La réunion

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Mercredi 12 avril 2023

La séance est ouverte à quatorze heures quinze.

(Présidence de M. Jean-Philippe Tanguy, président de la commission)

La commission entend Mme Audrey Tang, ministre taïwanaise du numérique.

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Mes chers collègues, nous sommes très heureux d'accueillir en visioconférence Mme Audrey Tang, ministre taïwanaise du numérique. Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie pour votre disponibilité. Notre commission d'enquête s'intéresse aux ingérences étrangères qui touchent la France, mais aussi l'ensemble des démocraties, dont votre pays.

Au-delà de la menace militaire qui s'est ouvertement manifestée il y a quelques jours, votre pays doit faire face quotidiennement à une multitude de menées hostiles dans l'espace numérique. Ses capacités de réponse à ces attaques sont souvent données en exemple par les spécialistes.

Nous serons donc heureux de vous entendre sur la politique menée par Taïwan pour assurer la liberté, l'indépendance et la souveraineté de votre démocratie.

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Audrey Tang, ministre taïwanaise de l'économie numérique

C'est un véritable honneur de prendre la parole devant votre commission d'enquête. Taïwan se situe au premier plan des puissances mondiales en matière de démocratie numérique. Confrontés à une myriade de cyberattaques perpétrées depuis l'étranger, nous nous défendons contre les intrusions de l'autoritarisme. Taïwan est un terrain privilégié en matière de lutte pour la cybersécurité : entre 2021 et 2022, les cyberattaques exploitant des failles de sécurité ont été menées contre les agences gouvernementales de Taïwan à un rythme deux fois plus élevé que par le passé. Par ailleurs, lors de la visite à Taïwan, au mois d'août 2022, de Mme Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants américaine, nous avons relevé vingt-trois fois plus d'attaques par déni de service distribué en une seule journée que le précédent record enregistré en la matière. À ces attaques se sont ajoutées des actions de piratage contre des affichages numériques afin de diffuser des messages malveillants. Notre démocratie est toutefois parvenue à l'emporter contre ses attaquants.

La situation de Taïwan n'est pas sans rapport avec celle de l'Europe. Chacun a pu constater l'importance accrue de la cyberguerre, à l'occasion notamment de l'agression de la Russie contre l'Ukraine. Taïwan est un partenaire démocratique. À ce titre, elle est hautement consciente de la menace que pose l'expansionnisme autoritaire. Elle a donc proposé son aide à l'Ukraine sans aucune hésitation.

En tant que puissance importante au sein de l'Europe et du camp démocratique, la France doit également renforcer et accélérer ses partenariats en matière de démocratie numérique. En effet, nous sommes tous confrontés à la même difficulté, posée par des régimes totalitaires qui exploitent les progrès technologiques afin de consolider leur assise, de redéfinir les normes en ligne et de manipuler internet pour contrôler et polariser les communautés en ligne. Les technologies émergentes, comme les deep fakes interactives mues par l'intelligence artificielle sont amenées à causer des dommages et à nourrir la criminalité.

En réponse, Taïwan a choisi de créer un ministère des affaires numériques. Sa mission est de garantir la résilience numérique à tous. Il contribue à ce que chacun puisse se remettre rapidement d'une attaque, s'adapter aux évolutions technologiques et tirer profit de son expérience afin de renforcer son état de santé numérique. Dès la création du ministère en août 2022, nous avons revu les réglementations afin de limiter les produits à risque et de renforcer la sécurité des affichages électroniques et notre défense contre les cybermenaces. Il s'agissait du premier document que j'ai signé à titre officiel.

Les ressources publiques et privées en matière de cybersécurité sont désormais mises en commun. Nous organisons des exercices afin de garantir nos infrastructures sensibles en cas d'urgence. Nous avons construit une architecture «  Zero Trust  » au sein de nos organisations d'État. En intégrant de nouveaux fournisseurs satellites, nous veillons au maintien des communications en cas de crise, afin de maintenir la résilience de la société et d'assurer des communications avec des amis, des alliés et des partenaires aux quatre coins du monde. Même si un séisme détruisait nos câbles sous-marins et nos centres de données, nous pourrions continuer à assurer ces services grâce à nos investissements dans les réseaux de secours.

Nous avons également œuvré pour le développement des récepteurs satellites, en montant des projets pour en démontrer la viabilité. Des récepteurs ont été installés sur trois sites étrangers et sept cents sites à Taïwan ainsi que sur les îles périphériques et dans les zones reculées. Nous avons investi environ 160 millions d'euros dans ce projet pour les deux prochaines années. L'objectif est de veiller à ce que les satellites continuent à remplir leur fonction, comme l'accès aux vidéoconférences ou la diffusion en direct. Ces récepteurs garantissent une résilience d'urgence et répondent de manière efficiente aux crises auxquelles nous pourrions être confrontés, qu'il s'agisse de cyberattaques d'ampleur ou de catastrophes naturelles.

Dans le même temps, Taïwan s'emploie à donner à la société civile les moyens d'agir en se connectant à ce réseau démocratique mondial. Ainsi, notre site internet utilise le système de fichier interplanétaire (IPFS). Cette technologie émergente s'appuie sur le partage décentralisé et démocratique pour résister à la censure. En cas de besoin, elle permet à tout un chacun de contribuer à la connectivité, mais aussi de tendre la main aux journalistes qui vivent dans des autocraties pour garantir la conservation de leurs reportages sans modification ni falsification aucunes. Cette approche incarne parfaitement la vision du ministère des affaires numériques. Nous avons également intégré les principes du Web3, en utilisant des systèmes de signature numérique pour renforcer la résilience grâce à des technologies d'identification publiques transparentes, applicables partout dans le monde et inviolables, tout en renforçant notre connexion avec nos partenaires démocratiques. Nous souhaitons assurer à chacun la possibilité de se connecter, de créer son propre contenu, de partager ses avantages et de contrôler ses données sans aucune limite. Dans ce but, nous avons rejoint des organisations internationales comme le World Wide Web Consortium (W3) ou l'Alliance Fido pour l'identification en ligne, et nous travaillons avec nos partenaires internationaux pour créer et promouvoir des applications diverses dans ce domaine.

En avril 2022, avec la France et soixante partenaires dans le monde entier, nous avons signé la déclaration sur l'avenir de l'internet. Nous nous sommes engagés à créer un internet résilient, pluriel et inclusif, qui respecte les libertés et les droits humains. Cette déclaration prend ses racines dans des valeurs communes : elle est un remarquable exemple de collaboration transfrontalière et témoigne de notre respect pour la démocratie, les droits humains, la règle de droit et l'ordre international. Nous sommes impatients de poursuivre ce travail avec nos partenaires pour renforcer la démocratie numérique et la résilience.

Pour finir, cette approche s'incarne dans la vision de pluralité ou diversité collaborative adoptée par le ministère. Lorsque les citoyens de tous horizons sont en mesure de partager et de contribuer à des espaces publics numériques, nous pouvons leur donner les moyens de surmonter leurs différences idéologiques et d'identifier leurs valeurs communes.

Nous avançons en eaux troubles ; aussi, je vous invite avec instance à partager notre objectif : nous devons tirer parti de notre intelligence collective, de notre capacité d'innovation et de notre détermination à imprimer un changement réel. Longue vie et prospérité !

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Les députés de l'Assemblée nationale partagent votre combat pour la souveraineté et le respect de vos citoyens.

