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Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mardi 5 mars 2024 à 21h30
Allongement de l'ordonnance de protection et création de l'ordonnance provisoire de protection immédiate — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Réjouissons-nous aussi de discuter dès aujourd'hui du sujet qui nous occupe ce soir – un débat qui fait suite à l'excellent rapport rendu par notre éminente collègue Émilie Chandler.

Nous le savons, le constat est dramatique, et nous le partageons tous : quatre-vingt-quatorze femmes ont été tuées en 2023 – un nombre certes en diminution de 20 % par rapport à 2022, mais rappelons que cette année avait elle-même connu une augmentation de 15 % du nombre de victimes de violences conjugales par rapport à 2021. Près de la moitié de ces femmes avaient été victimes de violences antérieures de la part de leur compagnon, sans que le bloc police-justice n'ait pu agir – cela doit nous interroger. Sur 100 000 femmes victimes de violences se faisant chaque année connaître des services de sécurité en déposant au moins une main courante, seuls 19 000 auteurs de ces violences sont condamnés – un chiffre qui doit, lui aussi, nous interroger.

Les violences subies par les femmes constituent l'une des violations des droits humains les plus répandues dans le monde. Viols, féminicides, discriminations, nous rappellent hélas chaque jour la réalité de ce fléau. C'est dans le contexte de cette réalité discriminatoire que nous venons réformer une procédure judiciaire. Le souci de l'efficacité qui nous habite, et qui passe par l'évaluation, au cas par cas, de ces drames, doit guider nos travaux. Mais cela ne suffit pas – et le texte ne prétend d'ailleurs pas suffire : cette lutte doit s'inscrire dans une série d'actions nécessitant des crédits massifs, que vous avez largement commencé à mobiliser, et une compétence partagée.

Je ne reviendrai pas sur les mécanismes législatifs qui ont déjà été précisément décrits. L'allongement de six à douze mois de la durée maximale de l'ordonnance de protection, sans obligation de renouveler la procédure avec de nouvelles convocations au bout de six mois, est une mesure de bon sens, facilitatrice. Elle représente une possibilité, que le juge sera libre de saisir ou non, selon la situation.

En février 2023, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi que j'avais déposée, nous avions unanimement adopté un amendement visant à atténuer le critère du danger, tant son appréciation par le juge civil est délicate. À notre sens, le caractère vraisemblable des violences suffit à fonder une ordonnance de protection demandée au juge des affaires familiales. La ministre Aurore Bergé ne disait d'ailleurs par autre chose, cet après-midi, lors de la séance de questions au Gouvernement, en déclarant que « quand une femme parle, notre première intention est de dire une chose claire et simple : nous vous croyons. Nous vous croyons, et nous vous écoutons. »

Tous les juges que j'ai rencontrés et qui avaient déjà instauré des chambres spécialisées sur ces questions ont confirmé l'analyse du Comité national de l'ordonnance de protection (Cnop) : la notion de danger vraisemblable complexifie la décision à rendre par le juge, qui se refuse à opérer une hiérarchisation dans les violences en distinguant celles qui sont sources de danger de celles qui ne le sont pas. C'est une mission impossible que nous lui confions.

Les violences vraisemblables fondent l'ordonnance de protection demandée par la victime devant le juge. Rappelons qu'il est ici question d'une mesure de protection et non d'une décision de culpabilité. L'enquête vaste et sérieuse relative aux obstacles aux ordonnances de protection, menée par une magistrate et commandée par le Cnop pour nourrir notre réflexion, identifie cette difficulté et conclut à cette nécessité. La présidente du Comité, Ernestine Ronai, à qui l'on doit l'idée du téléphone grave danger, née au tribunal de Bobigny, doit être écoutée et l'amendement que nous avions voté à l'unanimité en février 2023 et qui avait d'ailleurs fait l'objet d'un travail avec le Gouvernement doit être adopté à nouveau, avec votre soutien, monsieur le ministre.

Enfin, la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, délivrée sous vingt-quatre heures, est un outil pragmatique. Les procureurs prennent régulièrement des mesures de protection en mettant le conjoint violent à l'écart, par exemple dans le cadre d'une garde à vue. L'ordonnance de protection sous vingt-quatre heures, à la main du procureur et délivrée par le JAF, a tout son sens.

Au tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône, il manque des juges et les retards accumulés dans les affaires civiles sont considérables.

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