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Intervention de Hervé Saulignac

Réunion du mardi 21 novembre 2023 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

Monsieur le ministre, il y a un an, vous présentiez un texte, avec le ministre du travail, dans un duo assez bien rodé. Ce texte initial, je dois le confesser, constituait une base de discussion intéressante, s'agissant notamment de l'intégration par le travail, qui demeure, de notre point de vue, le moyen le plus opérant d'accueillir dignement un étranger dans la communauté nationale.

À cet égard, Olivier Dussopt déclarait : « C'est une forme d'absurdité du système. On enferme certains étrangers dans l'inactivité et d'autres dans l'illégalité. » Vous-même, monsieur le ministre, avez enfoncé le clou, en affirmant : « Nous ne donnons peut-être pas assez de titres de séjour aux gens qui travaillent et qu'un certain patronat utilise comme une armée de réserve […] ». Alors, on s'interroge : entre le texte présenté il y a un an et celui qui nous arrive du Sénat, que s'est-il passé ? On devait examiner un texte méchant avec les méchants et gentil avec les gentils, on se retrouve avec un texte méchant avec tout le monde. Ce projet de loi désintègre plus qu'il n'intègre ; il accroît les contraintes et multiplie les motifs de contentieux.

Au fond, on se demande qui est le vrai Gérald Darmanin : celui qui présente un texte en Conseil des ministres, dont on a le sentiment qu'il s'inscrit dans un cadre républicain, ou bien celui qui donne des avis de sagesse coupables au Sénat parce que la fin justifie les moyens ?

Venons-en au fond. À ce stade, le droit des étrangers va poursuivre sa vie en absurdie et dans le royaume de l'hypocrisie. De ce point de vue, la liste est longue. On peut par exemple, dans notre pays, travailler, avoir le devoir de payer des cotisations et ne pas se voir reconnaître de droit en retour. Plusieurs centaines de milliers de travailleurs irréguliers subissent cette situation profondément injuste. Quant à celui qui ne travaille pas, parfois sous le coup d'une OQTF absurde parce qu'inapplicable, il restera soumis à la clandestinité et à une épreuve terrible pendant des années avant que la République ne consente à l'accueillir en son sein.

Par ce texte, vous cédez au mythe de l'appel d'air, selon lequel, si on traite trop bien les populations étrangères qui arrivent sur notre sol, on fera face à une submersion. Au nom de ce mythe, on dégrade l'accueil de ces populations, en pensant que l'on va tarir la source – ce n'est pas la lutte contre les passeurs ou les marchands de sommeil qui changera cette réalité.

Chacun sait que notre politique migratoire n'est ni généreuse, ni ferme : elle est brouillonne, confuse et souvent illisible. La France accueille mal, protège mal, intègre mal et même reconduit mal. Les Français doivent comprendre que ce texte, en l'état, c'est plus de précarité, plus de travail dissimulé, plus de contentieux, plus de gens malades : en un mot, c'est plus de désordre.

Le groupe Socialistes défendra une politique de l'ordre républicain fondée sur des critères d'admission clairs, une véritable politique d'accueil et d'inclusion, notamment par le travail mais aussi par l'éducation, l'enseignement du français comme des valeurs de la République, l'accès à la santé, bien entendu, une répartition organisée et solidaire chez nos voisins européens comme sur le territoire national, ainsi que des moyens pour instruire correctement les droits des étrangers ou protéger les mineurs non accompagnés.

Nous voulons croire qu'il existe une majorité de députés pour faire revenir ce texte dans le champ de la République et de ses principes, en particulier sur la suppression de l'AME, les conditions de maîtrise de la langue française, la terrible franchise de cinq ans introduite par le Sénat pour accéder aux allocations sociales, les quotas ou bien encore la remise en cause du droit du sol. Sachez que le groupe Socialistes, sans idéologie mais non sans idéal, se battra pied à pied sur chacun de ces points et bien d'autres encore, pour ramener le texte dans le champ de la République dont il est malheureusement sorti.

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