Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Réunion du jeudi 2 février 2023 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Jeudi 2 février 2023

La séance est ouverte à 9 heures 30.

(Présidence de M. Raphaël Schellenberger, président de la commission)

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La commission d'enquête chargée d'établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France à l'honneur d'accueillir aujourd'hui un ancien Premier ministre : Monsieur Manuel Valls.

Monsieur le Premier ministre, au cours de l'exercice de vos fonctions, des décisions importantes ont été prises : la loi de 2015 sur la transition énergétique, les paquets Energie-Climat successifs, la conférence des Nations Unies sur le climat à Paris. C'est également au cours de vos fonctions qu'ont été nommées diverses personnalités : Monsieur François Brottes à la présidence du directoire de RTE, Monsieur Daniel Verwaerde au CEA, Monsieur Jean-Bernard Lévy à la présidence d'EDF, que nous avons tous les trois entendus. Monsieur Yves Bréchet nous a fait part également de son expérience de haut-commissaire à l'énergie atomique de 2012 à 2018. Certaines décisions et nominations se sont révélées de la compétence du Président de la République, qui s'était engagé à réduire à 50 % en 2025 la part du nucléaire dans la production électrique. Nous cherchons au sein de cette commission à démêler le processus, au sein du dialogue politico-administratif, qui a pu se construire pour mettre en œuvre les décisions qui influent aujourd'hui largement sur la situation de la filière industrielle et énergétique chargée de garantir l'indépendance et la souveraineté de notre pays.

Votre analyse nous sera précieuse. Avant de vous laisser la parole, en vertu de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il me revient de vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Manuel Valls prête serment.)

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

C'est pour moi également un honneur que d'être auditionné par votre commission et de revenir quelques instants dans les murs d'une institution qui m'est chère. Concernant une matière extrêmement complexe, il faut faire preuve de modestie. En tant que patriote, j'estime que les enjeux du nucléaire sont vitaux pour notre pays et qu'ils exigent un consensus. Je pense que vos travaux serviront à éclairer le passé, le présent et surtout l'avenir.

Quelques mots sur l'appréciation que je porte sur la situation énergétique actuelle de la France et son évolution depuis 2016. La fourniture d'énergie repose sur un système, des fournisseurs, des types d'énergie, des infrastructures et des opérateurs qui s'inscrivent dans le temps long et ne changent pas du jour au lendemain. La situation générale actuelle est structurellement peu différente de celle d'il y a cinq ou dix ans, hormis la crise géopolitique actuelle. Une majorité de notre énergie est d'origine fossile, pour le transport, le logement ou l'industrie. Des évolutions sont en cours, et la guerre en Ukraine nous fait également accélérer la réduction des énergies fossiles.

Le système électrique est un cas à part, complexe et européen. Il est déjà très décarboné en France, mais il a été mis sous forte tension par le double effet de l'arrêt de fourniture du gaz russe alimentant une bonne partie des centrales allemandes, et par la baisse de disponibilité du parc nucléaire français. Ces deux facteurs sont indépendants, mais cumulés, ils nous ont fait frôler des problèmes d'approvisionnement ponctuels. Aujourd'hui, nous croyons savoir que les réserves de gaz sont constituées et que la disponibilité du parc nucléaire s'est améliorée. Depuis 50 ans, nous faisons confiance au nucléaire, sur la base d'une fiabilité remarquable, que je défends. Le bilan est extrêmement positif depuis que nous disposons d'électricité nucléaire. Le pays ne prend aucun risque en termes de sécurité et de sûreté du parc. Par conséquent, nous pouvons ponctuellement accepter des risques sur l'approvisionnement pour éviter des risques techniques. C'est ce qui s'est produit en 2021-2022 du fait de problèmes de corrosion sous contrainte. Cela s'était produit également en 2016, au moment où nous avions constaté des concentrations anormales de carbone dans les générateurs de vapeur d'une vingtaine de réacteurs. Le parc a ainsi rencontré des problèmes génériques en 2016 et en 2021-2022. Les autorités de sûreté surveillent le parc et résolvent les problèmes, comme c'est le cas aussi actuellement.

Les gouvernements cherchent à éviter les problèmes, mais ceux-ci peuvent toujours apparaître et représenter un défi considérable. Actuellement, au problème du réchauffement climatique, se sont ajoutées les conséquences du conflit en Ukraine et l'inflation, qui touche aussi les coûts de l'énergie. Enfin, le défi du renouvellement du parc nucléaire doit être relevé. En février 2022, le Président de la République s'est exprimé sur la façon d'atteindre les objectifs assignés. L'important est de conserver la capacité de résoudre les problèmes et d'aller de l'avant, pas seulement politiquement, mais sur le plan technique. Je me méfie toujours du déclinisme et du catastrophisme. Au risque de trop m'avancer, j'estime que la situation actuelle n'est pas si mauvaise, comparée à celle d'autres pays n'ayant pas de sources d'électricité décarbonée. Je regarde avec intérêt comment l'Allemagne fait face aux défis politiques, sociaux, financiers et énergétiques colossaux qu'elle a à affronter. Elle en a les moyens et elle ne fera pas le choix d'un retour au nucléaire.

L'état de la filière nucléaire en France à ma prise de fonctions le 1er avril 2014 après deux années passées au ministère de l'Intérieur n'était pas très différent de son état actuel. En revanche, le contexte politique l'était, ce qu'il convient de rappeler. Fukushima avait marqué les esprits. De son côté, l'Allemagne venait de renoncer au nucléaire, avec des conséquences techniques et industrielles pour nous. Areva se portait mal et Flamanville 3 affichait des retards substantiels. Dans le même temps, le Président de la République nous demandait de préparer la COP 21 à Paris. Un accord de gouvernement avait été passé avec Les Verts –lesquels, pour d'autres raisons, avaient quitté le gouvernement dès ma nomination. Ils n'étaient pas favorables au nucléaire, et ont décliné l'offre de rester au gouvernement. Le Président de la République s'était pour sa part engagé sur la limitation à 50 % de nucléaire dans la production électrique, et sur la fermeture de Fessenheim. Quant à mon gouvernement, il s'était engagé à soutenir la filière nucléaire sans ambiguïté, et à ne prendre aucune décision irréversible en dehors de la fermeture des réacteurs de Fessenheim – une décision politique mais aussi diplomatique, dans le cadre de la relation franco-allemande. La filière a tenu son rang, et le parc nucléaire a fourni les trois quarts de son électricité au pays. Nous avons opéré le sauvetage d'Areva et nommé des patrons de qualité ont été nommés à la tête d'Areva (M. Philippe Varin), Framatome (M. Bernard Fontana), EDF (M. Jean-Bernard Levy). Nous avons également organisé avec les ministres concernés la reprise par EDF de Framatome et la nationalisation des autres parties d'Areva.