Comment se caractérisent les attaques dont Taïwan a été victime, à l'occasion, notamment, de la visite de Mme Nancy Pelosi et de leur accroissement depuis le déclenchement de l'invasion russe en Ukraine ? Outre les services régaliens de l'État, affectent-elles le quotidien des entreprises et des citoyens ? En Occident, nous peinons encore à concevoir ces attaques comme des menaces concrètes, même si la paralysie de certains hôpitaux récemment ciblés tend à changer notre perception.

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Audrey Tang, ministre taïwanaise de l'économie numérique

Tous les jours, nous faisons face à des millions de tentatives de piratage de l'étranger. En août dernier, leur ampleur a été multipliée par vingt-trois, mais il s'agissait majoritairement d'attaques de déni d'accès à des sites internet importants, comme celui du ministère de la défense ou du bureau de la présidence. Ces attaques ne sont pas parvenues à leur objectif de destruction ou de modification de données ; néanmoins, elles ont engendré des problèmes de connexion importants. Les sites sont restés inaccessibles pendant plusieurs heures. Simultanément, des panneaux d'affichage qui diffusent des actualités ou des publicités autour des gares ou dans des supérettes ont été piratés afin de diffuser des messages de désinformation. Nous avons aussi fait face à des manipulations de l'information, selon lesquelles le ministère de la défense ou certaines gares étaient passés sous le contrôle d'autres agents. Or les journalistes ou les citoyens ne pouvaient se rendre sur les sites gouvernementaux pour obtenir des informations. Il s'agissait donc d'attaques coordonnées, dites hybrides.

Depuis que nous avons adopté l'approche distribuée décentralisée IPFS, nous avons constaté une diminution de ces attaques. Alors que notre ministère a activé son site internet au moment où ces attaques se multipliaient, nous n'en avons subi aucune. Nous organisons bien entendu des tests avec des hackers éthiques pour y veiller.

Il nous importait surtout d'éviter que ces attaques n'engendrent des conséquences sur la bourse : nous y sommes parvenus.

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Pourriez-vous expliquer le fonctionnement décentralisé de votre site ? Comment s'est opéré votre choix en faveur de cette solution ?

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Audrey Tang, ministre

Il s'agit d'une technologie de pair à pair : 2 000 ordinateurs volontaires dans le monde entier peuvent faire un don de bande passante, voire, d'espace de disque dur pour servir de disque dur distribué. Ce mécanisme sert généralement à stocker des images produites en NFT, comme celles du Barter Yard Club. Il s'agit d'une technologie bien connue du Web3. En sélectionnant cette infrastructure, nous avons modifié notre dynamique de défense. Auparavant, cette dernière requérait des moyens importants, tandis que l'attaquant n'avait besoin de s'appuyer que sur une seule faille. Maintenant que nous avons déplacé nos contenus statiques sur cette plateforme décentralisée du Web3, pour qu'une attaque fonctionne, il faudrait que tous les ordinateurs répartis dans le monde entier soient attaqués et neutralisés : or cela n'est pas possible. Cette technologie a donc été sélectionnée, non parce qu'elle est secrète, mais précisément parce qu'il s'agit d'un logiciel libre en open source : son architecture est ouverte. Les lanceurs d'alerte, par exemple, optent pour ces technologies afin de préserver leurs fichiers. Le système décentralisé fournit un meilleur rempart face aux attaques.

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Pourriez-vous revenir sur le contenu et les objectifs de la déclaration sur le futur d'internet ? Quelle aide peut-elle fournir à nos démocraties, à votre nation, mais aussi à l'Ukraine, exposée à des attaques quotidiennes et d'une grande agressivité ? Avez-vous le sentiment d'une meilleure collaboration entre les démocraties pour mieux combattre ces attaques de manière coordonnée et même fraternelle, depuis plusieurs années ?

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Audrey Tang, ministre

La déclaration sur l'avenir de l'internet procède d'une démarche multiparties prenantes de la gouvernance de l'internet. Il s'agit d'une approche très différente des autres déclarations multigouvernementales, où Taïwan devait participer à titre d'observateur. Nous sommes cette fois un membre à part entière. Nous pouvons ainsi résoudre des questions très pratiques, comme celle du partage de données, en toute confiance. Tous les participants croient au respect des libertés fondamentales et des données. Les États doivent expliquer la manière dont ils manipulent les données des citoyens en toute transparence, et notamment avec l'aide du secteur privé. Il faut qu'ils soient en mesure de rendre des comptes sur les algorithmes employés, notamment les modèles de langue de grande taille. Toutes les technologies employées doivent pouvoir être rendues publiques.

Nous travaillons autour d'assemblées d'alignement de l'intelligence artificielle : il s'agit de collaborer autour de nouvelles technologies et de déterminer un certain nombre d'attentes vis-à-vis de l'intelligence artificielle de la part des citoyens, afin de donner des orientations aux entreprises qui développent l'intelligence artificielle. Nous y voyons un moyen de régir l'interaction entre l'intelligence artificielle et l'humanité.

Certaines crises sont planétaires ; c'est notamment le cas de la crise du climat : dans le cadre de cette alliance pour l'avenir de l'internet, ces nouvelles technologies pourront être utilisées pour mieux lutter contre ces phénomènes.

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Je souhaitais réitérer mon soutien, et celui d'une très grande majorité de mes collègues, à la démocratie taïwanaise et au combat que nous devons mener ensemble pour nos valeurs communes, qui sont au premier chef la démocratie et la liberté. Nous savons que Taïwan sort à nouveau d'un exercice militaire renforcé mené par l'armée de la République populaire de Chine, et que ce moment de grande tension a suscité des questionnements et des perplexités ; il me paraît donc important que les démocraties comme la France puissent vous apporter des messages de réconfort.

Vous avez largement mis l'accent sur la transparence. Par-delà la politique que vous menez en votre qualité de ministre du numérique, vous promouvez depuis longtemps une transparence radicale dans la relation qui unit l'État et ses citoyens. Pourriez-vous revenir sur cette obligation de transparence ? Dans quelle mesure permet-elle d'entraîner la population taïwanaise vers la cyber-résilience ? S'appuie-t-elle par exemple sur une information régulière, immédiate et totalement transparente relative aux cyberattaques et à leur attribution ?

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Audrey Tang, ministre

La transparence et la responsabilité sont en effet des valeurs centrales. Sans transparence, la question de la sécurité devient critique dès lors qu'il est question de progrès technologique. L'administration de la cybersécurité peut être prise en charge par différentes autorités ; or, si chacune travaille de manière isolée – comme nous l'avons observé au début de la pandémie de covid –, la santé publique peut par exemple prendre le pas sur le respect de la vie privée. Cette situation est donc de dilemmes pour les opérateurs de politiques publiques, et leurs choix ne satisfont réellement personne.

En revanche, si l'on opte pour la transparence et si les responsabilités sont attribuées sans ambages, les journalistes et les lobbyistes peuvent se faire l'écho des préoccupations des ministères ainsi que de la population, auxquels ils ont accès. Ainsi, ceux qui s'intéressent aussi bien aux aspects sécuritaires qu'aux enjeux démocratiques seront pleinement impliqués dans la gestion de ces politiques publiques, car ils bénéficieront d'une vision globale.

Dans le cas de la pandémie, le renforcement des technologies peut désormais permettre de suivre les cas contacts sans pour autant sacrifier le respect de la vie privée. Chacun participe pleinement à l'élaboration des politiques. La transparence permet d'être plus attentif aux souffrances et aux injustices tout en impliquant l'ensemble des citoyens dans le développement des technologies. Nous pouvons alors promouvoir une cocréation, c'est-à-dire une relation bénéfique pour tous.

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Vous avez développé un discours très optimiste sur l'intelligence artificielle. Vous n'êtes pas sans connaître l'inquiétude que cette évolution technologique suscite en Europe, et le réflexe de régulation et d'encadrement que cette méfiance a tendance à provoquer.

