Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Réunion du jeudi 28 septembre 2023 à 8h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à huit heures trente.

Présidence de M. Jean-Marie Fiévet, vice-président.

La mission d'information auditionne des représentants de l'association nationale des élus de la montagne (ANEM).

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Bonjour. En tant que vice-président, je remplace Mme la présidente, qui arrivera avec un peu de retard, et lui laisserai ensuite ma place. Je précise que je suis député des Deux-Sèvres, membre de la commission de la défense et des forces armées et sapeur-pompier professionnel.

Poursuivons nos auditions et accueillons en visioconférence Mme Pascale Boyer, présidente de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM) et députée des Hautes-Alpes. L'ANEM a près de 40 ans d'existence, puisqu'elle a été créée en 1984 dans le contexte des travaux préalables à la loi dite « Montagne » promulguée en 1985. Cette loi a entériné la nécessité d'adapter les dispositions générales aux particularités de ces territoires. D'après nos informations, votre association compte environ 6 000 membres et regroupe aujourd'hui plus de 4 000 communes ou intercommunalités, 40 départements, 7 régions et 240 parlementaires. Elle a pour principale mission de faire connaître les particularités des territoires de montagne et de défendre leur cause, tant au niveau national qu'au niveau de l'Union européenne.

Je rappelle à l'intention de Mme Boyer que notre mission est constituée de vingt-cinq députés de tous groupes politiques, a été créée à l'initiative du groupe Horizon et a pour rapporteur M Didier Lemaire, ici présent. Votre audition est filmée et accessible sur le site internet de l'Assemblée nationale. Notre objectif est d'étudier au plus près du terrain l'organisation de la protection et de la sécurité civiles, ainsi que les défis que notre pays doit relever dans ce domaine. Pour éviter de faire fausse route ou d'avoir des idées préconçues, nous avons tenu à débuter nos travaux par des auditions consacrées aux élus et à leurs associations. Les élus sont sur le terrain et sont donc, par définition, au plus près des opérations de prévention et d'intervention menées par les forces de sécurité civile. Ils sont des acteurs de premier plan lorsque des crises surviennent et que ces forces interviennent. Ils peuvent ainsi s'appuyer sur leur propre expérience de ces situations et nous faire part de leur regard sur l'état et le fonctionnement actuel de notre système de sécurité civile.

Je vous remercie, Madame Boyer, de vous être rendue disponible depuis Oslo pour participer à cette visioconférence et partager avec nous l'expertise et l'expérience des élus de la montagne sur ces enjeux. Vous êtes en effet en première ligne d'un ensemble de risques spécifiques, comme l'ont notamment montré en octobre 2020 les inondations de la vallée de la Roya et les difficultés d'accès à certaines vallées. Il nous paraît indispensable de bien prendre en compte dans nos travaux les contraintes particulières de la montagne pour la gestion de ces risques. Nous voulons faire progresser encore notre modèle de protection civile. N'hésitez donc pas à nous faire part de vos analyses critiques sur l'organisation actuelle de notre système, ainsi qu'à nous livrer des suggestions qui pourront utilement contribuer à nos travaux.

Avant de vous donner la parole, notre rapporteur M. Didier Lemaire va vous poser une première série de questions.

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Dans le cadre de cette mission d'information sur nos capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de sécurité civile, je vous propose de vous entendre rapidement. Vous avez été destinataire du questionnaire et vous pourriez peut-être nous proposer un propos introductif. Notre mission d'information consiste à obtenir un état des lieux sur des crises récentes et successives que nous avons pu traverser, qu'il s'agisse de crises technologiques, naturelles ou même sanitaires comme avec le Covid. Les élus de l'ANEM sont-ils associés aux réflexions sur la sécurité civile ? Si oui, de quelle manière ? Nous aimerions également avoir votre retour sur les difficultés auxquelles vous faites face et recueillir vos pistes d'amélioration.

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Merci Monsieur Lemaire, merci chers collègues, merci d'auditionner l'ANEM. En tant qu'association d'élus de la montagne, l'ANEM regroupe 4 000 EPCI, soit environ 3 000 communes de montagne, toutes communes confondues, et non uniquement les stations de ski. Les risques en montagne sont très élevés et ces gigantesques terrains de jeu provoquent souvent des accidents pour les bons pratiquants comme les touristes qui peuvent méconnaître la montagne.

Les secours en montagne sont organisés autour de trois acteurs clefs. Tout d'abord, la gendarmerie nationale intervient avec les pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM) dans les Alpes et les Pyrénées, et les pelotons de gendarmerie de montagne (PGM) dans les Vosges, le Jura, le Massif central et la Corse. En 2020, les effectifs étaient de 319 agents pour assurer la sécurité en montagne. La police nationale intervient également grâce aux sections spécialisées de montagne relevant des compagnies républicaines de sécurité (CRS de montagne). En 2020, les effectifs des six départements s'élevaient à 157 agents. Le groupe montagne de sapeurs-pompiers des services départementaux d'incendie et de secours est également présent sur nos territoires pour assurer la sécurité civile. En 2020, son effectif comptait 779 personnes. Des moyens héliportés de l'État dépendant de la gendarmerie et de la sécurité civile sont également mis à disposition des équipes de secours mobilisées en cas de besoin. De même, des personnels médicaux rattachés au SAMU ou au SMUR et des services d'incendie et de secours peuvent intervenir.

Précisons que les hélicoptères et la gendarmerie et de la sécurité civile sont répartis sur le territoire avec une double logique, de mission et de subsidiarité. Les deux flottes ont obligation de remplacer un hélicoptère en cas d'indisponibilité et d'exigence de mobilisation. Compte tenu de la multiplicité des acteurs et de la complexité de l'organisation des secours en montagne, la mise en œuvre relève de l'autorité des préfets départementaux, responsables de l'organisation et de l'affectation des dispositifs d'organisation de la sécurité civile.

Si ces explications vous suffisent, nous pouvons passer aux questions qui vous intéressent plus particulièrement. Vous me demandiez si l'ANEM avait été associée à la réflexion sur l'organisation des services de secours en montagne. Or nous ne sommes pas spécialement associés à cette organisation.

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Merci beaucoup pour ce premier point concernant le secours en montagne et ses différents acteurs, gendarmerie, police, sapeurs-pompiers. Le risque technologique est peut-être moins présent en montagne que sur le reste du territoire et nos questions porteront donc plutôt sur le risque naturel. L'idée de notre mission est de comprendre, en tenant compte des particularités de l'ensemble de l'hexagone et de l'outre-mer, comment les communes peuvent s'organiser en cas de catastrophe naturelle ou sanitaire, et sur qui elles peuvent compter. Nous avons bien compris que les services de l'État étaient fondamentaux, mais, à l'échelle d'un territoire, en cas de crise majeure, l'organisation devient peut-être très compliquée. Les communes sont-elles sensibilisées à devoir se débrouiller en cas de rupture des réseaux de communication notamment ? Existe-t-il des associations de sécurité civile établies auprès de vos 4 000 EPCI ? De quelle manière êtes-vous organisés ? Les dispositifs vous semblent-ils suffisants ?

Dans son propos introductif, Monsieur le vice-président a parlé de la vallée de la Roya. Nous nous souvenons de la difficulté d'organisation pour des territoires quelque peu coupés du monde en matière de télécommunications ou de transport routier par exemple. Quel est votre avis sur le sujet ? Les dispositifs vous paraissent-ils suffisants ? Identifiez-vous des pistes d'amélioration ? Êtes-vous associées à ce genre de réflexions ?

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Je répondrai tout d'abord à la dernière question. L'ANEM n'est pas spécialement associée aux réflexions en matière de télécommunication ou de transport routier que vous mentionnez. S'agissant des risques naturels, ils ne sont pas les mêmes en fonction du type de territoire. Les stations de ski présentent des risques qui ne sont pas nécessairement naturels. Les risques naturels sont en principe connus dans les stations. Des avalanches peuvent être déclenchées avant l'ouverture des pistes par exemple. Normalement, tout doit bien se passer pour la pratique du ski alpin. D'autres risques naturels sont moins contrôlés, notamment pour le ski de randonnée ou le hors-piste. Dans ces cas précis, des avalanches peuvent se déclencher et s'avérer parfois catastrophiques.

