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On sent bien que le choix des mots est important : il dit tout des convictions de chacun. À cet égard, je n'ai rien à ôter aux arguments invoqués par le rapporteur général pour bannir du texte les termes « euthanasie » et « suicide assisté ». La mort est l'état le plus démocratique, mais le chemin vers elle ne l'est pas dans notre pays : certains ont un choix et d'autres non. Certains peuvent avoir recours aux soins palliatifs, d'autres ne le peuvent pas, et nous sommes tous d'accord pour que chacun puisse avoir ce choix – c'est l'objet du titre Ier. On peut aussi avoir un choix différent selon les moyens financiers qu'on a ou selon son résea...
...squ'elle n'est pas physiquement en mesure d'y procéder, par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu'elle désignera elle-même. La notion d'aide à mourir désigne donc deux réalités différentes : celle d'une personne qui s'administre elle-même une substance létale, ce qui peut se définir comme un suicide assisté, et celle d'une personne qui n'a pas la capacité physique de se donner la mort et a donc besoin de l'aide active d'un tiers, ce qui correspond à une euthanasie. Je ne comprends pas les précautions prises pour enrober ces termes. Permettez-moi de citer encore Didier Sicard, ancien président du CCNE : « je suis plus hostile à sa rédaction qu'au principe même du texte. Car il évite [...] de nommer les choses dans leur crudité ».
Puisque vous voulez tous un débat sur la sémantique, sortons de l'hypocrisie. La sédation profonde et continue jusqu'à la mort recouvre actuellement deux réalités : si le patient ne l'a pas demandée, c'est une euthanasie ; s'il l'a demandée, c'est un suicide assisté. Ce texte conduira à une troisième réalité : des patients pourront décider, d'une façon libre et éclairée, de prendre un produit létal. L'aide à mourir couvre ces trois situations, et j'en félicite le Gouvernement.
...ons et j'ai réfléchi. J'ai entendu Alain Claeys se demander si une bonne application de la loi de 2016 permettait de traiter toutes les situations, et sa réponse a été très clairement non. En cas de maladie grave incurable, irréversible et s'accompagnant de souffrances insupportables, la possibilité d'avoir une aide à mourir ne me paraît pas, après mûre réflexion, être un choix entre la vie et la mort, car la mort est déjà là. Dans une telle impasse thérapeutique, il faut être capable de faire une vraie place au patient, d'entendre sa souffrance et de la reconnaître. Que proposent ceux qui sont hostiles à l'aide à mourir ? Ne rien faire pour ceux qui en expriment la demande, les laisser partir en Belgique ou en Suisse ou les laisser avec leurs souffrances.
...aient dénués d'humanité. Les différentes sensibilités doivent pouvoir s'exprimer et être respectées. Ce qui préoccupe les patients aujourd'hui, plus que le droit à mourir, c'est le droit à ne pas souffrir. Or celui-ci n'est pas garanti. Lorsque les patients bénéficient du droit de ne pas souffrir, lorsqu'ils ont accès à la sédation profonde et aux soins palliatifs, ils renoncent à anticiper leur mort – c'est ce que disent la plupart des médecins. Enfin, ce qui est dérangeant, M. Bazin l'a dit, c'est qu'on nous annonce déjà d'autres étapes alors même que la législation actuelle n'est pas appliquée, ou partiellement.
Puisque vous ne nous entendez pas sur la sémantique, faisons un peu de français. Le terme « aide » signifie soulagement, secours, autant de mots qui appartiennent au registre du soin. Une aide ne peut pas consister à administrer une substance létale pour provoquer intentionnellement la mort. L'aide à mourir existe déjà : ce sont les soins palliatifs. Nous vous le répétons, rétablissez la vérité des mots.