Comment appréhendez-vous les dangers et les menaces qui peuvent naître de l'application de l'intelligence artificielle à la fabrication de fausses informations et à la manipulation des informations et des citoyens ?

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Audrey Tang, ministre

En effet, les nouvelles générations de modèles de langage, et notamment les deep fakes – qui reposent sur le langage, mais aussi sur les images – sont une menace réelle pour la démocratie. Sur mon propre ordinateur, je dispose d'un module de langage qui synthétise mon image et la manière dont je m'exprime. Chaque individu qui souhaite utiliser ces outils – à bon ou mauvais escient – peut le faire : nous ne pouvons l'empêcher d'avoir recours à ces outils qui sont en libre accès et gratuits. Il ne s'agit pas d'énormes centres de données, mais d'éléments d'applications qui tiennent sur une simple clé USB. Il est donc très difficile d'empêcher ces technologies de se répandre.

Toutefois, j'ai le sentiment que si l'on garantit la transparence et la responsabilité dans l'utilisation de ces applications et que si l'on promeut la collaboration, ces outils sont bénéfiques. Les modules de traduction sont par exemple un outil particulièrement précieux pour faciliter la compréhension entre les populations. Je crois surtout qu'il est important de veiller à la responsabilisation des fabricants. Pour ce faire, le dialogue avec l'Union européenne doit être réitéré dans l'ensemble du monde.

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Les cyberattaques dont Taïwan est massivement victime viennent-elles majoritairement de la République populaire de Chine ? Certaines ont-elles la Corée du Nord pour origine ?

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Audrey Tang, ministre

À Taïwan, la très grande majorité des communications à haut débit avec le reste du monde passe par des câbles sous-marins. Lorsque les cyberattaques ciblent ces voies de communication, il est évident qu'elles viennent soit de l'intérieur, soit de l'extérieur. Il est très facile d'identifier leur origine et de constater qu'elles sortent de notre juridiction.

Par ailleurs, nous sommes également ciblés par des attaques de botnets : les ordinateurs à l'origine de l'attaque n'appartiennent pas à des individus ou des organisations qui en sont responsables, mais ils sont utilisés comme portails par des tiers pour détourner l'attention. Il est donc très difficile d'identifier avec précision l'origine des attaquants.

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Au sein des établissements scolaires ou d'autres organismes, qu'est-il prévu pour sensibiliser la population à la nécessité de se protéger des menaces qui planent quotidiennement sur Taïwan et pour lui apprendre à s'en prémunir ?

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Audrey Tang, ministre

Avant de devenir ministre en 2016, je faisais partie du comité d'établissement du programme scolaire en matière numérique. Nous étions déjà confrontés à une augmentation du phénomène de désinformation. Dès lors, au lieu de renforcer certains éléments du programme scolaire tels que la lecture, nous avons décidé d'y ajouter des modules de compétences numériques. Nous souhaitons renforcer l'esprit critique et, plus encore, contribuer au développement d'un réflexe critique parmi les jeunes et à une approche collaborative, afin qu'ils puissent contribuer à l'élaboration d'outils permettant de mesurer la qualité de l'information, comme certains mesurent déjà la qualité de l'air. En nous adressant à des jeunes ou à des très jeunes, nous espérons renforcer la réaction de lutte collective contre la désinformation. Il ne s'agit pas seulement de se concentrer sur les fake news, mais de promouvoir un esprit critique numérique, qui aura un effet positif général sur la polarisation et la diffusion de fausses informations.

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Je tiens à vous féliciter pour votre implication dans l' open source. D'après votre pratique générale de la transparence radicale, quelles sont les solutions, selon vous, pour lutter contre les ingérences étrangères ?

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Audrey Tang, ministre

La résilience numérique pour tous est le slogan de notre ministère. Nous devons veiller à ce que les journalistes puissent faire leur travail : en d'autres termes, la bande passante est considérée comme un droit humain à Taïwan. Les journalistes professionnels doivent pouvoir contribuer aux grandes plateformes de médias sociaux, notamment Facebook. Nous tenons des pourparlers réguliers afin de garantir leur accès aux grandes plateformes et la contribution de ces dernières à la transformation numérique en mettant les journalistes au premier plan de leurs systèmes d'information.

De la même manière, l'engagement civique et la résilience de la société revêtent une importance majeure : les sociétés doivent disposer des outils nécessaires – comme WhatsApp en Europe ou Line à Taïwan – pour permettre aux personnes confrontées à une désinformation ou à une tentative de piratage d'en faire part aux écosystèmes civiques rassemblant des individus et des organisations chargés de vérifier l'origine des sources. C'est ce que proposent de nombreuses startups ou des organismes liés à Google. Nous voulons développer un écosystème fondé sur l'idée d'une société mobilisée afin de mieux collaborer pour mieux réagir et résister aux virus. Il sera alors plus facile d'identifier rapidement les messages qui deviendront viraux, mais aussi de trouver les réponses à de telles attaques. En recevant les informations nécessaires pour éviter de les répandre, les cibles de virus pourraient plus facilement y résister.

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Vous avez été auditionnée par la commission spéciale du Parlement européen INGE 2. Quelles menaces d'ingérence visent la France et comment s'en prémunir ?

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Audrey Tang, ministre

J'échange régulièrement avec des responsables européens à divers niveaux. Par exemple, je me suis occupée de la traduction en mandarin de disinfo.credos.fr dans le cadre d'un effort collaboratif contre la désinformation qui intègre également la France, dans une approche de citoyen à citoyen, de société civile à société civile. Il s'agit d'un partage d'approche. La plupart des instruments que j'ai mentionnés appartiennent au domaine public et sont en open source.

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Dans la nouvelle technologie que vous développez, chacun peut contrôler le système grâce à une approche coopérative. Ce système nécessite-t-il que les citoyens soient dotés d'un minimum de connaissances ou de savoirs numériques pour s'assurer que cette technologie est utilisée à bon escient ?

Est-il selon vous possible de concilier l'existence même des algorithmes utilisés par les réseaux sociaux – dont la manipulation peut impliquer une forme de polarisation – avec la liberté d'expression et le pluralisme démocratique ? Les stratégies de déstabilisation des puissances impérialistes semblent de plus en plus massives et perfectionnées, et restent difficiles à percevoir.

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Audrey Tang, ministre

Nous encourageons la mise en place de technologies décentralisées précisément parce qu'elles sont en open source. C'est la nature des technologies qui sous-tendent le Web3. Il est donc presque impossible d'empêcher les citoyens d'étudier leur fonctionnement, voire d'en créer une nouvelle version pour la communauté dont ils font partie. Ils peuvent par exemple se former à l'établissement d'une blockchain pour leur communauté financière – mais aussi viser des objectifs plus néfastes. Puisque tout est collaboratif, cependant, il me semble que la démarche va dans le bon sens : les technologies ouvertes augmentent le contrôle de ces outils par la société. Elles offrent un cadre à ces interactions.

Les algorithmes, certes, peuvent polariser la société, mais ce n'est pas le cas de tous. Nous utilisons très souvent la technologie pol.is : j'ai par exemple affiché sur Twitter une conversation pol.is pendant un sommet qui s'est tenu cette année, dans laquelle je demandais à des experts en intelligence artificielle s'ils identifiaient des domaines d'entente dans ce domaine malgré la forte polarisation induite par cette technologie. Il est toujours possible d'identifier des valeurs communes, même lorsque nous peinons à les percevoir au premier abord. Si l'on offre aux citoyens le choix entre différents algorithmes, ceux qui contribuent à faire société susciteront davantage l'adhésion que ceux qui renforcent les polarisations. Il faut donc en faire la promotion et les mettre sur la place publique, et donner aux citoyens les moyens d'orienter le débat public et de converser en ligne sans qu'ils tombent sous le coup de ces algorithmes très clivants.