Outre les sports d'hiver, les sports de pleine nature pratiqués en été présentent également des risques. Le réchauffement climatique peut par ailleurs engendrer de nouveaux risques, tels que . les pluies torrentielles qui peuvent par exemple provoquer des dégâts et des crues au niveau des cours d'eau. . Dans ce cadre, l'entretien des cours d'eau est fondamental. Il faut notamment travailler sur la GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) et le financement des travaux. Au niveau de l'organisation des services, le plan ORSEC permet de gérer ces risques naturels. Cette gestion est à la main des préfets départementaux.

Cette organisation satisfait les élus, mais évidemment des améliorations restent toujours possibles. Dans l'ensemble, l'organisation fonctionne, car les différents acteurs sont coordonnés par les préfets. La principale amélioration concerne les moyens de communication, qui sont souvent peu performants en montagne. Certaines associations possèdent des radios pour basculer lorsque le réseau n'est plus disponible dans les stations. Cependant, ce système ne repose que sur du bénévolat et de l'associatif, même s'il fonctionne bien. Or nous connaissons tous les limites de l'association.

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Est-ce que l'ANEM connaît tous les risques répertoriés dans les différentes communes qui la composent ? Vous nous parlez des risques liés aux glissements de terrain ou aux orages violents et nous en avons constaté il y a quelques semaines encore. Êtes-vous également informés des risques tectoniques ? En effet, les Alpes et les Pyrénées sont établies sur des failles tectoniques, à l'origine des montagnes, qui bougent régulièrement. L'ANEM est-elle réellement informée de tous les risques qui peuvent se produire ? Si un barrage se rompt en montagne, êtes-vous informés également ? L'ANEM est-elle vraiment prise en compte pour ce type de risque ?

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Non, nous ne sommes pas pris en compte pour ce type de risques. Ce type de risque ne se matérialise a pas tous les jours, et tant mieux. Nous ne sommes pas spécialement impliqués. En cas de catastrophe naturelle, quelle qu'elle soit, les circuits d'alerte sont déjà bien organisés sur le territoire. Nous intervenons en deuxième niveau et ne sommes donc pas nécessairement alertés pour tout ce qui peut survenir dans les territoires. La question peut donc se poser : l'ANEM ne devrait-elle pas au moins être informée ? L'essentiel reste que la catastrophe soit gérée en urgence sur le territoire alors que nous n'aurions pas forcément les moyens d'organiser la réponse.

Concernant le travail de gestion des risques, l'ANEM a mis en place un travail sur les risques sismiques dans les Pyrénées. Dans les Alpes du Sud notamment, nous constatons fréquemment des secousses sismiques. Quelques dizaines d'années auparavant, celles-ci avaient eu de graves conséquences dans les Alpes-de-Haute-Provence, mais, jusqu'à présent, ces risques demeurent assez limités.

Nous sommes également membres de l'Anena, association qui travaille sur la connaissance des avalanches. Nous travaillons avec eux pour porter des actions de sensibilisation dans les territoires de montagne auprès des pratiquants et pratiquantes de sports de pleine nature. Ce travail sur les risques d'avalanche dans nos territoires de montagne est fondamental.

Il existe également des risques liés à la fonte des glaciers : les territoires sont transformés et des lacs se mettent en place. Il s'agit de retenues collinaires qui se forment avec la fonte des glaces. De nouveaux risques apparaissent donc dans ces territoires et ne sont pas forcément connus des locaux. Il faut donc porter une grande attention à ces transformations de terrains. Les territoires de montagne sont dynamiques, toujours en mouvement, notamment avec le retrait des glaciers qui entraîne des glissements de terrain. En ce sens, l'organisation des secours en montagne est fondamentale. L'organisation est à la main des préfets, mais les maires se trouvent également au cœur du sujet. Ils sont en général très bien informés, car ils sont les premiers concernés par ces risques. Ils sont également au cœur de l'organisation en lien avec les préfets et les secours de montagne.

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En dehors du travail mené par l'association des élus de la montagne,, pensez-vous que l'approche entre les différents massifs, les Pyrénées, les Alpes, le Massif central et bien d'autres, soit identique ? Pour des critères divers et variés, les communes sont classées en communes de montagne par exemple. Dans mon département, la présence des Vosges est clairement établie, puisqu'il s'agit de montagnes. D'autres communes situées tout au sud de ma circonscription dépendent quant à elles du Jura alsacien et sont également classées en communes de montagne. Or j'ai le sentiment que l'approche de gestion des risques n'est pas du tout la même. Pensez-vous que l'approche est identique, du moins l'attention sur la particularité des zones de montagne ? J'ai le sentiment que l'approche est différente, et peut-être que la connaissance est également différente chez les élus des territoires.

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Comme vous venez de le dire, les risques ne sont pas tout à fait les mêmes entre de la moyenne et de la haute montagne. Les pratiques diffèrent également entre les différents massifs et les différentes altitudes.

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Madame la présidente, toutes mes excuses, j'ai simplement oublié de préciser un point. J'entends vos propos sur les risques liés aux activités, notamment les avalanches en haute montagne, mais ma question porte plutôt sur les risques dits naturels. Vous parliez de tremblements de terre, et nous pouvons également parler de mouvements de terrain, d'inondations, ou autres. Ma question porte vraiment sur ces risques communs, pas forcément sur les risques plus spécifiques comme les avalanches en haute montagne.

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Les communes doivent avoir un plan communal de gestion des risques. Elles possèdent un schéma qui leur permet de connaître les endroits où des risques naturels existent. Ensuite, que ce soit en montagne ou non, des risques naturels sont présents dans chaque commune. Les maires y sont bien évidemment très attentifs. Un maire de station de ski fait en sorte d'être toujours actif en cas de catastrophe naturelle. La gestion des risques n'est pas un sujet que nos élus nous font régulièrement remonter. Bien au contraire, à part le groupe de travail mis en place dans les Pyrénées, nous n'avons pas de retour majeur concernant l'organisation de la gestion des risques naturels. Le sujet est fondamental pour un maire, bien évidemment, mais, n'ayant pas de retour, nous pouvons supposer que la gestion est plutôt bien organisée dans les territoires.

Le sujet porterait plutôt sur le financement des SDIS. Les communes ont l'obligation de financer les SDIS à hauteur de 15 %, le département à 51 %, et les EPCI à 26 %. Nous connaissons tous les budgets communaux, qui diminuent. Les dépenses de fonctionnement augmentent et le financement des SDIS est plus compliqué à tenir. Ces 15 % rendent parfois difficile pour les communes de financer leurs secours, notamment les SDIS.

Du fait de l'évolution des risques naturels en raison du changement climatique, qui s'amplifient de plus en plus entraînant des catastrophes de plus en plus importantes, les élus n'ont plus forcément connaissance des outils scientifiques nécessaires. Il faudrait une mise à jour régulière de tous les risques encourus sur les territoires de montagne et les communes des élus. C'est un manque et il faudrait travailler le sujet pour que les élus aient les connaissances scientifiques nécessaires. Elles ne s'inventent pas et il faudrait les diffuser régulièrement pour informer les élus de l'évolution des risques.

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En effet, avec le dérèglement climatique, nous constatons que les catastrophes changent. Les départements ou communes de basse, moyenne ou haute montagne ont à présent un risque de feux de forêt. Madame la présidente, vous vous trouvez actuellement à Oslo où, en 2018, ont eu lieu des feux de forêt très importants alors que les pompiers locaux n'étaient plus formés ou équipés pour maîtriser ce type d'incendie. En France, faudrait-il augmenter ou former différemment les SDIS dans les communes de moyenne montagne ou autre pour les risques de feux de forêt ou d'autres domaines ? Ces risques sont très présents aujourd'hui et il est important de revoir l'organisation des secours dans leur globalité au niveau des moyennes et hautes montagnes. Nous connaissons les risques actuels, mais anticipons-nous réellement ceux de demain ? Pour qu'une catastrophe ne survienne pas, la meilleure manière est de l'anticiper et de la prévoir.

Comme vous le dites, il est extrêmement important qu'on vous informe sur les risques éventuels dans vos communes. En parallèle, faudrait-il également former différemment les secours, les forces de l'ordre, la gendarmerie, la police nationale, les sapeurs-pompiers, mais aussi les associations de protection civile ? Ces dernières doivent également évoluer vers les risques de demain. Pensez-vous que l'État est au rendez-vous de ces enjeux ? L'ANEM en a-t-elle pris conscience ? Êtes-vous informés, après chaque catastrophe, du retour d'expérience concernant les risques et la réponse apportée ? Pour la Roya par exemple, les communes de moyenne montagne ont-elles été informées des risques ? Comment l'intervention a-t-elle été gérée ? Comment éviter les problématiques dues à des catastrophes imprévues ?

