Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission procède à l'examen du rapport de la mission d'évaluation de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (M. Olivier Falorni, président, et Mme Caroline Fiat et M. Didier Martin, rapporteurs).

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L'ordre du jour appelle l'examen du rapport de la mission d'évaluation de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Notre commission se doit d'être au rendez-vous de ce grand débat de société, qui interroge nos convictions les plus intimes.

Nous allons tenter d'objectiver notre approche, ce qui passe par une évaluation de la loi « Claeys-Leonetti ». Avant de savoir s'il faut à nouveau légiférer sur le sujet, évaluer la législation en vigueur s'impose. J'ajoute que nous recevrons prochainement les travaux demandés à la Cour des comptes sur la question cruciale des soins palliatifs.

La commission avait confié à la mission d'évaluation un objectif précis : mener à bien ses travaux d'ici la fin du mois de mars, au regard de la progression parallèle de la convention citoyenne. Je veux remercier vivement le président, les rapporteurs et les membres de la mission, qui se sont parfaitement acquittés de leur tâche, non seulement en respectant le calendrier imposé, mais également en procédant à une analyse approfondie, fondée sur de nombreuses auditions et déplacements.

Les conclusions comportent une partie prospective, avec de nombreuses recommandations. Chacun, en conscience, pourra y adhérer ou non. C'est pourquoi, à titre exceptionnel, chaque membre de la mission pourra, s'il le souhaite, présenter une contribution écrite qui sera jointe au rapport de la mission.

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Je tiens à faire part de mon grand plaisir à travailler sur ce sujet passionnant, qui intéresse tous les Français. Cette mission réunissait dix-neuf collègues des dix groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale. Nous avons su travailler dans un climat serein, respectueux et apaisé – chose particulièrement appréciable compte tenu du tumulte qui, en parallèle, saisissait l'hémicycle. Il était agréable de trouver alors ces moments de réflexion de fond.

Nous avons essayé, avec mes collègues rapporteurs, d'adopter une vision la plus large possible de l'accompagnement de la fin de vie. Ce sujet de société recoupe de nombreux domaines : il s'agit évidemment d'un sujet médical mais aussi, et avant tout peut-être, d'une question philosophique, éthique et juridique – puisqu'il s'agissait d'évaluer la loi.

J'ai eu l'occasion de présider de nombreuses commissions d'enquête qui ont duré six mois. Compte tenu des délais imposés à notre mission, en moins de trois mois, nous avons mené trente et une auditions et rencontré une grande diversité d'acteurs. Nous avons effectué de nombreux déplacements ; nous aurions souhaité en accomplir davantage, mais le contexte nous en a empêchés. Heureusement, des députés ont pu communiquer des retours de terrain auprès de la mission. Nous nous sommes rendus dans de nombreux établissements médicaux, qu'il s'agisse d'unités de soins palliatifs (USP) ou de structures hospitalières. Nous avons rencontré des soignants, des patients, des familles. Ces échanges furent particulièrement forts.

Vous le savez, le contexte actuel fait de la fin de vie un véritable sujet de débat public. Le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) s'est prononcé en septembre dernier et nous avons travaillé parallèlement à la convention citoyenne, qui doit rendre son avis dimanche prochain. Je suis heureux que le texte ait été adopté hier à l'unanimité par les membres de la mission, qui ont accompli une œuvre remarquable dans les délais impartis. Je pense que le rapport que nous vous proposons est riche et complet. La loi, promulguée il y a sept ans, n'avait jamais été évaluée par le Parlement, ce qui n'est pas normal. Par ailleurs, nous avons été confrontés à des difficultés pour obtenir des données quantitatives sur un certain nombre d'aspects.

Le premier des principes portés par la loi est le droit à une fin de vie digne. Le deuxième concerne le refus de l'obstination déraisonnable et le troisième l'accès aux soins palliatifs pour tous. Nous avons également évalué les trois notions fondamentales associées à ces principes : le renforcement du caractère contraignant des directives anticipées ; le renforcement du rôle de la personne de confiance ; la mise en place de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès.

Globalement, la situation des soins palliatifs n'est pas satisfaisante car l'offre de soins est insuffisante. Les droits des patients ont connu de réelles avancées à travers la directive anticipée et la personne de confiance. Néanmoins, elles demeurent limitées dans les faits. Enfin, la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès constituait une évolution législative importante, mais elle est très peu utilisée.

Notre rapport ne prend pas position sur l'aide active à mourir car ce n'était pas l'objet de la mission d'évaluation. Je dois néanmoins indiquer que tous nos interlocuteurs en ont parlé spontanément, quels que soient leurs avis sur le sujet.

En conclusion, nous vous proposons aujourd'hui une évaluation de la loi Claeys-Leonetti qui contribuera, je l'espère, au débat public. Dimanche prochain, la convention citoyenne se prononcera et elle sera reçue par le Président de la République le lendemain.

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À mon tour, je souhaite adresser mes remerciements au président de la mission, qui s'est beaucoup impliqué dans nos travaux. Je remercie également tous les collègues de la mission, les personnes auditionnées et les administrateurs. Ce rapport n'est qu'une étape, qui mérite d'être discutée ce matin. Il y aura une suite, qu'il s'agisse des soins palliatifs ou des situations de toute fin de vie, en particulier lorsque le patient est inconscient et qu'il faut tenir compte de ses directives anticipées, discuter avec la personne de confiance et prendre une décision collégiale pour la sédation.

En introduction, je vous encourage à relire les cinq premiers articles de la loi, qui sont fondamentaux. On y aborde des principes forts : la volonté du patient, la dignité, l'apaisement de toutes les souffrances et le rôle des soins palliatifs. Ceux-ci sont également évoqués à l'article 8 sur les directives anticipées, à l'article 9 sur la personne de confiance et à l'article 10 sur la volonté du patient.

Nous avons été confrontés, dans nos travaux, à différentes limites, notamment le temps. Nous serions désireux d'effectuer de nouveaux déplacements pour rencontre les acteurs, tant les témoignages recueillis sur le terrain sont essentiels. Une autre limite a trait aux éléments consignés dans les dossiers médicaux des patients : l'accès nous y est impossible. Nous formulons une recommandation sur le sujet, afin qu'une lecture anonymisée et statistique de ce qui se fait dans les unités puisse être autorisée sous l'angle législatif et administratif.

Nous avons également été confrontés à des dilemmes : en tant que législateurs, nous avons dû porter un regard sur le travail d'autres législateurs, et non des moindres. Caroline Fiat et moi-même avons également abordé ce sujet avec un regard de soignants, qui se mettent à la place de ceux qui sont au chevet des patients, prennent les décisions et les mettent en œuvre.

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Le rapport que nous vous proposons est composé de trois grandes parties : l'accès aux soins palliatifs ; les directives anticipées et la personne de confiance ; la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès.

Je concentrerai mon propos sur l'accès aux soins palliatifs qui est au cœur de la loi Claeys-Leonetti et, de façon plus générale, des lois sur la fin de vie. Les soins palliatifs sont apparus en France dans les années 1980 et ont été développés dans le cadre de cinq plans nationaux dont le dernier a été lancé en 2021. Consacré par le législateur en 1999, le droit d'accéder aux soins palliatifs a été réaffirmé par la loi Claeys-Leonetti : selon son article premier, les malades ont le droit d'avoir une « fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ». Fin 2021, la France disposait de 7 546 lits hospitaliers en soins palliatifs, dont 1 980 lits en unité de soins palliatifs (LUSP) répartis dans 171 USP et 5 566 lits identifiés de soins palliatifs (LISP) situés dans 904 établissements. On comptait 420 équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP).

La cartographie des soins palliatifs est marquée par des disparités territoriales : vingt et un départements ne disposaient pas d'USP fin 2021. Ce constat questionne l'effectivité de l'accès aux soins palliatifs. Nombreuses ont été les personnes auditionnées à indiquer que deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n'y avaient pas accès. En l'absence de données robustes, la mission n'a pas été en mesure d'évaluer précisément l'écart entre l'offre et les besoins. Nous recommandons de mesurer précisément ces besoins afin d'objectiver la situation.