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Devrions-nous soumettre aux citoyens le type d'algorithme à utiliser pour faire société dans les démocraties ?

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Audrey Tang, ministre

Le Digital Markets Act de l'Union européenne intègre des exigences d'interopérabilité. Ceux qui gèrent les communications par Messenger ou d'autres messageries doivent veiller à leur interopérabilité afin que les citoyens puissent choisir de recevoir les messages par un autre fournisseur – et donc un autre algorithme. Il faut donner la liberté de choisir entre les différentes plateformes tout en donnant la possibilité de mettre en communication les plateformes. Ce choix de l'utilisateur est primordial : il ne doit pas être contraint d'utiliser la même application que celle par laquelle il a reçu le message.

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Nous étudions les tentatives ou les réalités d'ingérence étrangère sur nos démocraties depuis maintenant cinq mois. Dans les narratifs qu'ils déploient, les pays autoritaires ou les dictatures mettent en avant l'idée qu'ils tireraient leur puissance non seulement de leur géographie ou de leur économie, mais également de la nature même de leur régime – face à des démocraties qui seraient plus faibles par essence, notamment parce qu'elles reposent sur les citoyens.

Vous combattez les techniques d'ingérence et le contenu qu'elles développent par la démocratie, la transparence totale, la décentralisation et la mobilisation de la société civile d'un pays qui, malgré sa taille modeste, parvient à faire face à de grandes puissances. Concevez-vous la contre-offensive comme l'ensemble global formé par ces deux dimensions ?

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Audrey Tang, ministre

Au sein même des autocraties, il existe des individus qui soutiennent Taïwan en nous aidant à mettre en place nos technologies décentralisées, ou en y ayant recours pour éviter que leurs messages soient modifiés ou falsifiés. Certains modèles de langage compilent ainsi l'ensemble des données disponibles sur internet sur un simple disque ou une clé que l'on peut faire fonctionner hors ligne : de tels mécanismes les aident à effectuer leur travail de manière protégée. Ils emploient également d'autres technologies ou se cachent derrière des VPN.

Nous pouvons de notre côté contribuer à ces modèles de langage. La France a beaucoup aidé à l'élaboration du modèle linguistique ouvert, OpenScience, alimenté par des individus dans le monde entier parlant une pluralité de langues. Ces dispositifs renforcent la collaboration internationale et nous protègent tous de la censure. Selon moi, ces systèmes décentralisés offrent une forme de résilience démocratique. On peut donc dire qu'ils constituent une contre-offensive.

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Parmi les narratifs que nous devons combattre figurent également de nombreux préjugés culturels : la zone d'influence chinoise, alimentée par le confucianisme, le taoïsme, différentes formes de bouddhisme et autres courants de pensée qui l'ont irriguée et construite, ne serait pas propice à la défense des droits humains individuels et à la démocratie telle que nous la concevons et la défendons – et que vous défendez comme individu, citoyenne et membre de votre gouvernement.

Les tentatives d'ingérence s'appuient-elles sur ce type de narratif ? Comment le gouvernement et la société civile y répondent-ils autrement que par la contradiction même que Taïwan lui apporte en défendant les droits humains et en garantissant la vitalité de sa démocratie ?

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Audrey Tang, ministre

Je ne crois pas que l'autocratie, la censure exercée par le haut et le modèle d'un État de surveillance soient l'apanage des cultures que vous décrivez.

La contribution de Taïwan au monde est avant tout liée à notre diversité : nous comptons de nombreuses langues nationales, y compris la langue des signes ; certaines personnes utilisent le kanji, d'autres l'alphabet romain. Cette identité transculturelle contribue à la démocratie, puisque c'est un élément que nous partageons tous. Quelles que soient les traditions que vous avez citées, elles n'empêchent aucun individu de participer pleinement à la démocratie. La pluralité contribue également à la traduction de l'idéal des droits humains dans les traditions dont chacun se revendique individuellement.

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Taïwan est le premier pays d'Asie à avoir reconnu les droits des personnes LGBT. Lors de ce processus de reconnaissance de ces droits à la fois par la loi, par la cour suprême taïwanaise et par le mouvement de la société civile, avez-vous identifié des tentatives d'ingérence particulière de la part de régimes autoritaires ? Ces derniers, à divers degrés – comme la Russie, la Corée du Nord ou la Chine –, y sont en effet hostiles. Ont-ils intégré cet élément à leur narratif dans leurs attaques ? Les personnes incarnant ces combats ont-elles été visées à titre personnel ou comme représentants gouvernementaux par ces tentatives d'ingérence ?

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Audrey Tang, ministre

Lors du référendum sur la reconnaissance des droits LGBTQA en vue de la légalisation du mariage pour tous en 2018, nous avons constaté un grand nombre de tentatives de désinformation. Il s'agissait d'éléments exprimés par le biais de publicités, qui avaient pour objectif de renforcer les divisions qui existaient déjà dans la société. L'idée n'était pas de se positionner pour ou contre les droits LGBTQA, de la même manière que nous n'avons pas vu émerger de campagne pour ou contre les vaccins. Il s'agissait plutôt d'une influence des algorithmes, qui s'emparaient de ce débat social pour prendre davantage d'importance sur les réseaux sociaux et renforcer les écarts au sein de la société. La société civile avait travaillé avec les grandes plateformes, comme Facebook, afin qu'elles n'autorisent plus les publicités venant de l'étranger ayant pour objectif ou pour effet de renforcer cette polarisation à l'approche du référendum. Après tout, il n'y a aucune raison que des puissances étrangères puissent contourner la législation locale et aient un effet délétère sur ces débats sociaux. Les grandes plateformes ont ainsi adopté des mécanismes d'autorégulation afin de rendre visibles les acteurs qui promouvaient ces tentatives de campagne depuis l'étranger. Bien entendu, les grands débats de ce type ont déjà un effet polarisant sur la société : nous voulions éviter que ces messages financés et promus par des puissances étrangères exercent un effet démultiplicateur.

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Les échanges économiques et commerciaux entre Taïwan et la République populaire de Chine sont importants, et même croissants. Ne craignez-vous pas de voir apparaître – ou se poursuivre – des menaces d'ingérence étrangère reposant sur des transferts de technologie, des prises de contrôle ou des entrées dans le tissu économique taïwanais ?

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Audrey Tang, ministre

Les accords commerciaux entre les deux pays ont été au cœur d'un débat public d'importance en 2014. Des centaines de milliers de personnes ont manifesté dans la rue. Le consensus qui a émergé établissait que la nouvelle infrastructure 4G ne devait pas inclure de vendeurs privés. En effet, si nous avions autorisé le secteur privé à s'impliquer dans ce déploiement, des contrôles à chaque étape auraient été nécessaires et ces évaluations de risque auraient considérablement augmenté le prix d'exploitation. Le consensus était donc très large.

En 2019, nous avons également décidé d'autoriser l'utilisation de logiciels, de progiciels ou d'autres produits du secteur privé dans le cadre de contrats avec le secteur public, à condition de l'encadrer très fermement. La société civile et le secteur privé, à nouveau, ont largement participé à ce débat.

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Madame la ministre, je vous remercie pour le temps que vous nous avez consacré et pour la précision des réponses que vous nous avez apportées. Permettez-moi aussi de saluer votre parcours individuel, le courage et la dignité avec lesquels vous menez votre vie, et l'inspiration que vous suscitez auprès de millions de jeunes à travers le monde.

