Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Nathalie Oziol

Séance en hémicycle du jeudi 29 février 2024 à 15h00
Réduire et encadrer les frais bancaires sur succession — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Oziol :

Présidente, ministre, collègues, nous discutons aujourd'hui du profit réalisé par les banques sur le dos des morts, plus sobrement appelés « frais bancaires sur succession » dans la proposition de loi. Ces taxes sont librement déterminées par les établissements bancaires. L'absence de règles autorise les banques, par exemple, à fixer des taxes variant du simple au quadruple et des niveaux de frais deux à trois fois supérieurs à ceux pratiqués dans l'Union européenne, et à commettre des abus manifestes, tels que l'application de frais de transfert de compte pouvant atteindre 200 euros pour un compte sur lequel les avoirs n'en dépassent pas 500, lorsque l'héritier n'est pas client de la même banque que le défunt. Cette proposition de loi vise donc à encadrer ces frais.

En plus d'être injustes, ceux-ci sont indécents. Ils sont prélevés sur le compte en banque du défunt, au moment même où la famille ou les ayants droit sont les plus vulnérables. Car lorsqu'on est dans la peine, lors du deuil d'un proche, on n'a pas la tête à contester ou à négocier quoi que ce soit. C'est à ce moment-là que les banques rapaces et leurs actionnaires se gavent sur le dos des défunts et de leur famille.

Entre parenthèses, les frais dont il est question dans cette proposition de loi ne représentent que 2,15 % des 11 milliards d'euros du total des frais prélevés par les banques, qui sanctionnent toujours plus durement les plus précaires. Pour cette raison, à La France insoumise, nous sommes favorables au plafonnement de tous les frais bancaires. Nous avions même déposé une proposition de loi en ce sens en 2020.

Pourquoi ne pas commencer par plafonner les frais de succession ? Nous acceptons cette porte d'entrée pour parler de ce qui n'est pas autre chose qu'un impôt privé prélevé par les banques. Mais comment garantir l'application de la loi ? Le texte actuel prévoit que des décrets d'application seront pris. Or cela revient à donner les clés du camion au Gouvernement. Nous avons compris ce que valent les « demandes » que Bruno Le Maire adresse aux multinationales ou à la finance : pas grand-chose, si ce n'est rien. Pour donner un peu plus de poids aux « demandes » du Gouvernement, les membres du groupe La France insoumise avaient déposé un amendement visant à prévoir que le décret d'application serait pris dans un délai de six mois maximum. Il a été déclaré irrecevable.

Dès lors, pour que cette proposition de loi ne reste pas un vœu pieu, il nous paraît nécessaire qu'elle soit contraignante pour les banques, d'abord en fixant le plafond au-dessous duquel les banques devront respecter la gratuité des frais ; ensuite, en garantissant un taux de prélèvement maximal de 1 %, comme nous le proposons dans un amendement.

Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit qu'aucun frais ne serait appliqué aux comptes dont l'encours est inférieur à 5 000 euros. Or, d'après le rapport de l'UFC-Que choisir du 29 octobre 2021, sur lequel se fonde cette proposition de loi, les quatre premiers déciles de la population, c'est-à-dire les personnes les plus précaires, laissent un héritage inférieur ou égal à 8 000 euros. C'est pourquoi nous voulons relever ce plafond à ce même montant.

Ce relèvement limiterait également les effets de seuil, c'est-à-dire la détermination de tranches d'imposition par les banques, chaque tranche se voyant appliquer un taux adapté – entre 0 et 2 000 euros, puis entre 2 000 et 5 000 euros, et ainsi de suite. Ainsi, Allianz Banque affiche des frais sur succession qui consistent en l'application d'un taux de seulement 0,3 % sur les actifs, mais avec un prélèvement minimum de 450 euros. Ainsi, pour un héritage de 8 000 euros, le taux sera en réalité de 5,6 %, soit près de vingt fois plus que le taux affiché. Autre exemple : Orange Bank – puisque dans le monde libéral, même un fournisseur d'accès à internet peut devenir une banque – applique des frais forfaitaires de 300 euros, ce qui correspond à un taux de 3,75 % pour une succession de 8 000 euros. Ce taux est très élevé, surtout si on le compare à la moyenne des taux pratiqués.

En conclusion, depuis deux ans que les associations de consommateurs alertent sur le scandale immoral des frais de succession, ceux-ci ont encore augmenté de 30 %, notamment à cause de l'inaction du Gouvernement. Nous avons ici l'occasion de fixer des limites à la voracité du capitalisme financier, qui s'approprie l'argent des plus pauvres et des plus démunis, jusqu'après leur mort. Et encore, les clôtures de compte sont gratuites lorsqu'on est vivant. Les banques peuvent bien, à défaut de laisser les vivants tranquilles, à tout le moins épargner le peu que les disparus ont à laisser aux personnes qui restent après elles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.