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Intervention de David Valence

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Valence :

Disons-le d'emblée, le groupe Renaissance se félicite de l'examen de cette proposition de loi, qui résulte d'une initiative du sénateur socialiste Hussein Bourgi. Pourtant, ce texte n'a recueilli l'assentiment de la chambre haute qu'au prix d'une sévère amputation. Notre groupe souhaite revenir à une version plus ambitieuse, et donc plus proche du texte initial.

De quoi s'agit-il ? De reconnaître le préjudice subi par les personnes homosexuelles en France jusqu'en 1982. Ce préjudice résultait d'une définition différenciée de la majorité sexuelle pour les homosexuels – et donc discriminatoire – ainsi que du fait que l'outrage public à la pudeur était assorti d'une circonstance aggravante quand il s'agissait de relations homosexuelles. En vertu de ces deux dispositions discriminatoires, des milliers d'homosexuels ont été humiliés, arrêtés, condamnés et emprisonnés en France jusqu'en 1982. Qu'il me soit permis de rendre hommage au sénateur radical Henri Caillavet, qui, en 1972, fut le premier à déposer une proposition de loi pour abroger ces circonstances discriminatoires, ainsi que, bien entendu, au garde des sceaux Robert Badinter, qui lutta contre cette législation, issue à la fois du régime de Vichy et du sous-amendement Mirguet de juillet 1960, et en obtint l'abrogation.

Nos débats porteront ce matin sur les trois points principaux sur lesquels le texte déposé par Hussein Bourgi et la version issue des débats du Sénat diffèrent.

En ce qui concerne la création d'un délit spécifique de négation ou de minoration outrancière du phénomène de déportation des homosexuels pendant la Seconde guerre mondiale, le groupe Renaissance partage l'analyse du rapporteur du Sénat. Ce délit spécifique nous semble déjà couvert par l'article 24 bis de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. On ne peut pas mettre sur le même plan des crimes contre l'humanité, par définition imprescriptibles, et la délictualisation de l'homosexualité de 1945 à 1982.

En revanche, la définition discriminatoire de la majorité sexuelle a bien été introduite par le régime de Vichy dans la loi du 6 août 1942. Cette législation a été confirmée à la Libération par l'ordonnance du 8 février 1945 et elle est restée en vigueur jusqu'à l'amnistie du 4 août 1981. Il n'y a donc aucune raison d'exclure du champ de la loi les amendes et les peines d'emprisonnement prononcées sous Vichy.

Quant à savoir si la République doit ou non endosser la responsabilité des décisions ou de la réglementation du régime de Vichy, je préfère ne pas rouvrir le débat. Je propose un amendement de réécriture de l'article 1er qui prévoit que la Nation reconnaît sa responsabilité de manière rétroactive – Nation dont l'essence est, pour paraphraser Ernest Renan, que tous ses membres aient oublié bien des choses mais qu'ils puissent cultiver ce qu'ils ont en commun, et notamment le principe cardinal d'égalité des droits, sans distinction fondée sur le sexe ou sur l'orientation sexuelle.

Enfin, l'argumentation développée au Sénat pour s'opposer au principe de réparation financière, auquel le groupe Renaissance est attaché, est discutable. L'une des conditions de l'indemnisation des dommages causés par une loi suppose précisément que le législateur n'ait pas entendu exclure toute indemnisation. Il faut donc prévoir explicitement cette dernière dans la loi. La reconnaissance symbolique est importante, mais ne suffit pas. C'est d'ailleurs la position qu'avait adoptée en août 2022 la Première ministre Élisabeth Borne dans une interview donnée au magazine Têtu. Un régime de réparation pécuniaire suppose de créer un régime de responsabilité de l'État, du fait des lois dérogatoires à la jurisprudence du Conseil d'État – en particulier s'agissant de la prescription quadriennale. Par cohérence, le groupe Renaissance soutiendra également le rétablissement de la commission chargée de statuer sur les demandes de réparations financières.

Nous souhaitons donc rétablir un texte d'une plus grande ambition, correspondant à celle du sénateur Hussein Bourgi, et qui soit susceptible de recueillir par la suite l'assentiment du Sénat.

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