(Présidence de M. Laurent Esquenet-Goxes, vice-président de la commission)

La commission procède ensuite à l'audition de M. Philippe Olivier, député européen.

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Mes chers collègues, la présente audition étant consacrée à une personnalité appartenant à sa famille politique, le président de la commission d'enquête a souhaité se déporter. J'ai donc l'honneur de présider cette séance.

Nous recevons M. Philippe Olivier, député européen. Monsieur le député, comme vous le savez, notre commission travaille depuis plusieurs mois sur les ingérences de puissances étrangères dans la vie politique, économique et auprès des relais d'opinion de notre pays. Nous souhaitons à ce titre recueillir votre témoignage concernant les relations que vous entretenez avec la Russie, non pour vous les reprocher, mais pour déterminer si vous avez pu être le vecteur d'opérations d'ingérence de la part de ce pays dans la vie politique nationale. Nous vous interrogerons en particulier sur les voyages que vous avez effectués en Russie et dans les territoires ukrainiens occupés illégalement par ce pays. Nous souhaitons également vous entendre sur vos relations avec des personnalités russes proches du régime de Vladimir Poutine, parmi lesquelles l'oligarque Konstantin Malofeïev.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(M. Philippe Olivier prête serment.)

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Philippe Olivier, député européen

Je n'ai aucun lien avec la Russie. Je me suis rendu à deux reprises dans ce pays, d'abord à l'occasion de la Coupe du monde du football en 2018, puis lors d'un voyage de contrôle d'élections dans le cadre de mon mandat parlementaire, que j'ai déclaré en toute transparence sur le site du Parlement européen et qui est affiché sur mon site personnel.

En 2018, je n'étais pas élu. Je voyageais en tant que simple citoyen. J'ai été invité par un ami français que je connais depuis plus de vingt ans et qui est installé depuis longtemps en Russie. J'ai eu l'occasion de rencontrer quelques personnes avec lesquelles je n'avais eu aucun contact auparavant et avec lesquelles je n'ai pas échangé par la suite. Je n'ai jamais mis les pieds à l'ambassade de Russie et je n'ai aucun contact avec des Russes : je n'ai donc rien d'autre à vous dire sur mes liens avec la Russie.

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Le 27 octobre 2022, France 2 a diffusé un numéro du magazine « Complément d'enquête » consacré aux réseaux de Vladimir Poutine en France. Vous y êtes présenté comme entretenant des liens importants avec la Russie, contrairement à ce que vous venez de nous dire. Comment avez-vous réagi à cette diffusion ?

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Philippe Olivier, député européen

Je n'ai même pas regardé ce reportage car il n'avait aucun intérêt. Je connais très bien les liens que j'ai – ou, plutôt, que je n'ai pas – avec la Russie. Il me semble que ces affirmations relèvent d'un délire complotiste qui voudrait que l'on entretienne des liens avec la Russie. Je n'ai aucun lien avec la Russie. Ce n'est pas parce qu'un journaliste l'affirme que c'est vrai ; aucun fait ne l'étaye. Mon histoire avec la Russie s'arrête aux deux voyages que j'ai mentionnés.

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Pourquoi êtes-vous allé en Crimée occupée en juillet 2020 ? Qui a pris l'initiative de ce séjour ? Comment a-t-il été financé ?

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Philippe Olivier, député européen

Je m'y suis rendu avec un groupe de cinq ou six députés. Nous avions été invités par la fédération civique pour assister aux élections dans le cadre d'un référendum constitutionnel. J'ai alors eu l'occasion de voyager en Crimée. En effet, en tant que parlementaire, je souhaitais me rendre sur place pour voir s'il s'agissait réellement d'une région occupée. Ce n'est pas ce que j'ai constaté : c'est une région totalement russe. Ma visite avait donc une visée d'observation. Ce voyage a été déclaré légalement au Parlement européen, et sur son site internet, qui est accessible à tous les citoyens de France.

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Avez-vous des liens avec l'association Dialogue franco-russe co-présidée par M. Thierry Mariani ?

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Philippe Olivier, député européen

Absolument aucun. Je n'ai assisté à aucune de ses réunions. Thierry Mariani est mon collègue au Parlement européen et l'un de mes amis, mais je n'ai aucun lien avec le Dialogue franco-russe.

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Nous entendons que vous minimisez les relations avec la Russie qui vous sont prêtées par plusieurs médias et fondations qui ont pignon sur rue.

Vous vous êtes rendu en 2018 à Moscou à l'occasion de la finale de la Coupe du monde de football. Vous y étiez invité par un ami français. Lors de cette visite à Moscou, vous avez rencontré Konstantin Malofeïev, que vous ne connaissiez pas auparavant selon vos dires.

Niez-vous la véracité des documents rendus publics par la fondation Dossier Center, notamment par le biais des journalistes qui ont réalisé l'émission « Complément d'enquête » ? Certains de ces documents font état d'un courriel que vous auriez écrit après votre visite à Moscou. Dans cette forme de lettre du château, vous remerciez un certain Mikhaïl de son accueil et faites allusion à la teneur de votre rencontre avec Konstantin Malofeïev. Vous écrivez : « Les belles rencontres que nous avons pu faire grâce à vous seront d'une utilité décisive pour les prochaines élections européennes. Nous allons maintenant travailler de notre côté à leur donner tous les développements dont la cause a besoin. » Pouvez-vous nous préciser le sens de ces propos ?

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Philippe Olivier, député européen

J'étais invité par un ami dans le cadre d'un voyage touristique – et même footballistique. À cette occasion, il m'a proposé de rencontrer Thierry Mariani, lors d'une réunion, ainsi qu'un de ses amis russes qui était chef d'entreprise. C'est dans ces conditions que j'ai rencontré M. Malofeïev, avec qui j'ai eu une conversation très banale sur la situation en France.

Je tiens à vous rappeler le contexte : en 2018, M. Macron, qui venait d'être élu, avait reçu Vladimir Poutine au château de Versailles. La Russie n'était pas du tout considérée comme l'ennemie de la France. Toute la France s'est d'ailleurs retrouvée à la Coupe du monde.

Thierry Mariani avait laissé entendre qu'il était prêt à rejoindre notre liste en vue des élections européennes. Je précise également qu'en 2017, le parti Front national était totalement défait : nous sortions des élections législatives avec seulement six députés. Nous étions partiellement effondrés. Nous donc étions heureux de regagner, notamment par le biais de ralliements, un peu de visibilité politique en France. C'est dans ce cadre que j'ai rencontré Thierry Mariani. Nous nous sommes rendus à une réception – dont je serais incapable de vous citer le nom des invités – où j'ai fait sa connaissance. Par la suite, nous sommes devenus amis. Il a rejoint notre liste et nous siégeons ensemble au Parlement européen.

Je ne connaissais pas M. Malofeïev avant cette réception. Nous avons discuté pendant une demi-heure. Il m'a notamment fait part de son inquiétude quant à la question migratoire en France. Je n'ai pas eu de contact avec lui par la suite.

Il me paraissait normal d'envoyer un message de remerciement pour dire que j'avais passé un bon moment avec les invités. La question essentielle était pour moi de rencontrer M. Mariani ; certes, il peut sembler étrange que cela ait eu lieu en Russie, mais je n'avais pas eu l'occasion de prendre contact avec lui en France.

