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Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mardi 24 octobre 2023 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

On ne peut nier les efforts budgétaires importants qui sont prévus pour 2024, après avoir été inscrits dans la toute récente loi de programmation. Les crédits de paiement de la mission Justice seront ainsi en hausse de 5 %. Cette augmentation est bienvenue, mais il faut examiner plus globalement la politique judiciaire. Elle est problématique, de façon récurrente, sur certains points.

L'administration pénitentiaire demeure le programme le plus lourd financièrement pour le ministère de la justice, mais aussi le plus en souffrance. En dépit des 5 milliards d'euros qui lui sont consacrés, l'administration pénitentiaire doit sans cesse faire face aux mêmes difficultés – surpopulation carcérale quasi ingérable, manque d'attractivité des métiers, et donc manque criant d'effectifs, radicalisation en prison, particulièrement problématique, ou encore politique de l'insertion à redynamiser.

La politique de restauration de la justice menée lors de la précédente législature ne nous semble pas avoir conduit aux résultats souhaités. Notre groupe s'inquiète en particulier des conditions indignes de détention dans certains sites, qui ont déjà valu à la France plusieurs condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme. Le taux d'occupation des places dans les maisons d'arrêt a augmenté de dix points en un an, passant de 131 % à 141 %. En dépit des 15 000 nouvelles places annoncées, nous craignons qu'aucune perspective d'amélioration ne soit ouverte à court terme. Les retards et les difficultés en matière de construction semblent s'accumuler.

La situation est encore plus grave en outre-mer. Les deux sites de la Guadeloupe ont des taux d'occupation de plus de 135 %. À Mayotte, ce taux a dépassé 250 % à la prison de Majicavo. Le garde des sceaux que vous êtes s'était engagé l'année dernière à créer un nouveau centre à Mayotte. Pourriez-vous nous dire où en est ce projet ?

Les moyens allant aux juridictions judiciaires progressent, c'est vrai, et le plan de recrutement de 1 500 magistrats et de 1 800 greffiers a été lancé. Cependant, les juridictions, toutes zones confondues, ont toujours des délais de jugement élevés, notamment en matière civile. Le stock d'affaires accumulé depuis le Covid ne semble toujours pas résorbé, et nous courons désormais le risque d'une aggravation de la fracture territoriale quant au fonctionnement et à l'accès au service public de la justice. Si vous proposez des mesures pour les territoires connaissant des difficultés d'attractivité, certaines juridictions, notamment dans les outre-mer et en Corse, souffrent toujours d'un manque de personnel, qui ne sera pas résolu par des mesures temporaires : nous avons besoin d'effectifs durables.

À cet égard je rappelle les avis exprimés par les bâtonniers, notamment ceux de Corse : pour eux, il s'agit presque d'une régression, et l'Assemblée de Corse partage cette position. Tout porte à croire que les magistrats qui seront affectés temporairement resteront sur le continent : ils exerceront essentiellement par le biais de moyens de communication audiovisuelle. Dans la mesure où ils seront simplement détachés des cours d'appel de Paris ou d'Aix-en-Provence, il y a peu de chances qu'un déplacement en Corse pendant trois mois soit tout simplement possible, car les effectifs sont également comptés dans ces juridictions importantes et encombrées.

L'aide juridictionnelle devrait augmenter de 21 millions d'euros, mais la rétribution des avocats continue à poser question. Le Conseil national des barreaux demande que l'unité de valeur passe de 36 à 42,20 euros hors taxe. Nous souhaitons, par ailleurs, une adaptation du montant dans l'outre-mer et une réduction des délais de paiement – ils sont nettement plus élevés que dans l'Hexagone. À La Réunion, par exemple, ces délais s'élèvent à quatre mois, alors que l'objectif est de trente jours.

Je profite de l'examen de la mission Justice pour rappeler que nous appelons de nos vœux deux réformes, dont la première est une refonte du statut des repentis, pour rendre le dispositif plus incitatif et ainsi pouvoir mieux lutter contre les phénomènes mafieux. Pouvez-vous nous en dire plus sur le texte qui serait en préparation ? Nous plaidons, par ailleurs, pour un renforcement des pouvoirs de l'Agrasc, l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, afin d'améliorer la saisie et la gestion des biens et des sommes confisqués lors de procédures pénales. Jean-Luc Warsmann a déposé, pour notre groupe, une proposition de loi dont nous demandons, une fois encore, l'inscription à l'ordre du jour des prochaines semaines.

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