Aujourd'hui – mais vous avez sans doute un œil plus aigu que le mien, il me semble que tous les acteurs fonctionnent, au sein d'une filière dynamique et engagée dans une démarche de recrutement. Dans le cadre d'un parc vieillissant, il y a de toute logique davantage de besoins en termes de maintenance. De plus, les autorités de sûreté sont parmi les plus exigeantes au monde, ce qui se traduit logiquement par une baisse de la disponibilité et de la production annuelle, laquelle est néanmoins appelée à remonter. Cela étant dit, la filière manquait de projets neufs pour entretenir la compétence des ingénieurs et techniciens au meilleur niveau. Il en manque d'ailleurs toujours. Le dernier réacteur de production électrique a été mis en service dans les années 1990.

Pour expliquer notre stratégie et les décisions qui en découlent, il faut rappeler que nous étions – et que j'étais – favorables au nucléaire, dans sa composante civile, mais aussi pour sa place au cœur de la dissuasion. Quelques mois après ma nomination, je m'étais exprimé sur ces sujets dans un discours au Bourget, le 15 octobre 2014, pour insister sur le fait que le nucléaire est pour notre pays une filière stratégique, avec des enjeux en termes de chiffre d'affaires (46 milliards d'euros), de tissu industriel, de compétitivité à l'international, etc. Les entreprises du secteur employaient directement et indirectement à l'époque 220 000 salariés. J'avais également visité l'usine d'Areva au Creusot. Pardon pour cette citation d'un de mes discours de l'époque : « Le nucléaire est pour la France un facteur d'indépendance et de puissance industrielle, économique, diplomatique et militaire. C'est un atout majeur pour le présent et pour l'avenir ». J'avais rappelé aussi quels étaient les enjeux pour nous, y compris en dehors de l'Union européenne, en Chine par exemple, du fait d'une intensification de la concurrence avec de nombreux pays.

L'idée était de mieux structurer la filière nucléaire, de lui conférer davantage de visibilité à l'étranger pour défendre la balance commerciale, l'emploi, mais aussi la recherche et l'innovation. De nombreuses décisions ont été prises pour préserver la filière : Sauver les composantes d'Areva en 2015-2016 ; Lancer le projet d'EPR d'Hinkley Point ; Lancer le projet de SMR, un petit réacteur modulaire ; Faire acter par la loi un projet de stockage géologique des déchets nucléaires – Cigéo ; Soutenir le projet de réacteur de recherche Horowitz succédant à Osiris ; Soutenir le projet d'exportation du concept d'usine de La Hague en Chine – je me suis rendu à Pékin pour promouvoir ce projet auprès du président Xi Jinping en 2015 ; Soutenir le lancement des études préliminaires du prototype Astrid ; Acter le « plan de grand carénage » représentant une vague d'investissements indispensables pour le parc nucléaire pour dépasser la quatrième visite décennale, dont le montant était estimé à 50 milliards d'euros.

Cigéo, Hinkley Point et la faillite d'Areva sont les sujets les plus complexes que j'ai eus à traiter. Nous y reviendrons.

J'aimerais réveiller les mémoires en rappelant que nous avions durant l'hiver 2016-2017 connu une situation analogue à celle des dernières semaines. Des réacteurs avaient été mis à l'arrêt à la demande de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), à cause de l'accumulation de carbone sur certaines pièces métalliques sous pression. Des réunions régulières de suivi avaient été organisées à Matignon avec EDF pour évaluer les risques de défaillance pendant l'hiver. Finalement, comme aujourd'hui, les choses se sont plutôt bien passées.

Au sujet de la stratégie et des décisions prises pendant mon mandat, nous cherchions avec la loi de transition énergétique à répondre au retard pris par la France en matière d'énergies renouvelables. Pourtant, sous le quinquennat de M. Nicolas Sarkozy, M. Jean-Louis Borloo en tant que ministre de l'Ecologie avait incarné une volonté affirmée d'œuvrer en la matière. Nous avons créé plusieurs outils – Mme Ségolène Royal pourra vous le rappeler mieux que moi lors de son audition : le chèque énergie pour protéger les ménages précaires, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas carbone (SNBC) – des outils de programmation tactique et stratégique, etc. Sur les concessions hydroélectriques, nous étions pressés par la Commission européenne de les ouvrir à la concurrence. Nous voulions surtout nous assurer qu'elles continueraient de tenir leur rang. Nous avions d'ailleurs imaginé des alternatives à la mise en concurrence pour en garder le contrôle. Nous avions lancé des dispositifs de protection des industries énergo-intensives afin qu'elles aient une meilleure visibilité et une énergie bon marché. Nous avions aussi proposé un crédit impôt de transition écologique pour la rénovation thermique des bâtiments, qui a été renforcé ensuite, et est devenu aujourd'hui le dispositif dénommé MaPrimeRénov. Nous avons programmé l'installation de 7 millions de bornes de recharge électrique. Tout cela était dans la loi de 2015, qui se donnait pour objectif de favoriser un changement de dimension de notre pays en matière d'énergies renouvelables. Il y avait au sein du gouvernement une volonté partagée en ce sens. J'y étais moi-même très favorable. Le point de vue défendu était que la part du nucléaire était trop grande pour ne pas présenter quelques risques à l'avenir. Dans ces conditions, nous pensions qu'il était nécessaire de favoriser la montée en puissance d'alternatives : éolien et photovoltaïque. La question finalement n'était pas tant le niveau de 50 % fixé pour la production électrique, mais plutôt la direction à prendre pour ouvrir la voie à d'autres sources non carbonées d'électricité que le nucléaire et l'hydroélectrique. La tactique des 50 % qui fait débat reposait sur le développement rapide des énergies renouvelables, et sur notre capacité d'exporter la capacité électrique superflue. Il ne s'agissait pas de faire baisser de façon artificielle la production nucléaire, mais de se tourner vers un cap différent.

En ce qui concerne les 50 %, il faut être clair : un accord politique avait été formulé à l'été 2011 – je n'étais alors pas membre de la direction du parti socialiste – entre la première secrétaire de l'époque, Mme Martine Aubry, et les écologistes en vue des élections à venir. Cet accord était à la fois programmatique et électoral. Il était très ambitieux sur les sujets que nous évoquons, avec sans doute quelques ambiguïtés de langage : « sortie programmée du nucléaire » ou « sortie programmée du tout nucléaire » me semblent être deux formulations différentes. Le chiffre des 50 % en découle. Un débat a eu lieu pendant les primaires. Il faut revenir ici sur le contexte : l'incident de Fukushima, le retrait de l'Allemagne, les pressions européennes, l'état de l'opinion, plus sceptique à ce moment vis-à-vis du nucléaire, mais aussi, sans doute, une forme d'emballement dans une formation politique à l'occasion du débat des primaires, à laquelle nous avons tous participé. La plupart des candidats à la primaire étaient favorables aux objectifs, mais pas au contenu de l'accord avec Les Verts. C'est pourquoi le candidat François Hollande dans son projet s'est limité aux 50 % et je crois à la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim, tandis que l'accord PS-Les Verts devait donner lieu à la fermeture progressive de 24 réacteurs sur 58. Un incident politique s'était d'ailleurs joué autour d'une quatrième mesure prévue par l'accord : la démobilisation de la filière du MOX – ce mélange d'oxyde d'uranium et de plutonium permettant de recycler en partie des combustibles d'uranium déjà utilisés. Le candidat François Hollande, avec mon soutien et celui de M. Bernard Cazeneuve en tant que porte-parole de la campagne, avait tout fait pour retirer cette mesure. Je rappelle aussi que ce sujet était un débat de la campagne présidentielle, y compris pour le président sortant de l'époque. Ce dernier avait tenu au moins trois réunions publiques importantes sur ce sujet.