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Les risques changent, et changent très vite. Les catastrophes surviennent et sont imprévues. Parfois, elles sont tellement imprévues que nous ne pouvions pas imaginer qu'elles puissent arriver. Pour la protection de nos concitoyens, l'idée est d'anticiper au maximum et de comprendre comment nos territoires peuvent évoluer avec le réchauffement climatique. Des catastrophes naturelles pourraient être prévisibles au sens où nous pourrions organiser des secours au cas où elles surviendraient. D'autres au contraire restent imprévisibles. Pour la vallée de la Roya, la catastrophe a été tellement violente que l'organisation des secours était compliquée. Lorsqu'un événement survient en montagne, il est parfois très difficile de mobiliser tous les secours en un temps donné. Le tout peut aboutir à des situations similaires à celle de la vallée de la Roya.

L'essentiel reste de sauver les populations. Comme je le disais dans mes propos liminaires, nous possédons une organisation correctement définie, avec différents types d'acteurs et un préfet coordonnateur. Les services de l'État possèdent tout de même des moyens. Bien évidemment, il est toujours possible de dire qu'il faudrait ajouter des agents dans les territoires, notamment dans les PGHM, les PGM et les CRS de montagne. Néanmoins, des moyens existent. Cette impossibilité à prévoir tous les risques implique que, même si d'énormes moyens étaient mis en place, toutes les catastrophes ne pourraient pas être gérées. En haute montagne par exemple, il faut pouvoir accéder aux endroits accidentés, ces terrains entraînent des risques y compris pour la protection même des secours.

Les maires sont les premiers à être touchés par ces catastrophes naturelles et le travail se concentre également sur les relations intercommunales, au-delà du sens administratif. Quand une catastrophe naturelle survient, toutes les communes de la vallée sont touchées. Une solidarité et un travail commun entre tous les élus concernés sont nécessaires. Les informations ne sont pas figées et évoluent. À Oslo, des inondations ont eu lieu au mois de juillet ou en août, cet été. Ils n'avaient jamais vu ça non plus. Dans les Hautes-Alpes, nous avons souffert de trois feux de forêt qui se sont succédés en quasiment moins d'une semaine. Nous n'avions jamais vu ça non plus. En général, nos pompiers vont aider ceux d'autres départements. Dans ce cas précis, ce fut l'inverse.

Face à ces évolutions rapides,, il faut garder les effectifs et les moyens nécessaires, et peut-être mener un travail sur le financement des SDIS par les communes. En parallèle, il faut surtout diffuser les informations et comprendre comment la situation peut évoluer sur un territoire. Ce ne sont que les travaux scientifiques qui peuvent nous apporter ces connaissances.

Je ne sais pas si j'ai répondu à vos questions.

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Absolument, vous avez répondu assez largement, je crois. Nous accueillons Mme la présidente, Lisa Belluco.

Présidence de Mme Lisa Belluco, présidente.

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Bonjour, je prends le relais et en profite pour remercier mon collègue, M. Fiévet, pour avoir assuré l'intérim au pied levé.

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Madame la présidente, je me permets de revenir sur le cœur de ce que recherche cette mission. J'ai bien entendu les exemples que vous nous donniez, notamment lorsque vous avez mentionné un préfet. Lorsque vous dites « nous », je ne sais si vous considérez les Hautes-Alpes ou les Pyrénées, ou si le fonctionnement est pour vous assez homogène sur l'ensemble du territoire, sans oublier les outre-mer. Le degré d'information des maires, qui ont un rôle prépondérant à travers leur pouvoir de police, et notamment sur l'accompagnement de leur population avant, pendant et après la crise, vous paraît-il suffisant ? Quelle que soit leur taille, de la plus petite à la plus grande, les communes sont-elles assez préparées face à ces nouveaux risques ? Sont-elles résilientes face à ces risques, quitte, même, à être coupées, comme la vallée de la Roya, pendant plusieurs jours de communication et de réseau routier ?

Au-delà des corporations que vous avez citées, gendarmerie, police, sécurité civile, les membres de l'ANEM ont-ils connaissance des réserves de sécurité civile sur le territoire ? Pensez-vous qu'elles répondent, en partie en tous les cas, aux objectifs ? Faut-il les développer ou les faire connaître un peu mieux ?

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Pour ce qui concerne les services de l'État, nous possédons une vision précise des effectifs et des moyens. Les SDIS reposent quant à eux essentiellement dans nos territoires de montagne sur du bénévolat, puisqu'ils sont constitués de sapeurs-pompiers volontaires. Ensuite, certains départements possèdent une bonne dynamique en la matière alors que, dans d'autres, l'engagement diminue. Ces SDIS font partie de la sécurité civile apportée à nos concitoyens en cas de risque majeur, et chaque département n'est pas loti de la même manière. Tout dépend de son nombre de sapeurs-pompiers volontaires. Comme pour les associations, une crise de l'engagement et du bénévolat existe par endroit. Un travail d'attractivité de ces missions est donc nécessaire. Il faut pouvoir attirer les jeunes de nos territoires vers ces missions.

Les maires sont très attentifs et sensibilisés aux risques encourus par leur population. Cette information doit bien sûr leur être fournie. Le travail avec les préfectures est important. Nous savons bien que nos forces de sécurité travaillent main dans la main avec les élus. L'association maire-gendarmerie-pompier dans les territoires et les stations fonctionne très bien. Les élus possèdent une réelle connaissance de leur territoire, mais le changement climatique fait que de nouvelles catastrophes naturelles interviennent. Il faut donc constamment informer les élus sur ces nouveaux risques dans leurs communes.

Les risques incendie touchent de plus en plus de territoires de montagne et de haute montagne. Ces territoires possèdent des forces de sécurité et des secours incendie fournis, mais la solidarité entre les départements et les territoires doit tout de même être renforcée. Il faut appréhender le fait qu'auparavant, les pompiers des territoires de montagne venaient aider les autres territoires, notamment ceux du sud de la France, plus exposés aux incendies, alors qu'aujourd'hui, la gestion peut s'inverser et n'entre plus dans la logique que nous connaissions. Les flux jusqu'à présent unilatéraux deviennent aujourd'hui davantage bilatéraux. Nos territoires seront de plus en plus confrontés à la sécheresse. Ils sont très exposés au changement climatique et à la hausse des températures, qui les impactera tout particulièrement.

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Merci Madame la présidente. Nous l'avions évoqué avec l'Association des maires de France il y a quinze jours, nous ressentons bien cette disparité qui peut exister sur le territoire. Sur le fonctionnement de l'État, nous savons qu'en cas de crise et de risque naturel, les services peuvent se retrouver débordés dans leur mission de secours. Par ailleurs, que pensez-vous des réserves communales de sécurité civile qui dépendent directement du maire et de la commune où elles se trouvent ? Cet outil n'est pas forcément connu partout. Le système est-il bien établi, quel que soit le massif montagneux ? Fonctionne-t-il correctement ? Ou bien, d'après vous, reste-t-il méconnu et faut-il l'accentuer ? Lors d'un sinistre ou d'une crise, les secours se retirent une fois l'essentiel de leur mission effectuée, mais le retour à la normale et l'accompagnement des populations continuent. Ce travail reste ensuite à la charge du maire, peut-être de l'intercommunalité ou du département en fonction de l'ampleur du sinistre. Pensez-vous que cet outil est suffisamment connu dans les territoires de montagne ?

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Nous n'avons pas de retour relatif à ces réserves de sécurité dans les territoires de montagne. Les maires ne se sont pas saisis de ces outils. Nous n'avons pas ce type de possibilité de gestion des risques. Nous bénéficions plutôt de l'engagement dans les sapeurs-pompiers volontaires, mais pas forcément de ces réserves communales de sécurité. Il ne faut pas généraliser, des communes en ont peut-être, mais pas la majorité. Ce n'est pas quelque chose d'ancré dans les territoires. Je n'ai aucun retour sur le sujet.