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J'entends que la courtoisie dont notre pays s'honore vous ait poussé à remercier votre hôte de son accueil. Cependant, le mail transmis par Dossier Center à plusieurs journalistes fait part de plus que de simples remerciements courtois. Il fait référence à « des belles rencontres » qui auraient « une utilité décisive pour les prochaines élections européennes ». Vous vous y engagez à « travailler à leur donner tous les développements dont la cause a besoin ». Pouvez-vous nous confirmer que la conversation avec M. Malofeïev a porté sur des sujets politiques, et, par exemple, sur un projet de mise en réseau ou de rassemblement de différentes familles politiques de droite extrême et d'extrême droite, partageant des valeurs et des positionnements politiques communs ?

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Philippe Olivier, député européen

Tout d'abord, je ne me sens pas concerné par vos propos sur la droite extrême ou l'extrême droite. Du reste, M. Malofeïev ne m'a pas proposé d'accéder à quoi que ce soit. Je n'étais même pas élu à l'époque. Certes, les invités étaient plutôt favorables à la philosophie politique que je défends – il n'y avait pas d'insoumis ni de communistes ! Cependant, il s'agissait d'une rencontre courtoise et amicale, et non d'un centre de décision d'un complot mondial.

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Personne n'a employé ces termes.

Vous n'étiez pas élu à l'époque. Quelles étaient vos fonctions au sein du Rassemblement national ?

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Philippe Olivier, député européen

Je n'en avais aucune. J'étais assistant parlementaire de Ludovic Pajot.

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« Complément d'enquête » et de nombreuses autres enquêtes journalistes, comme le dossier élaboré par Dossier Center, font allusion au projet « AltIntern » ou au projet de « Sainte-Alliance ». N'en avez-vous jamais entendu parler ?

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Philippe Olivier, député européen

Non. Si vous vous renseignez sur moi, vous vous apercevrez que je suis plutôt un laïc. Appartenir à un projet de « Sainte-Alliance » me paraît un peu curieux.

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Pouvez-vous nous affirmer que vous ne vous êtes pas rapproché du projet « AltIntern » ?

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Philippe Olivier, député européen

Non. Je n'ai rien signé. Je ne suis même pas au courant de ce projet.

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Il ne s'agissait donc pas de la « cause » commune à laquelle vous deviez travailler ?

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Philippe Olivier, député européen

Non. Ma cause est nationale : quand je rencontre d'autres patriotes, même s'ils sont lointains, j'estime que nous partageons la même cause. Cela ne fait pas de moi un agent de ces pays.

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Philippe Olivier, député européen

Cela dépend de la conception de l'Europe que l'on entend.

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Je tiens à préciser que nous avons été adversaires lors de deux élections : les législatives de 2017 et les départementales dans le canton de Marck en 2021.

La rapporteure a fait état d'un mail diffusé par un organisme non étatique, dans lequel vous tenez à remercier votre hôte de son accueil et de sa gentillesse, ainsi qu'à transmettre à « Konstantin » votre « gratitude pour ces moments si amicaux, si utiles et, s'agissant d'une finale de Coupe du monde que la France a gagnée, inoubliables ».

Reconnaissez-vous avoir envoyé ce mail ?

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Philippe Olivier, député européen

Je ne dis pas le contraire. Je n'en sais rien. Lorsque je suis invité, j'envoie un mail – assez courtois – de remerciement. J'ai donc dû le faire, puisque je le fais systématiquement.

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C'est tout à votre honneur. Vous confirmez que le « Konstantin » auquel vous faites référence dans votre email est bien Konstantin Malofeïev ?

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Philippe Olivier, député européen

Oui. J'ai expliqué dans quelles conditions je l'ai rencontré. L'échange a été très rapide. Je ne le connais pas plus que cela. Je n'ai pas eu de contact avec lui avant ni après cette rencontre.

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Confirmez-vous que Konstantin Malofeïev n'a rien eu à voir dans votre présence dans le stade Loujniki pour la Coupe du monde ?

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Philippe Olivier, député européen

Je n'en sais rien. Je n'ai pas échangé avec M. Malofeïev par quelque moyen que ce soit. C'est mon ami français qui m'a invité.

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Vous étiez membre de l'équipe resserrée de campagne de Mme Le Pen lors de l'élection présidentielle de 2022. La presse avait fait état d'une potentielle destruction de tracts édités de votre parti où figurait une photo de votre candidate avec le président de la Fédération de Russie, probablement pour faire valoir sa stature internationale. Confirmez-vous la destruction de ces tracts ?

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Philippe Olivier, député européen

Je ne m'en souviens pas. Dans les campagnes électorales, je ne m'occupe pas vraiment des tracts, mais plutôt de la stratégie politique.

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Sur votre fiche sur le site du Parlement européen, on peut lire que parmi vos assistants accrédités figure une certaine Irina Tomakhina. Le site Projet Arcadie relève des difficultés à retracer son profil. Pourriez-vous revenir sur le processus de recrutement de cette assistante et nous indiquer sa nationalité ? Quel travail fournit-elle à votre service ?

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Philippe Olivier, député européen

Lors des élections législatives, la plupart de mes assistants ont été élus députés ou eurodéputés. J'ai donc été obligé de trouver de nouveaux assistants en urgence. Les fonctions des parlementaires européens nécessitent un travail administratif important, notamment pour l'organisation des voyages, ne serait-ce qu'entre Paris et Strasbourg. J'ai donc recruté Irina comme assistante de remplacement. Elle travaillait pour un député de la Lega et connaissait parfaitement le mécanisme de remboursement des frais. Elle s'apprêtait à partir, donc je l'ai recrutée seulement pour six mois. Elle quitte ses fonctions, car je ne renouvelle pas son contrat. Elle de nationalité russe, mais elle est ukrainienne : elle est née en Ukraine, du côté occidental. C'est donc lui faire un mauvais procès que de penser que sa nationalité pose un quelconque problème. D'ailleurs, quand j'ai émis le souhait de l'embaucher, le Parlement a mené une enquête – ce qui est usuel – pendant quatre mois, au terme desquels il a donné son accord à son recrutement.

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Vous avez plusieurs fois cité l'ami français qui vous a invité en Russie à l'été 2018. Pourrions-nous savoir de qui il s'agit ? Quelle est son activité ? Dans quel contexte vous a-t-il invité ? Comment ce voyage a-t-il été organisé ? Qui l'a financé ?

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Philippe Olivier, député européen

Il s'agit de Fabrice Sorlin. Je le connais depuis vingt ans et le revois régulièrement. Il est installé en Russie depuis une quinzaine d'années. Je sais qu'il possède une entreprise, mais je ne pourrais vous citer son activité professionnelle précise.

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Philippe Olivier, député européen

C'est lui qui s'est occupé de ce voyage et je suppose que c'est lui qui l'a financé. J'ai voyagé en classe économique. Je vous rappelle que j'étais un simple citoyen à l'époque : je n'avais pas de raison de déclarer ce voyage. Je n'avais pas de pouvoir. Je ne pense pas qu'un député, un assistant, ou encore moins un assistant d'opposition non inscrit connaisse des secrets d'État, et que j'aie pu représenter une cible quelconque.

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Vous faites peu de cas de la position que vous occupiez déjà au Front national et auprès de sa présidente. Vous avez dit que vous n'y aviez aucune fonction. En 2018, certes, vous n'aviez plus de mandat électif, mais vous exerciez bien des fonctions politiques. Il semble que vous soyez entré au bureau national du Front national, sur désignation de la présidente Marine Le Pen elle-même, lors du congrès de mars 2018. Le confirmez-vous ? Le cas échéant, on peut considérer que vous aviez une fonction partisane, et donc politique.