En revanche, compte tenu de l'évolution de la démographie française, il est indispensable de continuer à développer massivement les soins palliatifs afin que les droits des malades prévus par la loi soient pleinement garantis partout sur le territoire national. Cela suppose de rendre plus attractive cette filière, affectée par la pénurie de soignants. Il manque aujourd'hui plus de cent médecins dans les structures existantes et il faudrait former au moins trois cents médecins en soins palliatifs dans les quatre années à venir pour renouveler les équipes actuelles, puisqu'un cinquième des praticiens en poste devraient prendre leur retraite d'ici cinq ans. Il y a urgence.

À titre d'exemple, à l'USP de Juvisy, qui dispose de dix lits, un des deux postes de praticien hospitalier est vacant depuis 2018. La seule médecin présente exerce à temps partiel. Nous proposons de lancer une campagne de recrutement et de valorisation des métiers du secteur. La pénurie de médecins ne doit pas masquer l'ampleur des manques, puisque c'est bien l'ensemble du système de santé qui est actuellement sous tension. Mais je crois que je ne vous apprends rien ici.

Cette situation complique l'accès aux soins palliatifs à domicile tout particulièrement, y compris en établissement médico-social, dans un contexte d'évolution de l'offre avec la disparition des réseaux de soins palliatifs. Bien que plébiscité par les Français, le maintien à domicile peut s'avérer compliqué au regard des implications d'une prise en charge palliative, en particulier pour les proches aidants. Dans les Ehpad, les équipes ne sont pas toujours en mesure de faire face aux situations de fin de vie. Lors de son audition, le professeur Régis Aubry nous a ainsi indiqué que 1 500 résidents d'Ehpad sont transférés à l'hôpital chaque année et meurent dans un délai de deux heures suivant leur arrivée.

Il est aussi apparu que les modalités de financement du système de santé sont peu adaptées à la qualité de la prise en charge palliative, que ce soit en ville ou à l'hôpital. La tarification à l'activité (T2A) valorise mal les soins palliatifs, qui reposent moins sur des actes techniques que sur un accompagnement humain. Pire, la T2A peut favoriser des pratiques conduisant à de l'obstination déraisonnable dans les services curatifs alors même que les soins palliatifs apporteraient une meilleure réponse aux besoins des malades. Il faut revoir le modèle de financement en remettant en cause le modèle de la T2A et en faisant évoluer le financement des soins palliatifs hospitaliers vers un modèle mixte alliant une part forfaitaire et une part liée à l'activité. Il faut également assurer la traçabilité des moyens financiers alloués aux soins palliatifs au sein des établissements hospitaliers et élargir la prise en charge des consultations à domicile pour faciliter les consultations longues d'accompagnement palliatif, et permettre à des professionnels comme les ergothérapeutes ou les psychologues d'intervenir facilement à domicile.

Par ailleurs, la mort est souvent envisagée sous l'angle de l'échec thérapeutique et les soins palliatifs sont relégués à la gestion de la mort, alors que les prises en charge curative et palliative doivent être menées conjointement. Une forte étanchéité perdure entre soins curatifs et palliatifs. Une telle situation nuit à la qualité de la prise en charge des patients, transférés parfois tardivement en soins palliatifs.

Il est essentiel de sensibiliser les soignants aux soins palliatifs. Nous souhaitons que soient généralisées les formations à la fin de vie et à l'approche palliative pendant les études et pendant la carrière. Il conviendrait également de développer la filière palliative comme discipline autonome en créant un diplôme d'études spécialisées de médecine palliative et en explorant la possibilité d'une spécialité d'infirmier en soins palliatifs. En définitive, c'est toute la culture médicale qui doit évoluer et intégrer la dimension palliative au cours du parcours de soins du malade, sans attendre nécessairement la fin de vie.

Voilà ce que je pouvais dire sur les principaux constats que nous avons établis s'agissant de l'accès aux soins palliatifs.

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Un bon nombre des recommandations du rapport portent sur les soins palliatifs, dont il existe une définition internationale. Par conséquent, il n'existe aucune imprécision sur l'objet et l'objectif de ces soins.

La question des unités mobiles de soins palliatifs (UMSP) doit être mentionnée. Lors de notre visite dans une UMSP du sud de l'Essonne, il est apparu que le travail de ces unités s'effectuait dans de nombreux lieux, parce que les soins palliatifs concernent tous les âges et toutes les situations sociales. Ces UMSP peuvent intervenir au domicile des patients, au sein d'Ehpad, de maisons d'accueil spécialisées (MAS), de foyers d'accueil médicalisés (FAM), d'instituts médico-éducatifs (IME), de centres provisoires d'hébergement (CPH), de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et même chez des gens du voyage. Parce que tous sont confrontés un jour à une situation de fin de vie, les UMSP doivent s'inscrire dans cette démarche « d'aller vers ». Cela pose quelques difficultés pour assurer la coordination et la disponibilité des professionnels, qui doivent être rémunérés pour ce faire. Je pense notamment aux infirmières diplômées d'État (IDE), quotidiennement au chevet de ces patients. Ce sont elles qui recueillent les renseignements pour orienter la prise en charge des soins palliatifs.

La deuxième partie du rapport concerne les directives anticipées, la personne de confiance et la sédation. La loi parle de sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès, c'est-à-dire un acte définitif d'endormissement du patient avec analgésie et arrêt de tous les traitements, y compris l'hydratation et l'alimentation. Or, il existe d'autres formes de sédation – légères, proportionnées, temporaires.

Nous avons constaté que très peu de Français ont consigné des directives anticipées, par voie écrite ou orale. La bonne idée du législateur est ainsi difficile à mettre en œuvre. Lorsque l'on est bien portant, on ne pense pas à rédiger ses directives. On n'y pense pas non plus quand on commence à être malade et à se battre contre la maladie. Il existe donc une résistance naturelle à exercer ce droit. La Haute Autorité de santé (HAS) a rédigé des formulaires et il existe des aides à la rédaction, tout ceci est malheureusement peu connu.

La question de la personne de confiance est également ardue. Le choix est difficile à effectuer et il est également délicat d'accepter d'être désigné personne de confiance. Que décider le jour où le mourant ne sera plus en état d'exprimer sa volonté ? En fonction de quoi ? Certains auditionnés nous ont avoué être fort gênés de se retrouver en situation de personne de confiance. Il faut être formé et un peu guidé. À ce titre, nous avons rédigé une recommandation pour faciliter cette tâche.

Très peu des directives anticipées, bien qu'elles soient devenues contraignantes – et non opposables –, sont d'actualité au moment où la question se pose. En réalité, tout se rediscute au dernier moment. Elles sont utiles lorsqu'elles existent mais il faut savoir les interpréter par rapport à l'urgence vitale et la situation du malade. Il y a donc une limite. Nous recommandons une information sur la possibilité de rédiger ces directives et le choix de la personne de confiance, mais nous savons que les Français ne seront pas tous en situation de procéder à ces formalités. Par conséquent, il ne faut pas surinvestir cette possibilité, utile mais finalement rare, et qui ne correspond pas à toutes les situations. Il paraît donc important de nuancer cet aspect.

Je souhaite également insister sur la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. Cette disposition est particulièrement utile. La pratique de la sédation terminale existait bien avant la loi, on parlait notamment de cocktail lytique. Désormais, la situation est clarifiée par la loi : cette sédation peut être décidée à la demande du patient conscient, qui exprime sa volonté, laquelle doit correspondre à un pronostic vital engagé à très court terme et à un état de souffrance que l'on ne peut pas calmer. Parfois, le patient est inconscient et l'on adapte le traitement pour que le décès survienne, sans intention de donner la mort. La loi est formelle : au moment de la mise en place de la sédation, il n'y a pas d'intention de donner la mort mais bien de soulager.