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Merci Madame la présidente. Je vous rejoins. C'est pourquoi je vous faisais part de l'audition avec l'Association des maires de France. Même dans des territoires non montagneux, vos propos se vérifient. Des différences existent en fonction des territoires, des SDIS, de la culture en matière de sécurité civile, de l'appétence d'un maire ou de son équipe sur ces sujets. Une des réflexions de cette mission est de s'interroger sur les moyens d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de sécurité civile, au sens large. Nous devrons faire face à ces risques, qui seront de plus en plus fréquents malheureusement. Nous savons qu'ils arriveront, mais nous ne savons ni où ni quand. L'idée est de pouvoir y répondre, que l'on habite une petite ou une très grande commune, dans une plaine, à la montagne ou au bord de mer. C'est l'objet de cette mission. Je vous remercie pour la clarté de vos propos, ils rejoignent ce que les associations précédentes nous ont dit.

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Il y a peut-être des pistes d'approfondissement avec les réserves communales. La population pourrait s'engager vis-à-vis de ces risques dans ce cadre, alors qu'être sapeur-pompier volontaire est beaucoup plus engageant. Ce peut être une piste de participation citoyenne à sa commune qui mériterait d'être approfondie. L'ANEM serait, si nécessaire, tout à fait partante pour participer à un groupe de travail. Cette piste paraît doublement intéressante : pour la gestion des risques sur le territoire, et pour favoriser l'engagement citoyen dans les communes.

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J'aurais une dernière question d'ordre technique, car la communication est fondamentale lors d'une gestion de crise, et ce quel que soit l'endroit où cette crise survient. Vous avez mentionné la radio, utile lorsque la téléphonie ne passe pas. Connaissez-vous d'autres moyens que la radio si ce système devait ne pas fonctionner pour diverses raisons ? De même pour la téléphonie, est-il possible d'avoir un réseau satellitaire dans ces moments, ou bien est-ce que rien n'est établi en la matière ?

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Je prends l'exemple de l'avion qui s'était écrasé contre une falaise dans les Alpes-de-Haute-Provence. La catastrophe est intervenue durant la campagne des élections départementales où j'étais candidate, et les télévisions se sont focalisées sur l'événement. Elle a été marquée par un problème de communication énorme. Heureusement, ce genre de catastrophe n'arrive pas tous les jours. Même si elle n'était pas d'ordre naturel, cette catastrophe était considérable pour nos montagnes.

Le grand problème était le manque de communication. J'entends encore les médias me dire qu'ils n'avaient même pas d'accès internet pour diffuser l'information. C'était bien évidemment moins grave qu'un problème pour acheminer les secours, mais cet exemple montre le manque d'outils de communication. Pour aller récupérer les corps malheureusement coincés dans cette montagne, les secours ont été pénalisés par le manque d'outils de communication. Il existe donc bien un problème de communication en cas de catastrophe. Dans les territoires de montagne, il est déjà, en temps normal, parfois difficile d'avoir des moyens de communication efficaces. Il est peut-être donc effectivement utile de travailler pour développer des moyens de communication satellitaires. Encore faut-il se trouver dans des zones qui puissent les recevoir.

La radio souffre quant à elle des limites géographiques. Les réseaux de communication ne passent pas forcément, du fait de la topographie de certains territoires, ce qui représente effectivement un handicap dans la gestion des crises. Travailler sur le développement des réseaux satellitaires pour nos forces de secours représenterait, en effet, une piste d'amélioration.

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Merci Madame la présidente. Il nous reste une minute, vous pouvez ajouter un mot de conclusion si vous souhaitez.

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Je vous remercie d'avoir auditionné et pensé à l'ANEM pour cette mission. Si vous avez d'autres questions ou souhaitez des informations complémentaires, nous sommes naturellement à votre disposition et pourrons le faire par écrit. Nous sommes preneurs du rapport que votre commission aura produit. Merci.

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Merci beaucoup. N'hésitez pas à nous transmettre des réponses écrites au questionnaire si vous en avez la possibilité. Elles nous seront très utiles.

La mission d'information auditionne ensuite des représentants de l'association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris).

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Messieurs les maires, Monsieur le rapporteur, chers collègues, nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir les représentants de l'association Amaris. M. Alban Bruno est maire de Gonfreville-l'Orcher et vice-président de la communauté urbaine Le Havre-Seine-Métropole, chargé des risques majeurs et de l'environnement industriel. M. Karim Ternati est adjoint au maire de Grand-Quevilly, chargé des risques industriels, de la sécurité civile et des bâtiments. Amaris, l'Association des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs, réunit depuis sa création en 1990 les communes, intercommunalités et régions accueillant sur leur territoire des activités industrielles ou des canalisations de transport de matières dangereuses.

Je rappelle à l'attention de nos auditionnés que notre mission est composée de vingt-cinq députés de tous groupes politiques. Elle a été créée à l'initiative du groupe Horizons et a pour rapporteur notre collègue Didier Lemaire. Cette audition est filmée et accessible sur le site de l'Assemblée nationale. Notre objectif est d'étudier au plus près du terrain l'organisation de la sécurité civile ainsi que les défis à relever. Pour éviter de faire fausse route et d'avoir des idées préconçues, nous avons tenu à débuter nos travaux en rencontrant les élus et leurs associations. Les élus sont sur le terrain et sont, par définition, au plus près des opérations de prévention et d'intervention menées par les forces de sécurité civile. Ils sont des acteurs de premier plan, et en particulier les maires, lorsque des crises surviennent et que ces forces interviennent. Ils peuvent ainsi s'appuyer sur leur propre expérience de ces situations et nous faire part de leur regard sur l'état et le fonctionnement actuel de notre système de sécurité civile.

Votre association dispose d'une expertise particulière en matière de risques technologiques majeurs. Or, jusqu'à maintenant, nous avons beaucoup entendu parler de risques naturels au cours de nos auditions. C'est donc un autre pan des risques que nous allons aborder aujourd'hui. Je vous remercie de vous être rendus disponibles pour partager avec nous l'expertise et l'expérience des collectivités qui connaissent de tels aléas.

Ces risques technologiques ont hélas pu aboutir, parfois, à des catastrophes industrielles représentant un défi important pour la protection de la population et notre sécurité civile, comme en 2001 avec AZF à Toulouse, ou en 2019, avec Lubrizol à Rouen. Cette audition permettra ainsi d'élargir notre réflexion sur la multiplicité des risques auxquels doivent être préparés les acteurs de la protection et de la sécurité civile sur l'ensemble du territoire national.

Nous voulons améliorer notre modèle de protection et de sécurité civile. Vous avez récemment publié un rapport dressant un bilan mitigé de certains outils de prévention en matière de risques technologiques. Aussi, nous ne doutons pas que vous saurez aussi nous faire part de votre analyse critique sur l'organisation actuelle de notre système de sécurité civile, ainsi que nous livrer des suggestions qui pourront utilement contribuer à nos travaux. Avant de vous donner la parole, je vais la laisser à mon collègue Didier Lemaire, rapporteur de cette mission, qui a un certain nombre de questions à vous poser pour lancer les débats.

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Merci, messieurs, d'avoir répondu présent à notre invitation. Ainsi que l'a rappelé la présidente, nous avons, depuis le début du mois, essentiellement eu à connaître des risques naturels auxquels nos collectivités sont confrontées. Aussi est-il d'autant plus intéressant pour nous de pouvoir vous entendre ce matin, sachant que, malheureusement, les crises peuvent s'additionner, naturelles comme technologiques. Pourriez-vous d'abord nous présenter votre association, ses adhérents et son fonctionnement ?

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Alban Bruneau

Notre association est avant tout un réseau de collectivités, de communes et d'intercommunalités. Elle existe depuis 1990 et compte actuellement quatre-vingt-cinq membres, tous concernés par la présence d'installations classées pour la protection de l'environnement et de sites Seveso – ma commune, Gonfreville-l'Orcher, située dans l'agglomération havraise, en compte d'ailleurs huit. Elle accueille la plus grosse raffinerie de notre pays. L'association regroupe également des communes accueillant des canalisations de matières dangereuses qui entraînent des risques accidentels ou chroniques.

Les profils des collectivités adhérentes sont assez variés. L'association compte des communes de petite taille, comme Grand-Puy en Île-de-France, qui accueille une raffinerie, et de grandes métropoles comme Lyon, Bordeaux, Strasbourg ou Le Havre. Aussi différentes soient-elles, ces communes doivent faire face à des situations identiques et répondre aux mêmes obligations en matière de prévention des risques et de sauvegarde des populations. L'objectif d'Amaris est de représenter ces collectivités, de faire entendre leurs voix auprès des ministères et des différentes directions générales, des fédérations industrielles et des médias. Notre association organise également des échanges d'expérience entre ses membres, qui sont des moments importants pour les élus locaux. J'ai le plaisir de la présider depuis 2020, même si la collectivité dont je suis maire en est adhérente depuis ses débuts.