Je ne peux exprimer qu'un regret : sur ce sujet, les grandes forces politiques qui gouvernaient traditionnellement le pays auraient dû davantage s'accorder. Ce sujet avait toujours bénéficié, au-delà des choix de la Quatrième République et du début de la Cinquième et du plan Messmer, d'une vision favorable au renforcement du nucléaire. Puis, au début des septennats et quinquennats successifs, un projet était fréquemment abandonné : Plogoff en 1981 pour la gauche, avant Superphénix et Fessenheim. Le Président Macron s'est finalement trouvé à mettre en œuvre une décision prise par Martine Aubry et Les Verts, en quelque sorte. Cela montre que dans ce domaine, les choix et leur mise en œuvre s'inscrivent dans le temps long. En 2018, Nicolas Hulot avait décalé de dix ans l'application des 50 %. Aujourd'hui, le Sénat vient de supprimer les plafonds prévus. Lors des discussions parlementaires sur la loi, il était question de rendre plus difficile le dépassement au-delà de 40 ans concernant la durée de vie des centrales. Sur ce point, notre gouvernement et Mme Ségolène Royal ont constamment opposé leur refus. Nous avons choisi au lieu de cela de donner plus de pouvoir à l'ASN, pour protéger le consensus national sur le nucléaire.

La loi sur la filière nucléaire a eu plusieurs impacts. Concernant les projets neufs, plusieurs facteurs pouvaient nuire à leur attractivité : Fukushima, les difficultés de Flamanville 3 et du réacteur OL3 et le scepticisme de l'opinion – qui a quelque peu évolué depuis. Concernant la sécurité de l'approvisionnement énergétique, nous n'avons jamais envisagé que les investissements dans le réseau ou la sécurité d'approvisionnement puissent être dégradés du fait de la loi. La sécurité d'approvisionnement prédominait sur tous les autres sujets. RTE n'a émis aucune alerte sur la production électrique à ce moment. À cette époque, la France exportait assez largement de l'électricité. Il faut insister sur ce point. Pour consolider le système de production électrique, nous avons mis en œuvre le mécanisme de capacité obligeant les fournisseurs d'électricité de s'assurer qu'ils seront en mesure de servir leurs clients. Cette mesure conçue en 2015-2016 est opérationnelle depuis 2017. Pour ce qui est du plafonnement de la production nucléaire, deux décisions de limitation sont à l'œuvre. Une est ferme : la limitation à 63,2 gigawatts installés pour forcer la fermeture de Fessenheim, l'autre programmatique : la limitation des 50 % en 2025. Ce dernier objectif visait à cadrer les exercices de programmation, y compris les enjeux de sécurité d'approvisionnement. S'est posée également la question de la durée de vie des réacteurs, puisque certains approchaient de leur fin de vie. Nous n'avions pas la certitude qu'ils pouvaient être prolongés au-delà de 40 ans, et dans tous les cas, l'ASN fixait des conditions exigeantes en cas de prolongement au-delà de cette durée. Je rappelle qu'il est désormais question de 80 ans aux Etats-Unis grâce aux évolutions technologiques intervenues depuis. Le politique dépend de ces évolutions technologiques. Pour envisager d'autres moyens de production, il fallait faire monter en puissance les énergies renouvelables. Nous n'avions aucun objectif de fermeture en dehors des deux tranches de Fessenheim. La loi n'a au final fixé aucune limite à la durée de vie des réacteurs. En outre, il faut bien comprendre que nos choix étaient pour partie conditionnés par l'ouverture de Flamanville 3.

Concernant la fermeture de Fessenheim, on nous a reproché d'avoir pris trop de temps, mais l'opération était très complexe. Les discussions entre EDF et la ministre ont été longues. De plus, le fait d'arrêter des réacteurs en bon état de fonctionnement faisait débat. Quoi qu'il en soit, les centrales avaient été conçues sur la base d'une durée de vie de 40 ans. L'idée était donc que Flamanville 3 prenne le relais de Fessenheim. Flamanville n'est toujours pas en service à ce jour. Nous voulions également fermer les centrales à charbon, émettrices de CO2 (celles de Gardanne, de Cordemais, de Saint-Avold et du Havre). Nous comptions sur les marges offertes par notre production, les centrales à gaz, l'effacement et les interconnexions. En pratique, les centrales à charbon n'ont finalement pas été fermées pendant notre mandat. À propos de planification, nous avons mis en place deux outils importants : la stratégie nationale bas carbone et la programmation pluriannuelle de l'énergie pour accélérer dans le domaine des ENR. Le volontarisme était peut-être excessif, mais je note que les objectifs restent pertinents aujourd'hui.

Au final, ma conviction est faite : un consensus est souhaitable, et le politique doit rester modeste en matière de choix technologiques. Parfois, dans ce domaine et dans d'autres, le contexte change – par exemple le contexte géopolitique. Le choix fait il y a un an par le Président de la République de relancer la filière nucléaire en atteste. Je reste convaincu que nous avons la capacité, grâce à nos atouts en matière de technologies, d'atteindre nos objectifs. En ce sens, l'ouverture de Flamanville sera importante dans ce débat stratégique, car nous ne pouvons pas compter uniquement sur le prolongement des centrales nucléaires. Les petits réacteurs permettraient également à notre filière nucléaire et celles qui y sont liées –recherche, innovation... de rayonner à l'export. Le mandat de François Hollande et celui de mon gouvernement ont été marqués par un échec que l'on tend aujourd'hui à sous-estimer : celui des Emirats Arabes Unis. Il a marqué durablement l'ensemble des acteurs concernés, et a fait comprendre à chacun que la concurrence serait rude. D'une manière générale, les grandes institutions de la filière doivent elles aussi être capables de se remettre en question pour accompagner les choix politiques du pays, qui appartiennent au peuple.

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Ma première question porte sur les enjeux politiques. Les 50 % en 2025, c'est un sujet qui marque un fort tournant dans la posture du gouvernement vis-à-vis du nucléaire – du gouvernement au sens du temps long, le temps du consensus, que vous avez décrit, et qui naît après la IVe République. J'ai le sentiment à travers les auditions successives de la commission qu'une explication a posteriori s'est construite sur ces « fameux 50 % », à savoir que cet objectif concernait le temps long, alors qu'en 2012, l'horizon 2025 n'était pas si lointain.