Cependant, il existe aussi des moments où la situation dure et où les équipes sont au contact d'un patient qui n'en finit pas de mourir et dont la famille souffre. C'est particulièrement éprouvant en situation néonatale : la sédation dure longtemps, jusqu'à huit jours, pour un nouveau-né que l'on n'alimente et n'hydrate plus. Notre mission a émis une recommandation : la sédation doit être adaptée aux circonstances et à la manière dont le patient réagit. De fait, tous les organismes ne répondent pas de la même manière aux médicaments et, comme l'indique Jean Leonetti, les équipes finissent par adapter la sédation.

En résumé, nous avons rédigé ensemble ce rapport, dans un esprit collaboratif, pour trouver les meilleures formulations. Les mots que nous avons choisis pourront irriter certains. Mais il est important de comprendre l'intention globale de nos recommandations.

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Je tiens à remercier à mon tour le président et mon collègue rapporteur ainsi que les administrateurs. Les travaux de la mission montrent que le cadre juridique issu de la loi Claeys-Leonetti répond à la grande majorité des hypothèses de fin de vie. Dans la plupart des cas, les malades ne demandent plus à mourir une fois pris en charge et accompagnés de manière adéquate.

Pour autant, il convient de rappeler que le cadre législatif actuel n'apporte pas de réponse à toutes les situations, en particulier lorsque le pronostic vital n'est pas engagé à court terme, comme l'a souligné le CCNE en septembre 2022. Dans le contexte actuel, la question de l'aide active à mourir a souvent été longuement et spontanément évoquée par les personnes auditionnées, alors qu'elle n'était pas l'objet de la mission d'évaluation. Bien que minoritaires, ces situations méritent toute notre attention. Il est important que le législateur, à la suite de la convention citoyenne, débatte et prenne position prochainement.

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Je cède à présent la parole aux orateurs des groupes parlementaires.

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Je salue la qualité du travail effectué et le climat constructif qui a prévalu. La question d'une fin de vie digne constitue une préoccupation majeure de notre société. Chacun des députés est régulièrement interpellé par nos concitoyens, souvent à la suite d'une douloureuse expérience pour l'un de leurs proches. La fin de vie a fait l'objet de nombreux travaux parlementaires et je salue au passage l'engagement de notre ancien collègue Jean-Louis Touraine. Elle est aussi l'objet d'une convention citoyenne réunie par le Président de la République, qui doit prochainement rendre ses conclusions.

Vous avez conduit l'évaluation de la loi Claeys-Leonetti, qui ouvre en particulier l'accès à une sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. Que pouvez-vous dire de ce droit ? Est-il connu des patients et de leurs proches ? Dans quelles circonstances particulières est-il requis et par quels types de patients ? Pouvez-vous évoquer la typologie des patients qui recourent à ce droit dans de bonnes conditions ? À l'inverse, dans quelles circonstances avez-vous pu constater qu'il était inaccessible, ignoré ou insuffisamment adapté ?

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De la grande majorité des trente et une auditions effectuées par cette mission dont j'étais membre, il ressort que la loi Claeys-Leonetti est utile bien qu'insuffisamment connue des patients et des soignants, et insuffisamment appliquée. Pourquoi dès lors conclure le rapport en jugeant crucial que le législateur débatte et prenne positionne sur l'aide active à mourir ?

De l'aveu même du rapport, il est indispensable de développer massivement les soins palliatifs afin que les droits des malades soient pleinement garantis partout en France. Cependant, vos recommandations ne tendent pas vers ce développement massif. Vingt et un départements sont encore dépourvus d'USP. Avant d'envisager une quelconque évolution, ne faut-il pas d'abord appliquer correctement la loi ? On peut s'interroger en comparant les 10,1 millions d'euros alloués par an par le cinquième plan de développement des soins palliatifs aux 800 millions d'euros annuels que la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) estime nécessaires.

Bien sûr, le rapport énonce quelques recommandations pour garantir l'accès aux soins palliatifs. Mais il n'en fait pas une priorité, et je le regrette. Plusieurs témoignages recueillis lors des auditions relèvent que les demandes de fin de vie active sont moindres dès lors qu'est anticipée la prise en charge en soins palliatifs. Il est donc essentiel de remédier à ces disparités d'offres sur le territoire national. Même les membres de la convention citoyenne, qui rendra ses conclusions dimanche, reprochent l'absence de discussions sur les soins palliatifs. S'adressant au comité de gouvernance de la convention, un certain nombre de personnes ont estimé les délibérations et les débats orientés vers un changement de la loi à tout prix, malgré les discussions sur l'amélioration de la loi actuelle et leur intérêt pour les soins palliatifs.

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Je tiens à vous remercier pour le travail fourni et les conclusions rendues. Ce sujet compliqué relève de questions philosophiques et éthiques, mais également du choix de chacun, qui n'est pas discutable en ces matières. Vous avez raison d'insister sur la notion de droit : ces décisions relèvent du droit de chacun à choisir sa mort, même si j'hésite à utiliser cette formulation car je ne suis pas certaine que l'on choisisse sa mort à proprement parler. En revanche, dans un pays comme le nôtre, c'est le chemin qui relève du choix. Ce chemin doit être balisé et garanti pour chacun.

Il s'agit donc d'une traduction juridique d'enjeux philosophiques et éthiques qui ont trait à des aspects particulièrement intimes. Il faut bien mesurer le degré de complexité quand la loi s'invite dans ces choix. Au-delà de la réflexion, il faudra consentir des engagements financiers et mener un travail de conviction auprès des soignants en posant la question des moyens.

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Les travaux instructifs de la mission d'évaluation se concluent. Il nous appartient désormais d'éclairer nos compatriotes sur l'état d'application concrète de la loi, en étant des relais fidèles des témoignages reçus. Quelle évaluation en faisons-nous ?

D'abord, notre pays souffre d'un maillage lacunaire en services de soins palliatifs. Les carences constatées durent depuis des décennies sans qu'une action publique adéquate vienne les combler. Ensuite, il existe toujours dans certains établissements des difficultés d'accès aux soins palliatifs et le droit des Français à en bénéficier à domicile demeure largement théorique. Enfin, la faible appropriation des dispositions perdure chez les soignants comme chez les patients. En somme, le déploiement de la loi Claeys-Leonetti reste encore largement à faire. Ce n'est pas une fatalité : des solutions concrètes existent, comme le prouvent les recommandations de nos rapporteurs, auxquelles je voudrais m'associer. Lors de ces auditions, la philosophie, les principes et l'équilibre éthique de la loi ont été salués. Le docteur Fourcade en a parlé comme d'un « trésor national », à la fois sécurisant pour les soignants et promettant aux patients qu'ils seront accompagnés.

Je conclus en nous appelant collectivement à garder le cap. Comme l'a rappelé notre collègue Pierre Dharréville dernièrement, cette loi constitue « un message d'espoir de toute la société, dont les soignants sont les porteurs. Nous n'abandonnerons pas, nous ne vous abandonnerons pas. Nous comptons les uns sur les autres et les uns pour les autres. » Cette mission nous a appris que beaucoup reste à faire pour concrétiser ce message d'espoir. N'y renonçons pas, préservons notre culture de fraternité et ne cédons pas à la culture de la mort qui serait une pente funeste pour nos concitoyens en situation de vulnérabilité et de fragilité ! Déployons une culture palliative partout et pour tous ; ce sera l'honneur de la France de porter une telle ambition, avec une profonde reconnaissance pour nos soignants qui prennent en charge les malades et les accompagnent.

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Il est des moments où le Parlement s'honore. Il s'honore par la qualité du travail accompli par la mission d'évaluation. Ces propos prennent une résonance particulière quand on les compare à d'autres moments que nous avons pu connaître récemment. Cela montre bien que, lorsqu'il s'agit de sujets graves qui concernent chacun d'entre nous, de cet ultime rendez-vous que nous aurons tous, nous savons faire preuve d'une intelligence collective et d'un respect mutuel. Votre travail s'inscrit dans le prolongement de ce qui a été réalisé sur ces questions douloureuses.

