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Nous poursuivons l'examen de la proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d'entreprise.
Le dispositif sur la confidentialité des consultations rédigées par les juristes d'entreprise a été adopté par le Parlement lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Considéré comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel, il a malheureusement été censuré. Le dispositif que nous examinons aujourd'hui est celui qui avait été adopté par l'Assemblée nationale à la suite du dépôt de quatre amendements – trois par le...
« Au métier qu'il connaît, que chacun se consacre », nous rappelait Cicéron. C'est bien l'objet de cette proposition de loi dont Jean Terlier – j'en profite pour saluer l'exceptionnelle qualité de son travail – est rapporteur. Les juristes d'entreprise et leurs représentants que nous avons pu auditionner partagent la préoccupation de pouvoir pratiquer efficacement leur métier et de préserver la manière de l'exercer. Le rôle des juristes d'entreprise est plus que jamais important car, de plus en plus, les entreprises françaises doivent répondre à des exigences de conformité, dans de très nombreux domaines : gouvernance, protection des données, r...
L'article unique de cette proposition de loi vise à instituer un régime de confidentialité des consultations rédigées par les juristes d'entreprise, sous réserve de la réunion de quatre conditions. Les effets attachés à la confidentialité sont l'insaisissabilité, la non-communicabilité et l'inopposabilité de cette consultation dans le cadre de procédures ou de litiges en matière civile, commerciale ou administrative, à l'exclusion des procédures ou des litiges en matière pénale et fiscale. Une procédure de contestation de la confidentialité ...
Mon amendement réécrit la procédure de levée de la confidentialité des consultations des juristes d'entreprise. Tout d'abord, dès que la levée aura été demandée, les consultations concernées seront appréhendées par un commissaire de justice, qui les conservera sous scellés le temps que le juge se prononce. Ensuite, il supprime l'obligation faite au juge de se prononcer dans un délai de quinze jours, ce qui paraissait très court et pas nécessairement adapté à la totalité des procédures en cours. Il ne s'a...
...e et le juriste qu'elle emploie. La belle affaire ! Le juriste d'entreprise est, par définition, subordonné à son employeur puisqu'il en est le salarié. À la différence de l'avocat, il n'est pas rattaché à un ordre élu et n'a pas à respecter des principes déontologiques faisant l'objet de formations précises. Grâce à vous, les grandes entreprises, qui seules disposent de moyens pour embaucher des juristes d'entreprise, pourront couvrir leurs pratiques illicites sous le sceau de la confidentialité. Nous confronterons nos analyses, mais, de notre point de vue, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que les échanges entre les juristes et l'entreprise, qui est son employeur, ne peuvent bénéficier de ce privilège de confidentialité en raison du lien de subordination. Ce mot privilège, d'ailleurs, est éloq...
...qui ne crée pas non plus une nouvelle profession réglementée avec un ordre responsable des formations et de la déontologie. Il n'est pas un cheval de Troie grâce auquel serait créé à terme le statut d'avocat salarié. La profession n'en veut pas et je pense que ce n'est pas souhaitable. La France étant l'un des derniers États de l'OCDE à ne pas reconnaître la confidentialité des consultations des juristes d'entreprise, une question d'attractivité se pose puisque cette absence de reconnaissance crée une distorsion de concurrence qui nuit à l'égalité des entreprises françaises avec les autres entreprises européennes et avec les entreprises américaines. Il est ainsi facile pour des Américains, cela s'est vu dans de grandes affaires, de remplir des dossiers d'accusation initialement vides avec des éléments à charg...
La France, par l'absence de toute confidentialité des avis des juristes d'entreprise, se distingue des autres pays de l'OCDE et de l'Union européenne. La question du statut du juriste d'entreprise et de la confidentialité de ses avis est débattue depuis le début des années 1990 mais n'a jamais trouvé de conclusion définitive. La présente proposition de loi tend à clore ce débat en attribuant, sous certaines conditions, le bénéfice de la confidentialité aux consultations juridique...