Le problème n'est pas que des choix politiques aient été faits – nous faisons tous de la politique. En revanche, nous souhaitons les comprendre précisément en les replaçant dans le contexte de l'époque. Dans votre exposé, vous êtes revenu à deux reprises sur le volet « export », avec l'idée que les 50 % pouvaient être appliqués à la consommation finale intérieure d'électricité, dès lors que le surplus de production nucléaire pouvait être exporté aux pays voisins. François Brottes nous a donné aussi cette explication. Pourtant, vous avez mis en avant également les marges de manœuvre apportées par l'export, qu'il était possible de rogner pour mener des politiques nationales. Je décèle là une contradiction qui semble fragiliser la réflexion autour des 50 %.

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Ici, la matière en fusion, c'est la politique. Il y a les interprétations, et il y a les faits. Le débat a lieu sur les 50 % et les décisions prises à l'époque pour Fessenheim parce que d'aucuns pensent que la filière s'en est trouvée affaiblie. Or les difficultés de la filière proviennent d'avant. En disant cela, je ne cherche pas à accabler mes prédécesseurs, mais il faut pointer toutes les étapes si l'on constate un affaiblissement. J'observe aussi que pendant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, notre choix a été maintenu, assorti d'un changement de la date associée à l'objectif. Je n'ai pas moi-même fait ce choix des 50 %, qui est un choix politique. À la fin septembre 2011, lors du premier débat de la primaire du parti socialiste, il apparaissait clairement que la décision des 50 % était imposée par l'accord avec Les Verts. Pour autant, aucune étude d'impact ou analyse de besoin ne justifiait le passage de 75 % à 50 % de nucléaire dans la consommation énergétique. Certains pensaient sans doute que la prépondérance du nucléaire freinait l'émergence des nouvelles énergies. Pourtant, de nombreux spécialistes trouvaient les pourcentages précités crédibles. Dans le même temps, personne n'imaginait réellement fermer vingt réacteurs en dix ans. Nous savions bien que 2025 serait une échéance compliquée à tenir, mais aussi qu'il y aurait suffisamment de souplesse possible pour repousser cette échéance – ce que Monsieur Hulot, nommé par Monsieur Macron, a fait lorsqu'il était au gouvernement. Il apparaît évident maintenant que le bouleversement connu il y a un an oblige maintenant à un changement de stratégie.

Dans les années 80, un homme a joué un grand rôle au sein du parti socialiste et pour la France : Paul Quilès, qui s'est éteint il y a peu. Il est l'un de ceux qui ont porté les projets en matière d'énergie à cette époque. Ma formation politique était très favorable au nucléaire civil et militaire. Pendant mon mandat, il y a peut-être eu des ambiguïtés et des contradictions, mais nous n'avons jamais appréhendé l'objectif des 50 % et celui de la fermeture de Fessenheim comme une mise en cause du nucléaire, bien au contraire. Tout était fait pour préserver la filière nucléaire de certaines difficultés.

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Il est difficile de refaire l'histoire. L'important est cependant de poser le contexte ayant présidé à la prise de décision. Le débat sur le nucléaire devient à l'occasion de votre mandat de Premier ministre un débat politique. Nous avons le sentiment que le débat sur la sécurité d'approvisionnement s'est alors effacé alors que jusqu'à présent, il avait structuré le débat sur l'énergie. Ce phénomène se reflète avant même votre gouvernement dans les choix d'organisation des ministères et dans celui des espaces d'arbitrage interministériels. Comment jugez-vous a posteriori la construction d'un ministère mêlant des intérêts potentiellement contraires : énergie et environnement, avec le risque que lors des arbitrages interministériels, la sécurité de l'approvisionnement soit insuffisamment mise en avant ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

J'insiste à nouveau sur le fait que pour nous, la sécurité d'approvisionnement était une priorité qui n'a jamais été effacée au détriment d'autres sujets. Nous ne connaissions cependant pas à l'époque les mêmes difficultés qu'aujourd'hui. Le niveau de l'exportation nous permettait aussi d'être très volontaires sur ces sujets. Le choix du président François Hollande, partagé par moi-même, de nommer une personnalité forte à la tête du ministère – comme cela avait été fait avant par Monsieur Nicolas Sarkozy nommant Monsieur Jean-Louis Borloo – répondait aux préoccupations des Français. Les Verts venaient de quitter le gouvernement. Il fallait donc montrer que l'écologie restait une forte priorité à travers le choix d'une personnalité politique forte, à savoir, l'ancienne candidate du Parti socialiste à la présidentielle de 2007. Dans ce ministère, il y a toujours eu des contradictions entre l'écologie et les priorités industrielles – et pas uniquement le nucléaire. Ce constat vaut aussi pour la préparation de la COP 21, davantage portée par le ministère des Affaires étrangères M. Laurent Fabius – dont le travail a été exceptionnel, valant à la France un succès après l'échec de Copenhague. Il y avait donc des personnalités fortes à Bercy et au boulevard Saint-Germain. Sur les sujets fondamentaux, essentiels, les arbitrages n'ont jamais mis en cause notre volonté affirmée de préserver la filière nucléaire ni les choix en matière d'environnement. Je ne parlerai pas à la place de Mme Ségolène Royal, mais il me semble qu'elle souhaitait éviter que la loi comporte des volets sur le nucléaire et au contraire, que celle-ci se limite à l'approche des énergies renouvelables et de la transition énergétique, afin d'éviter de créer des tensions politiques.

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Cela révèle une forme de constance. Le « Grenelle de l'environnement » avait lui aussi, d'ailleurs, écarté le nucléaire du débat. Pour vous, la sécurité d'approvisionnement était une priorité du gouvernement. Pourtant, j'ai l'impression que ce n'était pas présent dans le débat public.

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

La question est différente. Je dois faire appel à ma mémoire, mais l'approvisionnement n'était pas comme aujourd'hui au cœur des préoccupations, pour des raisons évidentes. J'ai été frappé, à la lecture d'un chapitre consacré aux questions d'opinion dans le Que sais-je ? rédigé par M. Cédric Lewandowski, qu'au sein d'une opinion publique favorable à l'énergie nucléaire pour l'approvisionnement, progressivement, un courant a exprimé le sentiment de ne pas avoir d'avis tranché. Le consensus français était basé sur l'idée que les choix faits étaient sûrs et qu'ils permettaient un approvisionnement assuré et un prix avantageux pour le consommateur. Il est évident que cela a changé.

Les présidents Hollande et Sarkozy ont estimé qu'il ne fallait pas remettre en cause les choix effectués historiquement concernant l'énergie, et qu'il n'y aurait pas de sens à faire s'opposer dans un débat public des opposants et des tenants de l'énergie nucléaire. Pour ma part, j'estime qu'il est difficile de parler de transition énergétique, d'environnement et de sécurité d'approvisionnement sans évoquer l'énergie nucléaire, d'autant plus que la loi suppose que sa part recule au profit des énergies renouvelables.