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Participez-vous à la réflexion publique en matière de gestion de crise, notamment s'agissant des risques technologiques ? Si oui, de quelle manière ? Pensez-vous que cette réflexion soit suffisante ou au contraire qu'il faille accroître les efforts en la matière ?

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Alban Bruneau

Nous participons effectivement aux réflexions publiques sur l'évolution du modèle de protection et de sécurité civiles. Nous sollicitons chaque année la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC) du ministère de l'Intérieur, afin de lui faire part des difficultés que nous rencontrons et des propositions des membres de l'association, notamment sur tout ce qui concerne la sauvegarde des populations et les champs de compétences des collectivités. Nous représentons également la dimension « gestion de crise et risques industriels » dans les instances qui s'y intéressent. Mon collègue Karim Ternati représente d'ailleurs notre association au sein du Conseil national de la protection civile (CNPC). En revanche, Amaris n'est pas identifiée comme une association consultée pour les réflexions relatives à l'évolution de notre modèle de sécurité civile.

En 2022, nous avons établi une série de recommandations sur l'utilisation du cell broadcast de la plateforme FR-Alert. Le thème de l'alerte est crucial pour nos territoires, comme nous l'avons constaté avec le triste événement de Lubrizol. La responsabilité des maires est lourde en la matière. Le 19 septembre dernier, nous avons en outre produit un rapport sur l'impact des outils de prévention en matière de risques industriels rendus obligatoires par la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

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Karim Ternati

Je suis adjoint au maire de Grand-Quevilly, qui est l'une des soixante et onze communes de la métropole Rouen-Normandie, une commune qui a été au cœur de l'incendie de Lubrizol survenu il y a quatre ans. Les populations ont besoin de connaître les risques qui existent sur leur territoire et il y a un besoin d'échanges entre les industriels et les communes. Dans le cadre de mes fonctions, je préside la cinquième commission « Sauvegarde des populations » au sein du CNPC. À ce titre, j'ai avec moi un guide que nous avons élaboré, avec les différentes associations agréées de sécurité civile. Nous y décrivons tout ce que ces associations peuvent apporter aux communes et au système de sécurité.

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Pourriez-vous nous expliciter la façon dont se déroule la gestion de crise en cas d'accident industriel ? Quels sont les différents acteurs qui interviennent au fur et à mesure de la gestion de l'accident ?

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Alban Bruneau

Les méthodes et façons d'agir différent d'un territoire à un autre, en fonction de la culture du risque et de la capacité à dialoguer en permanence avec les parties prenantes. Les crises sont mieux gérées dans les territoires ayant une culture de l'échange et du partage d'informations, dans ceux qui se préparent et s'exercent à faire face au risque. Les commissions de suivi de site sont, de notre point de vue, des outils intéressants pour développer cette culture. Dans les territoires qui les utilisent, les réponses en matière de gestion de crise et d'intervention sont plus efficaces, même si des avancées sont toujours possibles. À l'inverse, dans les territoires où cette culture et ce dialogue n'existent pas, le maire et les élus locaux se retrouvent parfois écartés de la gestion de crise. Le dialogue se fait alors uniquement entre la préfecture et les industriels concernés, et les maires sont « à la remorque ».

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Dans le suivi des sites ou en matière de prévention en général, les maires et les élus ne sont-ils donc pas impliqués par la préfecture ? En dehors de la commission de suivi de site, qui donne lieu à une réunion annuelle – quand elle a lieu – d'autres dispositifs existent-ils pour que les élus des territoires concernés soient impliqués dans la connaissance des sites et les logiques de prévention ?

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Alban Bruneau

D'un territoire à un autre, les commissions de suivi de site peuvent être très efficaces et vivantes, dès lors que la volonté de les animer existe. L'impulsion peut provenir de la préfecture ou de la sous-préfecture, qui doit, à mon sens, être le garant de l'animation et du bon fonctionnement de ces instances. Dans certains territoires, les élus locaux exigent, s'intéressent et se soucient du sujet, et font ainsi avancer ces instances de dialogue et de préparation. En revanche, dans d'autres territoires encore, cette dynamique n'existe pas et cela se traduit par une absence de préparation.

Nous recommandons que l'État puisse, par l'intermédiaire de son réseau de préfectures et de sous-préfectures accueillant des sites Seveso sur leur territoire, être le garant de l'animation des instances et du dialogue en associant l'ensemble des parties prenantes. Il faut développer l'acculturation aux risques, qu'ils soient naturels ou industriels, la formation, la prévention, et faire vivre les viviers associatifs qui peuvent participer à faire face à ces événements en complément des moyens de l'État et des moyens communaux.

Nous devons poursuivre nos efforts sur ces enjeux. Depuis deux ans, la journée nationale de la résilience a enfin été mise en place et nous disposons, avec FR-Alert, d'un outil technologique intéressant qui reste à conforter. Cependant, d'un territoire à un autre, soit les questions relatives aux risques industriels sont considérées et préparées, soit cela n'est pas le cas. Or, les enjeux sont forts, en matière de protection tant des populations que des installations et des travailleurs qui les font fonctionner, et nous avons besoin de progresser dans ces domaines.

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Karim Ternati

En tant qu'élus locaux, nous avons besoin de la confiance des industriels. Par ailleurs, les habitants attendent que nous leur délivrions des informations sur les risques. Or, cet exercice de transparence passera seulement par la volonté de l'industriel. Il faut l'obliger à discuter et à impliquer les élus dans ses exercices, ses POI notamment.

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Karim Ternati

Il s'agit des plans d'opération interne. Lorsque les industriels effectuent des exercices au sein de leur entreprise dans le cadre de ces plans, il faudrait ainsi que les élus locaux puissent déclencher leur plan communal de sauvegarde (PCS) et mettre en place leur poste de commandement, afin que tous les acteurs concernés puissent intervenir et s'entraîner ensemble. Un tel exercice conjoint permettrait d'être le plus efficace possible si une catastrophe devait malheureusement survenir. Obliger les industriels à être plus ouverts sur ces sujets et à nous convier à leurs exercices permettrait des avancées en la matière.

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Alban Bruneau

Je partage parfaitement ces propos : dans certains territoires, cela se passe d'ailleurs dans de bonnes conditions. Nous demandons à ce que l'État puisse être garant de cette méthodologie pour élargir la capacité en France à disposer de moyens adéquats face aux risques et acculturer les populations et les parties prenantes pour faire face à la survenance d'une crise.

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Vos interventions soulèvent une question fondamentale, l'acculturation de nos populations en matière de sécurité civile. Si je ne me trompe pas, dans la commission de suivi des sites siège la commune concernée par le risque, mais il faut aussi prendre en compte l'environnement alentour car, bien souvent, le risque technologique emporte des conséquences bien au-delà des frontières de la commune. Merci, donc, pour vos précisions.

Pensez-vous que notre modèle de sécurité civile au sens large est adapté pour répondre à ces grands enjeux ? Quelles pistes d'amélioration envisageriez-vous ? Quels sont les difficultés rencontrées en matière d'alerte aux populations ?

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Alban Bruneau

Concernant le périmètre des commissions de suivi de site, les textes réglementaires en précisent la composition. Y siègent les industriels présents sur le territoire, ainsi que les élus locaux dont le territoire est susceptible d'être affecté par un événement industriel – la liste de ces territoires est généralement précisée dans le plan particulier d'intervention établi par les services de l'État, sur la base d'études de danger. Participent également à ces comités les représentants des associations de riverains ou de protection de l'environnement, ainsi que des personnalités qualifiées et l'ensemble des représentants du personnel et organisations syndicales qui œuvrent dans les industries concernées.

Certaines communes associées à ces commissions de suivi se sentent moins concernées par le risque industriel parce qu'elles n'ont jamais eu à subir d'événement majeur. Elles peuvent constater des nuisances relatives à l'activité industrielle sur leur sol, mais tant qu'elles ne sont pas concrètement victimes d'un événement, elles s'intéressent peu au risque. Un travail, certes compliqué, est nécessaire pour aller vers ces communes – dont j'observe que les élus sont en revanche souvent davantage sensibilisés aux risques naturels.