La sédation profonde et continue jusqu'au décès suppose l'injection de produits. Nous poussons donc déjà vers la mort des patients parce qu'ils le demandent ou que l'équipe médicale en a pris collégialement la décision. Vous ne voyez rien d'hypocrite, chers collègues, à employer ces termes de sédation profonde et continue jusqu'à la mort. Mais lorsqu'il s'agit de la décision libre et éclairée de le faire soi-même, en pleine conscience, pour partir de manière apaisée, vous revendiquez d'y accoler les termes d'« ...
Depuis lundi, il est clair que lorsque nous ne sommes pas d'accord, c'est parce que nous ne parlons pas de la même chose. C'est la raison pour laquelle le texte comporte une définition très précise du nouveau droit qu'il ouvre : une aide à mourir pour des personnes atteintes d'une maladie grave et incurable, qui voient la mort devant eux et souffrent de façon intolérable. Il s'agit de les soulager en les aidant à mourir de façon apaisée et respectueuse. Je connais le sujet, pour être médecin dans un service de soins de support depuis plus de vingt ans. Grâce au texte, nous allons essayer d'apporter de la paix à des personnes qui ont besoin qu'on les aide à mourir de façon apaisée et respectueuse.
Depuis tout à l'heure, j'entends parler de fraternité et de dignité. Mais lorsqu'on répond à la souffrance par la mort, c'est un détournement de la fraternité. Quant à la dignité, les derniers moments d'une vie sont des instants précieux pour celui qui s'en va comme pour celui qui reste. La dignité consiste à pouvoir vivre jusqu'au bout avec le soutien de la famille, des amis, des personnels soignants ou des visiteurs. Il est de notre responsabilité d'accompagner ceux qui vont mourir. En ce qui concerne la sédat...
...toute sa tête. Si j'ai bien compris, il suffit que cette personne prisonnière de son corps refuse les soins – cela peut être simplement le fait de refuser de s'alimenter, même à la cuillère ou par une sonde – pour être plongée dans une sédation profonde et continue jusqu'à ce qu'elle meure. Je voudrais une définition de cet acte, parce que la finalité reste l'accompagnement de la personne vers la mort.
Je tiens d'abord à soulever un point de principe : un État ne peut pas mettre en place un système qui donne volontairement la mort à l'un de ses membres. Ma deuxième remarque est d'ordre constitutionnel. Le Président de la République a insisté sur la valeur fraternité pour justifier la loi, et il est vrai que la fraternité est fondamentale envers les patients en fin de vie. Mais quelle fraternité y a-t-il à organiser la mort de l'un de nos concitoyens ? L'étude de la jurisprudence du Conseil constitutionnel révèle que nous s...
...des dérives. Cette crainte est légitime et les soignants la partagent. Chez nos voisins, la légalisation de l'euthanasie s'est malheureusement toujours accompagnée d'une extension de son champ d'application. Les garde-fous sautent peu à peu : en Belgique, elle est ouverte aux mineurs ; au Canada, aux personnes atteintes de maladies mentales ; aux Pays-Bas, une jeune femme de 28 ans a programmé sa mort pour dépression en ce mois de mai. Écarter cette pratique, c'est réduire le risque d'exploitation des personnes fragiles et vulnérables. Il nous faut renforcer et améliorer les soins palliatifs et l'accompagnement dans notre pays. Là est l'urgence.
...hension de la loi, et il ne faut pas atténuer la réalité des actes qui seront pratiqués. Rappelons que les lois belge, espagnole, hollandaise et luxembourgeoise emploient les mots d'euthanasie et de suicide assisté. Autoriser l'euthanasie, c'est rompre le lien de confiance entre le patient et les soignants et transgresser l'interdit fondateur de notre civilisation, qui est de ne pas provoquer la mort. La priorité est au développement des soins palliatifs sur tout le territoire. Demander à une personne volontaire d'administrer la substance létale est inconséquent et montre une désinvolture surprenante. Quid des conflits d'intérêts, des potentielles divisions des familles, des traumatismes personnels qui pourraient s'ensuivre ? Pour ces raisons, mon amendement vise à supprimer la légalis...