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Je reste sur la question de la construction de l'arbitrage interministériel. Au cours des auditions précédentes, nous avons entendu que le comité à l'énergie atomique s'est peu réuni pendant votre mandat. Aviez-vous identifié cette problématique ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Non.

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La loi prévoit une réunion par an. N'avez-vous pas reçu de rappel ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Il me semble qu'il y a eu des réunions sous l'autorité du Président de la République.

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

J'ai assisté à des réunions à l'Elysée.

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Le sauvetage d'Areva que vous avez évoqué est un sujet complexe. Comment cette compagnie a-t-elle été placée dans une situation si difficile ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Les difficultés s'étaient accumulées. Nous avons constaté une perte record de 4,8 milliards d'euros s'agissant d'une société contrôlée à 87 % par l'État. Un plan d'économies d'un milliard d'euros a été mis en œuvre, avec une restructuration. Cette situation résulte de choix stratégiques, du retard dans la construction des EPR, du triplement des coûts sur les chantiers, de l'échec d'Abu Dhabi, sans oublier les choix faits pour le chantier en Finlande et Uramin. Il fallait répondre à une situation extrêmement critique. Le choix en 2001 de Mme Anne Lauvergeon, nommée par M. Lionel Jospin, de transformer Framatome en Areva répondait au débat existant dans la filière sur la capacité d'une entreprise à construire et gérer des centrales nucléaires. Pendant une quinzaine d'années, la filière a affronté ces sujets, qui ne sont pas politiques mais techniques et industriels. Ils expliquent peut-être les difficultés d'Areva à mener de front l'ensemble des sujets techniques, industriels et financiers. Il a fallu procéder à une augmentation de capital de 5 milliards d'euros en 2016, et mettre en chantier une réorganisation d'Areva qui nous paraissait viable. Nous avons en outre apporté des garanties à nos partenaires finlandais. La mise en service a eu lieu en 2022, et non pas à la date prévue. Le sujet est douloureux. Mon rôle ici n'est pas de désigner des responsables. Quoi qu'il en soit, un choix structurel a été fait dans le portage de la filière par EDF et Areva, et des erreurs stratégiques ponctuelles ont été commises, alors que l'évolution du marché à l'international a aggravé la situation.

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Sous votre mandat, outre le sauvetage d'Areva, il y a également la vente à General Electric des activités « énergie » d'Alstom, ce qui peut être un problème pour assurer la transformation de vapeur en électricité.

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Une commission d'enquête a suivi le sujet, que nous avons eu rapidement à traiter avec le Président de la République et M. Arnaud Montebourg, alors ministre de l'Economie – Monsieur Macron a pris le relais par la suite, en 2014. La question de l'indépendance était en effet posée. De notre point de vue, il fallait le meilleur partenaire possible, celui qui était le plus compatible avec Alstom. Nous considérions que ce choix, sur le plan financier, en termes d'emplois et techniquement allait dans le bon sens.

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Un élément me semble marquant dans votre mandat : le choix du mode de financement pour le chantier d'Hinkley Point, à la fin 2016. Ce choix a provoqué la démission du responsable financier d'EDF. Comment vous positionnez-vous aujourd'hui sur la question ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Le retrait du nucléaire en Allemagne s'est aussi traduit par un retrait industriel, celui de Siemens en particulier. Certains ont souhaité rapprocher Alstom de cette entreprise, mais la correspondance avec cette société n'était pas si évidente. En tout état de cause, la décision de l'Allemagne de se retirer du nucléaire a eu des conséquences sur le plan industriel. En outre, la Commission européenne était très attentive à nos choix concernant EDF, Areva, etc. La France n'était pas dans une position facile vis-à-vis des instances européennes, à un moment où l'Allemagne, l'Italie, la Belgique depuis 2003, l'Autriche... avaient exprimé des positions ou fait des choix effectifs défavorables au nucléaire.

Le contrat Hinkley Point est approuvé le 28 juillet 2016 par le Conseil d'administration d'EDF avec l'accord de l'Etat, même si en interne, le sujet faisait l'objet d'une controverse. Le CCE d'EDF a attaqué la décision, les organisations syndicales, la CGT en tête, s'y opposaient et le directeur financier de l'entreprise a démissionné dans la foulée avec fracas. Nous avons donc commandé un rapport à M. d'Escatha pour esquisser les conditions du succès. Le projet a avancé depuis avec retard. Nous ne savons pas si la rentabilité envisagée sera au rendez-vous. Pour nous, il fallait défendre la crédibilité de la France, de l'Etat et d'EDF dans cette filière.

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Pour épuiser, au moins pour aujourd'hui, la « question des 50 % », j'ai entendu dans vos propos : « je n'ai pas fait, moi, ce choix ». Auriez-vous fait ce choix ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

J'ai participé à ce débat dans le cadre de la campagne des primaires en 2011, marquée par un certain climat, une sorte d'emballement. La primaire est en outre souvent une course sur les mêmes sujets. M. François Hollande a été désigné et a repris les objectifs négociés avec Les Verts. Peut-être aurais-je moi-même agi de la sorte à ce moment-là. Au ministère de l'Intérieur, mon rapport avec les centrales nucléaires s'incarnait essentiellement dans la question des intrusions. J'ai eu l'occasion dès 2012 comme ministre d'exprimer mon soutien à la filière nucléaire.

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Chacun a dû s'adapter. En septembre 2011, pendant les primaires, Mme Ségolène Royal a pris trois engagements : l'arrêt de l'EPR de Flamanville, la sortie en 40 ans du nucléaire ainsi qu'un plan d'action pour sortir de manière irréversible du nucléaire. Plaide-t-elle à l'époque, en tant que membre du gouvernement, pour des objectifs plus contraignants que ceux inscrits dans la loi ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Je ne me souviens pas de toutes ses déclarations précises, mais elle avait déjà pris des engagements dans la campagne de 2007 pour les présidentielles, cohérents avec ses propos lors de la primaire de 2011. Cela a été un sujet de débat pendant la primaire. M. Arnaud Montebourg lui-même avait exprimé des doutes sur l'avenir de la filière. En tout cas, il y avait une interrogation réelle à l'époque sur la pérennité de celle-ci. Je n'étais pas favorable à la fermeture de Flamanville, mais les questions sur les types de réacteur nucléaire, de centrale, de technologies, etc. faisaient partie du débat. Quoi qu'il en soit, Madame Ségolène Royal s'est toujours montrée fidèle au gouvernement dans son action et les positions prises pendant la primaire n'ont jamais pesé sur les choix effectués pendant la préparation de la loi.

Les 50 % n'étaient pas pour nous un « verrou ». Chacun savait bien que le moment venu, les questions de sécurité énergétique seraient prioritaires. De fait, cette proposition a évolué pour finir par être effacée par le Sénat – et rendue inutile par le retard de Flamanville. En fait, le « verrou » provenait plutôt des 63,2 gigawatts.

