C'est une conclusion politicienne, à laquelle je ne répondrai pas.
Pour répondre à M. Delaporte, au moment où les troubles se sont déclenchés, la Nouvelle-Calédonie était déjà le territoire le plus couvert par les forces de l'ordre, avec 1 700 policiers et gendarmes. Compte tenu de l'éloignement de l'Hexagone, il était difficile d'envoyer d'autres renforts que ceux qui étaient déjà sur place ; c'est ce qui a été fait en matière sanitaire, avec des renforts venus de Polynésie française. Il était matériellement impossible de se passer de l'état d'urgence pour rétablir l'ordre dans un contexte de troubles armés – légitimes ou non, c'est une question politique. La confiscation des armes en circulation en Nouvelle-Calédonie, bien que permise par l'état d'urgence, était irréaliste : l'État a donc pris le parti de cibler les personnes à l'origine des troubles, c'est-à-dire la CCAT. Elle était à l'initiative de la phase 2,5 qui a mobilisé l'opposition contre la réforme institutionnelle par des troubles graves à l'ordre public.
Était-il possible de recourir à d'autres mesures que l'état d'urgence, immédiatement après le déclenchement des troubles ? Je pense que non. Toutes les mesures prises ont-elles été utiles ? La réponse est non, puisque certaines mesures administratives n'ont pas été appliquées. A-t-il été fait un usage nécessaire et proportionné de ces mesures ? La réponse est oui : le nombre d'arrêtés – trois mesures réglementaires à portée générale et moins de soixante mesures individuelles – indique un calibrage de la part de l'État. Ont-elles visé en priorité les indépendantistes ? Oui, car la phase 2,5 a été déclenchée par une partie – pas tous – des indépendantistes proches de la CCAT, et c'était la volonté de l'État que de cibler sur ces personnes les arrêtés d'assignation à résidence et les perquisitions administratives.
La CCAT est bien une branche armée : elle revendique un contexte insurrectionnel, c'est-à-dire une phase de la contestation politique qui l'a conduite à prendre les armes. Son représentant, M. Tein, a-t-il été reçu par le Président de la République ? Oui. Fallait-il le faire ? C'était au Président de la République, qui a souhaité réunir tous les acteurs, d'en décider. En tout état de cause, plusieurs personnes ayant fait l'objet de mesures d'assignation à résidence avaient commis des délits de droit commun parfois extrêmement graves – des assassinats – et, même si leur casier judiciaire remontait dans certains cas à vingt ans, un faisceau d'indices concourait à laisser penser qu'ils étaient dangereux, mobilisés et qu'ils allaient passer à l'acte.
Les procédures administratives – réquisitions d'ordinateurs – et judiciaires suivent leur cours. Sept morts sont officiellement recensées ; pour le reste, nous n'avons pas de chiffres. Les faits seront traités par la justice judiciaire, qui continue de fonctionner de façon courante.
Les raisons pour lesquelles l'état d'urgence n'a pas permis de désarmer tout le monde sont évidentes. Les revendications de certains groupes ont largement excédé la tolérance existant dans le droit commun en matière d'usage des armes et de protection des biens et des personnes, du fait de la peur provoquée par le contexte insurrectionnel. Le couvre-feu a également été décrété, lequel a permis de rétablir en partie l'ordre public en interdisant à toute personne de circuler entre dix-huit heures et six heures du matin ; je suis bien conscient qu'il s'agit d'un decrescendo, et non d'un retour à la normale.
Nous n'avons pas consulté la Défenseure des droits, qui sera auditionnée le 26 juin par notre Commission, ni la CNCDH, car le contrôle portait uniquement sur le caractère justifié et nécessaire des mesures administratives prises dans le cadre de l'état d'urgence. Pour ce qui est du Conseil d'État, bien que le rapporteur ait indiqué que les personnes ayant fait l'objet de mesures individuelles avaient tiré les conséquences du fait que la jurisprudence administrative rejetait systématiquement les recours, les personnes incriminées ont eu la possibilité de contester les décisions prises ; en témoigne la contestation du blocage de TikTok.
Pour répondre à M. Acquaviva, d'après ce que les locaux ont publié sur les réseaux sociaux – je ne tiens pas ces informations du ministère de l'Intérieur –, il est évident que tout le monde, indépendantistes comme loyalistes, a gravement enfreint les règles dans une logique d'escalade intolérable. Je ne saurais juger les excès commis, mais toutes les infractions de droit commun ont vocation à être sanctionnées par les tribunaux.
Aucune personne n'a été transférée dans l'Hexagone car l'aéroport était fermé. Il n'a servi qu'à la réception de marchandises, à l'accueil de la délégation du Président de la République et au rapatriement de quelques personnes – forces de l'ordre, équipes sanitaires et parlementaires. Il doit rouvrir dans les prochains jours.
Je ne crois pas que l'état d'urgence ait eu une incidence particulière sur la perception de l'État sur place. Il n'a pas créé de contexte politique nouveau, puisque l'État était déjà dans une logique de discussion avec les différentes parties. Tel est le retour qui nous a été fait.