Depuis des années, ce dossier ne cesse de nous être présenté. Nous mesurons ainsi l'obstination du lobby des juristes d'entreprise. Le dispositif de confidentialité prévu par cette proposition de loi avait d'ailleurs été inséré à la hâte dans le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice par un amendement d'un sénateur centriste avant d'être censuré par le Conseil constitutionnel, qui a jugé qu'il s'agissait d'un cavalier législatif tout en soulignant qu'une telle mesure n'était pas exempte de...
...ional dans lequel les obligations de conformité sont de plus en plus importantes ; elles ont besoin pour leurs opérations quotidiennes d'un nombre croissant d'avis juridiques. La question de la confidentialité de ces avis et de leur protection vis-à-vis des tiers – concurrents comme autorités – est donc posée. Rappelons que la France est l'un des seuls pays européens au sein desquels les avis des juristes d'entreprise ne sont pas protégés, ce qui rend notre pays vulnérable face aux demandes d'information ou de pièces provenant de parties étrangères à la recherche d'informations confidentielles, ou d'autorités d'autres pays qui useraient de lois à portée extraterritoriale – je pense notamment aux États-Unis. Les juristes d'entreprise sont dans une situation paradoxale : ils sont soumis au secret professionnel ...
...ue, a été adopté au Sénat au mois de février, avec le soutien du Gouvernement. Le choix d'une proposition de loi pour adopter une disposition attendue du Gouvernement permet de s'affranchir d'une étude d'impact qui aurait pourtant été très utile sur ce sujet sensible. C'est une vilaine habitude que vous avez prise là. Nous sommes défavorables à ce régime de confidentialité des consultations des juristes d'entreprise : ceux-ci ne jouissent pas, à l'égard de l'employeur, de la même indépendance que les avocats – pour ces derniers, c'est même une exigence. Le lobbying n'est pas le fait des avocats, ou du CNB, mais bien des grandes entreprises. Le juriste d'entreprise, par son statut même, ne peut pas s'écarter de la stratégie commerciale de son employeur ; les avocats sont, eux, soumis à des règles déontologiqu...
...osition de loi n'est pas anodine ; elle soulève des interrogations légitimes dans différentes sphères du droit des affaires comme du monde des entreprises, à l'heure où les contraintes qui pèsent sur celles-ci sont de plus en plus fortes, en matière de protection des données ou de lutte contre le blanchiment comme de règles environnementales. J'ai pris le temps de consulter les représentants des juristes d'entreprise, et j'entends leurs arguments, qui reposent sur leur pratique quotidienne. Mais la réforme proposée n'est pas sans risque pour la profession d'avocat. Le Conseil national des barreaux comme la Conférence des bâtonniers s'y opposent sans ambiguïté. Sur la forme, cette proposition de loi reprend un amendement du Gouvernement adopté lors de l'examen de la loi d'orientation de la justice, mais censu...
...eur situation ; il est donc indispensable qu'elles soient informées des risques de manquement, et c'est l'objet de la consultation juridique. Il apparaît alors séduisant de concevoir le juriste d'entreprise comme un auxiliaire des pouvoirs publics – terme utilisé par l'auteur du texte – et tentant de se laisser convaincre par l'argument du cercle vertueux selon lequel, si nous voulons inciter les juristes d'entreprise à avertir leur direction d'éventuels problèmes, alors il faut éviter les risques d'auto-incrimination et rendre leurs avis confidentiels. Mais comment ne pas voir que cela reviendrait à déléguer aux acteurs privés le soin de faire leur propre police, au détriment du contrôle opéré par les autorités de régulation ? Dans un monde idéal, cela pourrait s'entendre. Mais ne soyons pas naïfs : les entr...
...ait aussi les inégalités entre les entreprises selon qu'elles pourraient, ou pas, recourir à un juriste d'entreprise. Ils redoutent encore des entraves à l'accès des justiciables à la preuve, donc une fragilisation du droit à un procès équitable, et la remise en cause de la protection des lanceurs d'alerte et du droit à l'information des citoyens. La confidentialité des consultations et avis des juristes d'entreprise est probablement le plus gros serpent de mer de notre système juridique. Mais il est vrai que son absence crée une véritable distorsion de concurrence entre la France et la plupart des États membres de l'OCDE– sans parler de la possibilité d'un espionnage légal par le biais des règles de conformité imposées aux entreprises, ce qui pourrait conduire à un véritable désarmement par le droit. Il faut...