En ce qui concerne Fessenheim, l'idée existait dans notre débat public et au niveau mondial, qu'il fallait se positionner sur le démantèlement des centrales.

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Nous avons beaucoup abordé dans cette instance la question de la prévision de consommation d'électricité à court et moyen terme. Au moment de la préparation de la Conférence de Paris, l'une des options pour atteindre les objectifs en termes d'émission de carbone est l'électrification d'une partie des usages. Dans ce cadre, RTE a élaboré plusieurs scénarios sur la consommation électrique. Quel est à l'époque votre positionnement sur ce sujet ? Il est clair que si la consommation d'électricité est attendue à la baisse, plafonner la production d'électricité produite à partir du nucléaire peut faire sens. À l'inverse, s'attendre à une électrification des usages croissante et à une réindustrialisation significative pouvait conduire à d'autres décisions.

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

C'est cette idée-là qui prédominait. Il existait en effet différents scenarii. La majorité elle-même était parcourue par un débat interne. Pour notre part, nous privilégiions un effort de réindustrialisation, et les choix sur les 50 %, Fessenheim, Areva et la nécessité de faire progresser les énergies renouvelables répondaient à cet objectif.

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Vous vous attendiez à une croissance des besoins en énergie électrique tout en plafonnant la part du nucléaire dans la production d'énergie électrique. Cela suppose que vous misiez sur les énergies renouvelables. Vous reconnaissez que la loi sur le nucléaire est largement politique, mais aussi qu'elle a fait l'objet de peu d'études d'impact. Quel était à l'époque votre regard sur la faisabilité d'un développement important à court terme – 10 ans, des énergies renouvelables alors que depuis 2000, les retards en la matière tendaient à s'accumuler ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Votre constat est incontestable. L'article 1 de la loi en question, parmi les divers objectifs qu'il fixait, portait sur la part des diverses sources d'énergie. L'idée principale était de diversifier la production électrique française et de rattraper une partie de notre retard par rapport à d'autres pays. La question ne portait donc pas tant sur les 50 % que sur le temps nécessaire pour les atteindre. La question est, sur les énergies renouvelables, fallait-il y aller à « marche forcée » ? Nous avons souhaité favoriser une montée en puissance progressive des énergies renouvelables, qui s'est avérée plus complexe que ce que nous pensions – l'opinion elle-même, par exemple, exprimait un certain scepticisme vis-à-vis de l'éolien.

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Quel élément pouvait-il vous faire penser qu'après la loi de 2015, le développement des énergies renouvelables pouvait être bien plus rapide que sur les quinze dernières années ? Aviez-vous identifié certains leviers ? Madame Lepage, par exemple, pensait qu'il fallait nécessairement mettre un coup d'arrêt au nucléaire pour être en mesure de développer les renouvelables. Quel est votre regard rétrospectif sur cette concurrence supposée entre nucléaire et énergies renouvelables ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Ce n'était pas notre option, même si l'idée pouvait exister chez certains que le plafond de 50 % nous permettrait, par un volontarisme bien français, de nous libérer en vue d'atteindre l'objectif. De nombreuses rencontres ont eu lieu avec les acteurs économiques et industriels du renouvelable pour développer la filière, mais nous nous sommes heurtés aux problèmes de capacité sur le solaire et le photovoltaïque. Pourtant, certains objectifs ont été atteints.

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À votre arrivée aux responsabilités, je suppose que des échanges ont lieu avec les responsables d'EDF. Quel était l'état de cette entreprise à votre arrivée à Matignon ? Sur l'EPR, plusieurs reports auront lieu durant le quinquennat du Président François Hollande. Quelle était votre vision des difficultés de l'entreprise – ou quelles sont les explications qui vous ont été données à ce sujet ?

Sur le Grand Carénage, l'anticipation n'aurait-elle pas pu être plus importante ? De la sorte, certains problèmes actuels auraient été évités.

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

En tant que patriote et républicain, je crois dans l'importance de nos grandes entreprises. La nation s'est construite par l'État. EDF a connu des présidents extrêmement compétents. J'ai rencontré par exemple M. François Roussely à plusieurs reprises, ainsi que MM. Henri Proglio et Jean-Bernard Levy. Nous avions confiance dans nos entreprises. Quoi qu'il en soit, j'avais le sentiment qu'EDF était à la croisée des chemins. Elle était confrontée à des problématiques financières que nous avons dû résoudre. Le retard pris sur Flamanville et la nécessité d'une montée en puissance dans le cadre du plan de grand carénage pouvaient amener à une remise en cause des objectifs de la loi de 2015, y compris la fermeture de Fessenheim. La question n'est pas politique mais technique, ayant trait au savoir-faire. Cette entreprise doit être capable d'atteindre les objectifs qu'elle s'assigne ou qu'on lui assigne.

Les problèmes liés aux normes de sécurité concernant Flamanville sont réels. Quant au programme de grand carénage, c'est un des premiers sujets que j'ai abordés avec M. Jean-Bernard Levy. Il a été adopté par nos administrations en janvier 2015. Si la trajectoire financière a été respectée, le déploiement du programme a conduit à une moindre disponibilité du parc nucléaire à cause de l'ampleur des travaux à réaliser. Quel que soit le Président de la République ou le gouvernement, il faut être très attentif à la situation d'EDF, à sa capacité d'évolution. Nous avons besoin que ces grandes entreprises soient fortes et s'adaptent, y compris à la commande publique. Le plan, lié au retour d'expérience de Fukushima, se heurtera par la suite à certains débats sur la durée de prolongement envisageable pour les centrales nucléaires.

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Vous avez évoqué les difficultés financières d'EDF. En réponse, les anciens présidents de cette entreprise ont mis en avant deux causes uniquement : des tarifs trop bas et la problématique de l'accès régulé à l'énergie nucléaire régulé (ARENH). N'y a-t-il pas également d'autres difficultés ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Sur l'ARENH, Jean-Bernard Lévy s'est longuement exprimé devant vous. Je n'ai pas souvenir que ce sujet ait été central à Matignon, au point de nécessiter un arbitrage. Il y avait bien des tensions cependant. Sur la question des tarifs en revanche, les discussions entre le Président d'EDF et la ministre, préoccupée par le sort des consommateurs, ont été nourries. Dans ces conditions, le Président de la République et moi-même avons toujours cherché à suivre un « chemin de crête » lors de nos arbitrages.

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Ma première question concerne la fermeture de Fessenheim. Je n'ai toujours pas compris pourquoi vous avez laissé la porte ouverte à la fermeture d'un site que vous jugiez vous-même en bon état de fonctionnement. Je suppose qu'au moment de l'accord avec Les Verts, des éléments scientifiques ont été pris en compte. Quels sont-ils ? Si cela était à refaire, prendriez-vous aujourd'hui la même décision relativement à cette centrale ?