Notre modèle de sécurité et de protection civile est organisé autour de plans d'urgence, les plans particuliers d'intervention (PPI), consacrés à chaque structure, et établissant une répartition des responsabilités. Or, nous sommes confrontés à de nombreuses menaces : celles liées aux évènements extrêmes, que la crise climatique contribue à développer, ainsi que les menaces de cyberattaques. Ces menaces, de plus en plus complexes, nécessitent d'y apporter une réponse qui se décline en trois axes.

Le premier axe consiste à mobiliser les moyens nécessaires pour rendre opérationnelle la planification. Le rôle des SDIS dans l'accompagnement des collectivités, que ce soit en cas d'accident ou en matière de préparation, est crucial. Alors que les collectivités ont besoin d'une plus grande présence des SDIS à leurs côtés, nous constatons que ces derniers s'inquiètent – et le font d'ailleurs régulièrement savoir, tant au plan national que localement – d'un nombre insuffisant de recrutements, ainsi que d'un manque de moyens matériels ou vestimentaires. Ce constat est une source d'inquiétude des élus locaux.

Le second axe devrait nous amener à travailler sur l'organisation des structures en réaction à des situations exceptionnelles. Il faut aller au-delà de la seule planification d'urgence que j'évoquais à l'instant.

Enfin, le troisième axe d'amélioration consiste, à créer ou renforcer le collectif de travail au sein de chaque territoire, en intégrant l'ensemble des acteurs concernés, notamment les gestionnaires des réseaux. Ils jouent en effet un rôle important dans ces événements et nous avons pu constater que, dans certains cas, ils pouvaient constituer une source de difficulté en matière de gestion de crise.

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Karim Ternati

Le modèle de sécurité repose sur trois piliers. Tout d'abord, il y a les moyens nationaux comme la BSPP, les personnels chargés du déminage, les unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC), et les grandes instances nationales. Ensuite, le modèle de sécurité repose aussi sur les moyens territoriaux comme les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Enfin, on y intègre également le monde associatif, qui peut également apporter ses contributions. Comme le rappelait Alban Bruneau, l'important est que l'ensemble de ces acteurs travaille ensemble et partage la même culture du risque.

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Les associations agréées de sécurité civile sont-elles suffisamment nombreuses et leurs membres sont-ils assez formés ? En matière de soutien et d'accompagnement de la population, l'échelon de gestion de crise le plus cohérent reste-t-il l'échelon local ? Les réserves communales de sécurité civile constituent-t-elles, pour vous, une structure adaptée à la fois avant, pensant et surtout, après la crise ?

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Karim Ternati

Nous avons la chance de constater que les habitants s'impliquent de plus en plus dans la vie de leur commune. Par exemple, pour ce qui concerne ma ville de Grand-Quevilly, nous avons créé une réserve communale il y a deux ans. Elle compte désormais quatre-vingt-dix volontaires, ce qui est considérable. Elle intervient dans les crises, mais pas uniquement : elle agit également en appui des services de secours. Il est donc important de travailler main dans la main avec les SDIS, les pompiers, et tout le panel associatif, pour que ces réservistes apprennent la bonne méthodologie. Ce sont en effet des habitants lambda qui se voient confier des missions de soutien. Il faut donc que cela reste cantonné à des missions de sauvegarde, et non de secours. Cependant, cette expérience peut également susciter des vocations, et les réservistes peuvent ensuite se diriger vers le volontariat ou un concours professionnel. Il peut s'agir d'un tremplin pour des jeunes qui sortent des études et ne savent pas trop où se placer.

Nous comptons énormément d'associations, peut-être parfois un peu trop. En tant qu'élus, l'on peut se demander à qui faire appel en cas de besoin. La protection civile, la Croix rouge, la Croix blanche, la Croix de Malte… Toutes ces associations sont agréées et nous les connaissons bien. Mais de nombreuses petites associations viennent de se créer, notamment pour du secourisme. Elles ne possèdent peut-être pas les agréments nécessaires et il est important de travailler sur le tissu associatif et d'informer toutes les communes. Nous avons produit un vademecum et l'avons transmis à toutes les communes autour de Grand-Quevilly. Celui-ci regroupe les associations agréées, avec qui nous avons l'habitude de travailler, qui sont reconnues et existent dans l'intérêt de la protection des biens et des personnes. Il est important de savoir où aller, et avec qui.

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Alban Bruneau

Parmi son réseau, Amaris compte également des communes de la Martinique, et une vice-présidente de l'association est une élue locale de ce territoire. Nous sommes d'autant plus attentifs, notamment dans la mise en œuvre des plans de prévention desrisques technologiques, car le type de bâtis situé autour des industries concernées présente des difficultés plus importantes qu'en France métropolitaine.

Les réserves communales représentent un très bon outil pour traiter certains sujets. Cependant, je constate sur le terrain qu'elles nécessitent un travail d'animation dans la durée, avec les moyens financiers nécessaires. Leur bon fonctionnement dépend aussi de la volonté politique et des moyens de la collectivité. Or, depuis la création des intercommunalités, le lien économique entre l'industriel et la commune s'est distendu. Tandis que les intercommunalités captent les ressources fiscales, les communes, qui avaient un peu de moyens, notamment grâce à la taxe professionnelle, pour animer ces réseaux, se retrouvent en difficulté pour continuer à le faire. Elles font parfois le choix de renoncer à ces dispositifs. Il faut garder ces difficultés en tête.

En outre, il serait intéressant de restaurer des liens directs entre la commune et l'activité industrielle qui génère le risque. C'est ce travail d'acculturation qui nous fera progresser. Je tiens à souligner l'excellent retour d'expérience des classes de cadets de la sécurité civile dans les collèges. Dans ma commune, j'ai insisté pour qu'une telle classe s'ouvre dans le collège. C'est extrêmement intéressant pour travailler auprès des plus jeunes générations sur les risques au niveau global.

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Vous représentez, Monsieur le président, les communes sur lesquelles sont installés un ou plusieurs sites industriels à risque, classés Seveso, qu'ils soient seuil haut ou seuil bas. J'ai été interpellé par vos propos, selon lesquels certains élus ne seraient pas impliqués dans les manœuvres qui ont lieu, en théorie, une fois par an sur les sites. Il y a donc deux possibilités : soit les industriels et les organismes chargés de cette opération omettent de prévenir les élus, ce qui serait lamentable, soit le maire ne s'implique peut-être pas suffisamment, voire ne demande pas de lui-même à être impliqué dans les manœuvres. Je suis convaincu d'une chose : il faut participer pour comprendre comment la manœuvre fonctionne et comment le site fonctionne. Le problème se trouve peut-être des deux côtés : les industriels ne prennent peut-être pas suffisamment en compte les élus, mais, en parallèle, les élus font-ils la démarche réciproque, pour obtenir des informations complémentaires qui pourraient leur servir en cas de crise ?

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Alban Bruneau

Tout dépend des personnes, élus comme industriels. Lors d'exercices de plans d'organisation interne, certains industriels ne vont pas convier les élus alors que d'autres le feront. Dans certains territoires, les élus rappellent à l'industriel qu'ils souhaiteraient participer à ces exercices. Puisqu'aucune obligation n'existe en la matière, cette participation doit être provoquée, soit par la volonté de l'industriel, soit par celle des élus locaux ou des services communaux. Notre association souhaiterait que l'État, les préfectures, les sous-préfectures, les DREAL, soient les garants de cette association et organisent ce dialogue. C'est en effet à travers ces exercices et ce dialogue que nous serons plus efficaces.

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Karim Ternati

Les risques industriels et climatiques n'intéressaient pas grand monde auparavant et étaient plutôt laissés de côté. Aujourd'hui, face aux catastrophes d'envergure qui frappent le monde, les élus, dont les maires, s'impliquent de plus en plus et manifestent un besoin de savoir et de maîtriser ces risques, qui prennent de plus en plus de place dans les conseils municipaux et inquiètent les habitants. Les rencontres – que nous souhaitons régulières – avec les industriels sont fondamentales pour créer ce climat de confiance. Elles permettent à l'industriel, le jour où un exercice ou un incident intervient, de se souvenir de l'adjoint ou du maire impliqué, et de le solliciter. Il faut créer ce climat de confiance.