Le Conseil d'État considère que l'introduction de l'horizon à moyen terme constitue « une rupture par rapport à la législation en vigueur, d'une part, en inscrivant la fin de vie dans un horizon qui n'est plus celui de la mort imminente ou prochaine et, d'autre part, en autorisant, pour la première fois, un acte ayant pour intention de donner la mort ». Tout cela va perturber l'éthique du soin et de la médecine et, potentiellement, la relation de confiance entre les soignants et les patients. Deux logiques incompatibles s'affrontent. L'étude Jones-Paton de 2015 montre que la légalisation de la mort provoquée n'a p...
L'ancien ministre Jean Leonetti a eu une phrase très belle : « La main qui soigne ne peut pas être celle qui donne la mort. » Le projet de loi change clairement de paradigme. Au lieu de prendre le problème des soins palliatifs à bras-le-corps pour permettre à chacun de mourir dignement et sans souffrance, on veut légaliser le suicide assisté et l'euthanasie dans un texte qui, en associant cyniquement les trois sujets, prend en otage ces soins palliatifs. Je considère qu'une société qui fait cohabiter les soins pa...
Certains collègues ont évoqué un risque de dérive. Or c'est précisément en l'absence de loi que surviennent les dérives, lorsque les pratiques sont clandestines et hors de contrôle. Il ne s'agit pas de tuer, mais de permettre à des personnes en fin de vie, condamnées par la médecine, d'entrer dignement dans la mort selon leur volonté et en fonction de leur capacité à supporter la souffrance, en choisissant à quel moment elle aura lieu et auprès de qui. La loi n'abandonne pas la prévention du suicide et elle n'ouvre pas l'aide à mourir aux personnes dont l'envie de suicide est la manifestation d'un syndrome anxiodépressif. Elle accepte la possibilité de souffrances psychologiques insupportables, à condition ...
La question n'est pas de savoir si la sédation profonde jusqu'à la mort prévue par la loi Claeys-Leonetti est suffisante, mais celle de la nature même de l'aide à mourir. Est-ce un soin ou un droit ? Chacun s'est exprimé sur le sujet, tantôt en parlant de soin, tantôt en parlant de droit, mais la question n'est pas abordée dans le texte. Si c'est un soin, est-ce un soin comme les autres ou un soin ultime, auquel on ne recourt que quand les soins palliatifs ne sont pl...
J'ai déposé ces deux amendements de repli qui disent clairement les choses, d'une part en nommant l'euthanasie comme telle, d'autre part en précisant qu'il s'agit d'une procédure et non d'un acte médical. Il s'agit de donner intentionnellement la mort à une personne qui la demande ; cela requiert une intervention humaine, en rupture avec le développement naturel d'une maladie qui pourrait conduire à la mort. Et, pour compléter ma citation de tout à l'heure, Didier Sicard, l'ancien président du CCNE, disait de ce projet de loi : « Ne pas parler expressément d'euthanasie ou de suicide assisté pour éviter des mots lourdement chargés ne peut êt...
Je remercie notre collègue qui, en évoquant l'arrêt Mortier contre Belgique, me permet de rappeler que cet arrêt a représenté une avancée très importante en jugeant que la loi sur l'euthanasie en Belgique était parfaitement conforme à la Convention européenne des droits de l'homme.
Nous avons appelé à plusieurs reprises l'attention de la commission sur le risque d'inconstitutionnalité de ce texte qui n'utilise pas les bons mots. Vous ne pouvez pas vous référer à l'arrêt Mortier, qui utilise le mot « euthanasie » 345 fois dans son attendu, pour un texte qui ne le dit pas une seule fois ! De même, la Convention citoyenne, à laquelle vous vous référez souvent, a conclu à la nécessité d'instituer « le suicide assisté et l'euthanasie ». Nous répétons que l'absence de ces termes pose un problème constitutionnel.