Prônant une réduction du nucléaire dans la production électrique française, vous avez rappelé que l'objectif était de passer en dessous de la barre des 50 % à l'horizon 2025. Quel regard portez-vous aujourd'hui sur la non-réalisation des objectifs ? Vous affirmez que personne au gouvernement n'y croyait réellement. Pourquoi dans ce cas avoir usé de ces éléments de communication ?

Le nucléaire souffre d'une pénurie de main-d'œuvre et de la perte de savoir-faire, à cause de l'annonce de fermeture d'une partie de nos centrales et du manque d'investissement des dernières années. Aujourd'hui, avez-vous le regret de ne pas avoir lancé de nouveaux réacteurs de recherche, de ne pas avoir lancé la construction de nouvelles centrales, de ne pas avoir poussé les jeunes à s'orienter vers ces métiers ? Soutenez-vous la relance du nucléaire français ? Si tel est le cas, pourquoi ne pas avoir davantage œuvré en ce sens à l'époque ?

Quant à l'accident de Fukushima, de nombreux spécialistes affirment qu'il ne pourrait pas survenir dans des centrales françaises. De votre côté, disposiez-vous d'éléments probants, à l'époque, autorisant à penser que le risque était transposable à la France ?

Le nucléaire présente des avantages comparatifs remarquables, mais son pilotage n'est pas souple. Quelles énergies comptiez-vous utiliser les jours où le vent et le soleil se seraient faits plus rares ? Comment développer des énergies intermittentes sans passer par les centrales à gaz et à charbon ?

En refusant de réinvestir dans le parc national tout en évitant de lancer de grands projets de recherche, vous avez contribué à l'affaiblissement de notre industrie nucléaire, tout jugement de valeur mis à part. Nous étions pourtant l'un des pays les plus avancés dans la maîtrise de l'atome. Alors que nous prenions du retard, vous avez choisi d'investir dans les renouvelables. Ne regrettez-vous pas d'avoir investi des dizaines de milliards d'euros dans des ENR dont la quasi-totalité est fabriquée dans des multinationales étrangères ? Pourquoi ne pas avoir mis en place les conditions de la construction d'une industrie nationale des énergies renouvelables ? Ne trouvez-vous pas dommage que la transition énergétique que vous appelez de vos vœux ne s'appuie pratiquement que sur des industries étrangères alors que nous étions pratiquement leader mondial dans le nucléaire ?

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Je réfute l'idée que nos choix auraient visé ou suscité un affaiblissement de la filière nucléaire. Notre volonté était au contraire de la renforcer, et toutes mes déclarations – mais aussi nos actes – l'attestent. En ce qui concerne Areva, l'idée était bien de sauver l'un des fleurons de notre industrie. Cela s'est traduit notamment, dans la douleur, par des pertes d'emplois. Quant au choix de Fessenheim, il est politique, mais aussi basé sur le fait que la centrale était parmi les plus anciennes. Elle disposait de réacteurs en bon état comme l'ASN l'avait réaffirmé. Je ne répondrai pas à la question de savoir si je le referai ou pas. Je ne peux parler que des faits réels. Or le choix en question a bel et bien été fait, et je n'ai pas cherché à l'éviter. Ce choix a été accompagné, et un délégué interministériel a été en poste dès le début du quinquennat pour accompagner la fermeture de Fessenheim. De mon côté, en tant que ministre de l'Intérieur, je n'étais pas directement concerné par ce sujet.

Au sujet de la relance et de la construction éventuelle de nouvelles centrales, nous attendions – faut-il le rappeler – l'ouverture de Flamanville et la réalisation du chantier en Finlande. Tous les acteurs de la filière partageaient nos attentes quant à ce nouveau type de réacteurs. L'ouverture de Flamanville est capitale et ne dépend pas de choix politiques. En 2016, j'ai signé deux lettres de mission au secrétaire général de la sécurité et de la défense nationale. La première visait l'examen des sujets de la non-prolifération et l'opportunité de se positionner sur le marché des SMR. La seconde visait à retenir une proposition dans les différentes options technologiques possibles à l'époque. Ensuite, « l'équipe de France du SMR » s'est mise en marche. Aujourd'hui, le projet est toujours activement soutenu. La France a connu des échecs importants dans le nucléaire, et celui d'Abu Dhabi était majeur. Mais nous avons relancé sous le quinquennat du Président François Hollande ce programme alors moribond.

Je partage le choix annoncé par le Président de la République il y a un an. Ce n'est pas une question de personne, mais à mon avis, le choix est important pour le pays et devrait servir de base à un consensus national. Nous avons connu en effet des difficultés, essentiellement techniques que je ne cherche pas non plus à exagérer. Quoi qu'il en soit, on peut parler de choix politiques, mais nous avons connu surtout des difficultés techniques réelles que les spécialistes connaissent mieux que moi. Qui pouvait imaginer le retard pris par l'EPR de Flamanville ? J'en suis désolé, mais je n'accuserai personne de ce retard. Il faut maintenant que « l'équipe de France » soit au rendez-vous. Nos succès des années 60 à 80 reposaient sans doute sur une forme de consensus qui a pu, il est vrai, s'affaiblir, sans que l'on puisse en faire porter la responsabilité aux gouvernements du Président François Hollande, ou à tel ou tel. Notre rendez-vous avec l'histoire, désormais, est avant tout d'ordre technologique, sans même évoquer les questions financières.

Vous avez évoqué Fukushima. Nos centrales ne sont pas sans risques, mais l'ASN veille sur la situation. L'accident de Fukushima a été déclenché par une causalité extérieure : un tsunami. Je rappelle aussi que personne ne pense que Mme Angela Merkel, par exemple, prenait ses décisions à la légère. Elle a pourtant orchestré la sortie de son pays du nucléaire. Les choix de 2012 visaient en effet la réduction de la part du nucléaire dans la production électrique, la montée en puissance du renouvelable, la confirmation de Flamanville et le soutien à une politique d'export (en Finlande, en Chine, au Japon...). L'important aujourd'hui n'est pas de vilipender tel ou tel politique, mais de savoir comment nous pourrons être le mieux armé possible pour affronter l'avenir.

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Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué la loi de transition énergétique, vos choix et les retards connus par les ENR, ainsi que du renouvellement des concessions hydroélectriques. Depuis 2011, l'Union européenne exerçait une certaine pression. Pourquoi pendant l'exercice de votre mandat à Matignon n'avez-vous pris aucune décision en la matière ? Quant au pilotage de l'ARENH, vous avez indiqué qu'il nécessitait des arbitrages, notamment entre les fortes personnalités occupant des ministères au sein de votre gouvernement. Monsieur Borloo a expliqué que l'ARENH se pilotait sur deux points : les volumes (risquant de baisser à cause des arrêts de réacteurs en maintenance) et la tarification. Or sur ce point, Monsieur Philippe de Ladoucette, ancien président de la CRE, avait demandé une évaluation de la tarification. Pourtant depuis 2014, aucun décret n'est sorti sur le sujet.