... être ménagés, précisément dans l'intérêt général : nous comprenons tous l'intérêt du secret médical et du secret-défense, comme du secret des correspondances entre un avocat et son client – si les clients avaient peur de voir révélé ce qu'ils disent à leur avocat, ils n'iraient plus le voir et c'est en tant que justiciables qu'ils seraient affaiblis. Aujourd'hui, le secret des consultations des juristes d'entreprises n'existe pas, et on s'en passe très bien ! À l'inverse, on peut craindre ses effets : aujourd'hui, quand un juriste expose une situation légale à son patron, en lui expliquant quels dommages il pourrait causer à autrui en agissant de telle ou telle façon, le patron choisit, et c'est bien lui qui est responsable. Demain, plus personne ne sera responsable, ce qui nuira aux citoyens. Vous parlez de...
...seuls aspects positifs de ce texte. J'irai plus loin : si j'étais juriste d'entreprise, je m'opposerais à ce texte. Vous prévoyez une protection in rem – du document, et non de la personne – sans contrepartie, notamment en matière de déontologie puisque ces dispositions seront retirées du texte pour ne pas donner l'impression qu'on crée une profession réglementée. Vous faites ainsi de ces juristes d'entreprise de véritables fusibles d'entreprise ! En cas de difficulté, c'est le patron qui pourra décider de lever la confidentialité, dans le cadre par exemple d'une procédure transactionnelle. Qui aura rédigé le document ? Le juriste d'entreprise, dont vous écrivez vous-même qu'il pourra être poursuivi pour faux en écriture privée. C'est bien lui qui prendra la responsabilité, quand celle de l'entreprise ...
...nt national comprendrait que le legal privilege existe dans la plupart des pays de l'OCDE et que c'est un problème de souveraineté économique que nous abordons ici. Vous qui prétendez défendre les entreprises françaises à l'étranger matin, midi et soir, pourquoi voulez-vous les handicaper en refusant ce dispositif ? Si vous aviez assisté aux auditions, vous auriez entendu l'association des juristes d'entreprise nous dire qu'aujourd'hui, lorsqu'il y a un contentieux international, les directions juridiques françaises sont exclues des discussions en raison de cette absence de confidentialité des échanges. Sur l'excellente proposition de loi du président Houlié sur les ingérences étrangères, concernant la problématique l'extraterritorialité, votre groupe est beaucoup intervenu : pourquoi alors continuer de...
Il s'agit de prévoir une équivalence pour les titulaires d'une maîtrise en droit justifiant de huit ans de pratique professionnelle. Cette disposition vise à permettre à des juristes d'entreprise de ne pas se voir pénalisés par la condition de qualification, liée à l'obtention d'un master et non d'une maîtrise, lorsque leur diplôme a été obtenu antérieurement à la réforme licence-master-doctorat (LMD). Cette « clause du grand-père » permettrait aux juristes en place depuis des années de préserver une grande partie de leurs droits acquis.
Je suis favorable à la clause du grand-père en ce qui concerne les juristes d'entreprise. Cependant, votre proposition confirme que votre texte vise à protéger des individus : il s'agit d'une disposition in personam, et non in rem, comme vous ne cessez de l'affirmer depuis ce matin. Vous nous vendez quelque chose qui est faux – et je me permets de vous rappeler que fraus omnia corrumpit – en affirmant que ce dispositif serait anodin, alors qu'il entraînerait de f...
...s se sont parfois rendues coupables. Nous voulons donc pouvoir surveiller leur comportement. Comme l'a rappelé notre collègue Cécile Untermaier, la proposition n'exclut du champ de la confidentialité que les domaines pénal et fiscal. C'est un gros problème lorsque les principales atteintes à l'intérêt général résultent désormais de celles à l'environnement. La proposition ne protège en rien les juristes d'entreprise, puisque les dirigeants qui souhaitent s'absoudre de toute accusation pourront faire état des documents qui ont été émis par leurs juristes salariés – donc subordonnés. Cette profession, dont les écrits pourront être divulgués à l'initiative des commanditaires, sera donc le dindon de la farce. Vous affirmez ensuite qu'il n'y a pas de différence de traitement entre les grandes et les petites entr...