La rencontre des travaux de la mission d'évaluation et de la convention citoyenne représente, selon moi, l'élément fondateur pour construire sur les bases mentionnées par Didier Martin et Caroline Fiat et qui demeurent insuffisantes à ce jour. Ces travaux nous engagent pour la suite. On ne peut pas déplorer d'une part l'absence de certains maillages en soins palliatifs et d'autre part les négliger lorsque nous examinerons des textes budgétaires à la rentrée. On ne peut pas considérer la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès mal appliquée parce que méconnue, mais ensuite la laisser de côté. On ne peut pas non plus se contenter d'informations lacunaires sur les directives anticipées et le tiers de confiance, alors que tous les moyens sont disponibles. Soyons audacieux, dans la droite ligne de vos travaux !

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Votre rapport montre bien qu'une suite doit être donnée à la loi Claeys-Leonetti, notamment pour l'accès aux soins palliatifs. On peut d'ailleurs s'alarmer de vos conclusions, qui confirment ce que nous avons constaté il y a deux ans à l'occasion des débats sur la proposition de loi déposée par Olivier Falorni : l'offre de soins palliatifs est insuffisante. Vingt et un départements ne disposent pas d'USP et deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n'y ont pas accès. La pénurie de soignants ne fait qu'aggraver cette situation et la question des soins à domicile constitue un enjeu capital, notamment dans les zones où la proximité des centres hospitaliers fait défaut.

Je vous remercie de vos recommandations concernant la garantie de l'accès aux soins palliatifs, l'amélioration de la connaissance sur la fin de vie et la nécessité d'une information relative aux directives anticipées et à la personne de confiance. Surtout, il importe de rendre effectif le droit à la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. En revanche, j'exprime ma crainte que ces conclusions aillent uniquement dans la consolidation de l'existant alors que l'aide active à mourir doit être débattue. Je souhaite savoir si, après l'ensemble de ces auditions, vous êtes convaincus qu'il est nécessaire d'aller plus loin en garantissant à chaque être humain une fin de vie libre et choisie, grâce à l'accès aux soins palliatifs et à l'assistance médicale active à mourir.

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Je remercie à mon tour le président et les rapporteurs de la mission pour leur travail subtil et nourri sur une loi qui avait marqué une rupture en son temps en offrant une véritable avancée pour les patients et les soignants. Vous avez illustré les limites et les progrès nécessaires pour développer un peu plus la loi Claeys-Leonetti, notamment à travers les disparités territoriales dans la répartition des USP ou la nécessité d'adapter les formations. Vous avez également souligné ne pas avoir eu le temps d'apprécier l'adéquation entre les besoins et l'offre. Ce travail devra néanmoins être conduit.

À titre personnel, je pense que la mise en œuvre de la loi a pu être gênée par la confusion éthique entre son contenu et les débats sur l'euthanasie et l'aide active à mourir, qui ont pu poser un certain nombre de questions chez les patients et les soignants. Au terme de cette évaluation, quels seraient pour vous les moyens de mieux faire connaître les apports de cette loi aux patients et aux équipes soignantes ? Comment surmonter le handicap fondamental relatif à la bonne appropriation de ces connaissances et dispositifs par les uns et les autres ?

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Ce rapport permet un constat : l'article 1er de la loi Claeys-Leonetti, qui pose le droit à une fin de vie digne, n'a pas toujours accompli sa promesse. Si l'accès à une aide active à mourir n'est toujours pas une réalité, l'accompagnement de tous les patients en proie à des souffrances insupportables ne l'est pas non plus. Le rapport le reconnaît : les deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n'y ont pas accès car le secteur n'échappe pas au contexte de pénurie chronique des personnels soignants.

Le droit à une fin de vie digne passe d'abord par le droit de chacun à ne pas vivre ses derniers moments dans la souffrance. À ce sujet, l'État a failli à sa promesse. La T2A renforce cet abandon : alors que la préservation de la dignité du patient devrait être au cœur des soins, la T2A contribue à une déshumanisation, parfois jusqu'à l'obstination déraisonnable.

Le rapport juge que le cadre juridique issu de la loi répond à la majorité des situations de fin de vie. Il reconnaît également un défaut de réponse aux besoins de certains patients. Les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir n'ont pas à être opposés. Il faudrait prendre conscience de la diversité des manières d'envisager la mort et le chemin vers elle. En ce sens, le groupe écologiste rappelle que nous siégeons pour l'ensemble de nos concitoyens. Il est inhumain de laisser une partie des patients dans un état de souffrance continue. Respecter la dignité de tous consiste aussi à respecter la liberté de chacun de partir comme il le souhaite. Alors que l'accès aux soins palliatifs est inégalement réparti sur le territoire et que certains peuvent déjà accéder à l'aide active à l'étranger, nous retenons qu'aux inégalités de vie s'ajoutent celles face à la mort.

Nous devons sortir du déni face à l'impossibilité de soigner des douleurs insurmontables. Laisser un patient dans une lente agonie alors qu'il souhaite mourir dignement n'est pas une preuve de bonté. Il s'agit d'un abandon pur et simple, auquel nous devons remédier sans attendre.

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Ce rapport est utile pour nourrir le débat et l'action publique sur l'enjeu des soins palliatifs. On parle trop souvent de cette grande loi tout en méconnaissant ses possibilités, son application et les défauts de son application. Il ne faudrait pas que le contenu éclairant de votre rapport soit absorbé par votre conclusion sur l'aide active à mourir. Vos constats peuvent alimenter le débat actuel. En dépit de données lacunaires, le rapport relève le manque criant des moyens alloués aux soins palliatifs et les effets pervers de la T2A, d'autant plus que la prise en charge revêt avant tout une dimension humaine.

J'y vois un défaut majeur dont le risque avait été mis en exergue dès la première loi Leonetti. Cette réalité aboutit à des inégalités d'accès, dont des inégalités territoriales indéfendables. Or, pour soigner, il existe une obligation de moyens. Face à la fin de la vie, il s'agit d'une obligation absolue pour l'État. Lorsqu'une personne se trouve face à la mort, face à l'épreuve ultime d'une vie, la communauté humaine n'a pas le droit de ne pas être au rendez-vous. Cette exigence de moyens est fondamentalement une exigence éthique, sans quoi on nourrit l'angoisse individuelle et collective face à la mort. Vous soulignez d'ailleurs la nécessité de faire progresser une culture palliative pour qu'elle puisse intervenir au bon moment.

Vous soulevez un certain nombre de questions autour de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès, à propos de laquelle il faut réfuter les procès relativistes en hypocrisie, car il est indispensable que les gestes aient un sens. Vous évoquez le succès relatif des directives anticipées, dispositif sans doute méconnu mais qui doit demeurer une possibilité offerte à chacun. Ces constats appellent des actes concrets de la puissance publique. Je vous remercie vivement pour votre travail.

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Le rapport met en lumière la relation difficile de notre société à la mort, souvent envisagée sous l'angle de l'échec thérapeutique, et les soins palliatifs comme une forme de gestion exceptionnelle de ce qui constitue encore un tabou. Sept ans après la promulgation de la loi, la mission a pu révéler plusieurs points marquants. En premier lieu, les dispositifs sont largement méconnus des patients, mais aussi des soignants. Alors que la loi donne valeur contraignante aux directives anticipées, mais précise aussi le rôle de la personne de confiance, ces dispositifs restent remarquablement peu mobilisés.

L'absence de données sur la pratique des différents types de sédation constitue une autre difficulté. La sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès, délivrée de manière exceptionnelle, constitue une avancée majeure dans les soins palliatifs. Elle est cependant un droit inconnu de la plupart des malades et un acte médical pratiqué de manière très inégale.

L'accès aux soins palliatifs et les différents outils de la loi s'avèrent donc globalement insatisfaisants, à la ville comme en établissement. Ces faiblesses sont multifactorielles, liées à la pénurie de soignants, à un modèle de financement défavorable et surtout à une faible diffusion de la culture palliative en France. Formation de tous les professionnels de santé, information des Français, moyens matériels et humains constituent autant d'objectifs indispensables à l'application pleine et entière de la loi. Ce rapport le démontre : cette loi pleinement appliquée répondrait à ces objectifs.

