le Louvre, le château de Compiègne et la ville de Sannois, ces œuvres retrouveront la quiétude des biens rendus à leurs propriétaires et participeront au souvenir des aïeux des familles qui pourront les contempler à nouveau.

Si nous partageons la volonté politique de ce projet de loi, notre rôle de législateur est aussi de nous interroger sur le sens de la loi. Parce qu'elles appartiennent aux collections publiques, ces œuvres doivent être restituées par la voie législative, la seule à même de contourner les principes d'inaliénabilité, d'imprescriptibilité et d'insaisissabilité. Aussi, contrairement à ce qui est prévu pour les quelques 2 000 œuvres relevant du statut « Musées nationaux récupération » qui n'ont, à ce jour été ni restituées, ni vendues et qui peuvent faire l'objet d'une restitution dans un cadre juridique idoine, nous serions amenés à légiférer à chaque restitution d'œuvres spoliées appartenant à l'État. Nous ne souhaitons pas que ces restitutions soient examinées pour répondre à d'éventuelles stratégies politiques et, si le doute s'était un peu immiscé lors de la discussion précédente, nous sommes ici dans une tout autre démarche, que nous saluons totalement.

Vous l'avez souligné, madame la rapporteure, l'Allemagne et Israël nous ont devancés sur ces questions et nous comprenons aisément pourquoi il est temps d'accélérer la mise en œuvre de ces restitutions par la France. Or l'intervention du législateur pour chaque œuvre risque de ralentir considérablement un processus qui aura déjà été élaboré par des services tout à fait compétents. La justice, dans ces conditions, ne sera pas rendue dans un délai raisonnable. En outre, l'agenda parlementaire est constamment saturé, alors que les techniques des musées vont se perfectionner avec le temps et favoriser, je l'espère, de plus en plus de restitutions. Nous plaidons donc, comme la plupart des parlementaires, en faveur d'une loi-cadre ou d'un dispositif similaire à celui qui existe pour les MNR, qui offre un cadre sécurisant de restitution de ces œuvres, au bénéfice des familles injustement spoliées.

Cette réflexion globale ne saurait toutefois atténuer la volonté du groupe Socialistes et apparentés de voter ce projet de loi.

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