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J'ai une question complémentaire relative aux exercices et à la formation. Nous avons auditionné ces dernières semaines les représentants des collectivités, qui ont tous rappelé l'importance de la formation et de la sensibilisation de la population aux risques, notamment. Le cadre légal actuel en la matière vous paraît-il suffisant ? Avez-vous des suggestions pour, éventuellement, mettre en place un protocole de formation ou de sensibilisation des élus et de la population ? Quel serait d'après vous le portage de responsabilité entre l'industriel et les collectivités ? Quel doit être le rôle de chacun pour permettre de sensibiliser effectivement les élus et la population ?

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Alban Bruneau

Sur ce sujet très important, la réglementation pose un cadre insuffisant. Tout dépend, dans les faits, des bonnes volontés des parties prenantes : d'un territoire à un autre, un industriel, une commune, une préfecture ou une DREAL peuvent se montrer volontaires et proactifs en la matière. Dans la communauté urbaine Le Havre-Métropole, l'intercommunalité met en place, depuis très longtemps, une formation à destination des techniciens des collectivités locales et des élus locaux chargés de la gestion de crise. Sur mon territoire, les industriels invitent régulièrement les élus et les techniciens en charge de ces sujets à des exercices de plan d'organisation interne. Dans le cadre des révisions des plans particuliers d'intervention, l'État organise des exercices grandeur nature, sous la responsabilité de la préfecture. Le dernier en date dans l'agglomération havraise concernait le risque attentat.

De même, dans le cadre de la révision du plan particulier d'intervention, nous réaliserons un exercice grandeur nature auquel nous associerons les populations, où nous testerons le dispositif FR-Alert, et où nous placerons les écoles en situation. À l'occasion de la journée de la résilience, les écoles pourront activer leur plan particulier de mise en sûreté. Tout dépend, en somme, de la volonté des acteurs et parties prenantes. L'association Amaris demande à l'État d'être garant de cette méthodologie de travail là où les sites industriels dangereux peuvent avoir des conséquences sur notre société, notamment dans certains territoires, où nous savons que de tels acteurs demeurent modestes, voire inexistants.

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Pour être tout à fait transparente, j'étais dans une vie antérieure inspectrice des installations classées. Ma question porte précisément sur l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement. Quel rôle l'inspection joue-t-elle en termes de prévention ? Pensez-vous que ce rôle soit suffisant ? Avez-vous constaté des disparités entre les territoires, dans un contexte de réindustrialisation ? Vous n'êtes pas sans savoir que nous avons en effet voté un projet de loi visant la réindustrialisation de la France en juillet dernier. Dans ce contexte, y aurait-il besoin de renforcer l'inspection des installations classées et, plus largement, la présence humaine sur le terrain ?

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Alban Bruneau

Nous constatons, dans le cadre des commissions de suivi de site, une certaine disparité sur le territoire. Nous sommes informés des recommandations et actions à mener pour les industriels à la suite des inspections. Les commissions départementales d'évaluation des risques sanitaires et technologiques (CoDERST) disposent également d'informations sur ce sujet. Ces commissions, qui se réunissent au niveau des préfectures, permettent aux élus locaux et associations de protection de l'environnement qui y siègent d'obtenir des informations pertinentes. Mais là encore, d'une préfecture à l'autre, le fonctionnement de ces instances est plus ou moins bon.

Les élus locaux souhaiteraient que les inspections soient plus fréquentes. C'est aussi le souhait des populations, qui attendent davantage de contrôles, et ont conscience que les choix des industriels font parfois passer la sécurité après d'autres considérations. Suite à l'incident de Lubrizol, le Gouvernement avait annoncé la création de cinquante postes au niveau national. Je ne sais pas où nous en sommes, mais, à l'époque, ce nombre représentait à peine un poste dans ma commune. Au regard de l'ensemble des sites Seveso du département, l'effort était assez réduit. Il faut aller plus loin.

Il nous faut davantage de contrôles, donc, mais aussi éventuellement davantage de sanctions. Nous venons de fêter le quatrième anniversaire de l'accident de Lubrizol et les associations s'émeuvent de la faiblesse des sanctions prises à l'encontre de l'entreprise, qui s'élèvent à quelques milliers d'euros. En montrant de tels exemples, nous distendons le lien de confiance entre le citoyen, l'industriel et les services de l'État.

Concernant le cadre réglementaire de la réindustrialisation, nous nourrissons là encore quelques inquiétudes. Pour ma part, je considère que la réindustrialisation est nécessaire pour notre pays. Nous avons besoin d'une industrie respectueuse de l'environnement et des salariés. Gardons-nous, en revanche, d'aller trop vite et de nous dispenser de garde-fous avant d'installer des sites potentiellement à risque.

Par exemple, dans la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, a été glissée, si je ne m'abuse, la possibilité d'installer un terminal méthanier dans le port du Havre pour faire face au manque de gaz dans notre pays. À l'époque où cette loi était débattue, la situation du pays du point de vue énergétique était inquiétante. L'installation a pu être réalisée très rapidement, avec des études de danger menées à la va-vite. Les riverains et élus locaux sont aujourd'hui inquiets. Nous souhaitons que les contrôles indispensables soient mis en œuvre préalablement à toute installation classée sur le territoire. Attention à la simplification des démarches administratives pour ce type d'activités.

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Karim Ternati

On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de contrôle. Cependant, ces contrôles dépendent des moyens humains mis à disposition. Les DREAL ont besoin de renforcer leurs équipes pour effectuer davantage de contrôles ou suivre l'application des recommandations. Des restrictions peuvent en effet être prononcées pour une industrie, mais il faut ensuite suivre les travaux qui seront menés par l'industriel afin d'obtenir la levée de la restriction. Je siège en commission de suivi de site en préfecture et les associations présentes sont largement demandeuses d'informations. Elles ne cessent d'interroger les industriels pour pouvoir, elles aussi, défendre les intérêts des citoyens dans les territoires. Elles observent précisément les réponses apportées par l'industriel et le suivi des sites réalisé par les DREAL.

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Diriez-vous que l'inspection des installations classées a un rôle à jouer, voire que cette inspection joue déjà un rôle spécifique dans notre modèle de sécurité civile, d'une part en termes de prévention et d'autre part une fois que l'accident a lieu ? Estimez-vous que l'inspection des installations classées est suffisamment indépendante et a pleinement la possibilité d'informer les citoyens ou, du moins, les élus concernés, puisqu'un enjeu de sécurité industrielle peut se poser également ?

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Alban Bruneau

Je considère que les inspecteurs ont un rôle important à jouer. Ils doivent pouvoir bénéficier de formations et être accompagnés pour faire correctement leur travail. Ils doivent aussi être suffisamment nombreux. Je constate dans mon département que le travail de contrôle réalisé par ces inspecteurs est remarquable et très pointu. La question porte plutôt sur la quantité que sur la qualité des contrôles.

Concernant leur indépendance, je considère que l'État doit en être le garant. Je ne pense pas que nous devrions tendre vers un modèle similaire à ce qui existe pour l'industrie nucléaire. J'estime que la parole de l'État doit être forte, et que celui-ci doit pleinement jouer son rôle de garant. Dans le cas inverse, comment instaurer un climat de confiance vis-à-vis des services de l'État ? Nous écarterions encore plus les citoyens en choisissant un tel système, alors que la défiance envers les services de l'État ne cesse d'augmenter. En parallèle, il faut que l'État, les préfectures et leurs fonctionnaires puissent travailler dans des conditions optimales, avec toutes les garanties de pouvoir exercer leur métier de la meilleure manière possible au service des populations, de la République, des départements, des instances, des élus locaux, etc.

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Je tiens d'abord à rappeler que le maire est le directeur des opérations de secours (DOS) de sa commune. C'est donc aussi à lui de s'impliquer. Vous parliez tout à l'heure des moyens mis en place : ils regroupent les moyens nationaux, avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) qui comprend les moyens aériens français, les canadairs et les bombardiers d'eau, le déminage, la formation, pour un total d'environ 2 500 hommes. S'ajoutent les moyens territoriaux par département, en particulier via les SDIS, puis le corps associatif – et je veux ici parler des associations de protection civile agréées, car d'autres associations ne le sont pas. Nous retrouvons en bout de chaîne les réserves communales, qui restent aujourd'hui peu mises en avant dans les communes. Est-ce un choix délibéré des municipalités, ou un manque de temps pour s'impliquer dans la création d'une telle structure ?