Enfin, certaines situations de fin de vie ont régulièrement été abordées qui échappent au cadre de cette loi. L'aide active à mourir devra faire l'objet d'un travail spécifique.

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Les patients qui peuvent accéder aux soins palliatifs vont du nourrisson au centenaire ; il n'y a pas d'âge pour mourir.

La loi demeure méconnue des soignants comme des usagers. Le législateur devra donc faire en sorte que tout le monde puisse se l'approprier. À titre personnel, je considère toujours difficile de parler de la mort au sein de la société française. Dès lors, il est compliqué de diffuser de telles informations.

S'agissant des remarques sur la fin du rapport, il serait malhonnête de ne pas évoquer l'aide active à mourir alors que ce sujet fut abordé spontanément dans toutes nos auditions. Nous n'en avons pas fait une préconisation car cela n'était pas notre mission. Nous avons indiqué que le législateur devrait s'emparer du sujet, sans nous prononcer.

Concernant les moyens de faire connaître la loi Claeys-Leonetti, nous devons tous œuvrer pour favoriser sa communication. Je n'oserais pas demander qui, dans cette salle, a rédigé ses directives anticipées. Si le législateur ne s'y emploie pas, vous imaginez aisément que l'appropriation du sujet par les citoyens n'est pas meilleure. Naturellement, il ne s'agit pas d'une obligation. Mais les directives anticipées et la désignation d'une personne de confiance restent largement méconnues de nos compatriotes.

Enfin, il ne faut pas opposer les soins palliatifs à une éventuelle législation sur l'aide active à mourir. Comme le formule simplement Didier Martin, la loi sur les soins palliatifs est destinée à ceux qui vont mourir tandis que l'aide active à mourir concernerait ceux qui veulent mourir.

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Je répondrai tout d'abord à Charlotte Parmentier-Lecocq en précisant que la loi est globalement méconnue du public mais aussi des soignants, hormis ceux qui travaillent dans les services de réanimation, en gériatrie ou en USP. Bien que la formation des aides-soignants, des infirmiers et des médecins inclue des modules de soins palliatifs, il est nécessaire d'améliorer l'information des personnels soignants concernant leurs droits mais aussi leurs obligations, notamment celle de soulager les douleurs. En effet, certains soignants seront amenés un jour à prendre des décisions sur la fin de vie, en particulier dans le cadre de la discussion collégiale.

Ensuite, la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès n'est pas mal appliquée. Il faut néanmoins rappeler que notre capacité d'analyse en la matière est limitée puisque les résultats des décisions collégiales sont consignés dans les dossiers médicaux, auxquels nous ne pouvons pas accéder.

Sandrine Dogor-Such et d'autres commissaires ont évoqué les sujets financiers. Il est important de comprendre qu'en matière de soins palliatifs, les moyens humains sont cruciaux. En effet, il s'agit d'une médecine au chevet des patients, à qui il faut consacrer du temps pour les écouter, recueillir leurs volontés, s'assurer de leur bien-être et de leur confort afin de proposer des solutions adaptées. Cette médecine, moins performante en termes de progrès techniques, repose sur l'accompagnement et le service. Elle s'oppose au temps rapide et à la tarification à l'acte telle que la T2A l'a mise en place. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'adapter cette T2A et de tracer, dans les budgets hospitaliers, les moyens financiers dédiés au niveau national aux soins palliatifs afin qu'ils soient bel et bien affectés aux USP.

À Thibault Bazin, je répète que la loi Claeys-Leonetti a été conçue pour ceux qui vont mourir dans les jours à venir et dont la souffrance ne peut être apaisée alors que leur maladie est incurable. La question de l'aide active à mourir se posera pour ceux qui veulent mourir, ceux pour lesquels le pronostic va au-delà de quelques jours. Je rappelle que certains pays nous envient le trésor national qu'est cette loi, y compris ceux ayant mis en place l'euthanasie.

Je souligne l'importance d'une culture palliative, qui doit intervenir en amont au moment de la prise en charge des maladies. Ce n'est pas lorsque l'on arrive à la fin du traitement que l'on passe le relais aux soins palliatifs. Par ailleurs, les lacunes de l'offre des soins palliatifs dans de nombreux territoires sont en contradiction avec les premières lignes de l'article 1er de la loi. Nous devons nous attacher à couvrir l'ensemble du territoire.

Frédéric Valletoux a évoqué avec justesse la question de l'évaluation. Lorsque la loi initiale ne prévoit pas d'indicateurs précis, il est difficile de procéder ensuite. Si nous voulons évaluer le rapport entre l'offre et la demande, il faut intégrer ces indicateurs dans la loi ou dans des décrets. Comme le président Olivier Falorni l'a souligné dans son intervention liminaire, aucune évaluation n'était intervenue sept ans après la promulgation de la loi alors même que son article 14 prévoyait un rapport annuel.

De notre côté, nous avons été raisonnables : nous avons considéré un rapport tous les deux ans suffisant. Mais ce travail doit impérativement être fait. De plus, il importe de déterminer les indicateurs retenus. L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait émis des recommandations en ce sens, que nous pourrions étudier. Par ailleurs, les questions financières et la notion d'égalité territoriale sont essentielles.

Enfin, certains ont évoqué l'accompagnement éthique face à la mort. Mais nous ne sommes pas là pour parler de la mort dans sa dimension métaphysique. En revanche, il faut parler de la vie, en soins palliatifs ou dans nos travaux de législateurs. Je pense que l'entrée en soins palliatifs peut être abordée comme une nouvelle étape de la vie, quand bien même il s'agit de la dernière.

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Un grand nombre des interventions ont évoqué la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. C'est fort logique dans la mesure où elle constitue la grande nouveauté de la loi. En réalité, la loi Leonetti de 2005 avait déjà intégré les directives anticipées et la personne de confiance. Elle avait aussi affirmé le refus de l'obstination déraisonnable et l'accès aux soins palliatifs pour tous.

La nouveauté de 2016 correspondait à la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès, qui pouvait être parfois pratiquée en complément des sédations proportionnées. Cette question est au cœur des enjeux car la procédure est source d'interrogations. Nous n'avons pas accès à certains chiffres. En effet, nous sommes incapables de déterminer combien de sédations profondes et continues maintenues jusqu'au décès sont pratiquées parce que cet acte n'est pas codifié. Nous travaillons sur la base d'éléments déclaratifs qui dessinent une tendance : cette sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès serait très peu répandue. Deux raisons ont été fournies pour l'expliquer. Elles recouvrent en partie les deux analyses de la loi : il s'agirait d'un « trésor national » selon le docteur Claire Fourcade ; le professeur Martine Lombard estime la loi inappliquée car inapplicable.

Pour certains soignants, la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès n'est pas forcément utile car les sédations proportionnées suffisent dans la majorité des cas. Je rappelle néanmoins que Jean Leonetti avait indiqué que « 12 % des malades hurlaient de douleur dans les hôpitaux parisiens ». Nous avons d'ailleurs repris cette formule dans le rapport.

Pour d'autres, la sédation n'est pas utilisée car elle pose un certain nombre de problèmes, dont celui de l'intentionnalité, c'est-à-dire cette limite ténue entre l'aide active à mourir et la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. Comme son nom l'indique, elle a vocation à être irréversible : le patient sédaté ne doit pas se réveiller. Or, c'est parfois arrivé selon les témoignages de soignants.

En outre, la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès est quasiment impossible à domicile alors même que ce droit est inscrit dans la loi Claeys-Leonetti. La question de la maîtrise du temps est également source d'inquiétude pour les soignants : lorsque l'on plonge un patient dans la sédation profonde et continue, on ignore combien de temps cela va durer. Nous avons recueilli le témoignage d'un réanimateur en néonatalogie qui avait plongé un nourrisson en sédation profonde et continue... Celle-ci avait duré plus longtemps qu'il ne l'avait prévu.

