Le rapport que nous vous proposons est composé de trois grandes parties : l'accès aux soins palliatifs ; les directives anticipées et la personne de confiance ; la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès.
Je concentrerai mon propos sur l'accès aux soins palliatifs qui est au cœur de la loi Claeys-Leonetti et, de façon plus générale, des lois sur la fin de vie. Les soins palliatifs sont apparus en France dans les années 1980 et ont été développés dans le cadre de cinq plans nationaux dont le dernier a été lancé en 2021. Consacré par le législateur en 1999, le droit d'accéder aux soins palliatifs a été réaffirmé par la loi Claeys-Leonetti : selon son article premier, les malades ont le droit d'avoir une « fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ». Fin 2021, la France disposait de 7 546 lits hospitaliers en soins palliatifs, dont 1 980 lits en unité de soins palliatifs (LUSP) répartis dans 171 USP et 5 566 lits identifiés de soins palliatifs (LISP) situés dans 904 établissements. On comptait 420 équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP).
La cartographie des soins palliatifs est marquée par des disparités territoriales : vingt et un départements ne disposaient pas d'USP fin 2021. Ce constat questionne l'effectivité de l'accès aux soins palliatifs. Nombreuses ont été les personnes auditionnées à indiquer que deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n'y avaient pas accès. En l'absence de données robustes, la mission n'a pas été en mesure d'évaluer précisément l'écart entre l'offre et les besoins. Nous recommandons de mesurer précisément ces besoins afin d'objectiver la situation.
En revanche, compte tenu de l'évolution de la démographie française, il est indispensable de continuer à développer massivement les soins palliatifs afin que les droits des malades prévus par la loi soient pleinement garantis partout sur le territoire national. Cela suppose de rendre plus attractive cette filière, affectée par la pénurie de soignants. Il manque aujourd'hui plus de cent médecins dans les structures existantes et il faudrait former au moins trois cents médecins en soins palliatifs dans les quatre années à venir pour renouveler les équipes actuelles, puisqu'un cinquième des praticiens en poste devraient prendre leur retraite d'ici cinq ans. Il y a urgence.
À titre d'exemple, à l'USP de Juvisy, qui dispose de dix lits, un des deux postes de praticien hospitalier est vacant depuis 2018. La seule médecin présente exerce à temps partiel. Nous proposons de lancer une campagne de recrutement et de valorisation des métiers du secteur. La pénurie de médecins ne doit pas masquer l'ampleur des manques, puisque c'est bien l'ensemble du système de santé qui est actuellement sous tension. Mais je crois que je ne vous apprends rien ici.
Cette situation complique l'accès aux soins palliatifs à domicile tout particulièrement, y compris en établissement médico-social, dans un contexte d'évolution de l'offre avec la disparition des réseaux de soins palliatifs. Bien que plébiscité par les Français, le maintien à domicile peut s'avérer compliqué au regard des implications d'une prise en charge palliative, en particulier pour les proches aidants. Dans les Ehpad, les équipes ne sont pas toujours en mesure de faire face aux situations de fin de vie. Lors de son audition, le professeur Régis Aubry nous a ainsi indiqué que 1 500 résidents d'Ehpad sont transférés à l'hôpital chaque année et meurent dans un délai de deux heures suivant leur arrivée.
Il est aussi apparu que les modalités de financement du système de santé sont peu adaptées à la qualité de la prise en charge palliative, que ce soit en ville ou à l'hôpital. La tarification à l'activité (T2A) valorise mal les soins palliatifs, qui reposent moins sur des actes techniques que sur un accompagnement humain. Pire, la T2A peut favoriser des pratiques conduisant à de l'obstination déraisonnable dans les services curatifs alors même que les soins palliatifs apporteraient une meilleure réponse aux besoins des malades. Il faut revoir le modèle de financement en remettant en cause le modèle de la T2A et en faisant évoluer le financement des soins palliatifs hospitaliers vers un modèle mixte alliant une part forfaitaire et une part liée à l'activité. Il faut également assurer la traçabilité des moyens financiers alloués aux soins palliatifs au sein des établissements hospitaliers et élargir la prise en charge des consultations à domicile pour faciliter les consultations longues d'accompagnement palliatif, et permettre à des professionnels comme les ergothérapeutes ou les psychologues d'intervenir facilement à domicile.
Par ailleurs, la mort est souvent envisagée sous l'angle de l'échec thérapeutique et les soins palliatifs sont relégués à la gestion de la mort, alors que les prises en charge curative et palliative doivent être menées conjointement. Une forte étanchéité perdure entre soins curatifs et palliatifs. Une telle situation nuit à la qualité de la prise en charge des patients, transférés parfois tardivement en soins palliatifs.
Il est essentiel de sensibiliser les soignants aux soins palliatifs. Nous souhaitons que soient généralisées les formations à la fin de vie et à l'approche palliative pendant les études et pendant la carrière. Il conviendrait également de développer la filière palliative comme discipline autonome en créant un diplôme d'études spécialisées de médecine palliative et en explorant la possibilité d'une spécialité d'infirmier en soins palliatifs. En définitive, c'est toute la culture médicale qui doit évoluer et intégrer la dimension palliative au cours du parcours de soins du malade, sans attendre nécessairement la fin de vie.
Voilà ce que je pouvais dire sur les principaux constats que nous avons établis s'agissant de l'accès aux soins palliatifs.