À Rouen, les travaux pour la création d'une première Maison de la sécurité civile débuteront dans quelques mois. Tous les acteurs de la sécurité civile seront regroupés en une seule entité. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j'estime qu'il s'agit d'une réelle avancée. Je tiens d'ailleurs à saluer le directeur du SDIS, M. Stéphane Gouezec, qui a lancé cette idée, reprise d'un département précédent. Cette maison représente l'avenir de la sécurité civile. Vous pointiez d'ailleurs le manque de communication entre les associations : ce genre de regroupement permettra de créer un transfert de connaissances précieux.

La réserve communale n'est pas nouvelle. Nous constatons que le système fonctionne bien dans le sud de la France, dans le cadre des réserves communales forestières. En revanche, dans mon département de l'ouest de la France ou dans le vôtre, le système est peu développé et n'en est qu'à ses débuts. Dès lors, faut-il rendre obligatoire dans les communes la création d'une réserve communale ou bien seulement la conseiller et la mettre en avant ? Comme vous l'avez dit, au sein de ce vivier, certains bénévoles pourraient vouloir devenir pompiers volontaires, pompiers professionnels ou rejoindre d'autres domaines de la sécurité. Lorsque vous annoncez, M. Ternati, que la réserve communale de votre commune compte quatre-vingt-dix personnes, je ne peux que vous féliciter. Ces membres sont-ils impliqués dans des actions de terrain ? Sans cela, ils peuvent se démotiver au bon d'un certain temps. Pensez-vous qu'il faudrait rendre la création de la réserve communale obligatoire, ou bien seulement la conseiller et la mettre en avant ? L'idée d'une maison départementale de la sécurité civile est-elle importante à vos yeux ?

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Karim Ternati

Je suis moi aussi sapeur-pompier volontaire depuis vingt-huit ans, au grade d'adjudant-chef dans la commune de Grand-Quevilly. Je suis vice-président d'une association interdépartementale des réserves communales. À l'arrivée du colonel Stéphane Gouezec, nous avons travaillé conjointement pour créer une réserve départementale qui a aujourd'hui vu le jour. Elle intègre tous les acteurs associatifs au sein d'une même entité gérée par le préfet et le SDIS. Tous les signataires ont accepté de faire partie de cette aventure. Il s'agit en réalité du deuxième dispositif de ce genre, puisque le colonel en avait déjà créé un dans son précédent département. Il s'agit ainsi d'une maison de la sécurité civile, qui intégrera notamment les réserves communales, les anciens sapeurs-pompiers aujourd'hui retraités et qui souhaitent encore aider, et tout ce qui concerne l'union départementale, comme les présidents des associations. Tous ces acteurs intégreront cette maison de la sécurité civile.

Pour ne rien vous cacher, demain, nous signerons avec la commune de Grand-Quevilly le transfert de notre réserve communale dans la réserve départementale. Heureusement, il n'y a pas de catastrophe tous les jours et il faut faire vivre ces réserves communales. Pour y parvenir, il faut qu'elles s'entraînent régulièrement, qu'elles aillent sur le terrain, qu'elles puissent également voir d'autres territoires que les seules frontières de la commune. En créant cette convention entre la réserve communale et la réserve départementale, nous pourrons travailler dans d'autres départements, avec d'autres matériels et d'autres personnes, pour apprendre et monter en compétences.

Rendre la réserve communale obligatoire serait compliqué pour les petites communes, car le dispositif réclame d'importants moyens financiers ou humains. Nous avons par exemple créé un poste dédié à cette réserve communale dans ma ville. Tout est pris en charge par le budget communal, nous ne recevons ainsi pas d'aide de l'État ou du département. Comme vous le disiez, une réserve de quatre-vingt-dix personnes paraît considérable, mais c'est également peu parfois : ces personnes ont par ailleurs un métier, même si quelques retraités sont également présents. Ainsi, ce vivier intègre tout type d'individus et les coordonner est extrêmement chronophage.

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Rendre la réserve obligatoire ne serait donc pas forcément une bonne idée.

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Karim Ternati

Non, car les petites communes ne pourraient pas gérer leur réserve. En revanche, créer une maison départementale et une réserve départementale qui interviendrait sur tout le département pourrait pallier le manque de moyens de certaines communes.

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Alban Bruneau

La rendre obligatoire mettrait effectivement certaines petites communes en difficulté. À ce titre, puisque nous parlons des risques naturels et technologiques, je voudrais préciser que les premiers font l'objet de financements, grâce aux programmes d'action et de prévention des inondations (PAPI) notamment, mais pas les seconds. Notre réseau a même constaté que certaines communes utilisent des crédits du PAPI pour réaliser des actions de prévention des risques technologiques.

Par ailleurs, développer les réserves départementales est très intéressant, mais il faut veiller à maintenir de la proximité, du maillage et de l'échange entre les réserves.

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Vous avez plusieurs fois cité le système FR-Alert, mis en place il y a quelques mois seulement. Nous n'avons pas encore de retour sur son efficacité. Le système est censé fonctionner même si nos réseaux de téléphonie sont saturés. Que pensez-vous de ce système ? Est-il réellement adapté ? Peut-il être amélioré ? Cette question intervient alors que la population a un besoin d'information et se tourne donc vers les chaînes de télévision, quand bien même une information officielle serait plus pertinente. Quelles informations faut-il intégrer prioritairement pour lancer une alerte ? Le système doit-il servir uniquement pour des alertes ponctuelles très importantes, ou faut-il intégrer d'autres informations, même si elles risqueraient de diluer le message ?

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Alban Bruneau

Le sujet fait l'objet de nombreuses réflexions au sein du réseau. Tout d'abord, il n'existe pas un seul et unique système d'alerte. Je me réjouis que FR-Alert soit un système supplémentaire d'alerte. Les sirènes et systèmes locaux sont toujours utiles. De plus, il faut distinguer un système d'alerte et un système d'information. Ces outils doivent rester des outils d'alerte. Ils interviennent en cas de crise, avec des consignes très précises et simples à délivrer aux populations pour une mise à l'abri. Ces systèmes doivent uniquement être utilisés pour faire face à un événement et limiter l'impact sur les populations.

Des confusions existent sur le sujet. Parfois, lors d'événements dits mineurs qui ne nécessitent pas d'envoyer des messages de mise en sécurité des populations, certaines personnes nous disent qu'elles n'ont pas été informées, que le système d'alerte n'a pas été utilisé. Au contraire, en cas d'événement qui ne nécessite pas de comportement particulier, il faut informer de l'événement en cours, préciser par exemple que les secours sont sur place, éteignent le feu, etc. Il faut bien distinguer ces deux aspects du sujet. Quoi qu'il en soit, je me réjouis de ce dispositif supplémentaire qui s'impose sur les téléphones des populations d'une zone où un événement survient.

Permalien
Karim Ternati

Il y a néanmoins un petit bémol avec FR-Alert : le maire est laissé de côté. Le déclenchement de l'alerte est en effet uniquement à la main du préfet. Lors des premiers travaux sur ce système, nous avions demandé que les maires soient un peu plus associés. Aujourd'hui, ceux-ci peuvent seulement demander au préfet de déclencher FR-Alert pour un événement, mais le système n'a pas encore été testé. Pour informer la population, il reste préférable d'utiliser les moyens à disposition dans les communes, comme le site internet de la ville ou les alertes SMS. Il faut garder FR-Alert pour les situations de danger et les mises à l'abri.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci beaucoup messieurs. N'hésitez pas à nous faire parvenir une contribution écrite, notamment en réponse à notre questionnaire.

Permalien
Alban Bruneau

Merci beaucoup, Madame la présidente, nous vous transmettrons bien sûr un document écrit. Permettez-moi en conclusion de transmettre trois messages clefs : la gestion de crise doit se préparer en amont entre l'ensemble des acteurs ; les crises se complexifient et demandent une adaptation de nos structures ; sans moyens, les collectivités ne peuvent assurer leurs compétences et des rôles à la hauteur de leurs ambitions. Merci pour votre accueil et d'avoir sollicité Amaris dans la tenue de vos travaux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour cette conclusion très claire. N'hésitez pas, par ailleurs, à nous adresser toute la documentation évoquée lors de vos prises de parole.

La séance est levée à dix heures trente.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Présents. - Mme Lisa Belluco, M. Jean-Marie Fiévet, M. Didier Lemaire, M. Julien Rancoule

Excusés. - M. Bertrand Bouyx, Mme Marietta Karamanli, M. Éric Pauget