Par ailleurs, la loi elle-même impose une limitation de l'accès à la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès : elle ne doit intervenir que si le pronostic est engagé à court terme, c'est-à-dire après quelques heures ou quelques jours. Deux évaluations – qui n'étaient pas le fait de parlementaires – ont été conduites en 2018, de manière trop précoce. L'Igas prônait la codification de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès, qui n'est toujours pas advenue. Le Conseil d'État, qui n'a pas l'habitude d'exprimer un jugement éthique, avait évoqué « ce malade qui n'en finit pas de mourir ».

Nous nous interrogeons sur le non-recours à ce dispositif, qui peut être interprété de deux manières. Nous ne nous positionnons pas. Mais j'ai un avis personnel sur la question.

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Ce rapport arrive à un moment où le débat sur la fin de vie ne fait que commencer. Nous sommes interpellés par un certain nombre de Français à ce sujet. Par ailleurs, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France sera examinée dans quelques jours en commission. Votre rapport aborde la nécessité de mieux faire connaître les directives anticipées et le dispositif de la personne de confiance.

En effet, tout citoyen peut désigner une personne de confiance qui sera consultée au cas où lui-même ne serait pas en état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Les pouvoirs publics ont tenté de faciliter cette désignation en impliquant davantage le médecin traitant qui est, en pratique, l'interlocuteur médical le plus proche du patient. La loi du 2 février 2016 dispose : « dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s'assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l'invite à procéder à une telle désignation ». Comment accompagner les médecins traitants pour qu'ils se saisissent de cette prérogative ? Pourrait-elle être élargie à l'information sur les directives anticipées ?

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En tant que membre de la mission, je remercie chaleureusement le président et les deux rapporteurs pour la qualité de leur travail.

Concernant l'évaluation, la loi Claeys-Leonetti a permis de valider des principes, qu'il s'agisse de la fin de l'obstination déraisonnable, des directives anticipées, de la personne de confiance ou de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. En revanche, son application laisse à désirer qu'il s'agisse de l'information des patients – mais ont-ils envie de s'occuper de leur mort ? – ou des professionnels, ce qui est plus gênant. Il demeure également une ambiguïté sur la rédaction des directives anticipées et la désignation de la personne de confiance. Enfin, les manques de moyens logistiques, financiers et humains entraînent une perte de chance pour les patients et une gêne pour les soignants. Ils conditionnent largement la perception de la loi et suscitent même une certaine confusion.

Le point central de la sédation pourrait se résumer aux questions du qui, du quand et du comment. En l'occurrence, le véritable triptyque est plutôt quand, qui et comment. Pour le « quand », dans les délais brefs où de telles situations surviennent, ce sont les soignants qui accompagnent leurs patients dans la continuité compassionnelle. Le « comment » concerne la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. Il faudra qu'elle soit précisée dans les décrets, pour être la moins longue possible et pour faire sortir l'alimentation et l'hydratation de la notion de soins.

Si elle intervient dans des délais retardés comme c'est parfois le cas pour certaines maladies neurologiques ou oncologiques, il est nécessaire de souligner l'existence d'enjeux sociétaux ainsi qu'un risque de pénalisation d'acteurs qui sont précisément dépénalisés par la loi Claeys-Leonetti. Il faut impérativement conserver cette loi en l'état et ouvrir un texte totalement différent à la discussion.

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J'adresse mes remerciements à tous les membres de cette mission à laquelle j'ai participé. Nous en sommes au cinquième plan sur les soins palliatifs. J'aimerais que nous évitions de reproduire certaines erreurs. Nous sommes également dans l'attente d'une loi grand âge efficace pour accompagner dignement nos seniors. Je crois que cela peut être complémentaire.

La culture palliative doit être développée dans l'ensemble des cursus de soignants, afin qu'elle devienne aussi naturelle que les traitements curatifs. La culture palliative doit être présente à toutes les étapes des traitements et dans une approche complémentaire aux traitements curatifs. Je ne reviendrai pas sur la rémunération de la T2A dans les établissements, puisque d'autres l'ont déjà évoquée. Je m'interroge sur le développement, dans les contrats locaux de santé (CLS) et dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), de fiches action de coordination des soins palliatifs au plus près des territoires.

Il faudrait également réfléchir à la simplification administrative dans le processus d'évaluation du groupe iso-ressources (Gir) d'une personne en fin de vie. Les auditions ont mis en évidence certaines situations où une équipe médico-sociale évalue le Gir d'une personne en fin de vie alors que cette démarche est à la fois difficile à vivre pour les proches et totalement inutile dans le parcours de soins. Nous médicalisons beaucoup la naissance ; il faut veiller à ne pas hypermédicaliser la mort pour mieux la maîtriser.

Enfin, il serait important de parler des directives anticipées et de la personne de confiance avec les proches et les soignants, pour une fin de vie la plus digne possible. Cette loi mérite d'être mieux connue.

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En préambule, je souhaite rappeler que la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France, dont je compte parmi les auteurs, n'a rien à voir avec la fin de vie. C'est tout le contraire ! Les soins palliatifs peuvent bénéficier à des personnes jeunes.

Nous avons constaté que les directives anticipées étaient rarissimes en pratique pour les raisons évoquées par Didier Martin. Nous aurions pu anticiper cet écueil dès 2016. Par ailleurs, je ne vois pas comment la volonté du patient s'exprime aujourd'hui dans les possibilités de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. J'ai entendu qu'elle était peu mobilisée et surtout que cette pratique n'était pas répertoriée, ce qui pose une difficulté pour l'évaluation.

Je m'adresse à présent aux médecins : existe-t-il une grande différence au niveau des produits utilisés entre la sédation médicamenteuse légère et temporaire et la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès ? S'agit-il des mêmes produits à des dosages différents ? Si tel était le cas, la question de l'ajustement du curseur se poserait et j'imagine que cette adaptation dépendrait essentiellement du médecin. Or, un malade en sédation légère et temporaire est déjà en sédation. Dès lors, comment pourrait-il faire valoir sa volonté d'être plongé en sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès ? La législation actuelle ne permet pas de répondre à ce cas de figure et il convient d'apporter une réponse.

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La loi Claeys-Leonetti, adoptée à l'unanimité des votants, est le fruit d'un très large consensus. Votre rapport établit trois constats. En premier lieu, l'accès aux soins palliatifs est insatisfaisant, notamment dans les Ehpad. Les disparités sont fortes : deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n'y ont pas accès, ce qui est inacceptable. En outre, les dispositifs des directives anticipées et de désignation d'une personne de confiance sont peu utilisés. Enfin, la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès est également très peu utilisée et difficile à mettre en place par manque de moyens.

La loi Claeys-Leonetti a indéniablement constitué une avancée forte pour les patients et les soignants, en améliorant les conditions de prise en charge en fin de vie. Malheureusement, elle est insuffisamment déployée. Aujourd'hui, l'Assemblée nationale doit en faire une priorité, et notre commission des affaires sociales au premier rang. Nous devons prendre des engagements pour que les prochaines lois de financement de la sécurité sociale dotent toutes les structures des moyens nécessaires pour appliquer ce droit à une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance.

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Je me permets d'indiquer que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 comprenait une enveloppe de 500 millions d'euros pour améliorer les soins palliatifs, même si je suis consciente que nous devons aller plus loin.

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Je salue à mon tour le travail accompli par la mission d'évaluation. Je m'interroge sur l'acceptabilité de la décision que nous serons conduits à prendre sur un sujet si clivant. Que pensez-vous de l'exercice de démocratie participative mené par la convention citoyenne sous l'égide du Conseil économique, social et environnemental ? Avez-vous pris connaissance de leurs soixante-sept propositions ? Rejoignent-elles les vôtres ?

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Je remercie à mon tour les rapporteurs et je suis fière d'avoir participé aux travaux de cette mission. L'enveloppe de 500 millions d'euros a effectivement été votée comme l'indiquait à l'instant la présidente de la commission, mais Jean Leonetti avait fait remarquer que, bien souvent, malgré ces fléchages, les soins palliatifs devaient s'effacer devant d'autres priorités, notamment celles accordées aux urgences et aux soins pédiatriques. Il est nécessaire d'améliorer les instructions du ministre aux agences régionales de santé sur l'allocation de ces enveloppes.