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Je suis incapable de vous répondre sur cette deuxième question. Le rôle du Premier ministre est vaste, et même si les décrets sont préparés par le secrétaire général du gouvernement, les arbitrages concernant l'ARENH et la tarification n'ont pas été faits à mon niveau ni à celui du Président de la République je le pense. Je n'ai pas le souvenir que m'aient été remontées des tensions éventuelles entre EDF et l'ARENH. Il me faudra faire quelques recherches supplémentaires sur ce point pour trouver éventuellement quelques éléments de réponse à vos questions.

Concernant les concessions hydrauliques, la réponse figure dans mes propos précédents. L'idée était de rester souverains vis-à-vis de la Commission européenne. Vous aurez tout loisir d'interroger Mme Ségolène Royal également à ce sujet. Quant à moi, j'effectuerai sur ce point également quelques recherches complémentaires.

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Je souhaiterais évoquer une question politique. Les opposants à la filière nucléaire ont, depuis les années 90, une stratégie ciblée sur des éléments du cycle complet. Cette stratégie a visé Superphénix à la fin des années 90, puis avec la fermeture de Fessenheim, elle a permis d'obtenir la définition d'une durée de vie pour les centrales. Fessenheim était la centrale la plus ancienne mais pas nécessairement la plus dangereuse. La fermer créait un précédent, la définition en quelque sorte d'un âge standard. Enfin, la stratégie antinucléaire s'est attaquée au cycle combustible à travers la filière MOX, qui reflète pourtant une vision plutôt vertueuse de l'économie de matière, du recyclage, etc. Vous avez écarté la proposition relative au MOX de l'accord politique entre socialistes et Verts, mais vous avez retenu celle aboutissant à définir une durée de vie des centrales.

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

Cela renvoie à l'accord politique entre le parti socialiste, dont Mme Martine Aubry était la Secrétaire, et les écologistes. L'un des éléments importants était le nombre de circonscriptions, l'autre était l'accord programmatique. Le Président François Hollande, conscient des enjeux nucléaires, a conservé les 50 %. Il est vrai, pour le reste, que la fermeture de Fessenheim ne reposait pas totalement sur des éléments objectifs et que la centrale était la plus vieille mais pas la moins sûre. La fermeture d'une centrale devait permettre de créer un cercle vertueux favorable aux énergies renouvelables et aussi à l'ouverture éventuelle d'une filière de démantèlement des centrales, tout ceci en laissant ouverte la question de la durée. Nous avons écarté systématiquement au cours du quinquennat tout débat sur la question de la durée des centrales nucléaires. Cela peut vous sembler en contradiction avec notre décision sur Fessenheim. Pour autant, nous avons refusé d'entrer dans un débat sur l'âge. D'ailleurs, nous avons soutenu le plan de grand carénage. Vous relevez des contradictions politiques. Sur le MOX, nous avons eu la volonté d'en conforter le développement.

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Comment cela se formalise-t-il ? Certaines décisions sur la filière du MOX n'ont pas été prises.

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Manuel Valls, ancien Premier ministre

La loi de 2015 n'a pris aucune décision sur ce point et renvoie plutôt aux travaux de qualification. Des études sur le « moxage » du palier à 1 300 mégawatts étaient en cours à l'époque. Dans l'histoire de la filière, l'idée était que les combustibles usagés pouvaient être recyclés dans les surgénérateurs à neutrons rapides, mais dès les années 80, un frein avait pesé sur le développement d'une filière, avec un problème de débouché pour les combustibles usagés. Puis une piste de développement du MOX est apparue. Nous n'avons fait de notre côté aucun choix négatif sur ce sujet. Rien ne remettait en cause le MOX au-delà des difficultés techniques.

Vous avez rappelé que l'opposition au nucléaire s'est manifestée de deux manières : en demandant la fermeture de certaines centrales, souhaitée par les écologistes, en France ou en Allemagne, par exemple, ou en s'attaquant de façon plus subtile à des éléments plus ciblés. M. Lionel Jospin a dû parler de Superphénix avec vous. Pour ma part, j'ai le sentiment que les choses ont changé radicalement, quand je vois la position des Verts au sein de gouvernements, en France ou en Europe.

Il y a eu un autre débat, sur un autre élément de la filière, qui est Cigéo, qui a été poussé autant que possible pendant cette période. La loi de 2006 prévoyait qu'un texte législatif définisse une phase industrielle pilote pouvant aboutir à une autorisation d'exploiter par décret. Finalement, ce projet a été intégré dans la loi de transition de 2015 puis dans la loi dite « loi Macron » sur les questions économiques d'août 2015, avant que le Conseil constitutionnel censure l'article concerné au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. Finalement, nous avons utilisé le PPL sur proposition de M. Gérard Longuet. La demande d'autorisation de création de Cigéo vient d'être déposée. C'est un élément très important de la filière. Dans les remises en cause de la filière, La Hague avait un rôle symbolique. Notre idée était de préserver tous les éléments de la filière.

En fin de compte, les événements nous ont donné plutôt raison. Aucun élément fondamental n'a été remis en cause par notre politique ; rien n'empêcherait, demain, de relancer avec force la filière, sinon les sauts technologiques éventuels, outre l'investissement financier nécessaire. Mais avec la volonté politique et l'absence d'écueil technologique majeur, la relance est possible.

En ce qui concerne la durée de vie des centrales, il faut reconnaître qu'il était question de 35 à 40 ans initialement, et que nous parlons désormais de 80 ans. L'opinion publique doit être éclairée en permanence sur ces sujets afin qu'elle comprenne pourquoi les durées peuvent être prolongées, et l'ASN doit aider dans ce débat, pour qu'il n'y ait aucun doute sur le fait que nous pouvons prolonger. Les Américains, sur la base d'autres éléments d'analyse, en parlent. Pourtant, ils sont soucieux de sécurité car ils ont connu eux-mêmes un incident nucléaire.

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Au sujet de la filière du démantèlement, elle reste à construire, à condition qu'il n'y ait pas d'opposition. Le courant antinucléaire, pourtant, cherche à empêcher de longue date la constitution de cette filière. Le plan national de gestion des déchets et matières radioactives (PNGMDR) comprend même des éléments s'opposant à la mise en place de la filière, et notamment la qualification même du déchet nucléaire dans la perspective d'un démantèlement.

Je suis de près le démantèlement de Fessenheim. J'en tire la conclusion qu'il ne sera pas aisé, pour des raisons réglementaires et politiques, de construire en France une filière du démantèlement.

Merci beaucoup Monsieur le Premier ministre pour ces éléments.

La séance s'achève à 11 heures 45.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Antoine Armand, M. Francis Dubois, M. Nicolas Meizonnet, M. Raphaël Schellenberger.

Excusée. – Mme Valérie Rabault.

Assistait également à la réunion. – M. Grégoire de Fournas.