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Philippe Olivier, député européen

Je ne nie pas que j'étais engagé politiquement. Un membre du bureau national n'a aucun pouvoir dans le parti. Le bureau national comptait alors quarante à cinquante membres qui se réunissaient une fois par mois pour discuter des affaires politiques. Il s'agit d'une instance sans pouvoir déterminant. Je n'ai pas de fonctions opérationnelles au sein du parti. Je suis conseiller de Marine Le Pen depuis 2005, mais cela n'interférait pas avec le poste d'assistant que j'occupais, même si je m'occupais bien sûr d'actions politiques.

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Je vous remercie pour ces précisions, qui, néanmoins, contredisent selon moi vos précédents propos : on ne devient pas proche conseiller d'un président de parti, fût-il de l'opposition, et on ne rentre pas le bureau national d'un parti tel que le Rassemblement national en tant que simple citoyen. Votre récit me paraît difficile à accepter. Quand vous vous êtes rendu en 2018 en Russie, vous étiez proche conseiller de Marine Le Pen, qui avait été reçue un mois avant le premier tour de l'élection présidentielle de 2017 à Moscou ; ses liens et son admiration pour Vladimir Poutine sont notoires. Vous n'étiez pas un simple citoyen parmi les 66 millions que compte notre pays.

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Philippe Olivier, député européen

J'entends par simple citoyen que je n'exerçais aucune fonction publique. Je n'avais pas de mandat ni aucune capacité d'action. J'ai effectué mon deuxième voyage en tant que parlementaire et l'ai déclaré exactement dans les temps, contrairement à nombre d'autres députés, car je n'avais rien à cacher.

Vous dites que le Rassemblent national est un grand parti : c'est le cas aujourd'hui, mais en 2018 et jusqu'aux élections européennes, nous étions totalement défaits ; la mort du Front national était annoncée quotidiennement. De même, la Russie était un pays que M. Macron voulait attirer dans le champ politique européen. Vous ne pouvez raisonner aujourd'hui comme nous le faisions en 2018, au moment où l'équipe de France était en finale de la Coupe du monde et où un très grand nombre de Français se trouvaient à Moscou.

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J'en viens à votre second voyage. Le 1er juillet 2020, vous écrivez sur un réseau social bien connu : « Je suis actuellement à Yalta, en Russie, où une délégation du groupe ID observe le bon déroulement du référendum constitutionnel [organisé par Moscou]. Excellente participation au scrutin et organisation exemplaire. » À cette époque, la Russie occupait la Crimée illégalement et en contradiction avec le droit international depuis 2014. François Hollande et Emmanuel Macron ont tous deux choisi de ne pas reconnaître cette annexion et de blâmer la Fédération de Russie. Vous reconnaissez quant à vous cette annexion illégale. Pouvez-vous nous expliquer cette déloyauté vis-à-vis de la position de la diplomatie française ?

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Philippe Olivier, député européen

Un élu est libre d'avoir des opinions divergentes. C'est en tout cas ma conception de la démocratie et de la liberté. Je pense que ce n'est pas la vôtre.

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Philippe Olivier, député européen

Je me suis rendu en Crimée pour voir s'il s'agissait effectivement d'un pays occupé. J'ai constaté que ce n'était pas le cas. C'est comme si l'on vous expliquait que le Nord-Pas-de-Calais était belge ! On vit dans l'idée que, parce que Khrouchtchev a rattaché administrativement la Crimée à l'Ukraine, ce territoire est ukrainien. Or ce n'est pas un territoire sociologiquement ukrainien. Il n'y a rien d'hérétique à le dire. Par ailleurs, un référendum a eu lieu, et il a statué en faveur du rattachement.

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Ce référendum n'a été reconnu ni par notre pays ni par l'Union européenne. Pouvez-vous confirmer que vous êtes interdit de territoire en Ukraine ?

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Philippe Olivier, député européen

J'ai été interdit de territoire en Ukraine et tous mes biens y ont été saisis – même si je n'en avais pas. C'est une décision automatique dès lors qu'une personne se rend en Crimée. J'ai même été sanctionné par le Parlement européen. On ne m'a pas reproché mon voyage, mais plutôt d'être allé contrôler une élection et de ne pas en avoir tiré les conclusions que l'Union européenne aurait souhaité que je déduise. La sanction du Parlement européen a été prise sur la base d'un texte qui ne concerne pas les élus, lesquels bénéficient d'une liberté de voyage, mais les fonctionnaires du Parlement européen, qui ne peuvent pas voyager. Cette décision de sanction ne m'apparaît donc pas fondée juridiquement. Je la conteste, mais j'ai accepté ses conséquences qui, je dois le reconnaître, étaient plutôt indolores.

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Je souhaite revenir sur le profil de l'ami français qui vous a invité à Moscou, Fabrice Sorlin. Il n'est pas tout à fait inconnu de quiconque s'intéresse aux réseaux russes. Si vous connaissiez depuis vingt ans cette personne, vous ne pouviez ignorer ses positions politiques – qui sont bien entendu légitimes. Il est connu pour être catholique traditionaliste, et pour ses positions en matière de relations internationales. À moins d'être naïf, vous ne pouviez pas ignorer le type de fréquentations politiques de Fabrice Sorlin et les desseins qu'il pouvait vouloir servir, ne serait-ce qu'auprès de ses interlocuteurs russes.

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Philippe Olivier, député européen

Je ne suis pas catholique intégriste ou traditionaliste. Je n'ai pas de jugement à porter sur les opinions de mes amis.

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J'ai travaillé avec Philippe Olivier à partir de 2015, lors des élections départementales avec M. Dupont-Aignan. Depuis, nous entretenons des relations de travail et d'amitié. C'est la raison pour laquelle je me suis déporté de mon poste de président.

Le courriel auquel il a été fait référence a de toute évidence fuité. Avez-vous eu connaissance de cette fuite d'informations personnelles ? Avez-vous été informé que votre boîte mail ou celle de votre destinataire avait été piratée, ou que cet échange confidentiel avait été diffusé ?

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Philippe Olivier, député européen

Je n'en ai pas été informé. Je l'ai lu dans la presse et j'ai traité cela d'un haussement d'épaules. À vrai dire, cette affaire ne m'intéresse pas beaucoup. Il s'agit d'un simple mail de remerciement qui semble être traité comme une pièce décisive. De même, j'ai appris dans la presse que mon numéro de téléphone avait été l'une des cibles des Marocains dans le cadre de l'affaire Pegasus : je n'y ai pas davantage accordé d'importance.

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Le président a fait mention du projet AltIntern d'organisation des droites de l'extrême et d'extrême droite, comme l'a dit la rapporteure : il consisterait à former une nouvelle « Sainte-Alliance » rassemblant des courants qui estiment que la France souffre d'un problème d'ordre moral et d'une perte de valeurs traditionalistes, problème qui expliquerait la prétendue décadence des démocraties américaine ou française. Vous avez précisé que vous étiez un laïc. En effet, que viendrait faire votre famille politique dans une telle alliance ? Il existe en France des courants qui lient le traditionalisme catholique à une doctrine politique, comme le Parti chrétien-démocrate, dont le nom de l'un des proches, Xavier Moreau, a été mentionné par plusieurs personnes que nous avons auditionnées. Ce n'est pas le cas du Rassemblement national. Comment se fait-il que vous ayez été contacté par une personne dont la doctrine politique est assez étrangère au consensus français et à la ligne du Rassemblement national ?

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Philippe Olivier, député européen

J'étais invité par mon ami en Russie. Au hasard d'une invitation, nous avons rencontré différentes personnes. Je me suis rendu à cette réception pour rencontrer Thierry Mariani – qui, vous me l'accorderez, est tout à fait laïc et respectueux des principes républicains. Ni lui ni moi n'avons de vision religieuse particulière. Nous ne serions en effet pas de bons agents de ce type d'alliance !