Une des recommandations concerne la sédation adaptée en fonction de la situation des patients. Vous avez posé la difficile question de l'intentionnalité qui constitue parfois un obstacle pour les soignants. À cet égard, faut-il, dans le cadre de la loi, renforcer les protections juridiques des soignants pour les conforter sur cette question et leur donner la capacité d'adapter la sédation en fonction du patient dans le but d'éviter des situations difficiles pour tout le monde ?

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Je tiens également à remercier nos collègues, qui ont posé les bases de la réflexion qui nous attend désormais. Ma question a trait aux soins palliatifs. Nous savons que nous devons aborder ce débat sur la fin de vie et l'aide active à mourir avec de grandes précautions et dans le respect mutuel, compte tenu de la sensibilité du sujet et des convictions de chacun. Ce sujet fait appel à des considérations morales, éthiques ou religieuses. Toutefois, cette approche précautionneuse ne doit pas nous conduire à opposer les soins palliatifs, objet de votre rapport, et l'aide active à mourir, sur laquelle nous devons nous pencher. Pouvez-vous nous donner votre appréciation sur le lien entre ces deux objectifs ? Plus précisément, l'insuffisance de soins palliatifs pourrait-elle motiver un recours à l'aide à mourir ? Il s'agit d'une critique fréquente. À l'inverse, l'aide active à mourir ne serait-elle pas un levier du développement des soins palliatifs, ne serait-ce que pour éviter d'installer l'idée que cette aide active viendrait suppléer la supposée insuffisance de soins palliatifs ? Les exemples étrangers peuvent-ils nous éclairer ?

Enfin, une des limites de la loi Claeys-Leonetti tient aux maladies dont l'issue est fatale non à court terme mais à moyen terme. Je pense notamment aux maladies neurologiques. Il faut avant tout nous mettre à la place du patient.

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Je tiens à saluer le travail de la mission d'évaluation, dont le rapport contribue à la qualité du débat. Nous sommes probablement plusieurs à avoir expérimenté la loi Claeys-Leonetti dans notre vie familiale. Ce fut mon cas et je suis donc particulièrement intéressé par le volet concernant les soins palliatifs. Vendredi dernier, j'ai visité une unité à Lille et j'en retire deux points que je soumets à la commission. D'une part, la qualité des soins et de la prise en charge s'est visiblement accrue. D'autre part, le traitement à domicile bénéficie de quelques avancées, toutefois insuffisantes.

Ces dispositifs sont encore largement sous-dimensionnés par rapport aux besoins et méconnus de nos concitoyens. Il me semble prioritaire de développer cette offre et de mieux diffuser l'information. L'Assemblée nationale doit se fonder sur vos travaux pour permettre le recrutement de médecins et revoir les financements. Ces efforts sont prioritaires : renforçons l'existant et donnons-nous les moyens d'appliquer la loi Claeys-Leonetti, qui est à la fois équilibrée et novatrice. Mourir dans la dignité consiste à être accompagné jusqu'au bout, avec attention et respect. Si une société aussi riche que la nôtre n'est pas capable de l'assurer à ses membres, alors tous nos principes seront vains.

À titre personnel, je refuse que des Français mal informés et expérimentant des situations dramatiques autour d'eux déclarent préférer une mort médicalisée par crainte de devenir une charge pour leurs proches, voire d'être abandonnés. Cette remarque d'un citoyen de ma circonscription m'a bouleversé et je nous pense nombreux à l'avoir entendue.

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Je remercie les rapporteurs pour la sincérité de leur rapport. À mon avis, il ne faut pas isoler les soins palliatifs des autres soins. Au contraire, ils sont reliés par un continuum. Par ailleurs, il faut être conscient du fait que, dès que l'on abordera le sujet d'un point de vue législatif, des tensions apparaîtront. Quand nous devrons prendre des décisions, il ne faudra jamais oublier qu'elles concerneront une femme ou un homme qui va mourir et que nous devons aider à mourir dans la dignité, en respectant ses volontés ou les choix de la personne de confiance désignée.

J'ai rencontré des soignants qui m'ont évidemment fait part de leurs difficultés et de leurs besoins en formation. Certains ont exprimé leur volonté d'accompagner jusqu'aux derniers soins les personnes en fin de vie dont elles avaient eu la charge pendant longtemps. Enfin, il faudra prendre en charge les familles, trop souvent écartées des décisions, d'où l'intérêt de faire travailler toutes les parties prenantes en collégialité.

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À mon tour, je salue le travail des rapporteurs et je rends hommage aux soignants qui exercent dans les services de soins palliatifs. Je pense en particulier aux personnels de l'hôpital maritime de Zuydcoote, ma commune de résidence.

Paradoxalement, les soignants et les familles témoignent parfois d'un retour à la vie lorsqu'ils accompagnent un patient en fin de vie. Je me souviens avoir célébré un mariage dans une USP, qui avait suscité une émotion sincère et rare.

Nous sommes d'accord sur les constats : l'accès est insuffisant et l'information manque sur les directives anticipées et la personne de confiance. Malheureusement, la question de la bonne information et de l'accès aux droits est souvent cruciale. Quelle est la bonne méthode pour que nos concitoyens soient mieux au fait de leurs droits et donc mieux guidés dans leurs choix ?

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En premier lieu, je tiens à revenir sur la déclaration rapportée de Jean Leonetti selon laquelle 12 % des malades hurleraient de douleur. Pour ma part, j'ai travaillé en centre hospitalier périphérique, en centre hospitalier universitaire, en radiologie et en centre de lutte contre le cancer. Je n'ai jamais entendu des patients hurler de douleur. Si tel était le cas, nous devrions nous poser de graves questions. J'apprécie cette citation de Jean Leonetti, que nous avons reprise comme une manchette de tabloïd au début de notre rapport, mais elle ne correspond heureusement pas à une réalité. Les cris des patients sont entendus par les soignants et des évaluations de la douleur sont diligentées par l'ensemble du personnel hospitalier. Il convient également d'évoquer d'autres types de douleurs – psychique, morale voire sociétale – qui peuvent elles aussi être traitées par un accompagnement. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas travaillé dans les hôpitaux que décrit cette formule de Jean Leonetti.

Je suis d'accord avec Fanta Berete et d'autres collègues pour souligner le rôle du médecin traitant dans l'élaboration des directives anticipées. Malheureusement, les soignants manquent de temps. Il semble donc important de créer cet espace de verbalisation bienveillante et un mode de communication en parallèle du combat contre la maladie. Ce climat permet de recueillir les directives anticipées par voie orale ou écrite et de se forger une conviction par rapport aux volontés des patients.

Je confirme à Joëlle Mélin que la loi Claeys-Leonetti devrait être conservée en l'état, mais nous y suggérons deux amendements : la rédaction d'un rapport tous les deux ans et l'adaptation de la sédation en fonction des circonstances.

Je partage les propos de Justine Gruet au sujet de la coordination, qui nécessite également du temps et de la bonne volonté. Globalement, les soins palliatifs sont trop hospitalocentrés. Il faut en sortir.

S'agissant de la question de Monique Iborra, je confirme que seule la dose distingue la sédation légère de la sédation profonde. Certes, les effets de certains produits anesthésiques sont radicaux, notamment le Propofol et les curares, dont les injections sont létales. Cependant, les drogues sédatives adaptées comme le Midazolam voient leurs effets différer selon les quantités. L'allègement des doses permet d'évaluer le niveau de douleur et l'état de conscience du patient. Il s'agit d'une pratique délicate mais, une fois encore, il existe plusieurs types de sédation.

Je suis d'accord avec Didier Le Gac au sujet de la démocratie participative. Comme l'a indiqué Agnès Firmin Le Bodo, en matière de fin de vie, il faut allier humilité et humanité. Il importe de mener ce débat sociétal de manière démocratique car il nous oriente sur la reconnaissance de certaines libertés et volontés individuelles, mais également sur notre devoir de solidarité – un des grands principes de notre système de santé.