Je vous invite à consulter mes tweets ou mes propos politiques : vous n'en verrez aucun qui ne condamne pas l'agression russe. Je m'en tiens à la position qui est la mienne et celle de mon mouvement. Je ne relaie aucune influence étrangère ni religieuse d'aucune sorte. Je travaille auprès de Marine Le Pen, qui est celle qui a remis la laïcité au cœur du débat français. Je ne vois pas pourquoi je travaillerais à l'établissement d'un ordre religieux, quel qu'il soit.

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Comme l'a souligné Charles Sitzenstuhl, vous avez travaillé sur la campagne présidentielle. À ce titre, je souhaitais préciser que la destruction des tracts évoquée précédemment est une fausse information de Libération : c'est moi qui m'occupais des tracts durant la campagne présidentielle. Je n'ai jamais demandé leur destruction et je tiens à la disposition de la rapporteure les échanges que j'ai eus avec Libération à l'époque.

En tant que responsable politique, pensez-vous que le problème des ingérences étrangères, qu'il s'agisse de tentatives ou de faits avérés, a posé question lors de la dernière élection présidentielle ?

Lorsque vous étiez membre de l'équipe de campagne présidentielle, avez-vous assisté à des décisions ou des réflexions qui pouvaient traduire une forme d'ingérence étrangère, ou la doctrine de l'équipe était-elle autonome de toute influence de cette nature ?

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Philippe Olivier, député européen

Nous sommes des patriotes français. Notre grille de lecture a pour seule ligne l'intérêt de la France. Aucune influence étrangère ne peut s'exercer sur notre réflexion politique puisque nous sommes des partisans de la nation française. Je n'ai constaté aucune tentative, et toute tentative serait vouée à l'échec puisque notre combat est par essence celui d'une France souveraine.

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Même si le pluralisme politique a toute sa place dans notre pays, nous constatons que des dirigeants du Front national puis du Rassemblement national ont effectué des déplacements répétés en Russie ; que de très nombreuses résolutions du Parlement européen soutenant l'Ukraine ou appelant au renforcement des sanctions contre la Russie ont fait l'objet d'un vote différent de la part des députés du Rassemblement national et de ceux du bloc central du Parlement ; enfin, que Mme Le Pen et d'autres dirigeants du Rassemblement national ont émis des déclarations très appuyées envers Vladimir Poutine.

Tout cela nous invite à conclure à une très forte convergence de vues – à tout le moins – sur nombre de sujets, de manière régulière, et dans une mise en scène spectaculaire, à moins d'un mois de l'élection présidentielle de 2017.

À cette complaisance appuyée s'ajoute le sujet du financement des prêts pendant la campagne présidentielle de Mme Le Pen. Avez-vous, à ce sujet, été amené à connaître des tentatives de financement de la campagne présidentielle de Mme Le Pen ?

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Philippe Olivier, député européen

Nos votes ne sont absolument pas honteux. Ils sont ceux d'élus libres, qui votent en fonction de critères qu'ils estiment légitimes. Le premier d'entre eux est l'intérêt national. Nous avons refusé des aides à l'Ukraine au moment où ce pays était sous le coup d'accusations de la Cour des comptes européenne pour son niveau de corruption. Par la suite, nous avons condamné l'invasion russe et nous avons réfléchi à la question des sanctions. Nous n'y sommes pas opposés mais nous rejetons celles qui pouvaient attenter à l'intérêt économique de notre pays, notamment les sanctions énergétiques irréfléchies. Force est de constater que nous avons perdu notre guerre énergétique contre la Russie sans parvenir à imposer de préjudice financier à ce pays.

Je ne m'occupe pas des sujets liés aux financements ; je peux toutefois vous assurer que le prêt russe, au vu de son taux phénoménal, était loin d'être celui d'une banque amie.

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Pouvez-vous nous indiquer quelles fonctions vous occupez dans l'organigramme du Rassemblement national ?

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Philippe Olivier, député européen

Je suis député européen et membre du bureau de la délégation française au Parlement européen. Je suis aussi membre du bureau exécutif du Rassemblement national, qui est l'instance de direction des dix à douze responsables du parti. Je n'ai pas de fonctions opérationnelles au sein du parti.

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Cependant, en votre qualité de membre du Parlement européen, je suppose que vous êtes considéré comme un conseiller sur les questions européennes et internationales auprès de l'ancienne présidente du Rassemblement national, voire de son actuel président.

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Philippe Olivier, député européen

Non. Je conseille Marine Le Pen sur un certain nombre de sujets mais les questions européennes et internationales sont traitées par d'autres cellules. Je peux lui donner mon avis en tant qu'eurodéputé, mais je ne suis pas du tout spécialiste des questions internationales. Je m'intéresse plutôt aux sujets politiques et stratégiques.

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Il a été établi de façon quasi certaine – et d'autres auditions nous l'ont confirmé – que la Russie a essayé de déstabiliser l'élection présidentielle de 2017 en défaveur d'Emmanuel Macron. Que vous inspire ce fait, documenté de façon quasi certaine par les propres services de l'État français ?

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Philippe Olivier, député européen

Je n'ai pas d'opinion ni d'information particulière sur la question. S'il y a une ingérence étrangère, je la condamne en tant que patriote, même si elle vient d'un pays ami – ou faux ami.

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Vous n'avez pas répondu à notre question sur « les belles rencontres » qui « seront d'une utilité décisive pour les prochaines élections » que vous évoquez dans votre mail à « Mikhaïl ». De qui s'agit-il ? Pouvez-vous nous citer des noms ? En quoi pouvaient-elles être décisives pour les élections européennes ?

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Philippe Olivier, député européen

Je crois avoir répondu à cette question. Je suis arrivé dans une réception où je ne connaissais personne ; j'ai donc remercié de manière courtoise mon hôte. J'étais venu pour rencontrer M. Mariani. Je ne pourrais pas vous citer le nom de trois personnes qui ont assisté à cette réunion. Mon voyage avait une visée touristique et footballistique. Vous lui prêtez des intentions de grand complot international qui me paraissent extravagantes.

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Ce mail me semble assez explicite. Vous parlez de « belles rencontres ». Il y a bien des personnes avec qui vous avez discuté ou que vous avez remarquées. Vous mentionnez une « utilité décisive » : il y a bien un lien entre les deux. Je ne comprends pas que vous ne puissiez pas vous souvenir de qui il s'agit.

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Philippe Olivier, député européen

C'est pourtant la vérité. Je vous ai dit que l'intérêt principal que j'ai tiré de cette réunion réside dans les rapports amicaux que j'ai noués avec Thierry Mariani, lequel a ensuite accepté de rejoindre notre liste. Je ne connaissais pas les autres invités. Bien entendu, ils ne nous étaient pas hostiles politiquement. Ces événements ont eu lieu il y a six ans : vous comprendrez que je ne me souvienne pas du nom de ces personnes.

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Avez-vous eu l'occasion d'effectuer d'autres missions d'observation électorale ?

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Philippe Olivier, député européen

Non, car j'ai été sanctionné par le Parlement européen et je n'ai plus le droit d'aller vérifier des élections.

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Philippe Olivier, député européen

Non, je n'en avais pas eu le temps.

L'audition s'achève à dix-sept heures trente-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Pierre-Henri Dumont, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Constance Le Grip, M. Thomas Ménagé, M. Kévin Pfeffer, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy.

Excusées. – Mme Anne Genetet, Mme Hélène Laporte

Assistait également à la réunion. – M. Hervé de Lépinau.