Je me suis déjà exprimé sur les moyens financiers et je considère qu'une enveloppe de 500 millions d'euros n'est pas négligeable.

Je ne souhaite pas ouvrir le débat sur la question de l'intentionnalité. C'est la raison pour laquelle ma proposition d'amendement porte seulement sur la sédation profonde, continue et adaptée. Il me semble important que la loi comporte des creux ou des vides. Il faut laisser la place à l'adaptation et à la décision collégiale sans préciser l'intentionnalité de donner la mort, qui relève d'un registre plus juridique.

Éric Alauzet a évoqué les maladies neurologiques et la question de la temporalité à court et moyen terme. Je suis assez affirmatif en la matière : la loi Claeys-Leonetti concerne les outils, les moyens et les obligations pour le court et le très court terme. À mon sens, les maladies dont l'issue est fatale à trois ou six mois n'entrent pas dans le champ de la loi. Enfin, l'insuffisance en matière de soins palliatifs ne doit pas conduire à proposer un texte sur l'aide active à mourir. Il faut absolument renforcer les moyens attribués aux soins palliatifs.

Pour répondre à Matthieu Marchio, les défauts des campagnes d'information à destination du grand public sont connus : elles coûtent cher et leurs effets sont temporaires. Pour ma part, je mise sur la relation de proximité avec le médecin traitant et l'infirmier, dont il faut valoriser le temps au chevet des patients. Lorsque nous avons interrogé Hermann Mbongo, infirmier libéral dans le sud de l'Essonne, il nous a clairement indiqué que le temps « soignant » devait être pris en compte et rémunéré plus justement, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un paiement à l'acte. Il faudra prévoir une cotation adaptée et sortir des schémas actuels.

Je remercie Jean-François Rousset d'avoir évoqué la famille et le continuum entre la démarche curative et la démarche palliative. J'ai également apprécié les propos de Paul Christophe lorsqu'il a évoqué la célébration d'un mariage dans une USP puisque j'ai moi-même fait cette expérience. Il est très difficile de parler de la mort mais il est possible de parler de la vie, et donc de l'amour et de la tendresse, même deux jours avant un décès.

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De nombreuses questions ont porté sur l'investissement des médecins traitants dans le choix de la personne de confiance et dans les discussions anticipées. Malheureusement, ils expliquent devoir refuser la nouvelle patientèle : leur temps de consultation est de plus en plus contraint, ce qui les empêche d'agir toujours comme ils le souhaiteraient.

Ensuite, je dirais à Joëlle Mélin qu'il est impossible de considérer une sédation moins longue compte tenu des incertitudes sur la survenue exacte de la mort. Chacun espère que ce moment sera le plus court possible, mais certains corps résistent plus que d'autres.

Justine Gruet a évoqué la nécessité d'établir une culture palliative complémentaire à la culture curative. Le jour où les médecins seront formés à soigner, et non plus à guérir, nous aurons franchi un grand pas. En effet, la mort n'est pas un échec. Nous mourrons tous un jour, mais autant que ce soit dans les meilleures conditions.

Je remercie Monique Iborra d'avoir distingué la question du grand âge et celle de la mort. On meurt à tout âge. Pour ma part, j'ai été traumatisée par le témoignage d'un réanimateur sur le cas d'un nourrisson. Je ne peux que suggérer à chacun de ne pas attendre d'être malade pour engager la rédaction de ses directives anticipées, d'autant qu'elles peuvent être modifiées à l'envi. J'ajoute que la demande d'une sédation temporaire émane parfois des patients eux-mêmes, qui souhaitent être conscients lorsque leurs proches arriveront.

Concernant la remarque de Didier Le Gac sur les propositions de la convention citoyenne, j'espère que les législateurs les reprendront à leur compte. Dans le cas contraire, nous risquerions de créer une défiance dans la population analogue à celle qui avait suivi la convention citoyenne pour le climat, dont la plupart des propositions n'avaient pas été retenues. Nous lirons avec attention les conclusions de la convention.

Pour répondre à Éric Alauzet, je ne pense pas que l'insuffisance de soins palliatifs motivera un recours à l'aide active à mourir. Il ne faut pas opposer un texte qui traite des personnes qui vont mourir dans quelques heures à un texte qui s'intéresserait aux personnes qui expriment la volonté de mourir.

Enfin, pour répondre à Paul Christophe, la définition d'une méthode efficace pour communiquer auprès des citoyens procède d'une responsabilité collective : retroussons-nous les manches et changeons la vision de la société vis-à-vis de la mort.

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En guise de conclusion, je reviendrai sur quatre points. Tout d'abord, il n'est pas normal de confondre fin de vie et grand âge : la vieillesse n'est pas une maladie et malheureusement, on peut être malade à tout âge. Pour notre part, nous parlons de gens malades, dont le pronostic est irréversible.

Ensuite, la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès pose un problème juridique sur lequel le Conseil constitutionnel s'est prononcé. En effet, la loi énonce le caractère contraignant des directives anticipées. Cependant, elles ne sont pas opposables : des médecins peuvent estimer ces directives inappropriées, dans un sens comme dans l'autre. Certains peuvent estimer nécessaire la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès alors que le malade a indiqué dans ses directives anticipées qu'il voulait vivre jusqu'au bout. Cette situation s'est déjà produite, le collège médical considérant que ne pas plonger le patient dans une sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès constituait une obstination déraisonnable. En l'espèce, le Conseil constitutionnel a confirmé la décision des médecins malgré la demande du malade.

Quand le Président de la République a annoncé la tenue d'une convention citoyenne sur la fin de vie, j'étais sceptique. En effet, une convention oblige, et plus encore dans le contexte actuel où les Français expriment la volonté d'être écoutés. Mais je dois avouer que mon scepticisme s'est totalement dissipé, non pas sur les résultats – puisqu'ils ne seront connus que dimanche, – mais sur la manière dont les travaux ont été conduits. Ils ont été remarquables. Contrairement à ce que je pensais, cette convention citoyenne est particulièrement utile. À titre personnel, j'espère que le Président de la République l'entendra. La Première ministre avait posé une question claire et nous aurons la réponse dimanche. Je pense que ces travaux représentent une occasion bienvenue d'articuler la démocratie participative et la démocratie parlementaire.

Enfin, Éric Alauzet a évoqué une opposition potentielle entre les soins palliatifs et l'aide active à mourir. Vous connaissez ma position : selon moi, cette opposition n'a pas lieu d'être. Mais je ne souhaite pas en parler davantage car il ne s'agit pas de l'objet de notre réunion. En revanche, je tiens à vous faire part du constat établi par la ministre Agnès Firmin Le Bodo en audition. Elle s'est déplacée dans de nombreux pays et elle a pu constater que, nulle part où l'aide active à mourir avait été instaurée, une baisse du nombre de lits en soins palliatifs n'avait été mesurée. Au contraire, c'est l'inverse qui s'est produit. Il s'agit d'un constat chiffré, quantitatif et incontestable. Chacun en tirera ses conclusions.

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Il me reste à féliciter les rapporteurs, le président ainsi que les membres de la mission. Je salue également la sérénité avec laquelle nos débats se sont déroulés.

En application des dispositions de l'article 145, alinéa 7, du Règlement, la commission autorise la publication du rapport de la mission d'évaluation.

La séance est levée à onze heures trente.

Présences en réunion

Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Bénédicte Auzanot, M. Thibault Bazin, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Sébastien Peytavie, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry

Excusés. – M. Joël Aviragnet, M. Elie Califer, M. Jérôme Guedj, M. Philippe Naillet, M. Yannick Neuder, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Olivier Serva, Mme Isabelle Valentin, M. Alexandre Vincendet

Assistaient également à la réunion. – Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Arthur Delaporte, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Élise Leboucher, Mme Élisa Martin, M. Laurent Panifous, Mme Lisette Pollet